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11/03/2019 | BELGIQUE | N°C.18.0399.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 11 mars 2019, C.18.0399.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.18.0399.F
R. D. C.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,

contre

D. D.,
défendeur en cassation.



I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 23 mars 2018 par la cour d'appel de Mons.
Le 18 février 2019, l'avocat général Jean Marie Genicot a déposé des conclusio

ns au greffe.
Par ordonnance du 18 février 2019, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre....

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.18.0399.F
R. D. C.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,

contre

D. D.,
défendeur en cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 23 mars 2018 par la cour d'appel de Mons.
Le 18 février 2019, l'avocat général Jean Marie Genicot a déposé des conclusions au greffe.
Par ordonnance du 18 février 2019, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et l'avocat général Jean Marie Genicot a été entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente trois moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Le moyen, qui n'indique pas en quoi l'arrêt attaqué viole les articles 1415 et 1416 du Code civil, est, dans cette mesure, imprécis.
Pour le surplus, après avoir énoncé que « tant la convention de cession des parts du 7 novembre 1996 que la copie du livret de mariage du couple [le défendeur]-G. permet d'en déduire que celui-ci est marié sous le régime de la communauté légale à défaut de conventions matrimoniales », l'arrêt considère qu' « en ce qui concerne la gestion du patrimoine commun dans le régime de communauté, l'article 1415 du Code civil dispose que ‘la gestion comprend tous pouvoirs d'administration, de jouissance et de disposition. Les époux gèrent le patrimoine commun dans l'intérêt de la famille, conformément aux règles suivantes' », que « l'article 1416 du Code civil poursuit en disposant que ‘le patrimoine commun est géré par l'un ou l'autre époux qui peut exercer seul les pouvoirs de gestion, à charge pour chacun de respecter les actes de gestion accomplis par son conjoint' », que « le principe, dans les régimes de communauté, est donc bien, pour les biens communs, sauf les exceptions des articles suivants visant d'autres situations, la gestion concurrente de ceux-ci par les deux époux, ce qui s'applique en l'espèce puisqu'il n'est pas contesté que les parts querellées sont des biens communs » et que « tous ces articles du Code civil ont fait dire avec pertinence par la doctrine que ‘relève du pouvoir concurrent de chacun des époux : ...b) les opérations portant sur des biens meubles ou incorporels...d) les actions en justice relativement aux biens communs' ».
Ces considérations, vainement critiquées par le moyen, suffisent à fonder la décision de l'arrêt que le défendeur est « recevable à poursuivre l'annulation de la cession des 125 parts sociales [litigieuses] communes au couple ».
Dirigé contre des considérations surabondantes, le moyen, qui ne saurait entraîner la cassation, est, dans cette mesure, dénué d'intérêt.
Le moyen est irrecevable.

Sur le deuxième moyen :

Le dol au sens de l'article 1116 du Code civil implique qu'un cocontractant utilise intentionnellement des artifices en vue d'inciter l'autre partie à conclure le contrat.
La réticence d'une partie, lors de la conclusion d'une convention, peut, dans certaines circonstances, être constitutive de dol lorsqu'elle porte sur un fait qui, s'il avait été connu de l'autre partie, l'aurait amenée à ne pas conclure le contrat ou à ne le conclure qu'à des conditions moins onéreuses.
L'arrêt relève qu' « il n'est pas contesté que l'immeuble, en ce compris son annexe, constituait l'essentiel de l'actif de la société [...] dont les parts ont fait l'objet de la cession querellée », que « c'est ainsi que l'article 1er de la convention de cession stipule que : ‘Cette société comprend principalement l'immeuble [...] et tout le mobilier destiné à l'exploitation de l'immeuble en home pour personnes âgées tel que repris à l'objet social' », qu' « il n'est pas non plus contesté que [la demanderesse], postérieurement à la cession de son immeuble à la société[...], a procédé, en 1989, à la construction d'une importante annexe, destinée à des chambres en vue d'héberger des personnes âgées, laquelle n'a jamais fait l'objet d'un permis de bâtir », que la demanderesse « a reconnu également qu'avant d'entamer les travaux de la construction de l'annexe, elle avait introduit, le 21 juin 1989, une demande de permis de bâtir qui n'a jamais fait l'objet d'une décision » et que la demanderesse a reconnu qu'elle « n'avait sollicité l'intervention d'un architecte que pour la réalisation des plans de l'annexe et l'introduction de la demande de permis, mais que ce dernier n'avait pas suivi les travaux et qu'elle-même avait pris la décision de faire exécuter les travaux sans attendre la délivrance du permis, malgré l'existence d'une difficulté administrative qu'elle dit relative à la perte de temps ».
Il considère que, « cette décision n'étant jamais intervenue, [la demanderesse] ne pouvait donc pas ignorer que sa construction avait été érigée sans permis de bâtir », que la demanderesse « était donc forcément au courant de cette carence au moment de la conclusion de la convention de cession des parts de la société [...] propriétaire de cet immeuble et de son annexe » et que, « dès lors qu'il est établi, notamment par une modification, dès le 8 novembre 1996, de l'objet social de la société [...] autorisant la location de tout le patrimoine immobilier de cette dernière, que l'achat des parts de cette société ne pouvait se justifier que par rapport à sa rentabilité tournant autour de la possibilité de louer toutes les chambres du bâtiment et de son annexe à des personnes âgées, l'absence de permis de bâtir pour l'annexe de 110 m2, comprenant plusieurs chambres, susceptible de nuire au projet de location, ne pouvait que menacer cette rentabilité et donc porter atteinte à l'élément déterminant à l'origine du consentement [du défendeur] ».
Il en déduit qu' « eu égard à ces circonstances, il appartenait à [la demanderesse], lors de la convention de cession de parts, de porter à la connaissance des cessionnaires que l'annexe avait été construite sans permis de bâtir ou, à tout le moins, qu'elle n'avait jamais reçu le permis sollicité » et qu' « en s'abstenant de donner cette information, [la demanderesse] a manifesté une réticence dolosive sciemment en vue de favoriser l'obtention du consentement [du défendeur] à la cession des parts de la société [...] propriétaire de cet immeuble et de son annexe ».
Par ces énonciations, l'arrêt, qui considère que l'incidence du défaut de permis d'urbanisme sur la possibilité pour la société de réaliser son objet social et la menace en résultant sur sa rentabilité faisaient peser sur la demanderesse une obligation d'en informer le défendeur, justifie légalement sa décision d'annuler pour dol la convention de cession de parts querellée.
Le moyen ne peut être accueilli.

Sur le troisième moyen :

Quant à la première branche :

Dès lors qu'elle n'était saisie d'aucune demande de la demanderesse de restitution en nature ou par équivalent des parts sociales faisant l'objet de la convention de cession querellée, la cour d'appel, qui a déclaré fondée la demande d'annulation de cette convention, n'était pas tenue de condamner le défendeur à cette restitution.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Quant à la seconde branche :

L'arrêt attaqué constate que « les parties établissent leurs décomptes en débattant de dommages et intérêts » et il recherche « les conséquences sur le plan juridique de [la] nullité [de la convention de cession de parts à la suite des manœuvres dolosives de la demanderesse] en tenant compte du fait que cette dissolution est imputable à [celle-ci] ».
Il considère que « ne pas comptabiliser des intérêts sur le prix payé reviendrait à favoriser [la demanderesse] pourtant responsable de l'annulation de la convention de cession » et qu' « eu égard au fait que seule [la demanderesse] a commis une faute à l'origine de la nullité, [...] il convient de condamner celle-ci à restituer des intérêts au taux légaux sur le prix payé depuis le 7 novembre 1996 jusqu'à la citation du 7 mars 2001 » et des intérêts moratoires depuis cette date jusqu'au parfait paiement.
Il suit de ces motifs que l'arrêt fonde cette condamnation de la demanderesse aux intérêts sur le prix payé, non sur l'obligation de restitution de ce prix consécutive à l'annulation de ladite convention, mais sur l'obligation qu'a l'auteur du dol d'indemniser intégralement le dommage subi par la victime de ce dol.
Le moyen, qui, en cette branche, procède d'une interprétation inexacte de l'arrêt attaqué, manque en fait.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de mille seize euros cinquante-huit centimes envers la partie demanderesse.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le conseiller faisant fonction de président Mireille Delange, les conseillers Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du onze mars deux mille dix-neuf par le conseiller faisant fonction de président Mireille Delange, en présence de l'avocat général Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.18.0399.F
Date de la décision : 11/03/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-03-11;c.18.0399.f ?

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