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30/01/2019 | BELGIQUE | N°P.18.0879.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 30 janvier 2019, P.18.0879.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.18.0879.F
WOUTERS Adam, Dieter, né à Eupen le 11 mai 1990, domicilié à La Calamine, Siedlung Europa, 32,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Denis Barth, avocat au barreau d'Eupen.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Rédigé en allemand, le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu dans cette langue le 27 juin 2018, sous le numéro 2018/315, par le tribunal correctionnel d'Eupen, statuant en degré d'appel.
Par ordonnance du 28 novembre 2018, le premier président de l

a Cour a décidé que la procédure sera faite en français à partir de l'audience.
Le demand...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.18.0879.F
WOUTERS Adam, Dieter, né à Eupen le 11 mai 1990, domicilié à La Calamine, Siedlung Europa, 32,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Denis Barth, avocat au barreau d'Eupen.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Rédigé en allemand, le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu dans cette langue le 27 juin 2018, sous le numéro 2018/315, par le tribunal correctionnel d'Eupen, statuant en degré d'appel.
Par ordonnance du 28 novembre 2018, le premier président de la Cour a décidé que la procédure sera faite en français à partir de l'audience.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.

L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a déposé des conclusions reçues au greffe le 14 janvier 2019.
A l'audience du 23 janvier 2019, le conseiller Tamara Konsek a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le moyen :

Quant aux deux branches réunies :

1. Le demandeur est poursuivi pour avoir, le 6 août 2016, conduit un véhicule dans un lieu public sous l'influence de l'une des substances visées à l'article 37bis, § 1er, de la loi relative à la police de la circulation routière, avec la circonstance qu'il a commis l'infraction dans la période de trois ans à compter du jour du prononcé, le 20 mars 2015, d'un précédent jugement de condamnation, passé en force de chose jugée, du chef de l'une des infractions visées à l'article 38, § 6, de la loi précitée.

Le moyen est pris de la violation des articles 38, § 6, de la loi relative à la police de la circulation routière, 2 du Code pénal, 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 15.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il reproche aux juges d'appel d'avoir retenu l'état de récidive spécifique alors qu'en vertu de l'article 38, § 6, alinéa 1er, tel que modifié par l'article 11, 6°, de la loi du 6 mars 2018 relative à l'amélioration de la sécurité routière, la récidive se fonde sur une nouvelle condamnation et non sur la commission d'une nouvelle infraction dans le délai de trois ans. Selon le moyen, le tribunal correctionnel était tenu d'appliquer cette disposition dans sa nouvelle version, favorable au demandeur.

2. L'article 2, alinéa 2, du Code pénal dispose que si la peine établie au temps du jugement diffère de celle qui était portée au temps de l'infraction, la peine la moins forte sera appliquée. En vertu de l'article 15.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international au moment où elles ont été commises. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit l'application d'une peine plus légère, le contrevenant doit en bénéficier.

Il s'ensuit que l'état de récidive ne peut être retenu par le juge dans le chef de l'auteur d'une infraction lorsque les conditions légales de la récidive étaient remplies à la date de la commission de cette infraction mais qu'elles ont cessé de l'être à un moment quelconque entre cette date et celle du jugement.

Toutefois, si, en application des articles 2, alinéa 2, du Code pénal, 7 de la Convention et 15.1 du Pacte international, un fait cesse d'être punissable ou l'est dans des conditions plus douces, notamment du point de vue de la récidive spécifique, c'est à la condition que l'intention non douteuse du législateur ait été de renoncer tantôt à toute répression pour le passé comme pour l'avenir, tantôt, dans les mêmes circonstances de temps, à la répression de la récidive telle qu'elle était prévue à la date de l'infraction.

Ainsi, le prévenu ne peut se prévaloir rétroactivement de la loi qui apparaît plus favorable, si la modification des conditions de fond de la récidive qui en découle est due à une erreur de formulation du texte que le législateur a par la suite rectifiée.

3. Lorsque le demandeur, le 6 août 2016, a commis l'infraction visée à l'article 37bis, § 1er, 1°, de la loi relative à la police de la circulation routière, l'article 38, § 6, alinéa 1er, de cette loi disposait :
« Sauf dans le cas visé à l'article 37/1, alinéa 1er, le juge doit prononcer la déchéance du droit de conduire un véhicule à moteur pour une période de 3 mois au moins, et subordonner la réintégration dans le droit de conduire à la réussite des quatre examens visés au § 3, alinéa 1er, si le coupable, dans la période de 3 ans à compter du jour du prononcé d'un précédent jugement de condamnation coulé en force de chose jugée du chef de l'une des infractions visées aux articles 29, § 1er, alinéa 1er, 29, § 3, alinéa 3, 30, §§ 1er, 2 et 3, 33, §§ 1er et 2, 34, § 2, 35, 37, 37bis, § 1er, 48 et 62bis, commet à nouveau l'une de ces infractions. »

Le jugement attaqué constate que le demandeur a été condamné le 20 mars 2015, par un jugement passé en force de chose jugée, pour avoir commis une des infractions visées à l'article 38, § 6, alinéa 1er.

Pour une infraction commise le 6 août 2016, comme en l'espèce, le contrevenant, en état de récidive spécifique, encourait ainsi, en vertu de la loi applicable le jour des faits, une peine de déchéance du droit de conduire d'une durée d'au moins trois mois, la réintégration dans ce droit étant subordonnée à la réussite des quatre examens précités.

4. Au moment du jugement attaqué, l'article 38, § 6, alinéa 1er, de la loi relative à la police de la circulation routière avait été modifié par l'article 11, 6°, de la loi du 6 mars 2018 relative à l'amélioration de la sécurité routière et était rédigé comme suit :
« Le juge doit prononcer la déchéance du droit de conduire un véhicule à moteur pour une période de trois mois au moins et subordonner la réintégration dans le droit de conduire à la réussite des quatre examens visés au § 3, alinéa 1er, si le coupable, dans la période de trois ans à compter du jour du prononcé d'un précédent jugement de condamnation coulé en force de chose jugée du chef de l'une ou plus des infractions visées aux articles 29, § 1er, alinéa 1er, 29, § 3, alinéa 3, 30, §§ 1er, 2 et 3, 33, §§ 1er et 2, 34, § 2, 35, 37, 37bis, § 1er, 48, 62bis ou à l'article 22 de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, est à nouveau condamné du chef de l'une de ces infractions. »

5. L'article 38, § 6, alinéa 1er, précité, a été modifié une nouvelle fois par l'article 2 de la loi du 2 septembre 2018 modifiant la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière en ce qui concerne la confiscation et l'immobilisation des véhicules. Cet article est entré en vigueur le 12 octobre 2018, soit postérieurement à la date à laquelle le jugement attaqué a été rendu.

L'article 38, § 6, alinéa 1er, dispose désormais :
« Le juge doit prononcer la déchéance du droit de conduire un véhicule à moteur pour une période de trois mois au moins et subordonner la réintégration dans le droit de conduire à la réussite des quatre examens visés au § 3, alinéa 1er, si le coupable, après une condamnation par application des articles 29, § 1er, alinéa 1er, 29, § 3, alinéa 3, 30, §§ 1er, 2 et 3, 33, §§ 1er et 2, 34, § 2, 35, 37, 37bis, § 1er, 48, 62bis ou à l'article 22 de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, viole à nouveau une de ces dispositions dans les trois ans à compter du jour du prononcé d'un précédent jugement de condamnation coulé en force de chose jugée. »

En vertu de cette disposition, le juge est tenu, comme dans le régime prévu à l'article 38, § 6, alinéa 1er, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 11, 6°, de la loi du 6 mars 2018 relative à l'amélioration de la sécurité routière, de prononcer une peine de déchéance du droit de conduire d'une durée minimale de trois mois et de subordonner la réintégration dans ce droit aux quatre examens, même lorsque la nouvelle infraction commise dans les trois ans du jugement fondant l'état de récidive n'est pas jugée dans ce délai.

6. Il ressort des travaux parlementaires de la loi du 6 mars 2018 précitée qu'en ayant procédé à la première modification de l'article 38, § 6, le législateur entendait, d'une part, ajouter une septième infraction à la liste des six infractions les plus graves prévues à cette disposition, à savoir conduire sans être couvert par une assurance de la responsabilité civile, et, d'autre part, supprimer l'exclusion de la sanction plus sévère en cas de récidive lorsque le juge fait application de l'article 37/1. Il en ressort également que le législateur a jugé opportun, selon les termes de ces travaux préparatoires, d'adapter « légèrement » la formulation de l'article 38, § 6, afin d'exclure des problèmes d'interprétation de la loi, en décidant que ce n'est pas le nombre de nouvelles infractions qui est pris en compte pour définir le type de récidive (simple, double ou triple), mais bien le nombre de condamnations définitives précédentes.

7. Les travaux parlementaires de la loi du 2 septembre 2018 précitée indiquent expressément que le législateur a considéré qu'une nouvelle adaptation de l'article 38, § 6, de la loi relative à la police de la circulation routière s'imposait, pour le motif que la modification précédente avait suscité un manque de clarté en faisant de la nouvelle condamnation, et non de la commission du nouveau fait, la condition du second terme de la récidive.

8. Il résulte de l'ensemble de ces travaux préparatoires que le législateur n'a pas eu l'intention de soumettre la répression de l'infraction commise en état de récidive à la condition que le jugement de condamnation du chef de cette infraction intervienne dans les trois ans de la décision fondant la récidive. L'insertion de cette condition par la loi du 6 mars 2018 procède d'une erreur de formulation que la loi du 2 septembre 2018 a rectifiée.

Soutenant que le juge doit apprécier le second terme de la récidive par référence à la date de la nouvelle condamnation qu'il prononce, le moyen manque en droit.

Le contrôle d'office

9. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de soixante-quatre euros quarante et un centimes dus.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du trente janvier deux mille dix-neuf par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.
F. Gobert F. Lugentz T. Konsek
E. de Formanoir F. Roggen B. Dejemeppe


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.18.0879.F
Date de la décision : 30/01/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-01-30;p.18.0879.f ?

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