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24/04/2019 | BELGIQUE | N°P.19.0166.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 24 avril 2019, P.19.0166.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.19.0166.F
H. N.
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Mathieu Simonis, avocat au barreau de Liège, et Laura Severin, avocat au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 8 janvier 2019 par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller François Stévenart Meeûs a fait rapport.
L'av

ocat général Damien Vandermeersch a conclu.



II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

Le mo...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.19.0166.F
H. N.
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Mathieu Simonis, avocat au barreau de Liège, et Laura Severin, avocat au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 8 janvier 2019 par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller François Stévenart Meeûs a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 128 et 195 du Code d'instruction criminelle, 51, 137, § 2, 11°, 140, 140ter et 196 du Code pénal.

Quant à la première branche :

L'arrêt condamne le demandeur du chef de participation à l'activité d'un groupe terroriste, avec la circonstance qu'il a agi en qualité de dirigeant.

Le moyen fait grief aux juges d'appel d'avoir déclaré cette prévention établie par référence à des actes préparatoires à la perpétration d'attentats terroristes, de recrutement et d'établissement de faux documents d'identité, alors que ces constatations matérielles se rapportent à des infractions pénales distinctes énoncées respectivement aux articles 137, § 2, 11°, 140ter et 196 du Code pénal et que l'arrêt ne vise pas.

L'article 140, § 1er, du Code pénal, qui vise une infraction autonome, dispose dans sa version applicable à la cause :
« Toute personne qui participe à une activité d'un groupe terroriste, y compris par la fourniture d'informations ou de moyens matériels au groupe terroriste, ou par toute forme de financement d'une activité du groupe terroriste, en ayant eu ou en ayant dû avoir connaissance que cette participation pourrait contribuer à commettre un crime ou un délit du groupe terroriste, sera punie de la réclusion de cinq ans à dix ans et d'une amende de cent euros à cinq mille euros ».

Pour être régulièrement motivée, la décision judiciaire doit mentionner les dispositions légales qui déterminent les éléments constitutifs de l'infraction imputée au prévenu et celles qui édictent la peine.

Il s'ensuit que, lorsque des actes matériels de participation à une activité d'un groupe terroriste sont susceptibles de constituer en outre une infraction distincte, et non mise à charge du prévenu, le juge ne doit pas viser les dispositions légales qui concernent cette infraction.

Le moyen manque en droit.

Quant à la deuxième branche :

Le moyen fait grief aux juges d'appel d'avoir violé l'article 128 du Code d'instruction criminelle en déclarant l'infraction établie notamment sur le fondement d'un « projet d'attentat », alors que la chambre du conseil a ordonné le non-lieu concernant l'inculpation de tentative d'assassinat visée à l'article 137, § 2, 1° et 11°, du Code pénal.

Il ne ressort pas de l'arrêt que la cour d'appel a considéré que le demandeur était coupable de tentative d'assassinat, mais, ce qui est différent, elle a énoncé qu'il avait récolté de l'argent, avait évoqué des projets d'attentat et se trouvait en contact avec des personnes préparant des attentats.

Procédant d'une autre interprétation de l'arrêt, le moyen manque en fait.

Quant à la troisième branche :

Après avoir relevé que l'incrimination visée par l'article 140 du Code pénal ne requiert pas que la personne concernée a elle-même eu l'intention de commettre une quelconque infraction terroriste en Belgique ou ailleurs et qu'elle était impliquée lorsque celle-ci a été commise, le moyen soutient que la cour d'appel ne pouvait condamner le demandeur en considérant notamment qu'il projetait de commettre un attentat en Europe.

Mais cette disposition n'exclut pas son application à la personne qui, dans les conditions qu'elle détermine, projette un tel attentat.

Le moyen manque en droit.

Sur le second moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 3 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 20 à 23 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Le demandeur fait grief à l'arrêt de prononcer la déchéance de la nationalité sur la base de l'article 23/2 du Code de la nationalité belge, sans avoir examiné la conformité de cette mesure avec les dispositions conventionnelles précitées, en particulier la proportionnalité de celle-ci.

Dans la mesure où il n'indique pas en quoi la déchéance de la nationalité causerait une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale du demandeur, le moyen est irrecevable à défaut de précision.

Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, pour être déclaré compatible avec le droit de l'Union, le retrait de la nationalité doit être basé sur un motif d'intérêt général, poursuivre un objectif légitime et respecter le principe de proportionnalité. Il est légitime pour un Etat membre de vouloir protéger le rapport particulier de solidarité et de loyauté entre lui-même et ses ressortissants ainsi que la réciprocité de droits et de devoirs, qui sont le fondement du lien de nationalité.

Lorsque la perte de la nationalité entraîne également celle du statut de citoyen de l'Union et des droits qui en découlent, les autorités nationales doivent vérifier si la mesure respecte le principe de proportionnalité en ce qui concerne les conséquences qu'elle comporte sur la situation de la personne concernée et, le cas échéant, des membres de sa famille au regard du droit de l'Union.

Pour décider de la déchéance de nationalité, l'arrêt relève les éléments suivants :
- le demandeur n'a jamais été domicilié en Belgique avec son père, naturalisé belge en l'an 2000 et dont il tient la nationalité ;
- par son adhésion aux thèses propagées par le groupe terroriste « Daech », il a démontré un rejet des valeurs propres à un Etat démocratique et un attachement très relatif à la démocratie belge ;
- il a privilégié ses activités terroristes au détriment de sa famille qui réside en Algérie, tandis que son épouse demeure de nationalité belge et que ses enfants jouissent des droits qui en découlent ;
- il n'a passé que dix ans et demi en Belgique où il n'a pas d'attaches professionnelles ;
- sa nationalité lui a permis de circuler librement en Europe aux fins de poursuivre les activités illégales précitées ;
- il possède également la nationalité algérienne ;
- il ne risque pas de subir des actes de torture en Algérie, à défaut de lien direct entre une mesure de déchéance de nationalité et une expulsion ou une extradition éventuelle vers ce pays ;
- il a déclaré vouloir, à l'issue de sa peine, rebâtir une existence en Algérie.

Par ces considérations révélant que les juges d'appel ont procédé à l'examen, que le moyen dit manquer dans leur motivation de la situation individuelle du demandeur et des membres de sa famille par rapport à la finalité de la mesure de déchéance de nationalité, l'arrêt justifie légalement sa décision.

A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de cent treize euros nonante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-quatre avril deux mille dix-neuf par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.19.0166.F
Date de la décision : 24/04/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-04-24;p.19.0166.f ?

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