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23/01/2019 | BELGIQUE | N°P.18.0623.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 23 janvier 2019, P.18.0623.F


N° P.18.0623.F
UNIT.AIDE, société privée à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Woluwe-Saint-Lambert, square Vergote, 10/B,
prévenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Sabine Szulanski et Carine Liekendael, avocats au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 25 avril 2018 par le tribunal correctionnel francophone de Bruxelles, statuant en degré d'appel.
La demanderesse invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certif

iée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L'avocat général Michel Nol...

N° P.18.0623.F
UNIT.AIDE, société privée à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Woluwe-Saint-Lambert, square Vergote, 10/B,
prévenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Sabine Szulanski et Carine Liekendael, avocats au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 25 avril 2018 par le tribunal correctionnel francophone de Bruxelles, statuant en degré d'appel.
La demanderesse invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 6.1, 6.2 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 149 de la Constitution, 17 de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel, 3 et 18 de la loi du 19 mai 2010 portant création de la Banque-Carrefour des véhicules et 1319 et 1320 du Code civil.

Quant aux deux premiers griefs de la première branche :

Le moyen reproche au jugement de violer la foi due aux conclusions de la demanderesse, en considérant que les arguments développés par celle-ci concernent la recevabilité des poursuites relatives à l'infraction originaire, et non celle des poursuites actuelles, fondées sur l'article 67ter de la loi relative à la police de la circulation routière.

Poursuivie, en qualité de personne morale titulaire de la marque d'immatriculation d'un véhicule avec lequel une infraction a été commise, du chef de non-communication dans les quinze jours de l'envoi de la demande de renseignements, de l'identité de la personne conduisant celui-ci le jour des faits, la demanderesse a soutenu, devant les juges d'appel, que les poursuites étaient irrecevables en raison de la violation de l'article 18 de la loi du 19 mai 2010.

Nonobstant l'énonciation critiquée, les juges d'appel ont examiné la recevabilité des poursuites visant la demanderesse, sous l'angle de l'article 18 de la loi du 19 mai 2010, et ont exclu que leur irrecevabilité puisse constituer la sanction du non-respect, découlant d'une négligence, certes coupable, de cette disposition.

Dans cette mesure, le moyen est irrecevable à défaut d'intérêt.

Il ressort des motifs énoncés ci-avant que les juges d'appel ont répondu aux conclusions de la demanderesse, qui invoquaient l'irrecevabilité des poursuites actuelles.

Soutenant le contraire, à cet égard, le moyen manque en fait.

Quant au surplus de la première branche et à la seconde branche :

La demanderesse reproche aux juges d'appel de l'avoir reconnue coupable sur la foi d'une information déterminante illégale en raison de la consultation de la banque-carrefour des véhicules en violation de l'article 18 de la loi du 19 mai 2010, pareille méconnaissance constituant par ailleurs une infraction pénale. Elle leur fait également grief de n'avoir pas énoncé les conditions, par hypothèse absentes en l'espèce, dans lesquelles pareille irrégularité serait de nature à mener à l'irrecevabilité des poursuites.

L'obligation de répondre aux conclusions constitue une règle de forme étrangère à la valeur de la réponse. En relevant que les atteintes portées à la vie privée de la demanderesse ne peuvent être considérées comme étant telles qu'elles empêchent le maintien des poursuites, les juges d'appel ont répondu à ses conclusions et régulièrement motivé leur décision, sans devoir, en outre, répondre aux autres arguments, devenus sans pertinence, ou énoncer les motifs de leurs motifs.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

Aucune irrecevabilité des poursuites ne saurait se déduire de la seule circonstance qu'une règle relative à l'administration de la preuve dont la méconnaissance serait sanctionnée pénalement n'a pas été respectée. Il n'en est pas autrement lorsque la preuve irrégulière constitue la base unique ou déterminante de l'identification du contrevenant.

La demanderesse fait ensuite valoir que le défaut d'autorisation préalable en vue de la consultation de la banque de données précitée entraîne nécessairement l'irrecevabilité des poursuites en raison de l'atteinte qu'elle porte au droit à un procès équitable, notamment au principe général du droit relatif au respect des droits de la défense, et au droit au respect de la vie privée.

D'une part, l'irrégularité constatée est étrangère à l'exercice du droit à un procès équitable.

D'autre part, une atteinte portée au droit au respect de la vie privée n'a pas, en règle, pour conséquence de rendre les poursuites irrecevables.

En tant qu'il repose sur des prémisses erronées, le moyen manque en droit.

Sur le deuxième moyen :

En tant qu'il est pris de la violation de l'article 62, alinéa 8, de loi relative à la police de la circulation routière sans indiquer en quoi le jugement méconnaît cette disposition, le moyen, imprécis, est irrecevable.

Quant à la seconde branche :

Pris de la violation de l'article 6.2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le moyen reproche aux juges d'appel d'avoir déclaré la prévention établie sans exiger du ministère public la preuve de l'envoi de la demande de renseignements à la demanderesse, et de ne pas avoir répondu aux conclusions qu'elle a prises à cet égard.

Lorsque le titulaire de la marque d'immatriculation du véhicule prétend que la demande de renseignements ne lui a pas été adressée ou qu'il ne l'a pas reçue, il est tenu d'avancer les éléments de fait qui rendent son allégation plausible.

Les juges d'appel ont constaté qu'il résulte à suffisance du dossier répressif que la demande de renseignements a été adressée à la demanderesse le 16 septembre 2016, à son siège social, en vue de la communication de l'identité de la personne qui, le 23 février 2016, conduisait un véhicule immatriculé à son nom.

Il en ressort qu'ils n'ont pas dispensé le ministère public de l'obligation de rapporter la preuve de l'envoi de la demande de renseignements et n'ont dès lors pas renversé la charge de la preuve à cet égard.

Par ailleurs, en raison de leur décision, ils n'avaient pas à répondre à la défense de la demanderesse devenue sans pertinence.

Le moyen ne peut être accueilli.

Quant à la première branche :

Pris de la violation de l'article 67ter de la loi, le moyen soutient que les juges d'appel ont, à tort, estimé que la prévention est établie par le seul fait que la demande de renseignements a été envoyée à la demanderesse, sans vérifier si elle a été formellement interrogée.

Outre les constatations reprises en réponse à la seconde branche du moyen, le jugement a également relevé qu'aucune suite n'a été réservée à cette demande de renseignements.

Par l'ensemble de ces motifs, les juges d'appel ont légalement justifié la décision relative à la culpabilité de la demanderesse.

Le moyen ne peut être accueilli.

Sur le troisième moyen :

Pris de la violation des articles 29ter de la loi relative à la police de la circulation routière et 41bis du Code pénal, le moyen fait valoir que les juges d'appel ont, à tort, estimé, que la peine d'amende de cinq cents euros prononcée à charge de la demanderesse correspond au minimum légal, alors qu'en vertu de l'article 41bis précité, la peine applicable est celle prévue en matière de police, soit une amende dont le minimum est de 25 euros et le maximum de 250 euros.

L'article 41bis, § 1er, du Code pénal prévoit que « les amendes applicables aux infractions commises par les personnes morales sont :
en matière criminelle et correctionnelle [...] lorsque la loi prévoit pour le fait une peine privative de liberté et une amende, ou l'une de ces peines seulement : une amende minimale de cinq cents euros multipliés par le nombre de mois correspondant au minimum de la peine privative de liberté, et sans pouvoir être inférieure au minimum de l'amende prévue pour le fait ; [...]
en matière de police : une amende de vingt-cinq euros à deux cent cinquante euros ».

Conformément à l'article 41bis, § 2, du même code, pour la détermination de la peine prévue au § 1er, les dispositions du livre Ier du Code pénal sont applicables.

Les termes « en matière de police » désignent les infractions punissables d'une peine de police au sens des articles 1er, 7, 28 et 38 du Code pénal.

L'article 29ter, alinéa 1er, première phrase, de la loi énonce qu'est puni d'un emprisonnement de quinze jours à six mois et d'une amende de deux cents euros à quatre mille euros, ou d'une de ces peines seulement, celui qui ne satisfait pas aux obligations visées à l'article 67ter.

Il s'ensuit qu'une peine d'emprisonnement de quinze jours à six mois et d'amende de deux cents à quatre mille euros, ou l'une de ces peines seulement, peut être infligée à la personne physique coupable des faits reprochés à la demanderesse.

Conformément à l'article 25 du Code pénal, pareille sanction constitue une peine correctionnelle.

Par ailleurs, de la formulation de l'article 41bis, § 1er, deuxième tiret, du Code pénal, il ressort que, pour la détermination du montant minimum de l'amende applicable à la personne morale condamnée du chef des infractions dont la peine privative de liberté, prévue pour la personne physique, est inférieure à un mois, il n'y a pas lieu de multiplier le montant de cinq cents euros, lequel correspond dès lors au minimum de l'amende.

Entièrement déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de quatre-vingt-quatre euros vingt et un centimes dus.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-trois janvier deux mille dix-neuf par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
T. Fenaux F. Lugentz T. Konsek
E. de Formanoir F. Roggen B. Dejemeppe


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.18.0623.F
Date de la décision : 23/01/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-01-23;p.18.0623.f ?

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