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06/05/2019 | BELGIQUE | N°S.17.0085.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 mai 2019, S.17.0085.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° S.17.0085.F
G. R.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,

contre

1. PB CLERMONT, société anonyme, dont le siège social est établi à Engis, Clermont, 176,
2. EURENCO, société de droit français, dont le siège est établi à Massy (France), avenue Carnot, 30,
défenderesses en cassation,
représentées par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat

à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection d...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° S.17.0085.F
G. R.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,

contre

1. PB CLERMONT, société anonyme, dont le siège social est établi à Engis, Clermont, 176,
2. EURENCO, société de droit français, dont le siège est établi à Massy (France), avenue Carnot, 30,
défenderesses en cassation,
représentées par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 8 juin 2017 par la cour du travail de Liège.
Le conseiller Mireille Delange a fait rapport.
L'avocat général Jean Marie Genicot a conclu.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente deux moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

L'article 31, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 24 juillet 1987 sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d'utilisateurs interdit l'activité exercée, en dehors des règles relatives au travail temporaire et au travail intérimaire fixées aux chapitres Ier et II, par une personne physique ou morale qui consiste à mettre des travailleurs qu'elle a engagés à la disposition de tiers qui utilisent ces travailleurs et exercent sur ceux-ci une part quelconque de l'autorité appartenant normalement à l'employeur.
L'article 32, § 1er, alinéa 1er, de la même loi dispose que, par dérogation à l'article 31, un employeur peut, en dehors de son ou de ses activités normales, mettre ses travailleurs permanents pour une durée limitée à la disposition d'un utilisateur, en règle, s'il a reçu au préalable l'autorisation du fonctionnaire désigné par le Roi.
En vertu de l'article 32, § 2, de la loi, les conditions et la durée de la période de mise à la disposition visées au paragraphe 1er doivent être constatées par un écrit signé par l'employeur, l'utilisateur et le travailleur. Cet écrit doit être rédigé avant le début de la mise à la disposition. L'accord écrit du travailleur n'est toutefois pas requis lorsque le consentement tacite est d'usage dans la branche d'industrie qui occupe le travailleur.
Il ressort de son libellé que l'article 32 instaure une dérogation à l'interdiction édictée par l'article 31 de la loi du 24 juillet 1987 et qu'à défaut de remplir les conditions précitées auxquelles cette dérogation est soumise, la mise à disposition tombe sous l'interdiction de l'article 31, même lorsqu'elle est effectuée par un employeur en dehors de ses activités normales à l'égard d'un travailleur permanent et pour une durée limitée.
En vertu de l'article 31, § 2, de la loi précitée, le contrat par lequel un travailleur a été engagé pour être mis à la disposition d'un utilisateur en violation de la disposition du paragraphe 1er est nul à partir du début de l'exécution du travail.
La sanction de nullité prévue par cette disposition ne vise que le contrat du travailleur engagé en vue d'être mis à la disposition d'un utilisateur.
Aux termes de l'article 31, § 3, alinéa 1er, lorsqu'un utilisateur fait exécuter des travaux par des travailleurs mis à sa disposition en violation de la disposition du paragraphe 1er, cet utilisateur et ces travailleurs sont considérés comme engagés dans les liens d'un contrat de travail à durée indéterminée dès le début de l'exécution des travaux.
Conformément à l'article 31, § 4, l'utilisateur et la personne qui met des travailleurs à la disposition de l'utilisateur en violation de la disposition du paragraphe 1er sont solidairement responsables du paiement des cotisations sociales, rémunérations, indemnités et avantages qui découlent du contrat visé au paragraphe 3.
Le contrat de travail avec l'utilisateur et la solidarité prévus par cet article 31, §§ 3 et 4, se produisent lorsqu'un utilisateur fait exécuter des travaux par un travailleur mis à sa disposition en violation du paragraphe 1er, que le travailleur ait ou non été engagé en vue de la mise à disposition.
L'arrêt constate que la première défenderesse a engagé le demandeur et l'a mis à la disposition de la seconde défenderesse tout en restant liée avec lui par le contrat de travail initial alors que cela ne faisait pas partie de ses activités normales. Il énonce encore que la mise à disposition a eu lieu sans l'autorisation du fonctionnaire et la convention tripartite prévues par l'article 32, §§ 1er et 2.
En considérant que « les sanctions précisées par les articles 31 et 32 de la loi sont distinctement formulées », qu' « en cas de transgression de l'article 32, la sanction n'est pas la naissance d'un deuxième contrat de travail [comme prévu par l'article 31, § 3], mais une sanction pénale et l'obligation solidaire de l'utilisateur concernant les montants dus par l'employeur [prévue par l'article 32, § 4] », et que l'article 31 et donc la « sanction civile consistant à établir une relation contractuelle entre le travailleur et l'utilisateur » prévue par l'article 31, § 3, ne sont pas applicables « aux faits de la cause », l'arrêt viole ces dispositions.
Le moyen est fondé.

Sur le second moyen :

En vertu de l'article 39, § 1er, alinéas 1er et 2, de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail, l'indemnité de préavis est calculée sur la base de la rémunération en cours et des avantages acquis en vertu du contrat.
Cette disposition vise la rémunération et les avantages auxquels le travailleur a droit au moment du congé.
Aux termes de l'article 39, § 1er, alinéa 3, de la même loi, lorsque la rémunération en cours ou les avantages acquis en vertu du contrat sont partiellement ou entièrement variables, on prend en compte, pour la partie variable, la moyenne des douze mois antérieurs ou, le cas échéant, la partie de ces douze mois au cours de laquelle le travailleur a été en service.
Cette dernière disposition établit une règle pour le calcul de la rémunération et des avantages auxquels le travailleur a droit au moment du congé, lorsque ces avantages et rémunération sont variables. Elle n'a pas pour effet que tout avantage ou rémunération variable payé dans les douze mois antérieurs au congé constitue une rémunération ou un avantage en cours au moment du congé.
Lorsqu'un bonus a été octroyé pour une année antérieure et qu'une clause du contrat de travail stipule qu'un tel octroi ne fait pas naître de droit au bonus pour les années ultérieures, le juge peut considérer, selon les circonstances, que le travailleur n'avait pas droit à un bonus au moment du congé, même si l'employeur n'a pas manifesté auparavant sa décision de ne pas octroyer de bonus pour l'année en cours.
L'arrêt constate que l'article 4 du contrat de travail stipule que le demandeur « pourra bénéficier d'une prime nommée ‘bonus' dont le montant est compris entre zéro et dix-sept pourcent de l'appointement brut annuel [et] sera déterminé en fonction de la réalisation d'objectifs définis annuellement » et que « la perception d'une telle prime ne pourra en aucun cas ouvrir un droit quelconque sur le montant des années ultérieures », que, pour l'année 2013, un bonus de 9.688 euros a été payé au demandeur en 2014, qu'au 31 août 2014, le résultat cumulé de la première défenderesse se soldait par une perte, qu'aucun bonus n'a été payé au demandeur pour l'année 2014 et que ce dernier a été licencié le 5 décembre 2014 avec effet immédiat et paiement d'une indemnité de préavis.
L'arrêt refuse de prendre en compte le bonus de 9.688 euros dans la rémunération en cours au moment du congé le 5 décembre 2014, au motif que ce montant « est relatif à l'année 2013 et non à l'année 2014 qui est celle de référence », que « le bonus n'a été payé qu'en 2013, aucun cadre ne l'ayant reçu en 2014 vu les résultats de la société en 2014 » et que l'article 4 du contrat de travail « précise explicitement le caractère non récurrent de cette prime ; le paiement pour une année n'ouvre aucun droit pour les années ultérieures ».
L'arrêt considère ainsi, en se fondant sur l'article 4 du contrat de travail et les mauvais résultats de l'année 2014, que le demandeur n'avait pas droit à un bonus au moment du congé.
Il rejette d'ailleurs, pour les mêmes motifs, la demande du demandeur en paiement d'un bonus pour l'année 2014. Il énonce à cet égard, outre que le demandeur « n'a pas réalisé les objectifs le concernant », que l'article 4 du contrat confère « un caractère aléatoire » au bonus, qu'il s'agit d'« une année économiquement très défavorable puisque les pertes furent de 4.329.000 euros sur un chiffre d'affaires de 21.212.000 euros » et qu' « aucun cadre n'a reçu un bonus pour l'année 2014 ».
Par ces énonciations, l'arrêt tient compte de la circonstance que les autres cadres n'ont pas reçu de bonus pour l'année 2014 après le licenciement du demandeur, non, comme le suppose le moyen, pour déterminer le montant de l'indemnité de préavis, mais pour confirmer que le demandeur n'a pas droit à un bonus pour cette année 2014.
Ainsi, il justifie légalement sa décision que la rémunération à prendre en compte pour calculer l'indemnité de préavis ne comporte pas de bonus.
Le moyen ne peut être accueilli.

Sur l'étendue de la cassation :

La cassation de la décision que la seconde défenderesse n'est pas l'employeur du demandeur s'étend à la décision, qui en est la suite, que cette défenderesse ne doit payer au demandeur aucune autre indemnité de rupture que le complément de 9.642,88 euros à l'indemnité compensatoire de préavis due solidairement avec la première défenderesse.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il décide que la seconde défenderesse n'est pas l'employeur du demandeur et qu'elle ne doit lui payer aucune autre indemnité de rupture que le complément de 9.642,88 euros à l'indemnité compensatoire de préavis due solidairement avec la première défenderesse, et en tant qu'il statue sur les dépens entre les parties à l'instance en cassation ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Condamne le demandeur à la moitié des dépens et en réserve le surplus pour qu'il soit statué sur celui-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour du travail de Mons.
Les dépens taxés à la somme de sept cent nonante-quatre euros soixante-quatre centimes envers la partie demanderesse y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le conseiller faisant fonction de président Mireille Delange, les conseillers Michel Lemal, Sabine Geubel, Ariane Jacquemin et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du six mai deux mille dix-neuf par le conseiller faisant fonction de président Mireille Delange, en présence de l'avocat général Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.17.0085.F
Date de la décision : 06/05/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-05-06;s.17.0085.f ?

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