La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/01/2019 | BELGIQUE | N°P.18.0502.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 30 janvier 2019, P.18.0502.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.18.0502.F
K. D., prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Steve Lambert, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Ixelles, rue Souveraine, 95, où il est fait élection de domicile.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 30 mars 2018 par le tribunal correctionnel francophone de Bruxelles, statuant en degré d'appel.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le c

onseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu....

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.18.0502.F
K. D., prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Steve Lambert, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Ixelles, rue Souveraine, 95, où il est fait élection de domicile.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 30 mars 2018 par le tribunal correctionnel francophone de Bruxelles, statuant en degré d'appel.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

Le moyen est pris de la violation de l'article 149 de la Constitution.

Quant à la première branche :

Le demandeur reproche aux juges d'appel de ne pas avoir répondu à ses conclusions dans lesquelles il soutenait qu'en vertu des articles 13 de la Constitution, 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 14.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, son opposition ne pouvait être déclarée non avenue.

Le jugement considère que l'article 187, § 6, 1°, du Code d'instruction criminelle doit être lu à la lumière de l'arrêt n° 148/2017 de la Cour constitutionnelle du 21 décembre 2017, et que ledit article ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit du prévenu d'accéder au juge, pour autant qu'il soit interprété conformément à cet arrêt.

L'arrêt précité, au considérant B.30, énonce que les parties requérantes demandent l'annulation de l'article 83 de la loi du 5 février 2016 modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice, au motif que cette disposition est incompatible notamment avec l'article 13 de la Constitution, combiné ou non avec les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Au dispositif de cet arrêt, la Cour constitutionnelle rejette ce recours, sous réserve que l'article 187, § 6, du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été remplacé par l'article 83 de la loi du 5 février 2016, soit interprété ainsi qu'il est mentionné aux points B.39.2 et B.39.3 de cette décision.

En ayant cité l'arrêt de la Cour constitutionnelle, qui sous la réserve énoncée a jugé cet article conforme aux dispositions invoquées dans les conclusions du demandeur, les juges d'appel, par une appréciation contraire, y ont répondu.

Le moyen ne peut être accueilli.

Quant à la seconde branche :

Le moyen soutient que le jugement se contredit : d'une part, il énonce que les notions de force majeure ou d'excuse légitime doivent être interprétées de manière telle que le recours en opposition reste effectif pour le prévenu défaillant qui n'a pas renoncé à comparaître et à se défendre ni eu l'intention de se soustraire à la justice et, d'autre part, il considère que le demandeur ne démontre pas à suffisance ni ne rend suffisamment plausible l'existence d'un cas de force majeure ou d'une excuse légitime, sans constater cette renonciation ou cette intention.

Ainsi qu'il ressortira de la réponse à la première branche du second moyen, les juges d'appel ont fait le constat que le demandeur avait renoncé à comparaître et à se défendre ou eu l'intention de se soustraire à la justice.

Par ailleurs, il n'est pas contradictoire d'énoncer, d'une part, que l'opposition doit rester effective pour le prévenu défaillant qui n'a pas renoncé à comparaître ou à sa défendre ni eu l'intention de se soustraire à la justice et, d'autre part, de considérer que le demandeur ne démontre pas suffisamment ou ne rend pas assez plausible l'existence du motif qu'il invoque pour justifier son défaut lors de la procédure attaquée.

Le moyen manque en fait.

Quant à la troisième branche :

Le demandeur reproche au jugement de contenir une motivation qui ne permet pas à la Cour d'exercer son contrôle de légalité. Il soutient que les juges d'appel auraient dû indiquer à quel « standard de plausibilité » et à quelles règles de preuve, la force majeure ou l'excuse légitime devraient selon eux répondre pour que l'opposition de la personne condamnée par défaut ne soit pas déclarée non avenue.

En vertu de l'article 187, § 6, 1°, du Code d'instruction criminelle, la reconnaissance de la force majeure ou de l'excuse reste soumise à l'appréciation souveraine du juge.

Ni cette disposition ni l'article 149 de la Constitution ne requièrent du juge qu'il énonce dans sa décision le niveau de vraisemblance que la force majeure ou l'excuse invoquées doivent atteindre.

Dans cette mesure, le moyen manque en droit.

Un jugement ou un arrêt est motivé au sens de l'article 149 de la Constitution lorsque le juge indique clairement et sans équivoque les raisons qui l'ont déterminé à statuer comme il l'a fait.

Par les motifs énoncés dans la réponse à la première branche du second moyen, qui permettent à la Cour de contrôler la légalité du jugement, les juges d'appel ont régulièrement motivé leur décision.

A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Sur le second moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 187, § 6, 1°, du Code d'instruction criminelle, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense, des règles relatives à l'administration de la preuve en matière pénale et de la notion de présomption de l'homme.

Quant à la première branche :

Le demandeur reproche au tribunal correctionnel d'avoir déclaré l'opposition non avenue sans avoir préalablement constaté que, par son absence à l'audience, il avait renoncé au droit de comparaître et de se défendre ou eu l'intention de se soustraire à la justice.

Le jugement a, d'abord, considéré que les notions de force majeure ou d'excuse légitime devaient être interprétées de manière telle que le recours en opposition reste effectif pour les prévenus défaillants qui n'ont ni renoncé à comparaître et à se défendre, ni eu l'intention de se soustraire à la justice, et qu'il suffit que l'opposant fasse état d'un cas de force majeure ou d'une excuse légitime et donc qu'il démontre à suffisance l'existence de ce motif, sans qu'il puisse être tenu d'en apporter la preuve.

Le tribunal a, ensuite, considéré que le simple fait de déclarer, de manière particulièrement vague, avoir passé la nuit à la côte belge, sans aucune précision quant aux lieu et circonstances de ce séjour et sans aucun élément concret qui aurait pu permettre au tribunal d'en apprécier la réalité, ne permettait pas de démontrer à suffisance, ni de rendre suffisamment plausible l'existence d'un cas de force majeure ou d'une excuse légitime au sens de l'article 187, § 6, du Code d'instruction criminelle, tel qu'interprété dans l'arrêt précité de la Cour constitutionnelle. Le jugement considère également que les embouteillages sur l'autoroute E40, que le demandeur invoquait en s'appuyant sur une dépêche Belga, ne renseignent aucunement sur sa présence effective à la côte puis sur l'autoroute en question, le matin de l'audience du 6 octobre 2017.

En considérant ainsi que la matérialité du fait allégué par le demandeur pour justifier son absence n'était pas plausible, le tribunal a fait le constat que le demandeur dit manquer dans le jugement.

Le moyen manque en fait.

Quant à la deuxième branche :

Le demandeur soutient que le tribunal ne pouvait pas décider, sans violer l'ensemble des dispositions visées au moyen, que le demandeur ne démontrait pas à suffisance la réalité de son séjour et la circonstance qu'il avait été pris dans les encombrements de la route, sans lui avoir donné l'occasion d'apporter cette démonstration, alors que les circonstances invoquées ne paraissaient pas tout-à-fait invraisemblables.

Le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense n'impose pas au juge de soumettre à la contradiction des parties le raisonnement par lequel il s'est convaincu.

Par ailleurs, dans les conclusions que son avocat a déposées à l'appui de sa demande de ne pas déclarer l'opposition non avenue, le demandeur a exposé qu'en vertu de l'article 187, § 6, 1°, du Code d'instruction criminelle, la reconnaissance de la force majeure ou de l'excuse invoquées restait soumise à l'appréciation souveraine du juge. Il y a également considéré que la Cour constitutionnelle avait jugé cette disposition conforme à la Constitution, dans l'interprétation selon laquelle il suffit, pour que l'opposition ne soit pas déclarée non avenue, que l'opposant fasse état d'un cas de force majeure ou d'une excuse légitime et donc qu'il démontre à suffisance l'existence de ce motif, sans qu'il soit tenu d'en apporter la preuve.

Il s'ensuit que le demandeur savait ou devait savoir que, pour obtenir que son recours ne soit pas déclaré non avenu, il ne devait pas se limiter à invoquer un évènement, sans présenter des éléments susceptibles de rendre plausible qu'il y était personnellement impliqué.

Le moyen ne peut être accueilli.

Quant à la troisième branche :

Le moyen fait valoir que la renonciation au droit de comparaître et de se défendre doit être certaine et entourée d'un minimum de garanties correspondant à la gravité d'une telle décision. Il en résulte selon lui que la renonciation à ce droit fondamental ne peut être déduite d'une négligence, ni de la considération que l'opposant ne démontre pas à suffisance un cas de force majeure ou une excuse légitime dont il lui appartient seulement de faire état, sans qu'il soit tenu d'en apporter la preuve.

Les juges d'appel n'ont pas déclaré l'opposition du demandeur non avenue parce que son absence à l'audience serait due à sa négligence, mais, au motif, en substance, qu'il n'apportait aucun élément susceptible de démontrer qu'il était personnellement impliqué dans les circonstances invoquées.

A cet égard, le moyen manque en fait.

Pour le surplus, en tant qu'il soutient que l'opposant ne doit présenter aucun élément susceptible de rendre plausible l'existence du cas de force majeure ou de l'excuse légitime dont il fait état, et que le juge ne peut apprécier la réalité ou le caractère vraisemblable des motifs invoqués, le moyen manque en droit.

Quant à la quatrième branche :

Le demandeur fait valoir que, même en supposant que son absence à l'audience du 6 octobre 2017 révèle qu'il a renoncé à comparaître et à se défendre, il ne peut être donné effet à cette renonciation, dès lors qu'il n'est pas établi qu'il a été informé des conséquences de cette renonciation au moment où il a été cité à comparaître devant le premier juge et devant les juges d'appel. A cet égard, le demandeur précise que ni la citation à comparaître devant le premier juge, ni la citation à comparaître devant les juges d'appel, ne contenaient une information quant au cas dans lequel une opposition peut être déclarée non avenue en application de l'article 187, § 6, 1°, du Code d'instruction criminelle.

Alors qu'il en avait l'occasion, le demandeur n'a pas soulevé devant les juges d'appel saisis de son opposition la circonstance qu'avant son défaut de comparaître devant eux, il n'était pas informé des conséquences juridiques d'une telle abstention, ni que l'absence alléguée de cette information constituait dans son chef une cause d'excuse légitime au sens de la disposition précitée.

Requérant, pour son examen, une vérification d'éléments de fait qui n'est pas au pouvoir de la Cour, le moyen est irrecevable.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de septante et un euros un centime dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du trente janvier deux mille dix-neuf par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.
F. Gobert F. Stévenart Meeûs F. Lugentz
T. Konsek E. de Formanoir B. Dejemeppe


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.18.0502.F
Date de la décision : 30/01/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-01-30;p.18.0502.f ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award