N° F.18.0102.F
1. E. P. et
2. I. C.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Anvers, Amerikalei, 187/302, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 18 avril 2018 par la cour d'appel de Liège.
Le président de section Christian Storck a fait rapport.
Le premier avocat général André Henkes a conclu.
II. Le moyen de cassation
Les demandeurs présentent un moyen libellé dans les termes suivants :
Disposition légale violée
Article 367 du Code des impôts sur les revenus 1992, dans sa version applicable en 2012
Décisions et motifs critiqués
L'arrêt attaqué dit l'appel recevable mais non fondé après avoir considéré la réclamation contre la cotisation supplémentaire à l'exercice 2005 comme tardive et le recours comme irrecevable aux motifs que :
« L'article 367 du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il est applicable, dispose que ‘la réclamation dirigée contre une imposition établie sur des éléments contestés vaut d'office pour les autres impositions établies sur les mêmes éléments ou en supplément avant décision du directeur des contributions ou du fonctionnaire délégué par lui, alors même que seraient expirés les délais de réclamation contre ces autres impositions' ;
Par ‘mêmes éléments', il y a lieu d'entendre les éléments matériels, positifs ou négatifs, qui concourent à la formation de la base imposable [...] ;
Les éléments dont question à la disposition précitée sont des éléments formant la base imposable qui, en vertu du principe d'annualité de l'impôt, se rattachent nécessairement à un exercice d'imposition déterminé ;
La réclamation dirigée contre la cotisation d'un exercice déterminé ne peut donc valoir contre la cotisation d'un autre exercice d'imposition, puisque ces cotisations n'ont pas été établies sur la base des mêmes éléments (base imposable) au sens de l'article 367 du Code des impôts sur les revenus 1992 [...] ;
Lorsque les cotisations contestées sont afférentes à des exercices différents, elles sont établies sur des périodes distinctes et ne sont pas pour autant ‘les mêmes', quand bien même les éléments qui composent celles-ci sont similaires, comparables ou de même nature ;
Il en résulte que la réclamation des [demandeurs] valablement introduite contre la cotisation de l'exercice d'imposition 2006 ne peut en aucune manière être étendue à la cotisation relative à l'exercice d'imposition 2005 ;
[...] Les cotisations enrôlées pour les exercices d'imposition 2005 et 2006 s'inscrivent certes dans le cadre d'une enquête menée conjointement le 15 octobre 2005 par les agents de l'inspection des recherches ‘huiles minérales' d'Anvers et de Liège - douanes et accises à charge [du demandeur], négociant en gros de produits combustibles ;
[...] En l'espèce, bien que chacune des cotisations porte sur une majoration du chiffre d'affaires [du demandeur], déterminé suivant une méthode de calcul identique, il ne s'agit cependant pas d'impositions établies sur les ‘mêmes éléments contestés' au sens de l'article 367 précité, le montant du chiffre d'affaires calculé au regard [de la] quantité de carburant livré différant d'ailleurs pour chacun de ces exercices ».
Griefs
L'article 367 du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il s'applique au litige, dispose qu'une réclamation dirigée contre une imposition établie sur des éléments contestés vaut d'office pour les autres impositions établies sur les mêmes éléments ou en supplément avant décision du directeur des contributions ou du fonctionnaire délégué par lui, alors même que seraient expirés les délais de réclamation contre ces autres impositions.
L'application de cette disposition légale ne requiert pas que les « mêmes éléments » formant la base imposable soient rattachés à un même exercice d'imposition.
Il s'ensuit que l'arrêt ne décide pas légalement que la réclamation des demandeurs dirigée contre la cotisation de l'exercice 2006 ne peut valoir contre la cotisation de l'exercice 2005 au seul motif qu'il ne peut s'agir de cotisations établies sur les mêmes éléments puisque ces éléments ne concernent pas le même exercice d'imposition (violation de l'article 367 du Code des impôts sur les revenus 1992).
III. La décision de la Cour
Aux termes de l'article 367 du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il s'applique au litige, la réclamation dirigée contre une imposition établie sur des éléments contestés vaut d'office pour les autres impositions établies sur les mêmes éléments ou en supplément avant décision du directeur des contributions ou du fonctionnaire délégué par lui, alors même que seraient expirés les délais de réclamation contre ces autres impositions.
Cette disposition entend par mêmes éléments les éléments matériels qui concourent à la formation de la base imposable.
L'arrêt constate que « les cotisations enrôlées pour les exercices d'imposition 2005 et 2006 s'inscrivent [...] dans le cadre d'une enquête » d'où il est ressorti que le demandeur, à qui avait été livré « du ‘gasoil extra' non marqué », avait réalisé « un chiffre d'affaires [...] non déclaré » en vendant ce gasoil « au prix plus élevé du gasoil routier ».
En considérant que, « bien que chacune des cotisations porte sur une majoration du chiffre d'affaires [du demandeur] déterminé suivant une méthode de calcul identique, [...] le montant du chiffre d'affaires calculé au regard [de la] quantité de carburant livré diffèr[e] [...] pour chacun de ces exercices », l'arrêt justifie légalement sa décision « qu'il ne s'agit pas d'impositions établies sur les ‘mêmes éléments contestés' au sens de l'article 367 » du Code des impôts sur les revenus 1992.
Les considérations par lesquelles l'arrêt ajoute que les éléments visés à cette disposition légale doivent nécessairement se rattacher à un même exercice d'imposition sont, dès lors, sans incidence sur la légalité de cette décision, partant, surabondantes.
Le moyen ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de cent nonante-huit euros trente-trois centimes envers les parties demanderesses, y compris la somme de quarante euros au profit du Fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Martine Regout, les conseillers Michel Lemal, Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du dix-sept janvier deux mille dix-neuf par le président de section Christian Storck, en présence du premier avocat général André Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont A. Jacquemin S. Geubel
M. Lemal M. Regout Chr. Storck