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21/02/2019 | BELGIQUE | N°C.18.0188.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 21 février 2019, C.18.0188.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.18.0188.F
COMMUNAUTÉ FRANÇAISE, représentée par son gouvernement, poursuites et diligences du ministre de l'Éducation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, place Surlet de Chokier, 15-17,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,

contre

ÉTAT BELGE, représenté par le ministre de la Sécurité et de l'Intérieur, dont le cabinet est é

tabli à Bruxelles, rue de la Loi, 2, par le ministre de la Justice, dont le cabinet est établi à Brux...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.18.0188.F
COMMUNAUTÉ FRANÇAISE, représentée par son gouvernement, poursuites et diligences du ministre de l'Éducation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, place Surlet de Chokier, 15-17,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,

contre

ÉTAT BELGE, représenté par le ministre de la Sécurité et de l'Intérieur, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 2, par le ministre de la Justice, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de Waterloo, 115, et par le ministre du Budget, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard du Jardin botanique, 50/156,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Isabelle Heenen, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 30 juin 2017 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.

III. La décision de la Cour

Sur la fin de non-recevoir opposée au pourvoi par le défendeur et déduite de ce qu'il est dirigé contre des parties qui n'étaient pas à la cause devant le juge d'appel :

L'État belge est un et indivisible.
Le pourvoi est dirigé contre l'État belge représenté par le ministre de la Sécurité et de l'Intérieur, par le ministre de la Justice et par le ministre du Budget, et non contre trois ministères s'identifiant à des parties distinctes.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Les frais de la signification du mémoire en réponse ainsi que de l'acte de désistement seront dès lors délaissés au défendeur.

Sur le premier moyen :

En vertu de l'article 747, § 1er, du Code judiciaire, les parties peuvent convenir entre elles de délais pour conclure à l'audience introductive et à chaque audience ultérieure et le juge prend acte des délais pour conclure, les confirme et fixe la date de l'audience ; l'ordonnance est mentionnée dans le procès-verbal de l'audience et portée à la connaissance des parties et de leurs avocats.
Selon l'article 747, § 2, alinéa 6, de ce code, dans sa version applicable au litige, sans préjudice de l'application des exceptions prévues à l'article 748, §§ 1er et 2, les conclusions qui sont remises au greffe ou envoyées à la partie adverse après l'expiration des délais sont d'office écartées des débats.
Il suit de cette disposition que le juge ne peut écarter des conclusions remises après les délais convenus par les parties entre elles que s'il a confirmé ces délais.
Le moyen, qui soutient que le juge est tenu d'écarter les conclusions dès que les parties sont convenues d'un calendrier amiable, manque en droit.

Sur le second moyen :

Quant à la première branche :

Si, en vertu des articles 1382 et 1383 du Code civil, celui qui cause à autrui un dommage par sa faute est tenu de le réparer, il appartient au demandeur en réparation d'établir l'existence de la faute, du dommage et du lien causal entre cette faute et le dommage.
L'existence du lien de causalité ne se déduit pas de l'existence de la faute.
Le moyen, qui, en cette branche, repose sur le soutènement contraire, manque en droit.

Quant à la deuxième branche :

Conformément à l'article 26, § 2, alinéa 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, la juridiction dont la décision est susceptible de pourvoi en cassation n'est pas tenue de poser à la Cour constitutionnelle une question préjudicielle si la loi ne viole manifestement pas un article de la Constitution visé au paragraphe premier.
Dans la mesure où il soutient le contraire, le moyen, en cette branche, manque en droit.
Pour le surplus, saisi de l'action en responsabilité de la demanderesse contre le défendeur, l'arrêt attaqué relève que, « à supposer que l'arrêt [du Conseil d'État du 22 février 2006 dans la cause opposant celle-ci à monsieur M.] consistât en une violation caractérisée d'un prescrit légal [pour n'avoir pas posé la question préjudicielle qui lui était soumise] dont [le défendeur] devrait répondre », ce dernier « conteste [...] le lien causal entre la faute éventuelle et le dommage allégué » au motif que, « par un arrêt du 29 mars 2010, la Cour constitutionnelle a répondu [...] par la négative » à la question si « l'article 11 des lois coordonnées sur le Conseil d'État, interprété en ce sens qu'aucun délai de prescription particulier ne s'applique dans lequel l'intéressé doit entamer auprès de l'administration la procédure fixée par cet article pour obtenir les indemnités relatives à la réparation d'un dommage exceptionnel, viole [...] les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il prive l'autorité administrative de toute prescription extinctive, tandis qu'une demande en réparation d'un dommage extracontractuel se prescrit par l'écoulement d'un délai déterminé, qui est défini, en droit commun, à l'article 2262bis, § 1er, alinéas 2 et 3, du Code civil ».
Après avoir énoncé que « le Conseil d'État [a] posé cette question [...] dans une cause très comparable à celle [qui opposait la demanderesse à] monsieur M. », l'arrêt attaqué relève qu'« il ressort de cet arrêt que [...] l'absence de délai de prescription après l'écoulement de la procédure civile ou de la procédure devant d'autres juridictions administratives se justifie car (i) ces demandes ne concernent pas un droit subjectif de sorte qu'il n'y a pas de nécessité de pouvoir mener utilement une défense concernant une faute qui serait reprochée à l'autorité administrative ; (ii) le Conseil d'État peut prendre en compte l'absence de réaction du requérant ainsi que la raison qui la justifie, et (iii) l'écoulement du temps peut avoir des conséquences préjudiciables pour le requérant en indemnité, telle que la difficulté de prouver le lien de causalité entre l'acte non fautif et le dommage ».
Il en déduit que, « tout comme la non-application de la prescription de droit commun prévue par l'article 2262bis, § 1er, alinéas 2 et 3, du Code civil [...], la non-application, aux demandes d'indemnité pour préjudice exceptionnel, de la prescription (de deux fois cinq ans) prévue par l'article 1er de la loi du 6 février 1970 [relative à la prescription des créances à charge ou au profit de l'État et des provinces] ou de l'article 100 de l'arrêté royal du 17 juillet 1991 [portant coordination des lois sur la comptabilité de l'État] se justifie et ne viole manifestement pas les articles 10 et 11 de la Constitution » dès lors que les mêmes justifications prévalent et conclut qu'« il est ainsi acquis que, si le Conseil d'État avait posé la question préjudicielle qui lui était suggérée, la Cour constitutionnelle y aurait répondu négativement, avec pour conséquence que le Conseil d'État aurait, in fine, rendu le même arrêt d'indemnisation ».
Il suit de ces énonciations que, contrairement à ce que soutient le moyen, en cette branche, l'arrêt attaqué, d'une part, ne donne pas à l'arrêt de la Cour constitutionnelle du 29 mars 2010 une portée générale mais considère que les justifications fondant la constitutionnalité de l'article 11 des lois coordonnées sur le Conseil d'État pour non-application de la prescription de droit commun de l'article 2262bis du Code civil sont les mêmes lorsqu'il s'agit d'apprécier, pour cette même disposition, la non-application de la prescription prévue pour les créances à charge de l'État, d'autre part, statue dans le seul cadre de la demande d'indemnisation de la demanderesse fondée sur la faute du défendeur, non sur une demande d'indemnité en réparation d'un dommage exceptionnel.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la troisième branche :

Il suit des énonciations reproduites dans la réponse à la deuxième branche du moyen que l'arrêt attaqué rejette la demande de la demanderesse, non pour le motif que celle-ci aurait omis d'invoquer les délais de prescription prévus par l'article 4 de l'arrêté du Régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'État, mais en raison de l'absence d'un lien de causalité entre la faute invoquée, soit l'abstention du Conseil d'État de poser une question préjudicielle pour non-application à l'article 11 des lois coordonnées sur le Conseil d'État de la prescription des créances à charge de l'État, et le dommage.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne le défendeur aux dépens du mémoire en réponse et de l'acte de désistement, et la demanderesse aux autres dépens.
Les dépens taxés à la somme de sept cent vingt-neuf euros quatre-vingt-quatre centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du Fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne, et, pour le mémoire en réponse et l'acte de désistement, à la somme de quatre cent nonante-deux euros vingt-sept centimes envers la partie défenderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Mireille Delange, Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du vingt et un février deux mille dix-neuf par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.18.0188.F
Date de la décision : 21/02/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-02-21;c.18.0188.f ?

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