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08/05/2019 | BELGIQUE | N°P.19.0441.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 08 mai 2019, P.19.0441.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.19.0441.F
I. et II. S. C.,
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Ricardo Bruno, avocat au barreau de Charleroi.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 25 avril 2019 par la cour d'appel de Mons, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brau

were a conclu.



II. LA DÉCISION DE LA COUR

A. Sur le pourvoi formé par déclaration du 26 avril 2019...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.19.0441.F
I. et II. S. C.,
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Ricardo Bruno, avocat au barreau de Charleroi.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 25 avril 2019 par la cour d'appel de Mons, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

A. Sur le pourvoi formé par déclaration du 26 avril 2019 :

Sur le premier moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 22, 23, 4°, et 30 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, et 66, 67, 392 et 393 du Code pénal, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense et de la notion de présomption de l'homme. Le demandeur estime que les juges d'appel n'ont pas répondu à ses conclusions, aux termes desquelles il critiquait les indices sérieux de culpabilité visés au mandat d'arrêt et relatifs au meurtre de L.R..

Ainsi, selon lui, la cour d'appel n'a pas répondu à ses conclusions qui, respectivement, faisaient d'abord valoir que l'un des témoins pensait avoir vu L.R. vivant à un moment où le demandeur ne se trouvait déjà plus en Belgique, et invoquaient des constatations effectuées au domicile du disparu ainsi que des interrogatoires relatifs aux habitudes de la victime supposée et les dires d'une proche, au sujet d'explications contradictoires entourant la disparition.

Le moyen reproche également à l'arrêt de ne pas répondre aux conclusions du demandeur qui, invoquant des éléments de fait contraires, critiquaient les indices sérieux de culpabilité déduits de l'enquête de téléphonie et de la proximité entre L. R., au moment de sa disparition, et trois inculpés, dont le demandeur.

Le moyen reproche encore aux juges d'appel de ne pas avoir répondu aux conclusions du demandeur, selon lesquelles, en raison de sa fragilité psychologique, L. R. aurait pu décider de partir sans en avertir personne.

Le demandeur fait ensuite grief à l'arrêt de ne pas répondre à ses conclusions qui faisaient valoir que les conversations interceptées et enregistrées dans le cadre d'un autre dossier, conversations auxquelles il était partie et relatives à un incident entre L. R. et un ouvrier du demandeur, n'avaient ni la portée ni la gravité que le juge d'instruction entendait leur reconnaître.

Le juge n'est tenu de répondre qu'aux moyens, c'est-à-dire à l'énonciation par une partie d'un fait, d'un acte ou d'un texte d'où, par un raisonnement juridique, cette partie prétend déduire le bien-fondé d'une demande, d'une défense ou d'une exception. Le juge n'est pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation.

Il en est singulièrement ainsi devant les juridictions d'instruction, tenues de décider dans un délai bref s'il y a lieu de maintenir la détention préventive.

L'arrêt énonce, par adoption des motifs du réquisitoire du ministère public, respectivement, que le demandeur et deux coïnculpés, dont son amie, sont les dernières personnes qui ont rencontré L. R. la nuit de sa disparition, que le demandeur et sa compagne ont organisé un voyage vers la Turquie, auquel L. R. aurait dû prendre part et que les précités avaient organisé et financé, et que le demandeur a interrogé L. R. afin de s'assurer qu'il préparait sa valise. Il relève également que ce dernier devait de l'argent au premier et qu'un autre inculpé était chargé de recouvrer cette dette, que des propos menaçants à l'endroit de L.R. ont été tenus lors d'une conversation téléphonique par le demandeur notamment à la suite de l'incident relaté aux conclusions du demandeur, que ce dernier précisa savoir ce qu'il allait faire à L. R. et que son interlocuteur s'en doutait aussi. Il ajoute que le demandeur et sa compagne sont partis en Turquie sans être accompagnés par L. R., malgré le projet de voyage commun et les préparatifs en ce sens, et que les déclarations de la compagne du demandeur à propos des heures précédant le départ sont en contradiction totale avec le comportement de L.R. et d'un coïnculpé. Il énonce encore que cette dame a déclaré à la police avoir surpris une conversation, dont elle avait caché auparavant l'existence pour protéger le demandeur, aux termes de laquelle ce dernier se plaignait du fait qu'à cause du « Gros L. », il n'avait pas pu ramener « les kilos », l'inculpée disant penser qu'il était question de cocaïne. Les juges d'appel, à propos de l'attitude du demandeur, ont en outre relevé qu'alors qu'il aurait dû partir en Turquie avec L. R., il n'a pas tenté de contacter ce dernier après la soirée lors de laquelle ils ont été réunis chez sa compagne, juste avant leur départ, et qu'il n'avance aucune explication à ce sujet. Enfin, selon l'arrêt, un témoin, proche des parties, a confirmé le projet du demandeur de recourir à L. R. pour transporter clandestinement de la cocaïne vers la Turquie, après l'avoir avalée, et l'instruction a mis en évidence des recherches, sur internet, effectuées par la compagne du demandeur à propos de la quantité de nourriture maximale qu'est capable de contenir un estomac puis au sujet d'un voyage en bateau de l'Italie vers la Grèce.

D'après l'arrêt, selon l'officier de liaison belge en Turquie, aucune trace d'entrée de L.R. dans ce pays n'a été trouvée.

Par ces considérations, qui répondent aux conclusions du demandeur en leur opposant une appréciation différente, les juges d'appel lui ont donné à connaître les indices sérieux de culpabilité, suffisant à ce stade de l'instruction à justifier la détention préventive, qui existaient à sa charge, sans qu'ils soient tenus de répondre, point par point, à chacune des critiques, qui ne constituaient pas des moyens distincts, qu'il entendait diriger contre certains devoirs d'enquête ou éléments recueillis.

Enfin, le demandeur reproche aux juges d'appel de s'être bornés à faire état d'hypothèses non étayées, sans indiquer de manière concrète en quoi aurait consisté son implication dans la disparition de L.R.et en faisant état d'un projet de trafic de stupéfiants auquel ce dernier aurait dû prendre part, alors que le demandeur n'a pas été inculpé de ce chef.

Aux termes des énonciations rappelées ci-avant, les juges d'appel ont indiqué quels étaient les indices sérieux de culpabilité le visant personnellement en qualité d'auteur, de coauteur ou de complice du meurtre présumé de L.R..

Ainsi, sans se borner à faire état d'hypothèses, ils ont régulièrement motivé et légalement justifié leur décision qu'il existait des indices sérieux de culpabilité en cause du demandeur et que le maintien de la détention préventive s'imposait.

À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Pour le surplus, en tant qu'il revient à considérer que la cour d'appel ne pouvait, pour l'élever au rang d'indice sérieux de culpabilité, avoir égard à la circonstance que le demandeur pourrait avoir embauché L. R. en vue de transporter de la drogue, dès lors qu'il n'a pas été inculpé de ce chef, le moyen, qui revient à confondre la notion d'indice sérieux de culpabilité et la saisine du juge d'instruction, laquelle l'autorise à envisager les éventuels mobiles du suspect pour en déduire l'existence d'indices, manque en droit.

Sur le second moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 23, 4°, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive et 5.1.c), et 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense. Il reproche aux juges d'appel d'avoir refusé d'écarter les procès-verbaux faisant état de la teneur de conversations téléphoniques interceptées et enregistrées dans le cadre d'un autre dossier, conversations dans lesquelles l'arrêt trouve des indices sérieux de culpabilité, nonobstant la circonstance qu'il qualifie ces informations de surabondantes. Selon le demandeur, cette motivation méconnaît son droit à un procès équitable, dans la mesure où ces procès-verbaux ne contiennent que des résumés et compte rendus de conversations écoutées dans un autre dossier, alors qu'aucune pièce de cette procédure distincte n'a été jointe à la présente cause, de sorte qu'il ne peut vérifier la légalité des écoutes et la conformité des propos échangés à la relation qui en est faite.

Lorsqu'un inculpé invoque la nullité d'un acte d'instruction ou d'un élément recueilli et de la procédure subséquente pour contester l'existence d'indices sérieux de culpabilité justifiant la détention préventive, la juridiction d'instruction, qui n'agit pas en application de l'article 235bis du Code d'instruction criminelle, est seulement tenue de procéder à un contrôle prima facie de l'irrégularité soulevée.

Aux conclusions du demandeur, qui critiquaient les indices sérieux de culpabilité déduits de conversations écoutées dans le cadre d'une autre procédure, les juges d'appel ont répondu qu'il n'y avait pas lieu d'écarter les procès-verbaux relatant ces devoirs et leurs suites, ces pièces ayant été valablement versées au dossier avec l'autorisation accordée par le juge d'instruction et le ministère public et ayant été soumises à la contradiction des parties.

Par ces considérations, l'arrêt répond à la défense proposée et justifie légalement sa décision.

À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Le droit à un procès équitable, en l'occurrence le principe contradictoire, exige que les autorités de poursuite qui entendent puiser des éléments dans un dossier distinct communiquent à la défense toutes les preuves pertinentes en leur possession, à charge comme à décharge, les éléments concernés n'étant pas seulement les preuves directement pertinentes pour les faits de la cause, mais également d'autres preuves qui pourraient concerner la recevabilité, la fiabilité et le caractère complet des premières. Ce droit n'est toutefois pas absolu et il peut y être apporté des restrictions, notamment au stade de l'instruction, lorsque l'inculpé n'est pas encore appelé à se défendre devant le juge du fond de l'accusation en matière pénale portée contre lui et que les éléments ainsi puisés dans un dossier distinct concernent eux-mêmes une enquête en cours.

Procédant d'une interprétation différente, le moyen, dans cette mesure, manque en droit.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

B. Sur le pourvoi formé par déclaration du 30 avril 2019 :

En règle, une partie ne peut se pourvoir une seconde fois contre une même décision, même si le second pourvoi a été introduit avant qu'il ait été statué sur le premier.

Le pourvoi est irrecevable.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette les pourvois ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de cent septante-huit euros quatre-vingt-un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président de section, président, Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du huit mai deux mille dix-neuf par le chevalier Jean de Codt, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.19.0441.F
Date de la décision : 08/05/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-05-08;p.19.0441.f ?

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