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20/03/2019 | BELGIQUE | N°P.18.1150.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 20 mars 2019, P.18.1150.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.18.1150.F
M. J.
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Fanny Vansiliette, avocat au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 19 octobre 2018 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque six moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
L'avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions reçues au greffe le 22 février 2019.
A l&apo

s;audience du 20 mars 2019, le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport et l'avocat général préc...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.18.1150.F
M. J.
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Fanny Vansiliette, avocat au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 19 octobre 2018 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque six moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
L'avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions reçues au greffe le 22 février 2019.
A l'audience du 20 mars 2019, le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

Quant aux deux branches réunies :

1. Le moyen est pris de la violation de l'article 13 de la loi du 5 août 1991 relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente.

2. Dans la première branche du moyen, le demandeur soutient qu'en considérant qu'il a été trouvé en Belgique au motif qu'il y a été domicilié, l'arrêt ne justifie pas légalement sa compétence pour connaître des infractions commises en dehors du territoire, dès lors que pour être « trouvé en Belgique » au sens de la disposition visée au moyen, il faut avoir été réellement présent sur le territoire.

La deuxième branche du moyen soutient que la considération de l'arrêt selon laquelle « il est non contestable que [le demandeur] a été trouvé sur le territoire du Royaume à son retour des USA » ne suffit pas à justifier légalement qu'il a été trouvé en Belgique, dès lors que, même si le demandeur a effectivement atterri en Belgique le 8 juin 2011 après avoir accepté un plea bargaining aux Etats-Unis et reçu l'autorisation de quitter le pays, ce simple passage par un aéroport belge ne démontre pas sa présence effective sur le territoire au moment de l'ouverture des poursuites. Le moyen précise que le simple passage d'un inculpé sur le sol belge ne suffit pas, mais qu'il faut, en outre, que le prévenu y ait été rencontré ou trouvé.

3. L'article 10, alinéa 1er, de la loi du 5 août 1991, précitée, dispose qu'aucun Belge ni étranger résidant ou commerçant en Belgique ne peut, contre rémunération ou gratuitement, quelle que soit la provenance ou la destination des biens et indépendamment du fait que ceux-ci entrent ou non sur le territoire belge, négocier, exporter ou livrer à l'étranger ou posséder à cette fin, des armes, des munitions ou du matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre ou de la technologie y afférente, ni intervenir comme intermédiaire dans ces opérations, sans posséder à cet effet une licence délivrée par le ministre de la Justice.

En vertu de l'article 12 de cette loi, les infractions et les tentatives d'infraction à l'article 10 et ses mesures d'exécution sont punies d'une peine d'emprisonnement d'un mois à cinq ans et d'une amende de dix mille à un million d'euros ou d'une de ces peines seulement. L'article 13 de la loi précise que les juridictions belges sont compétentes pour connaître des infractions qui sont commises en dehors du territoire, si l'inculpé est trouvé en Belgique, même si l'autorité belge n'a reçu aucune plainte ou avis officiel de l'autorité étrangère et si le fait n'est pas punissable dans le pays où il a été commis.

4. Il résulte de ces dispositions que pour être soumis à l'interdiction énoncée à l'article 10 de la loi du 5 août 1991 et encourir, en cas d'infraction, les peines comminées par l'article 12 de la loi, l'auteur doit soit être Belge, soit, s'il ne possède pas cette nationalité, résider ou commercer en Belgique. Il en résulte également que si l'auteur belge, ou l'auteur étranger résidant ou commerçant en Belgique, a commis l'infraction en dehors du territoire, la recevabilité de l'action publique est soumise à la condition que l'auteur soit trouvé en Belgique.

5. Pour que l'inculpé soit considéré comme trouvé en Belgique au sens de l'article 13 précité, il faut mais il suffit qu'après l'infraction et avant l'engagement des poursuites ou, au plus tard, au moment même de cet engagement, l'inculpé soit venu en Belgique et y ait été rencontré ou trouvé, même s'il a quitté le territoire avant les premiers actes de procédure.

6. Le juge apprécie souverainement, en fait, si l'inculpé a été trouvé en Belgique, la Cour se limitant à vérifier si, de ses constatations, il a pu légalement déduire que cette condition était remplie.

7. Il ne résulte ni des conclusions que le demandeur a déposées devant les juges d'appel, ni d'aucune autre pièce de la procédure, qu'il ait soutenu devant eux qu'après la commission des faits, il n'avait pas été « trouvé en Belgique » au sens de l'article 13 précité, et que, pour ce motif, les poursuites n'étaient pas recevables.

Dans la mesure où le moyen exige, pour son examen, la vérification en fait de la réalité, de la chronologie et de la durée de la présence du demandeur en Belgique après la période infractionnelle, vérification qui échappe au pouvoir de la Cour, le moyen est irrecevable.

8. L'arrêt énonce, au feuillet 39, que pour contester sa culpabilité le demandeur soutient qu'il réside en France et que les faits qui lui sont reprochés n'ont pas été commis en Belgique, de sorte qu'ils n'entrent pas dans le champ d'application de la loi.

Les juges d'appel ont considéré que la question relative à l'éventuelle commission alléguée des faits en dehors du territoire belge est réglée par l'article 13 de la loi, et qu'il est non contestable que le demandeur a été trouvé sur le territoire du Royaume à son retour des Etats-Unis.

L'arrêt considère ensuite que, quant à son lieu de résidence, le demandeur perd de vue qu'il était effectivement domicilié en Belgique du 24 octobre 2003 au 11 septembre 2007 à Watermael-Boitsfort et du 12 septembre 2007 au 10 octobre 2013 à Incourt, que le demandeur, de nationalité belge, était donc domicilié en Belgique durant toute la période infractionnelle commençant le 8 avril 2006 et se terminant le 27 juin 2009, et que cela correspond exactement au libellé de l'article 10 visé par les poursuites, à savoir « Aucun belge ni étranger résidant ou commerçant en Belgique ne peut [...] ». Au feuillet 21, l'arrêt énonce que le domicile d'Incourt n'était pas fictif.

Au feuillet 66, les juges d'appel ont constaté que l'instruction avait été étendue au commerce d'armes à feu, à charge du demandeur, par une « apostille du juge d'instruction [...] du 8 juin 2011 ». A cet égard, il ressort des pièces de la procédure que le ministère public a étendu l'instruction à ce commerce, à charge du demandeur, par une apostille adressée au juge d'instruction le 1er juin 2011, et que le juge d'instruction en a informé la police judiciaire fédérale par une apostille du 8 juin 2011.

9. Par l'ensemble de ces considérations, et en l'absence de moyen soulevé par le demandeur quant à la circonstance qu'après la commission des faits et au plus tard au moment de l'engagement des poursuites, il n'aurait pas été trouvé en Belgique au sens de l'article 13 de la loi du 5 août 1991, les juges d'appel ont pu légalement justifier leur décision que les conditions pour poursuivre le demandeur en Belgique étaient remplies au regard des articles 10 et 13 de la loi précitée.

A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Sur les deuxième et troisième moyens réunis :

10. Les moyens sont pris de la violation des articles 4, 39 et 134 de la Constitution et 6, § 1er, VI, alinéa 1er, 4°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

11. Le deuxième moyen reproche d'abord à l'arrêt de se fonder sur le postulat inexact que l'article 10 de la loi du 5 août 1991 relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente, serait toujours en vigueur dans l'ordre juridique belge. Le demandeur soutient que cette disposition a été abrogée dans les trois régions, respectivement par le décret flamand du 15 juin 2012, le décret wallon du 21 juin 2012 et l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 20 juin 2013.

12. Sans être critiqué par le moyen, l'arrêt énonce que le dossier ne comporte aucun lien de rattachement avec la Région flamande.

13. La loi du 5 août 1991 n'a été que partiellement abrogée par le décret wallon et l'ordonnance bruxelloise précités.

En effet, les articles 26 du décret wallon du 21 juin 2012 relatif à l'importation, à l'exportation, au transit et au transfert d'armes civiles et de produits liés à la défense, et 46, 2°, de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 20 juin 2013 relative à l'importation, à l'exportation, au transit et au transfert de produits liés à la défense, d'autre matériel pouvant servir à un usage militaire, de matériel lié au maintien de l'ordre, d'armes à feu à usage civil, de leurs pièces, accessoires et munitions, disposent, ainsi que l'arrêt attaqué le constate, que les articles du titre III de la loi du 5 août 1991 sont abrogés « pour ce qui concerne les opérations d'importation, d'exportation, de transit ou de transfert d'armes civiles ou de produits liés à la défense soumises à autorisation ou licence en application du présent décret » (décret wallon) et « en ce qui concerne l'exportation, le transit et le transfert des biens dont l'exportation, le transit et le transfert sont soumis à autorisation en vertu de la présente ordonnance » (ordonnance bruxelloise).

Ces dispositions n'abrogent pas les articles du titre III de la loi du 5 août 1991 en ce qui concerne l'activité d'intervention comme intermédiaire dans ces opérations.

Par conséquent, en tant qu'il soutient que le décret et l'ordonnance précités ont abrogé le titre III de la loi du 5 août 1991 pour ce qui concerne l'activité d'intermédiaire dans les opérations visées par cette disposition, le deuxième moyen manque en droit.

14. Le deuxième moyen reproche en outre aux juges d'appel d'avoir considéré qu'en raison de l'absence de lien entre cette activité d'intermédiaire et le territoire d'une seule région, l'ancienne législation fédérale s'applique de manière résiduelle. Il soutient que l'arrêt se fonde sur une confusion entre les compétences matérielles et les compétences territoriales des régions, et fait valoir que la notion de matière résiduelle s'applique à la répartition des premières compétences et non des secondes, que toute situation concrète doit être réglée par un seul législateur et que le législateur fédéral « n'a pas vocation à se substituer aux régions dans la fixation des facteurs de rattachement à une aire de compétence et encore moins à s'approprier une compétence régionale au seul motif que les différentes législations ne permettraient pas de rattacher une situation de fait à une aire de compétence déterminée ».

A titre subsidiaire, le demandeur sollicite de la Cour qu'elle pose la question préjudicielle suivante à la Cour constitutionnelle : « L'article 10 de la loi du 5 août 1991 relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente, est-il conforme aux articles 4, 39 et 134 de la Constitution et à l'article 6, § 1er, VI, 4°, de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 en ce qu'il trouverait toujours à s'appliquer en raison de la seule circonstance qu'une situation de fait ne puisse être rattachée, eu égard à leur législation, à l'aire de compétences de l'une des trois régions ? ».

15. Le troisième moyen reproche à l'arrêt de considérer que l'activité de courtage reprochée au demandeur n'a pas été transférée aux régions en vertu de l'article 6, § 1er, VI, alinéa 1er, 4°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. Il fait valoir que la compétence régionale en matière d'importation, d'exportation et de transit d'armes doit être interprétée largement, que le constituant et le législateur spécial ont transféré des ensembles homogènes de compétences, que l'activité d'intermédiaire concerne par essence le commerce des armes et que, par conséquent, la cour d'appel ne pouvait pas appliquer l'article 10 de la loi du 5 août 1991 aux actes mis à charge du demandeur.

A titre subsidiaire, le demandeur sollicite de la Cour qu'elle pose la question préjudicielle suivante à la Cour constitutionnelle : « Les articles 10 à 13 de la loi du 5 août 1991 relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente, sont-ils conformes aux articles 4, 39 et 134 de la Constitution et à l'article 6, § 1er, VI, 4°, de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 en ce qu'ils viseraient une situation constituant une exception aux compétences régionales en matière d'importation, d'exportation et de transit d'armes, de munitions, et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente ainsi que des produits et des technologies à double usage ? ».

16. Un moyen de cassation est dénué d'intérêt et par conséquent irrecevable s'il reproche au juge d'avoir commis une erreur de droit ou une violation de la loi qui est sans influence sur la légalité du dispositif attaqué.

17. Lorsqu'en vertu de l'article 39 de la Constitution, une loi spéciale attribue aux organes régionaux qu'elle a créés la compétence de régler une matière déterminée, les règles existantes au moment du transfert de compétences restent en vigueur tant qu'elles n'ont pas été modifiées ou abrogées par ces organes.

18. Ainsi qu'il a été dit, l'arrêt considère que le décret wallon du 21 juin 2012 et l'ordonnance bruxelloise du 20 juin 2013 ont limité l'abrogation des articles du titre III de la loi du 5 août 1991, dont fait partie l'article 10 de cette loi, « pour ce qui concerne les opérations d'importation, d'exportation, de transit ou de transfert d'armes civiles ou de produits liés à la défense soumises à autorisation ou licence en application du présent décret » (décret wallon) ou « en ce qui concerne l'exportation, le transit et le transfert des biens dont l'exportation, le transit et le transfert sont soumis à autorisation en vertu de la présente ordonnance » (ordonnance bruxelloise).

19. Dès lors que ces normes régionales n'ont pas abrogé l'article 10 précité en ce qu'il règle l'activité d'intermédiaire dans les opérations qu'il vise, cette activité reste régie par le régime de l'article 10 de la loi du 5 août 1991 et l'article 12 de cette loi continue à punir la personne qui l'exerce sans posséder la licence délivrée par le ministre de la Justice, indépendamment de la question de savoir si par les motifs critiqués les juges d'appel ont ou non violé les règles de répartition des compétences visées aux moyens.

Dans cette mesure, ne pouvant entraîner la cassation, les moyens sont irrecevables, et il n'y a pas lieu de poser à la Cour constitutionnelle les questions préjudicielles proposées.

Sur le quatrième moyen :

20. Pris de la violation de l'article 10 de la loi précitée du 5 août 1991, le moyen soutient qu'en considérant que le simple fait d'apparaître dans la chaîne de contact et de faire transiter des informations suffit pour admettre que le demandeur était un intermédiaire au sens de cette disposition, alors que ces deux comportements ne permettent pas de créer, ainsi que l'exige le deuxième alinéa de l'article précité, « les conditions » en vue de la conclusion d'un contrat, l'arrêt ne justifie pas légalement sa décision.

21. En vertu de l'article 10, alinéa 2, de la loi du 5 août 1991, est réputé intermédiaire, quiconque, contre rémunération ou gratuitement, crée les conditions en vue de la conclusion d'un contrat ayant pour objet la négociation, l'exportation ou la livraison à l'étranger, ou la possession à cette fin, d'armes, de munitions ou de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre ou de la technologie y afférente, quelle que soit la provenance ou la destination de ces biens et indépendamment du fait qu'ils entrent ou non sur le territoire belge, ou quiconque conclut un tel contrat lorsque le transport est effectué par un tiers.

22. Le juge du fond apprécie souverainement, en fait, si une personne a créé contre rémunération ou gratuitement les conditions en vue de la conclusion d'un contrat ayant pour objet les opérations précitées, la Cour vérifiant si le juge ne déduit pas des faits qu'il a constatés des conséquences qui seraient sans lien avec eux ou qui ne seraient susceptibles, sur leur fondement, d'aucune justification.

23. Pour décider que le demandeur était un intermédiaire au sens de la disposition visée au moyen, la cour d'appel a considéré que
- dans une lettre adressée à sa compagne, le demandeur écrit qu'il a été contacté à Paris par une ancienne connaissance qui « lui a proposé un deal » et lui a « proposé de se voir à Londres », qu'il a « contacté le type qui [lui] a dit OK » et qu'il a envoyé une « confirmation + facture » ;
- dans son audition du 16 juin 2014, le demandeur déclara, ce qui atteste son rôle exact d'intermédiaire directement intéressé à des opérations « armes » : « Lorsque j'ai demandé à D. de m'obtenir un prix pour des cartouches de Kalashnikov, il s'agit de suites libyennes. Comme je savais que les Iraniens en fabriquent et que je n'étais plus en odeur de sainteté j'ai demandé à D. qu'il voit avec ces contacts en Iran » ;
- s'il fallait encore démontrer que le demandeur disposait des pouvoirs avérés de négociation, qu'il mit effectivement en œuvre, il suffit de se référer au mail que lui adressait Y.D. dans les termes suivants : « En ce qui concerne les F.1, j'ai accès direct et je peux négocier ce que tu veux, mais je pense que les Koweti seront intéressés pour vendre le tout, de toute façon, je pense que l'on peut essayer de valoriser le tout au prix des pièces détachées », et que de tels propos désignent à l'évidence le demandeur comme la personne qui décide de ce qui doit être négocié (« ce que tu veux ») et à quelles conditions ;
- que la société Unimesko fut, quasiment à chaque fois, contactée par le demandeur ; que ce dernier décrit cette société comme étant reconnue en qualité d'intermédiaire ou de courtier dans l'achat et la vente d'armes qui dispose à cette fin de toutes les licences nécessaires, et qu'il faut en conclure que le demandeur, dépourvu de toute autorisation en la matière, était bel et bien contacté en tant qu'intermédiaire qui, ne pouvant légalement agir, faisait appel à ladite société pour contourner l'interdiction légale pesant sur lui.

En outre, l'arrêt examine aux feuillets 46 à 59, de manière détaillée pour chacune des opérations par pays visées aux préventions B.2 à B.9, B.11 et B.12, les éléments de fait dont les juges d'appel ont déduit que le demandeur avait manifestement créé les conditions en vue de la conclusion des marchés d'armes au sens des poursuites (courriers électroniques envoyés ou reçus par le demandeur, lettres, contrats, attestations, offres de prix, commissions au profit notamment du demandeur, réunions, documentation relative à des armes ou sur la situation d'un pays, auditions ...).

24. Contrairement à ce que le moyen soutient, les juges d'appel ont pu légalement déduire de ces éléments que le demandeur est intervenu comme intermédiaire au sens de la disposition invoquée.

Le moyen ne peut être accueilli.

Sur le cinquième moyen :

25. Le moyen est pris de la violation de l'annexe à l'arrêté royal du 8 mars 1993 réglementant l'importation, l'exportation et le transit d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. Le demandeur reproche à la cour d'appel d'avoir jugé, en ce qui concerne la prévention B.11, qu'une chaîne sémaphorique sur 750 km de littoral avec l'équipement complet et des vedettes de surveillance constituaient du matériel de guerre visé à l'annexe de l'arrêté royal, alors que, d'une part, le demandeur a fait valoir dans ses conclusions que la chaîne sémaphorique n'était pas une arme mais une technologie utilisée pour communiquer par signaux optiques avec les navires le long du littoral et que rien ne permettait de conclure que les vedettes de surveillance étaient équipées d'armement, et, d'autre part, que la chaîne sémaphorique n'est pas visée dans ladite liste et que les vedettes de surveillance ne sont ni des navires de guerre de surface ni des équipements navals spécialisés, conçus à usage militaire.

26. Le demandeur a été condamné à une peine unique du chef de dirigeant d'une organisation criminelle (prévention A.1), d'infractions à la loi du 5 août 1991 (préventions B.2 à B.5, B.6 limitée, B.7, B.8 et B.9 limitées, B.11 et B.12) et de faux et usage de faux en écritures (préventions D.15 et D.16).

Le moyen ne concerne que la seule prévention B.11 et la peine est légalement justifiée par les autres infractions déclarées établies.

Dénué d'intérêt, il est irrecevable.

Sur le sixième moyen :

27. Le moyen est pris de la violation de la foi due aux actes.

28. Pour décider que le délai raisonnable n'est pas dépassé, l'arrêt considère, en se référant à la page 49 des conclusions du demandeur, qu'il « ne fut au courant des charges le concernant dans la présente cause que le 16 juin 2014, époque où il indiqua qu'il ignorait tout des poursuites envisagées contre lui ».

29. Les conclusions du demandeur, à cette page, énoncent que « Le concluant a été entendu pour la première et unique fois le 16 juin 2014. L'audition se déroule dans de bonnes conditions sans que le concluant ne se doute des poursuites envisagées à son encontre ».

30. Le demandeur reproche à l'arrêt de donner de ses conclusions un sens et une portée qui méconnaissent ce qu'il a voulu exprimer. Il soutient n'avoir jamais voulu dire qu'avant le 16 juin 2014 il ignorait l'existence d'une enquête à sa charge, dès lors que la page 69 des mêmes conclusions énonce qu'il a « lui-même [...] demandé à ses conseils de prendre contact avec les autorités judiciaires et policières et de signaler qu'il arriverait sur le territoire belge par le vol [...] le 8 juin 2011 [...] et se tiendrait à la disposition des autorités de police pour leur fournir toutes informations concernant l'enquête qui était menée ».

31. Un grief de violation de la foi due à un acte consiste à désigner une pièce à laquelle la décision attaquée se réfère expressément et à reprocher à celle-ci, soit d'attribuer à cette pièce une affirmation qu'elle ne comporte pas, soit de déclarer qu'elle ne contient pas une mention qui y figure, en d'autres termes de donner de cette pièce une interprétation inconciliable avec ses termes.

32. L'énonciation des conclusions, à la page 49, à laquelle les juges d'appel se sont référés et celle figurant à la page 69 desdites conclusions sont différentes. Alors que dans la première, le demandeur évoque des « poursuites envisagées à son encontre », en écrivant qu'il ne s'en doutait pas lors de sa première et unique audition du 16 juin 2014, il mentionne dans la deuxième qu'il avait chargé ses avocats, lors de son retour prévu le 8 juin 2011, d'informer les autorités de sa disposition « à fournir toutes informations concernant l'enquête qui était menée ».

En ayant déduit de la page 49 des conclusions du demandeur qu'il n'avait été au courant des charges le concernant en la présente cause que le 16 juin 2014 et qu'à cette époque il ignorait tout des poursuites envisagées contre lui, la cour d'appel n'a pas donné de ces conclusions une interprétation inconciliable avec leurs termes.

Le moyen ne peut être accueilli.

Le contrôle d'office

33. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de deux cent cinquante-six euros soixante-trois centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt mars deux mille dix-neuf par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.18.1150.F
Date de la décision : 20/03/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-03-20;p.18.1150.f ?

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