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23/01/2019 | BELGIQUE | N°P.18.0826.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 23 janvier 2019, P.18.0826.F


N° P.18.0826.F
I. GH. M.
prévenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Marie Jadoul et Thierry Moreau, avocats au barreau du Brabant wallon,

contre

1. O. O.
2. S. D.
3. DE O. P. D.
parties civiles,
défendeurs en cassation,
ayant pour conseil Maître Guillaume Wese, avocat au barreau du Brabant wallon.
II. EL B. M.
prévenu,
demandeur en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 28 juin 2018 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionne

lle.
La demanderesse invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
A ...

N° P.18.0826.F
I. GH. M.
prévenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Marie Jadoul et Thierry Moreau, avocats au barreau du Brabant wallon,

contre

1. O. O.
2. S. D.
3. DE O. P. D.
parties civiles,
défendeurs en cassation,
ayant pour conseil Maître Guillaume Wese, avocat au barreau du Brabant wallon.
II. EL B. M.
prévenu,
demandeur en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 28 juin 2018 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
A l'audience du 28 novembre 2018, le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport et l'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
La demanderesse a déposé, le 8 janvier 2019, une note en réponse par application de l'article 1107, alinéa 3, du Code judiciaire.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

A. Sur le pourvoi de la demanderesse :

1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action publique :

Sur le premier moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 6.3, a, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 702 du Code judiciaire, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense.

Les demandeurs sont notamment prévenus d'avoir commis, le 10 septembre 2012, comme auteurs ou coauteurs, l'infraction de rébellion à l'égard de cinq policiers, dont les trois défendeurs. L'arrêt attaqué réforme la décision du premier juge, qui considérait n'être saisi d'aucune rébellion commise pendant la première intervention de la police, lorsque les policiers, vers 15 heures 15, ont tenté de procéder à l'arrestation provisoire du demandeur devant son domicile et que celui-ci est parvenu à s'y réfugier. Le tribunal estimait que sa saisine ne comprenait que les faits de coups à agent et de rébellion commis pendant la deuxième intervention, lorsque, quarante minutes après la première, les policiers sont revenus sur les lieux avec des renforts.

Le moyen reproche aux juges d'appel d'avoir condamné la demanderesse du chef d'une rébellion qu'elle aurait commise pendant la première intervention de la police, alors que la prévention de rébellion mise à sa charge dans la citation (prévention C) n'indique pas que ce fait lui est reproché, ni que plusieurs faits commis le même jour lui sont imputés. Le moyen ajoute que la cour d'appel ou le ministère public n'ont pas invité la demanderesse à se défendre d'une infraction commise durant cette intervention, et en déduit que, n'ayant pas été informée d'une manière détaillée de l'accusation portée contre elle, elle n'a pas eu droit à un procès équitable.

La demanderesse a été condamnée à une peine unique, du chef de coups ou blessures portés à l'inspectrice B. (prévention B) et de faits de rébellion (prévention C).

La condamnation du chef de la prévention C porte non seulement sur des faits commis durant la première intervention policière mais également pendant la seconde. L'arrêt considère en effet, sans être critiqué par le moyen, qu'à l'occasion de la visite domiciliaire, les demandeurs ont poursuivi leur résistance, violente, à l'égard cette fois des deux premiers défendeurs et de l'inspectrice B., premiers intervenants, et du troisième défendeur et de l'inspecteur B. A cet égard, l'arrêt précise qu'il n'est pas contesté que les policiers mentionnés à la prévention C agissaient en qualité d'agent de la force publique.

La condamnation du chef de la prévention B porte sur des faits commis durant la seconde intervention. L'arrêt considère en effet, au sujet de cette intervention, que l'inspectrice B. a déclaré avoir été tirée par les cheveux par la demanderesse et qu'elle a fait valoir une incapacité de travail au sens de l'article 399 du Code pénal.

Le moyen ne concerne que la seule prévention C en tant qu'elle porte sur les faits relatifs à la première intervention de la police, et la peine est légalement justifiée par les infractions déclarées établies visées à la prévention B, ainsi qu'à la prévention C en tant qu'elle porte sur les faits commis durant la seconde intervention policière.

Ne pouvant entraîner la cassation, le moyen est irrecevable à défaut d'intérêt.

Sur le deuxième moyen :

Quant à la première branche :

Pris de la violation de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le moyen allègue que pour déclarer la demanderesse coupable de coups à agent et de rébellion, l'arrêt se fonde uniquement sur les procès-verbaux n° 5904/12 et 5905/12 du 10 septembre 2012. Selon le moyen, dès lors que les policiers, auteurs de ces procès-verbaux, sont parties à la cause, rien ne garantit que leur récit est objectif. Le moyen ajoute que, dans ces conditions, les déclarations des policiers ne peuvent en elles-mêmes constituer une preuve fiable, que la parole d'une partie au procès n'a pas plus de poids que celle d'une autre, et que le caractère concordant des déclarations des policiers peut résulter de l'organisation après coup d'une version subjective ou aménagée en vue de garantir leurs intérêts dans le procès. Il en résulte, selon la demanderesse, qu'en déduisant sa culpabilité des déclarations concordantes des policiers et de la considération selon laquelle rien ne permet de mettre en doute leur pertinence, l'arrêt méconnaît le caractère équitable du procès.

Il ne ressort pas de l'arrêt que les juges d'appel se sont uniquement fondés sur les procès-verbaux précités. Outre les déclarations des policiers, ils ont également pris en compte la circonstance que ces déclarations, jugées concordantes, sont corroborées, en ce qui concerne les blessures subies par le premier défendeur, par l'expertise de qualification du docteur B. et, concernant ce défendeur et l'inspectrice B., par des certificats médicaux. La cour d'appel a également tenu compte de l'ordonnance de non-lieu, qualifiée dans l'arrêt de très motivée, qui a été prononcée à la suite de la plainte avec constitution de partie civile des demandeurs contre les policiers du chef de coups, en ayant déduit de cette décision qu'il fallait considérer qu'aucune violence policière n'était avérée en l'espèce. En outre, l'arrêt considère que la demanderesse a plaidé en vain que les blessures du premier défendeur avaient une origine incertaine voire étrangère aux faits de la cause, dès lors que le demandeur présentait des traces de sang, signe que son interpellation ne s'est pas faite sans peine.

En tant qu'il soutient que les juges d'appel se sont uniquement déterminés par rapport aux constatations figurant dans les procès-verbaux précités ou en fonction des déclarations des policiers, le moyen procède d'une lecture incomplète de l'arrêt et, partant, manque en fait.

Le moyen ajoute que les certificats médicaux ne permettent pas de déterminer si la parole d'une partie est plus fiable que celle d'une autre, puisqu'aucune des parties n'a contesté que les policiers ont eu des blessures, et que les versions diffèrent quant à l'origine et au contexte de celles-ci.

En tant qu'il soutient que les certificats médicaux produits dans la présente cause sont insuffisants pour compenser l'absence d'objectivité alléguée des déclarations des policiers, le moyen requiert, pour son examen, la vérification d'éléments de fait pour laquelle la Cour est sans pouvoir.

Dans cette mesure, le moyen est irrecevable.

Par ailleurs, sous réserve de ne pas déduire, de ses constatations en fait, des conséquences qui seraient sans lien avec elles ou qui ne seraient susceptibles, sur leur fondement, d'aucune justification, le juge apprécie souverainement, lorsque la loi n'établit pas un mode spécial de preuve, la valeur probante des éléments sur lesquels il fonde sa conviction et qui ont été régulièrement soumis au débat contradictoire.

Ainsi, lorsqu'il examine les éléments d'une infraction impliquant des violences, le juge peut s'estimer convaincu par les déclarations des victimes consignées dans des procès-verbaux, corroborées par une expertise ou d'autres pièces, certaines de ces victimes fussent-elles parties à la cause, et ne pas s'estimer convaincu par les déclarations des prévenus.

A cet égard, fondé sur une prémisse juridique inexacte, le moyen manque en droit.

En tant qu'il soutient que le caractère concordant des déclarations des policiers peut résulter de l'organisation après coup d'une version subjective ou aménagée en vue de garantir leurs intérêts dans le procès, de sorte que ces éléments ne pourraient constituer une preuve fiable, le moyen est déduit d'une hypothèse et, partant, irrecevable.

Quant à la seconde branche :

Pris de la violation de l'article 149 de la Constitution, le moyen fait grief aux juges d'appel de ne pas avoir répondu à l'argumentation de la demanderesse qui, dans ses conclusions, soutenait que les procès-verbaux rédigés par les parties civiles ne permettaient pas de considérer les faits établis, en raison du fait que des éléments du dossier démontraient leur inexactitude et, sans doute, le fait que les verbalisants aient privilégié leurs propres intérêts.

L'obligation de motiver les jugements et arrêts et de répondre aux conclusions d'une partie est remplie lorsque la décision comporte l'énonciation des éléments de fait ou de droit à l'appui desquels une demande, une défense ou une exception sont accueillies ou rejetées. Le juge n'est pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation.

Dans ses conclusions d'appel, à l'appui de la défense énoncée au moyen, la demanderesse a précisé que le procès-verbal n° 5904/12 ne mentionne pas ce que celui d'un autre policier indique, à savoir que, selon ce dernier, il a pu dissuader son collègue de faire usage de son spray au poivre vers la policière et donc vers la demanderesse, que le troisième défendeur a fait usage dans sa déclaration de termes qui font penser au langage d'un commando militaire, qu'il n'est pas crédible que la demanderesse, qui est handicapée et se trouvait en dessous de la policière dans l'escalier, ait pu lui tirer les cheveux, et qu'il est manifeste que les versions diffèrent, sans qu'il soit possible de les départager.

Par une appréciation contraire à celle de la demanderesse, la cour d'appel a considéré que
- quarante minutes après la première intervention, deux équipes de policiers sont revenues sur place, dont une a pénétré l'habitation,
- la demanderesse et une de ses filles se sont retrouvées face aux policiers, et ont hurlé,
- à l'occasion de cette visite domiciliaire, les demandeurs ont poursuivi leur résistance, violente, notamment envers les deux premiers défendeurs, premiers intervenants, et le troisième défendeur,
- le demandeur a été interpellé au second étage de la maison, et embarqué non sans mal, au point qu'il a dû être menotté,
- à cette occasion, la demanderesse s'est interposée physiquement aux policiers, et a résisté à leur intervention,
- le premier défendeur a fait valoir qu'il avait été blessé au cours de cette intervention ; à cet égard, l'arrêt se réfère à l'expertise du docteur B., qui conclut à l'existence d'une incapacité permanente,
- l'inspectrice B. a déclaré que la demanderesse lui avait tiré les cheveux, et elle l'a désignée sans équivoque comme étant à l'origine de ses lésions ; un certificat médical atteste une incapacité de travail temporaire,
- la demanderesse a plaidé en vain que les blessures du premier défendeur avaient une origine incertaine voire étrangère aux faits de la cause, le demandeur présentant des traces de sang, signe que son interpellation ne s'est pas faite sans peine.

Il ressort de ces motifs que les juges d'appel n'ont pas suivi le point de vue de la demanderesse qui soutenait dans ses conclusions que les déclarations des policiers et les éléments du dossier sont dénués de crédit ou inexacts et qu'il n'est pas possible de départager les différentes versions. Ainsi, ils ont répondu à ses conclusions, sans être tenus de rencontrer chacun des arguments invoqués par elle qui ne constituaient pas des moyens distincts.

Le moyen ne peut être accueilli.

Sur le troisième moyen :

Quant à la première branche :

Le moyen est pris de la violation des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 15 de la Constitution et 148, 269, 272 et 274 du Code pénal.

Le moyen soutient que mis à part une « bousculade » qui ne peut constituer le délit de rébellion, l'arrêt n'énonce aucun élément qui pourrait constituer l'élément matériel d'une telle infraction commise durant la première intervention policière. Dès lors que la police ne peut pas pénétrer légalement dans un domicile sur la base d'un flagrant délit qui n'existe pas, l'arrêt ne justifierait pas sa décision de juger légale la visite domiciliaire effectuée lors de la seconde intervention. La demanderesse soutient aussi que l'entrée des policiers dans le domicile n'est pas davantage justifiable par l'exécution de l'ordre d'arrestation provisoire du demandeur en application de l'article 70 de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté, puisque, selon elle, ce titre de privation de liberté n'autorise pas la police à entrer dans un domicile. Le moyen ajoute que même en supposant le contraire, l'arrêt devait considérer que la visite domiciliaire était illégale, car il ne constate pas que la police a accompli la formalité de la présentation préalable du titre à l'occupant de la maison.

L'arrêt considère que le demandeur, à 15 heures 15, après avoir été interpellé en dehors de son domicile, a tenté de forcer le barrage que le premier défendeur lui faisait en tendant le bras, que ce défendeur et l'inspectrice B. l'ont saisi par les bras, qu'il s'est débattu vigoureusement, que les policiers ne sont pas parvenus à le retenir et qu'il est entré dans l'habitation en déchirant son tee-shirt.

En vertu de l'article 483 du Code pénal, la loi entend par violences les actes de contrainte physique exercés sur les personnes.

En constatant que le demandeur, lors de la première intervention des policiers, s'est débattu vigoureusement après que les policiers l'avaient saisi par les bras, l'arrêt constate l'élément matériel dont le moyen allègue l'absence.

Les juges d'appel ont considéré que les mêmes policiers sont revenus quelques dizaines de minutes plus tard avec des renforts, dans le but, sans doute d'exécuter l'ordre d'arrestation provisoire, mais aussi, avant tout, d'interpeller le demandeur retranché chez lui, dans le cadre du fait de rébellion qu'il venait de commettre, et que c'est dans les conditions du flagrant délit au sens strict qu'ils l'ont interpellé et privé de liberté. A cet égard, après avoir considéré qu'une fois le flagrant délit constaté, la visite domiciliaire est valable lorsque cet acte n'est séparé de l'infraction que par le temps matériellement nécessaire pour l'accomplir, la cour d'appel a jugé que l'interpellation du demandeur était intervenue dans ce délai.

Par ces motifs, l'arrêt constate légalement que le demandeur a commis, durant la première phase de l'intervention policière, à l'extérieur de son domicile, le délit de rébellion, et que les policiers, dans la deuxième phase de leur intervention, ont légalement pénétré son domicile sur le fondement du constat préalable de ce délit, qui venait d'être commis.

A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Dès lors que, par ces motifs, l'arrêt considère légalement que les policiers étaient en droit d'entrer dans le domicile commun des demandeurs, le surplus du moyen est irrecevable à défaut d'intérêt.

Quant à la deuxième branche :

Le moyen affirme qu'en considérant que les policiers sont revenus sur les lieux avant tout dans le but d'interpeller le demandeur à la suite de la rébellion qu'il venait de commettre, l'arrêt viole la foi due au procès-verbal n° 5905/12, auquel il se réfère explicitement. Selon le moyen, ladite pièce n'énonce pas cet objectif, mais seulement celui d'exécuter l'ordre d'arrestation provisoire à la suite de la précédente tentative infructueuse.

Contrairement à ce que le moyen soutient, l'arrêt ne se réfère pas au procès-verbal précité, lorsqu'il considère que les policiers sont revenus sur place, avant tout pour appréhender le demandeur dans le cadre de la rébellion qu'il venait de commettre.

A cet égard, le moyen manque en fait.

Quant à la troisième branche :

Le moyen soutient que le flagrant délit cesse lorsqu'après avoir constaté le délit qui vient de se commettre devant le domicile du suspect, le service de police quitte cet endroit. Selon la demanderesse, en jugeant légale la visite domiciliaire effectuée durant la deuxième intervention, alors que les policiers ont quitté les lieux avant celle-ci, l'arrêt viole les articles 8 de la Convention, 15 de la Constitution et 1er de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive.

Pour qu'un délit qui vient de se commettre soit flagrant, il faut que le délit soit encore actuel et que le temps qui s'écoule entre la commission de l'infraction et l'acte d'instruction ne soit que le temps matériellement nécessaire pour permettre l'accomplissement de cet acte.

De la seule circonstance que les agents ayant constaté le flagrant délit devant le domicile du suspect quittent ce lieu, il ne se déduit pas que le délit cesse d'être actuel et que leur visite ultérieure du domicile du suspect, sans mandat du juge d'instruction, est illégale.

L'arrêt constate qu'après que le demandeur s'était débattu devant son domicile pour se défaire de l'emprise des policiers et s'y réfugier, ces derniers sont revenus quarante minutes plus tard, avec des renforts notamment pour sécuriser le voisinage, dans le but, avant tout, d'interpeller le demandeur dans le cadre du fait de rébellion qu'il venait de commettre.

Par cette considération, l'arrêt justifie légalement sa décision que l'entrée des policiers dans le domicile des demandeurs a eu lieu après la commission du délit, dans un délai qui n'excède pas le temps matériellement nécessaire pour accomplir cet acte.

Le moyen ne peut être accueilli.

Sur le quatrième moyen :

Quant à la première branche :

Le moyen reproche aux juges d'appel d'avoir violé la foi due à l'ordonnance de non-lieu que la chambre du conseil a rendue suite à la plainte pour coups, en ayant énoncé, sur le fondement de cette décision, qu' « il faut considérer qu'aucune violence policière n'est avérée en l'espèce ». Le moyen précise qu'une ordonnance de non-lieu ne signifie pas que les faits qui en font l'objet n'ont pas été commis, mais uniquement qu'ils ne constituent pas des charges suffisantes pour renvoyer l'inculpé devant le tribunal correctionnel, et que les faits de violence policière peuvent également consister en des faits ne constituant pas une infraction visée par l'ordonnance de non-lieu. A cet égard, le moyen relève que celle-ci ne dit pas qu'il n'y a pas eu de violences policières mais que, au contraire, elle énonce que les policiers ont pu atteindre ou blesser le demandeur et sa mère (la demanderesse) durant leur intervention policière. Le moyen ajoute que les photos du demandeur, les certificats médicaux de la demanderesse et les déclarations de plusieurs policiers contredisent l'affirmation des juges d'appel selon laquelle il n'y a pas eu de violences policières, et que celles-ci peuvent également être le fait d'autres policiers, contre qui la plainte n'était pas dirigée.

Un grief de violation de la foi due à un acte consiste à désigner une pièce à laquelle la décision attaquée se réfère expressément et à reprocher à celle-ci, soit d'attribuer à cette pièce une affirmation qu'elle ne comporte pas, soit de déclarer qu'elle ne contient pas une mention qui y figure, en d'autres termes de donner de cette pièce une interprétation inconciliable avec ses termes.

L'ordonnance de non-lieu du 16 février 2015, à laquelle l'arrêt se réfère, énonce « Il n'existe donc pas d'indice sérieux qui permette de soutenir avec vraisemblance que les [premier et deuxième défendeurs] aient agi au-delà de la contrainte qu'exigeait l'exécution de l'ordre reçu de l'autorité lorsqu'ils ont pu atteindre ou blesser [le demandeur] et sa mère [la demanderesse] durant leur intervention policière rendue difficile par les actes de résistance posés illégalement envers eux. La cause de justification visée à l'article 70 du Code pénal s'impose manifestement à leur égard et justifie le non-lieu en ce qui concerne les préventions A1 et 2 et B1 et 2 ».

L'admission d'une cause de justification a pour effet d'enlever au comportement incriminé tout caractère illicite, de sorte qu'il n'y a pas d'infraction.

En ayant déduit de l'ordonnance de non-lieu, qui a admis l'existence d'une cause de justification concernant les blessures que la demanderesse a subies du fait des policiers, qu' « il faut considérer qu'aucune violence policière n'est avérée en l'espèce », les juges d'appel n'ont pas donné de cette décision une interprétation inconciliable avec ses termes.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

Par ailleurs, en énonçant la considération critiquée, l'arrêt ne se réfère pas aux autres pièces qui, selon le moyen, la contredisent.

A cet égard, le moyen manque en fait.

Quant à la seconde branche :

Pris de la violation de l'article 149 de la Constitution, le moyen soutient qu'en se bornant à énoncer, par référence à l'ordonnance de non-lieu, qu'il faut considérer qu'aucune violence policière n'est avérée en l'espèce, l'arrêt ne répond pas régulièrement aux conclusions de la demanderesse. Celle-ci y a exposé le contenu de ses déclarations et de celles de sa fille, du demandeur et d'autres témoins relativement aux coups que la police lui a portés et y a décrit au moyen de certificats médicaux les blessures subies. Elle y a soutenu qu'il ressortait de cet exposé et de cette description qu'elle avait été la victime de violences policières injustifiées qui, si elles avaient été constatées, auraient pu influencer de manière substantielle la décision attaquée.

Contrairement à ce que le moyen soutient, en ayant énoncé le motif critiqué, par référence à l'ordonnance de non-lieu rendue à l'issue de l'instruction ouverte sur la plainte de la demanderesse contre les policiers du chef de coups, la cour d'appel a pris en considération les violences invoquées et a régulièrement répondu aux conclusions qui en faisaient état.

En outre, en considérant que l'inspectrice B. a déclaré avoir été tirée par les cheveux par la demanderesse et qu'il n'y a pas lieu de mettre en doute les déclarations circonstanciées des inspecteurs de police, dont l'inspectrice précitée qui désigna sans équivoque la demanderesse comme étant à l'origine de lésions qui lui furent occasionnées et lui valurent une incapacité de travail personnel de trois jours, l'arrêt répond aux conclusions, qui déduisaient de l'exposé des déclarations et de la description des blessures que la demanderesse n'avait commis aucune agression.

Le moyen ne peut être accueilli.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

2. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui, rendue sur l'action civile exercée par le premier défendeur, statue sur

a. le principe de la responsabilité :

La demanderesse n'invoque aucun moyen spécifique.

b. l'étendue du dommage :

L'arrêt alloue une indemnité provisionnelle au défendeur, ordonne une expertise et réserve à statuer sur le surplus de la demande.

Pareille décision n'est pas définitive au sens de l'article 420, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle, et est étrangère aux cas visés par le second alinéa de cet article.

Le pourvoi est irrecevable.

3. En tant que le pourvoi est dirigé contre les décisions rendues sur les actions civiles exercées par les deuxième et troisième défendeurs :

La demanderesse n'invoque aucun moyen spécifique.

B. Sur le pourvoi du demandeur :

En application de l'article 425, § 1er, du Code d'instruction criminelle et sauf dans le cas visé à l'article 426 de ce code, la déclaration de pourvoi doit être faite par un avocat, au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée.

La déclaration de recours ayant été signée par le demandeur en personne, le pourvoi est irrecevable.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette les pourvois ;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de mille cent vingt-huit euros six centimes dont I) sur le pourvoi de M. Gh. : septante-neuf euros cinquante centimes dus et neuf cent soixante-neuf euros cinq centimes payés par cette demanderesse et II) sur le pourvoi de M. El B. : septante-neuf euros cinquante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-trois janvier deux mille dix-neuf par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
T. Fenaux F. Stévenart Meeûs F. Lugentz
E. de Formanoir F. Roggen B. Dejemeppe


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.18.0826.F
Date de la décision : 23/01/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-01-23;p.18.0826.f ?

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