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31/01/2019 | BELGIQUE | N°C.18.0241.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 31 janvier 2019, C.18.0241.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.18.0241.F
G. A.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,

contre

PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL DE MONS, dont l'office est établi à Mons, Palais des cours, rue des Droits de l'homme, 1,
défendeur en cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 5

mars 2018 par la cour d'appel de Mons.
Le 15 janvier 2019, l'avocat général Philippe de Koster ...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.18.0241.F
G. A.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,

contre

PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL DE MONS, dont l'office est établi à Mons, Palais des cours, rue des Droits de l'homme, 1,
défendeur en cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 5 mars 2018 par la cour d'appel de Mons.
Le 15 janvier 2019, l'avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Christian Storck a fait rapport et l'avocat général Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation
La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Disposition légale violée

Article 12bis du Code de la nationalité belge du 28 juin 1984, avant sa modification par la loi du 4 décembre 2012 modifiant le Code de la nationalité belge afin de rendre l'acquisition de la nationalité belge neutre du point de vue de l'immigration

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt confirme le jugement entrepris qui déboute la demanderesse de son recours contre l'opposition du procureur du Roi à sa déclaration de nationalité, par tous ses motifs réputés ici intégralement reproduits et, spécialement, par les motifs que
« L'article 12bis, § 1er, 3°, du Code de la nationalité belge disposait dans son ancienne version, applicable à la demande, que peut acquérir la nationalité belge en faisant une déclaration conformément au paragraphe 2 de cet article, s'il a atteint l'âge de dix-huit ans, l'étranger qui peut faire valoir sept années de résidence principale en Belgique couvertes par un séjour légal et qui, au moment de la déclaration, a été admis ou autorisé au séjour pour une durée illimitée ;
Ce même article disposait également, en son paragraphe 2, alinéa 6, que le procureur du Roi peut émettre un avis négatif sur [l'acquisition de] la nationalité belge lorsqu'il y a un empêchement résultant de faits personnels graves, qu'il doit préciser dans les motifs de son avis, [ou] lorsque les conditions de base visées au paragraphe 1er, qu'il doit indiquer, ne sont pas remplies ;
La connaissance insuffisante de la langue française ne constitue pas un fait personnel grave au sens des anciennes dispositions ;
Du reste, la loi du 4 décembre 2012 a prévu en son article 12bis que la preuve de l'intégration et de la connaissance d'une des langues nationales devait être rapportée pour pouvoir prétendre au bénéfice de la nationalité belge, ce qui démontre a contrario que cette connaissance n'était pas requise par l'ancienne législation et ne pouvait empêcher l'acquisition de la nationalité belge ;
[La demanderesse] soutient que les éléments recueillis en ce qui concerne son époux, lesquels ne sont pas établis sur le plan judiciaire, ne constituent pas des faits personnels graves ;
La circulaire du 6 août 1984 (Mon. b. du 14 août 1984) précise notamment que ‘le contrôle doit porter d'abord sur l'existence d'empêchements résultant de faits personnels graves', qu'‘il n'est pas nécessaire que ces faits soient constatés par une condamnation pénale' et qu'‘encore faut-il, s'ils ne le sont pas, assigner une limite au risque d'arbitraire en imposant au juge de préciser quels sont ces faits personnels graves' ;

La circulaire du 20 juillet 2000 (Mon. b. du 27 juillet 2000) souligne qu'‘il peut également s'agir, par exemple, de faits de délinquance grave, sanctionnés ou non, d'atteinte à la sûreté de l'État, d'activisme terroriste, d'espionnage ou de refus affirmé de respecter les lois belges' ;
En l'espèce, le ministère public fait valoir que la Sûreté de l'État précisait dans une lettre du 26 septembre 2012 (reçue le 8 octobre 2012) que l'époux de [la demanderesse] ‘occupe une fonction dirigeante au sein du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) (actuel Congrès du peuple du Kurdistan [Kongra Gel]), probablement même à un niveau international au vu de ses déplacements', qu'‘à ce titre, il assume des responsabilités, notamment lors des collectes de fonds du parti kurde (lors desquelles il fait souvent preuve de brutalité), et effectue des missions particulières qui lui sont confiées par la hiérarchie du parti', qu'il ‘est notamment actif dans la région de Charleroi et fréquente régulièrement tant les cellules locales (derneks) de Charleroi que de Liège ainsi que l'association sans but lucratif « Académie de recherches [en] sciences [...] sociales de la Mésopotamie » (n° d'association 834.572.594), plus communément appelée l'« Académie du PKK à Lodelinsart »', que, ‘dernièrement, le 12 mai 2012, l'intéressé était présent à Liège au grand rassemblement de la Fédération des associations kurdes de Belgique (FEK-BEL), coupole qui contrôle les cellules locales au niveau national, et qu'au début juin 2012, il a encore participé, dans les locaux de l'association kurde liégeoise, aux élections pour le renouvellement du « KONKURD », pendant du « FEK-BEL » à l'échelle européenne' ;
Un second rapport émis le 14 septembre 2015 confirme que [le mari de la demanderesse] fait partie ‘des membres-cadres du PKK en Europe qui sont chaque année désignés par le dirigeant du PKK en Europe comme responsables de l'une ou l'autre zone géographique ou entité thématique (financement, recrutement...) du PKK en Europe. Ainsi, [il] a déjà occupé de nombreuses fonctions dirigeantes dans différents pays, notamment la Belgique, les pays nordiques et actuellement une région aux Pays-Bas' ;
[La demanderesse] fait valoir que son époux n'a jamais été condamné pour son appartenance au groupe PKK mais ne conteste pas en soi cette appartenance, se bornant à soutenir qu'elle ignore les activités politiques de son mari ;
Outre que cette affirmation apparaît peu crédible dans la mesure où elle reconnaît cohabiter avec [son mari], elle a pu depuis l'intentement de la présente procédure prendre connaissance des informations que la Sûreté de l'État possédait sur [lui], ce qui ne paraît pas avoir entraîné une quelconque prise de conscience de sa part sur la personnalité de l'homme avec lequel elle vit ;
Si les faits qui sont reprochés à son époux ne lui sont pas personnels, sa passivité, qui implique une certaine adhésion à l'égard des activités de ce dernier, constitue un fait grave justifiant l'empêchement à l'acquisition de la nationalité belge ».

Griefs

Aux termes de l'article 12bis du Code de la nationalité belge du 28 juin 1984, avant sa modification par la loi du 4 décembre 2012 modifiant le Code de la nationalité belge afin de rendre l'acquisition de la nationalité belge neutre du point de vue de l'immigration, le procureur du Roi peut émettre un avis négatif sur l'acquisition de la nationalité belge lorsqu'il existe un empêchement résultant de faits personnels graves, qu'il doit préciser dans les motifs de son avis.
Doivent être considérés comme des faits personnels graves, des faits de délinquance graves, sanctionnés ou non en Belgique ou à l'étranger, d'atteinte à la sûreté de l'État, d'activisme terroriste, d'espionnage ou de refus affirmé de respecter la loi belge.
Il doit s'agir de faits matériels. Seuls des faits, qui doivent en outre être personnels à celui qui sollicite l'acquisition de la nationalité belge, peuvent justifier une opposition du procureur du Roi à la demande d'acquisition de la nationalité. Des opinions ou sympathies, de quelque nature que ce soit, ne peuvent être prises en considération.
Ces faits doivent en outre être graves et suffisamment précis pour pouvoir être soumis à la contradiction des parties.
L'arrêt constate que les faits reprochés [au mari de la demanderesse] ne sont pas personnels à [celle-ci].
Il décide néanmoins qu'elle a manifesté une certaine « passivité, qui implique une certaine adhésion à l'égard des activités de [son mari] [et qui] constitue un fait grave justifiant l'empêchement à l'acquisition de la nationalité belge », considérant ainsi qu'une « certaine adhésion » constitue un fait personnel grave.
Il méconnaît, partant, la notion légale de faits personnels graves et viole l'article 12bis du Code de la nationalité belge du 28 juin 1984 visé au moyen.

III. La décision de la Cour

Sur la fin de non-recevoir opposée d'office au pourvoi par le ministère public conformément à l'article 1097 du Code judiciaire en tant qu'il est dirigé contre le procureur général près la cour d'appel de Mons :

Le procureur général près la cour d'appel de Mons s'est, conformément à l'article 15, § 5, alinéa 4, du Code de la nationalité belge, borné à donner un avis sur la cause, à laquelle il n'a pas été partie.
La fin de non-recevoir est fondée.

Sur le moyen :

En vertu de l'article 12bis, § 2, alinéa 6, du Code de la nationalité belge, tel qu'il s'applique à la déclaration de nationalité de la demanderesse, le procureur du Roi peut émettre un avis négatif sur l'acquisition de la nationalité belge lorsqu'il y a un empêchement résultant de faits personnels graves.
Un fait personnel grave est au sens de cette disposition un acte ou une omission matériel ou objectif pouvant être identifié dans le comportement de la personne qui a souscrit la déclaration de nationalité.
Après avoir constaté que, suivant des renseignements émanant de la Sûreté de l'État, le mari de la demanderesse est membre du Parti des travailleurs du Kurdistan, au sein duquel il exerce des responsabilités, l'arrêt admet que « les faits reprochés » à son mari ne sont pas personnels à la demanderesse.
En considérant que celle-ci « a pu, depuis l'intentement de la présente procédure, prendre connaissance des informations que [possédait] la Sûreté de l'État [...], ce qui ne paraît pas avoir entraîné une quelconque prise de conscience de sa part sur la personnalité de l'homme avec lequel elle vit », et que « sa passivité, qui implique une certaine adhésion à l'égard des activités de ce dernier, constitue un fait grave justifiant l'empêchement à l'acquisition de la nationalité belge », l'arrêt viole l'article 12bis, § 2, alinéa 6, précité.
Le moyen est fondé.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Condamne la demanderesse aux dépens de la signification de la requête au procureur général près la cour d'appel de Mons ; réserve les autres dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Liège.
Les dépens de la signification de la requête au procureur général près la cour d'appel de Mons taxés à la somme de deux cent septante-neuf euros trente-deux centimes en débet envers la partie demanderesse.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Mireille Delange, Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du trente et un janvier deux mille dix-neuf par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.18.0241.F
Date de la décision : 31/01/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-01-31;c.18.0241.f ?

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