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06/02/2019 | BELGIQUE | N°P.18.1215.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 février 2019, P.18.1215.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.18.1215.F
1. C. L., R., C., M.,
2. B.-P. P., J., prévenus,
demandeurs en cassation,
ayant pour conseil Maître Mélanie Bosmans, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Saint-Gilles, chaussée de Charleroi, 70/13, où il est fait élection de domicile,






contre

1. UNION EUROPEENNE, représentée par la Commission européenne,
2. AGENCE EUROPEENNE POUR LA SECURITE ET LA SANTE AU TRAVAIL,
parties civiles,
défenderesses en cassation,
ayant pour conseil Maître Magda

Vandebotermet, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.18.1215.F
1. C. L., R., C., M.,
2. B.-P. P., J., prévenus,
demandeurs en cassation,
ayant pour conseil Maître Mélanie Bosmans, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Saint-Gilles, chaussée de Charleroi, 70/13, où il est fait élection de domicile,

contre

1. UNION EUROPEENNE, représentée par la Commission européenne,
2. AGENCE EUROPEENNE POUR LA SECURITE ET LA SANTE AU TRAVAIL,
parties civiles,
défenderesses en cassation,
ayant pour conseil Maître Magda Vandebotermet, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où il est fait élection de domicile.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 24 octobre 2018 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Les demandeurs invoquent trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Françoise Roggen a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

A. En tant que les pourvois sont dirigés contre les décisions de condamnation rendues sur l'action publique exercée à charge des demandeurs :

Sur le premier moyen :

Le moyen est pris de la méconnaissance du droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Devant les juges d'appel, les demandeurs ont, à titre principal, conclu à l'écartement de l'enquête administrative menée par l'Office européen de lutte anti-fraude et des devoirs accomplis sur la base de celle-ci.
Ils ont, en substance, déduit l'irrecevabilité des poursuites du caractère incomplet du dossier et de la circonstance que certaines pièces évoquées dans le rapport de l'Office européen, ne leur ont été communiquées qu'en partie, et par le truchement des parties civiles.

Le droit à un procès équitable s'apprécie par rapport à l'ensemble de la procédure, en recherchant si les droits de la défense ont été respectés, en examinant si la personne poursuivie a eu la possibilité de contester l'authenticité des preuves et de s'opposer à leur utilisation, en vérifiant si les circonstances dans lesquelles les éléments à charge ont été obtenus jettent le doute sur leur crédibilité ou leur exactitude, et en évaluant l'influence de l'élément de preuve obtenu irrégulièrement sur l'issue de l'action publique.

L'arrêt attaqué relève que l'Office européen de lutte anti-fraude n'a que tardivement averti les suspects de l'ouverture d'une enquête, qu'il ne leur a pas communiqué une copie de son rapport, ne les a pas entendus et ne les a pas informés de la possibilité d'exercer un recours.

La cour d'appel a cependant considéré qu'il n'y avait pas lieu d'en déduire une irrégularité à ce point importante qu'elle doive nécessairement conduire à l'écartement du rapport de l'Office.

Pour en juger ainsi, la cour d'appel a mis en évidence les éléments suivants :

- le parquet fédéral a mené une information au cours de laquelle l'occasion fut donnée, à chacun des demandeurs, d'être entendus sur les éléments recueillis ;
- les demandeurs n'ont jamais précisé en quoi les informations produites par l'Office européen de lutte anti-fraude auraient été obtenues de manière irrégulière ou déloyale ;
- le rapport de surveillance de l'Office ne met pas en cause la moindre enquête menée par cet organisme ; rien ne démontre que les devoirs qu'il a réalisés n'aient pas respecté la réglementation qui l'institue ;
- convoqués pour audition, les demandeurs ont eu l'occasion de se concerter au préalable avec leur avocat qui a obtenu le report de la convocation ;
- alors que le demandeur faisait le choix de ne pas se rendre à la convocation suivante, la demanderesse s'y est présentée et a eu l'occasion d'exposer ses griefs quant à l'enquête de l'Office européen ;
- lors de ses auditions, la demanderesse a expliqué notamment avoir acheté de faux diplômes et fabriqué de fausses attestations de soins et de faux reçus d'honoraires médicaux qu'elle introduisait au Régime commun d'assurance maladie des Communautés européennes ;
- confrontée aux pièces émanant du dossier de l'Office européen, la demanderesse a détaillé les divers procédés auxquels, profitant selon ses dires de la bêtise des victimes, elle a eu recours afin de tromper la sécurité sociale européenne et obtenir ainsi des milliers d'euros de remboursements indus ;
- le nombre de consultations est tel qu'il établit à lui seul leur caractère mensonger ;
- les échanges de courriels entre les époux traduisent le cynisme de leurs actes ;
- la prévention d'abus de confiance au préjudice d'une association de parents d'élèves repose sur une enquête de la police belge, totalement étrangère aux investigations de l'Office européen ;
- les deux demandeurs ont bénéficié du concours d'un avocat en première instance et en degré d'appel, lequel a pu contester la manière dont l'Office européen a effectué le dépistage préalable à l'enquête.

Sur la base de ces considérations, les juges d'appel ont pu décider que l'usage des preuves résultant des devoirs exécutés à la suite de l'enquête administrative de l'Office européen de lutte anti-fraude, n'était pas contraire au droit à un procès équitable.

A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Sur le deuxième moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et 195, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle.

Les demandeurs reprochent à l'arrêt de leur refuser, pour la première, une suspension simple du prononcé de la condamnation et, pour le second, un sursis probatoire à l'exécution de la peine, refus motivé notamment par l'absence de toute indemnisation des défenderesses. Ils reprochent également à l'arrêt de juger les mesures précitées totalement inappropriées par rapport à la gravité des faits.

Le respect des droits de la défense n'interdit pas au juge d'avoir égard, pour l'appréciation de la peine, à la manière dont le prévenu s'est comporté à l'égard des témoins, des victimes ou des autres parties. Peut dès lors être prise en considération la circonstance qu'un prévenu a ou n'a pas remboursé les montants qu'il admet avoir détournés ou escroqués.

Enfin, lorsqu'il indique régulièrement les motifs justifiant le refus d'accorder la suspension du prononcé de la condamnation sollicitée par un prévenu, le juge ne sanctionne pas la manière dont il s'est défendu en s'étonnant en outre, au vu des éléments de la cause, qu'une telle demande ait été formulée.

Le moyen ne peut être accueilli.

Sur le troisième moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 42, 3°, et 43bis du Code pénal, et 195, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle.

Les demandeurs font grief aux juges d'appel de s'être limités à confirmer, sans en donner les raisons, les peines de confiscation par équivalent ordonnées par le premier juge.

Lorsque le juge pénal ordonne la confiscation d'avantages patrimoniaux sur la base de l'article 42, 3°, du Code pénal, il est tenu d'indiquer les raisons pour lesquelles cette peine accessoire et facultative a été choisie. Le juge motive régulièrement et justifie légalement la peine de confiscation spéciale prévue aux articles 42, 3°, et 43bis du Code pénal en constatant que les biens concernés constituent des avantages patrimoniaux pouvant faire l'objet d'une confiscation et en motivant son choix de les confisquer en vue de les attribuer à la partie civile. Il est également tenu de répondre à cet égard aux conclusions déposées.

Les demandeurs ont postulé une limitation de la confiscation par équivalent des avantages patrimoniaux issus des infractions dont ils ont été déclarés coupables, en raison d'une limitation de la prévention d'escroquerie mise à leur charge. Les juges d'appel ont rejeté cette défense en relevant que la prévention susdite n'avait pas été limitée.

Ils ont ensuite considéré qu'à supposer même que certains reçus aient été « moins faux que d'autres », ils ont permis aux demandeurs d'obtenir un double remboursement, par la mutuelle belge, d'une part, par la sécurité sociale européenne, d'autre part.

En énonçant dans ce contexte, que les peines de confiscation ordonnées par le premier juge sur la base du calcul réalisé par le procureur fédéral, l'ont été à bon droit, les juges d'appel ont satisfait à leur obligation de motivation de la peine accessoire visée au moyen.

Le moyen ne peut être accueilli.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et les décisions sont conformes à la loi.

B. En tant que les pourvois sont dirigés contre les décisions rendues sur les actions civiles exercées contre les demandeurs par les défenderesses :

Les demandeurs n'invoquent aucun moyen spécifique.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette les pourvois ;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de sept cent quatorze euros vingt-six centimes dont deux cent vingt-neuf euros quarante et un centimes dus et quatre cent quatre-vingt-quatre euros quatre-vingt-cinq centimes payés par ces demandeurs.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, premier président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du six février deux mille dix-neuf par le chevalier Jean de Codt, premier président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.18.1215.F
Date de la décision : 06/02/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-02-06;p.18.1215.f ?

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