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19/02/2019 | BELGIQUE | N°P.17.1229.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 19 février 2019, P.17.1229.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.17.1229.N
SKYPE COMMUNICATIONS, société à responsabilité limitée,
prévenue,
demanderesse en cassation,
Mes Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, Steven De Schrijver, avocat au barreau de Bruxelles, et Frédéric Thiebaut, avocat au barreau d'Anvers.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 15 novembre 2017 par la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en

copie certifiée conforme.
L'avocat général Luc Decreus a déposé des conclusions le 30 janvier...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.17.1229.N
SKYPE COMMUNICATIONS, société à responsabilité limitée,
prévenue,
demanderesse en cassation,
Mes Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, Steven De Schrijver, avocat au barreau de Bruxelles, et Frédéric Thiebaut, avocat au barreau d'Anvers.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 15 novembre 2017 par la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
L'avocat général Luc Decreus a déposé des conclusions le 30 janvier 2019.
Le 15 février 2019, les conseils de la demanderesse ont déposé au greffe de la Cour une note en réponse aux conclusions écrites du ministère public par application de l'article 1107, alinéa 2, du Code judiciaire.
À l'audience du 19 février 2019, le conseiller Erwin Francis a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :
(...)
Quant à la troisième branche :

7. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 2.2 de la Charte des Nations Unies, 4 du Traité sur l'Union européenne, 18 de la Convention du 29 mai 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l'Union européenne, 3, § 1er, de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959, 24 du Traité d'extradition et d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Royaume de Belgique, le Grand-Duché de Luxembourg et le Royaume des Pays-Bas du 27 juin 1962, 4 de la loi luxembourgeoise, modifiée, du 30 mai 2005 relative aux dispositions spécifiques de protection de la personne à l'égard du traitement des données à caractère personnel dans le secteur des communications électroniques et portant modification des articles 88-2 et 88-4 du Code d'instruction criminelle luxembourgeois, 88bis et 90quater du Code d'instruction criminelle, tels qu'applicables en l'espèce : dans la mesure où il y a lieu de comprendre l'arrêt dans le sens où la mesure ordonnée par le juge d'instruction devrait être exécutée au Luxembourg lorsque la demanderesse ne dispose pas de la moindre infrastructure ou présence physique en Belgique, sans qu'une demande d'entraide judiciaire ne doive être envoyée conformément à l'article 18, §§ 1 et 2, de la Convention du 29 mai 2000 susmentionnée, et sans qu'il faille pour ce faire prendre en considération le droit luxembourgeois, et particulièrement la disposition énoncée au moyen, en cette branche, l'arrêt viole les dispositions précitées, d'autant plus que, pour assurer la coopération dans le cadre des articles 88bis et 90quater du Code d'instruction criminelle, les actes matériels à exécuter à l'étranger sont beaucoup plus poussés que s'il s'agissait de simples données d'identification.

8. L'article 88bis du Code d'instruction criminelle, tel qu'applicable en l'espèce, dispose :
« § 1er. Lorsque le juge d'instruction estime qu'il existe des circonstances qui rendent le repérage de télécommunications ou la localisation de l'origine ou de la destination de télécommunications nécessaire à la manifestation de la vérité, il peut faire procéder, en requérant au besoin le concours technique de l'opérateur d'un réseau de télécommunication ou du fournisseur d'un service de télécommunication directement ou par l'intermédiaire d'un service de police désigné par le Roi :
1° au repérage des données d'appel de moyens de télécommunication à partir desquels ou vers lesquels des appels sont adressés ou ont été adressés ;
2° à la localisation de l'origine ou de la destination de télécommunications.
Dans les cas visés à l'alinéa 1er, pour chaque moyen de télécommunication dont les données d'appel sont repérées ou dont l'origine ou la destination de la télécommunication est localisée, le jour, l'heure, la durée et, si nécessaire, le lieu de la télécommunication sont indiqués et consignés dans un procès-verbal.
Le juge d'instruction indique les circonstances de fait de la cause qui justifient la mesure dans une ordonnance motivée qu'il communique au procureur du Roi.
Il précise la durée durant laquelle elle pourra s'appliquer, cette durée ne pouvant excéder deux mois à dater de l'ordonnance, sans préjudice de renouvellement.
[...]
§ 2. Chaque opérateur d'un réseau de télécommunication et chaque fournisseur d'un service de télécommunication communique les informations qui ont été demandées dans un délai à fixer par le Roi, sur la proposition du Ministre de la Justice et du Ministre compétent pour les télécommunications.
Toute personne qui, du chef de sa fonction, a connaissance de la mesure ou y prête son concours, est tenue de garder le secret. Toute violation du secret est punie conformément à l'article 458 du Code pénal.
Toute personne qui refuse de prêter son concours technique aux réquisitions visées dans cet article, concours dont les modalités sont déterminées par le Roi, sur la proposition du Ministre de la Justice et du ministre compétent pour les télécommunications, est punie d'une amende de vingt-six euros à dix mille euros. »

L'article 90quater, § 2, du Code d'instruction criminelle, tel qu'applicable en l'espèce, dispose :
« Si la mesure comporte une opération sur un réseau de communication, l'opérateur de ce réseau, ou le fournisseur du service de télécommunication, est tenu de prêter son concours technique, quand le juge d'instruction le requiert directement ou par l'intermédiaire d'un service de police désigné par le Roi.
Toute personne qui, du chef de sa fonction, a connaissance de la mesure ou y prête son concours, est tenue de garder le secret. Toute violation du secret est punie conformément à l'article 458 du Code pénal.
Toute personne qui refuse de prêter son concours technique aux réquisitions visées dans cet article, concours dont les modalités sont déterminées par le Roi, sur la proposition du Ministre de la Justice et du Ministre compétent pour les télécommunications, est punie d'une amende de vingt-six euros à dix mille euros. »

9. Ces dispositions permettent au juge d'instruction belge, dans le cadre de son instruction, de demander à chaque opérateur d'un réseau de télécommunication et chaque fournisseur d'un service de messagerie électronique dont l'activité économique s'adresse activement aux consommateurs en Belgique, de communiquer les informations ou de fournir l'assistance technique visées en l'espèce, indépendamment du lieu où cet opérateur ou ce fournisseur est établi ou du lieu où se situe l'infrastructure requise pour donner suite à la demande du juge d'instruction.

En effet, d'une part un tel opérateur ou fournisseur est soumis à la législation belge du seul fait de sa participation active à la vie économique en Belgique. D'autre part, l'obligation de coopérer ainsi visée ne requiert pas l'intervention des autorités judiciaires belges à l'étranger. Par conséquent, le juge d'instruction n'est pas tenu d'adresser sa demande d'entraide judiciaire à l'État où le siège ou l'infrastructure de cet opérateur ou de ce fournisseur se situent et n'est pas davantage lié par la législation de ce pays.
Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.

10. L'arrêt se prononce ainsi qu'il est indiqué en réponse au moyen, en sa seconde branche, et décide en outre que :
- il n'est pas question d'une prétendue contradiction avec le droit luxembourgeois, dès lors que le devoir de coopération de la demanderesse fondé sur les articles 88bis et 90quater du Code d'instruction criminelle concerne les communications en Belgique et non au Luxembourg ;
- les prestations de service fournies par la demanderesse aux habitants belges relèvent du droit belge applicable et non du droit luxembourgeois ;
- la demande du juge d'instruction visait la fourniture d'informations par la demanderesse aux enquêteurs belges, ainsi qu'une coopération technique dans le cadre d'une mesure d'écoute pratiquée sur le territoire belge. Il n'est pas question d'exécution d'actes d'instruction par les organes de l'État belge sur le territoire du Grand-Duché du Luxembourg, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de suivre la procédure d'entraide judiciaire en matière pénale ;
- en ces circonstances, l'infraction alléguée au droit luxembourgeois ne peut donc constituer un cas de force majeure dans le chef de la demanderesse ;
- il ne saurait davantage être question d'une contradiction entre les articles 88bis et 90quater du Code d'instruction criminelle et l'article 2 de la Charte des Nations Unies qui veille à l'égalité souveraine des États membres signataires.

Ainsi, la décision est légalement justifiée.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
(...)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Paul Maffei, président, Peter Hoet, Antoine Lievens, Erwin Francis et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du dix-neuf février deux mille dix-neuf par le président Paul Maffei, en présence de l'avocat général Luc Decreus, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.

Traduction établie sous le contrôle du conseiller Eric de Formanoir et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.1229.N
Date de la décision : 19/02/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-02-19;p.17.1229.n ?

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