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17/01/2019 | BELGIQUE | N°F.17.0156.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 17 janvier 2019, F.17.0156.F


N° F.17.0156.F
D. & CO, société privée à responsabilité limitée, dont le siège social est établi à Péruwelz (Brasmenil), rue des Prés de Bras, 18,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,

contre

VILLE DE PÉRUWELZ, représentée par son collège communal, dont les bureaux sont établis à Péruwelz, rue Albert 1er, 35,
défenderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Benoît Ver

zele, avocat au barreau de Tournai, dont le cabinet est établi à Mouscron, drève Gustave Fache, 3, où il ...

N° F.17.0156.F
D. & CO, société privée à responsabilité limitée, dont le siège social est établi à Péruwelz (Brasmenil), rue des Prés de Bras, 18,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,

contre

VILLE DE PÉRUWELZ, représentée par son collège communal, dont les bureaux sont établis à Péruwelz, rue Albert 1er, 35,
défenderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Benoît Verzele, avocat au barreau de Tournai, dont le cabinet est établi à Mouscron, drève Gustave Fache, 3, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 3 mai 2017 par la cour d'appel de Mons.
Le conseiller Sabine Geubel a fait rapport.
Le premier avocat général André Henkes a conclu.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente trois moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

L'article L1133-1 du Code wallon de la démocratie locale et de la décentralisation prévoit, en son alinéa 1er, que les règlements du conseil communal sont publiés par le bourgmestre par la voie d'une affiche indiquant l'objet du règlement, la date de la décision par laquelle il a été adopté, et, le cas échéant, la décision de l'autorité de tutelle et, en son alinéa 2, que l'affiche mentionne également le ou les lieux où le texte du règlement peut être consulté par le public.
Suivant l'article L1133-2, alinéa 1er, du même code, les règlements visés à l'article L1133-1 deviennent obligatoires le cinquième jour qui suit le jour de leur publication par la voie de l'affichage, sauf s'ils en disposent autrement.
Il suit de ces dispositions que la publication a pour effet de rendre obligatoire le règlement communal qui en fait l'objet à condition qu'au jour de cette publication, il puisse être fait état de tous les éléments de nature à le rendre exécutoire et que, partant, lorsqu'un règlement du conseil communal est soumis à la tutelle spéciale d'approbation, sa publication doit comporter tout à la fois l'objet du règlement, la date de la décision du conseil communal par laquelle il a été adopté, le lieu où il peut être consulté par le public ainsi que l'indication de la décision d'approbation de l'autorité de tutelle.
L'arrêt constate que le règlement-taxe litigieux a été adopté le 30 avril 2013, que, suivant « l'annotation n° 13 du registre des règlements et ordonnances du conseil communal de la [défenderesse] », ce règlement a été publié le 3 juin 2013 et que « l'avis de publication délivré le 3 juin 2013 par le bourgmestre et la secrétaire communale de la [défenderesse] mentionne [...] que ‘le collège communal [...] porte à la connaissance de ses administrés que le Service public de Wallonie (direction générale opérationnelle des pouvoirs locaux, de l'action sociale et de la santé) a approuvé la délibération par laquelle le conseil communal, en date du 30 avril 2013, a décidé d'établir, pour les exercices 2013 à 2019, une taxe sur les immeubles bâtis inoccupés' ».
Il ajoute qu'« il est établi que le collège provincial du Hainaut a approuvé le 23 mai 2013, en sa qualité d'autorité de tutelle, la délibération du 30 avril 2013 du conseil communal de [la défenderesse] ».

De ces énonciations, d'où il ressort que la publication du règlement-taxe ne comportait pas l'indication de la décision d'approbation de l'autorité de tutelle, l'arrêt n'a pu, sans violer les dispositions légales précitées, décider que c'est « à la suite d'une erreur matérielle [...] sans incidence sur la force obligatoire du règlement-taxe à l'égard des administrés » que l'avis de publication a fait référence à une décision du Service public de Wallonie et que « la publication du règlement-taxe communal est régulière ».
Le moyen est fondé.

Sur les autres griefs :

Il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens, qui ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué, sauf en tant qu'il reçoit l'appel ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Liège.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Martine Regout, les conseillers Michel Lemal, Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du dix-sept janvier deux mille dix-neuf par le président de section Christian Storck, en présence du premier avocat général André Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont A. Jacquemin S. Geubel
M. Lemal M. Regout Chr. Storck

Requête

REQUETE EN CASSATION

POUR : D. § Co, société à responsabilité limitée, dont le siège est 7604 Brasmenil, rue des Prés de Bras n° 18, inscrite à la Banque carrefour des entreprises sous le numéro 0816.794.686,

demanderesse en cassation

assistée et représentée par Me François T'KINT, avocat à la Cour de cassation soussigné, dont le cabinet est situé à 1050 Bruxelles, avenue Louise n° 65/11, où il a été élu domicile.

CONTRE : VILLE DE PERUWELZ, représentée par son collège communal, dont les bureaux sont établis à 7600 Peruwelz, rue Albert 1er, n° 35,

défenderesse en cassation

X
X X

A Messieurs les premier président et président, Mesdames et Messieurs les conseillers qui composent la Cour de cassation,

Messieurs,
Mesdames,
La demanderesse a l'honneur de soumettre à votre censure l'arrêt prononcé contradictoirement entre parties par la dix-huitième chambre fiscale de la cour d'appel de Mons le 3 mai 2017 (rôle général numéro 2016/RG/848).

X
X X

Les faits de la cause et les antécédents de la procédure, tels qu'ils résultent des pièces auxquelles votre Cour peut avoir égard, se résument de la manière suivante :
1) La demanderesse s'est, le 8 décembre 2010, dans le cadre d'une procédure de surenchère après vente publique, portée acquéreuse d'un immeuble situé à Wiers, place de Wiers, constitué d'anciens bâtiments scolaires, abandonnés depuis 1990, ayant appartenu à l'immobilière de Longchamp, en faillite, et ce pour le prix de 180.000,00 euro , outre les frais d'adjudication d'un montant de 31.400,00 euro .

Il s'agit d'un ancien « couvent », une ancienne école désaffectée que la demanderesse projetait de réhabiliter et d'affecter s'il échet à de nouvelles activités, avec l'aide de la Région Wallonne et de la commune de Peruwelz. Mais, en vain.

2) Le 30 avril 2013, le conseil communal de la défenderesse adopte un règlement-taxe portant sur les immeubles inoccupés tels qu'il les définit, applicable aux exercices 2013 à 2019, aux termes duquel il a été (pièce 1 du dossier de la défenderesse) dit que :

« Vu la première partie du Code de la Démocratie Locale et de la Décentralisation et notamment l'article L1122-30,

Vu le décret du 19 décembre 2012 (M.B. 21.12.2012, p. 87.230) contenant le budget de la Région wallonne pour l'année budgétaire 2013 et notamment son chapitre 3 relatif aux dispositions relatives aux sites d'activité ‘économique désaffecté'.

Vu les dispositions légales et réglementaires en matière d'établissement et de recouvrement des taxes communales ;

Vu que la commune doit se doter de moyens nécessaires afin d'assumer l'exercice de sa mission de service public,

Vu la délibération prise à ce propos par le Conseil communal en sa séance précédente ;

Considérant qu'il est opportun de se conformer à la Circulaire Wallonne du 18 octobre 2012 relative à l'élaboration du budget des communes et des CPAS de la Région wallonne ;

Sur la proposition du Collège communal.

Après en avoir délibéré, par 25 voix pour,

Décide :

Article 1er - § 1. Il est établi, pour les exercices 2013 à 2019, une taxe communale sur les immeubles bâtis inoccupés.

Sont visés les immeubles bâtis, structurellement destinés au logement ou à l'exercice d'activités économiques de nature industrielle, artisanale, agricole, horticole, commerciale, sociale, culturelle ou de services, qui sont restés inoccupés pendant une période comprise entre deux constats consécutifs distants d'une période minimale de 6 mois.

Ne sont pas visés les sites d'activités économiques désaffectés visés par le décret du 27 mai 2004 tels que modifié.

Au sens du présent règlement, est considéré comme :

1. immeuble bâti : tout bâtiment ou toute installation en tenant lieu, même en matériaux non durables, qui est incorporé au sol, ancré à celui-ci ou dont l'appui assure la stabilité, destiné à rester en place alors même qu'il peut être démonté ou déplacé ;

2. immeuble inoccupé : sauf si le redevable prouve qu'au cours de la période visée au §1er, alinéa 2, l'immeuble ou la partie d'immeuble bâti a affectivement servi de logement ou de lieu d'exercice d'activités de nature industrielle, artisanale, agricole, horticole, commerciale, sociale, culturelle ou de services :

soit l'immeuble bâti ou la partie d'immeuble bâti pour lequel ou laquelle personne n'est inscrite dans les registres de la population ou d'attente, ou pour lequel ou laquelle il n'y a pas d'inscription à la Banque-Carrefour des Entreprises ;

soit, indépendamment de toute inscription dans les registres de la population ou d'attente ou à la Banque-Carrefour des Entreprises, l'immeuble bâti ou partie d'immeuble bâti :

a) dont l'exploitation relève du décret du 11 mars 1999 relatif au permis d'environnement, dès lors que soit, le permis d'exploiter, d'environnement unique ou la déclaration requise n'a pas été mis en œuvre et est périmé soit que ledit établissement fait l'objet d'un ordre d'arrêter l'exploitation, d'un retrait ou d'une suspension d'autorisation prononcée en vertu du décret susmentionné ;

(...)

c) dont l'état du clos (c'est-à-dire des murs, des huisseries, fermetures) ou du couvert (c'est-à-dire la couverture, charpente) n'est pas compatible avec l'occupation à laquelle il est structurellement destiné et dont, le cas échéant, le permis d'urbanisme ou le permis unique en tenant lieu, est périmé ;

d) faisant l'objet d'un arrêté d'inhabitabilité en application du code wallon du logement ;

e) faisant l'objet d'un arrêt ordonnant la démolition interdisant l'occupation, pris en application de l'article 135 de la nouvelle loi communale.

En tout état de cause, l'occupation sans droit ni titre ou une occupation proscrite par un arrêté pris sur base de l'article 113 de la Nouvelle Loi Communale ne peut être considérée comme une occupation au sens du présent règlement.

§2. Le fait générateur de la taxe est le maintien de l'état d'un immeuble ou partie d'immeuble visé ci-dessus pendant la période comprise entre deux constats successifs qui seront distants d'une période minimale de 6 mois.

La période imposable est l'année au cours de laquelle le constat visé par l'article 5, §2, ou un constat annuel postérieur à celui-ci, tel que visé à l'article 5§3 établissant l'existence d'un immeuble bâti inoccupé maintenu en état, est dressé.

Article 2

2.1 Le fait générateur de la taxe est le maintien en l'état d'un immeuble ou partie d'immeuble visé ci-dessus pendant la période comprise entre deux constats successifs qui sont distants d'une période minimale de 6 mois.

(...)

Article 5

(...)

§3.

(...)

Si un nouveau constat établissant l'existence d'un immeuble bâti inoccupé est dressé, l'immeuble ou la partie d'immeuble inoccupé est considéré comme maintenu en l'état au sens de l'article 1er.

(...) ».

3) Le 4 décembre 2012, deux ans après l'acquisition réalisée par la demanderesse, la défenderesse a fait procéder à un constat d'inoccupation de l'immeuble ; la demanderesse a contesté ce constat le 11 décembre 2012, annonçant que le projet de réhabilitation serait relancé en 2013 dans la perspective d'un projet « de résidence-service appartement passif avec des services qui pourront être apportés par des entreprises de titres services de Peruwelz et/ou avec une collaboration du CPAS (...) ».

La défenderesse n'a réservé aucune suite à cette initiative et, au contraire, a fait procédé à un itératif constat d'inoccupation le 27 novembre 2013 ; elle a ensuite enrôlé à charge de la demanderesse une taxe d'un import de 15.480,00 euro à charge de la demanderesse pour cet immeuble acquis à l'état de ruine (depuis de nombreuses années).

La demanderesse a introduit une réclamation contre cette taxation qui a été rejetée par décision du collège communal du 13 octobre 2014.

4) La demanderesse a introduit un recours fiscal contre cette décision par requête du 19 janvier 2015 déposée devant le tribunal de première instance du Hainaut, division de Mons. Et, par jugement du 1er septembre 2016, la trente-sixième chambre de ce tribunal a accueilli ce recours et a annulé la taxe sur les immeubles inoccupés enrôlée à charge de la demanderesse pour l'exercice 2013 sous l'article 33 pour un montant de 15.480,00 euro et a condamné la défenderesse aux dépens d'instance, aux motifs que :

« En l'espèce, le règlement litigieux a été adopté le 30 avril 2013 et approuvé par le Conseil provincial, autorité de tutelle, le 23 mai 2013.

La (défenderesse) produit l'extrait n° 13 de son registre des publications certifiant que le règlement litigieux a été adopté le 30 avril 2013 et ayant pour objet des impôts et redevances notamment sur des immeubles bâtis inoccupés a été publié conformément l'article L.1133-1 du Code de la démocratie locale.

(La défenderesse) établit par le registre la publication du règlement.

Cependant, l'affiche produite par (la défenderesse) - l'avis de publication - datée du 3 juin 2013 mentionne que le Service public de Wallonie (direction générale des pouvoirs locaux, de l'action sociale et de la santé) a approuvé les délibérations pour lesquelles le conseil communal en date du 30 avril 2013 a décidé d'établir, pour les exercices 2013 à 2019, les impôts et redevances suivants ...

La référence au Service public de Wallonie est erronée. Il convient, dès lors, de constater que l'affiche n'est pas conforme à l'article L.1133-2 du Code de la démocratie locale à défaut de mentionner de manière exacte la décision de l'autorité de tutelle (...). Partant, le règlement litigieux qui n'a pas été régulièrement publié, n'a pas force obligatoire ».

Et, le jugement entrepris prononçait, en outre, la nullité du règlement taxe litigieux, au motif que :

« (la demanderesse) soutient avec raison que le règlement-taxe litigieux à un effet rétroactif. En effet, le règlement a été adopté le 30 avril 2013, a été approuvé par décision du 23 mars 2013 et fut publié le 3 juin 2013.

Il a donc un effet obligatoire depuis le 8 juin 2013.

Or, le règlement-taxe établit la taxe pour les exercices 2013 à 2019, soit depuis le 1er janvier 2013 jusqu'au 31 décembre 2019. Le règlement a donc un effet rétroactif, (la défenderesse) visant un premier constat d'inoccupation établi le 3 décembre 2012 (...) ».

5) La défenderesse a interjeté appel de cette décision, la demanderesse ayant formé un « appel incident » aux termes duquel, pour le cas où l'appel principal serait admis, elle a réitéré les moyens qu'elle avait fait valoir devant le premier juge, pour le cas où la décision entreprise serait annulée en tant qu'elle avait déclaré le règlement-taxe inapplicable dès lors qu'il estimait que ce règlement n'avait pas été publié régulièrement et qu'il violait le principe fondamental de la non rétroactivité de la loi, spécialement en matière fiscale.

L'arrêt attaqué dit l'appel recevable et fondé, déclare nul et sans effet le jugement a quo et, rejetant les autres moyens développés par la demanderesse, dit le règlement-taxe parfaitement valide, rejette le recours formé par la demanderesse et la condamne aux frais et aux dépens des deux instances.

X
X X

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Dispositions légales violées

Articles 159, 170 et 172 de la Constitution

Articles L.1133-1, L.1133-2 et L.1133-3 du Code wallon de la démocratie locale et de la décentralisation.

Articles 112, 114 et 117, alinéa 2 de la nouvelle loi communale, pour autant que de besoin.

Articles 16 et 17 du décret du conseil régional wallon du 1er avril 1999.

Article 1er de l'arrêté royal du 14 octobre 1991 relatif aux annotations dans le registre de publication des règlements et ordonnance des autorités communales.

Principe général du droit relatif à la sécurité juridique

Décision attaquée et motifs critiqués

L'arrêt attaqué qui, réformant à cet égard le jugement entrepris et accueillant l'appel de la défenderesse, dit pour droit que le règlement-taxe du 30 avril 2013 est opposable à la demanderesse et doit sortir à son égard tous ses effets obligatoires, en sorte que la taxe d'un montant de 15.480,00 euro mise à charge, pour l'exercice fiscal de 2013, de la demanderesse en sa qualité de propriétaire de l'immeuble inoccupé litigieux est due et que le recours fiscal formé par la demanderesse est infondé, la demanderesse devant être condamnée aux frais et aux dépens des deux instances, aux motifs que :

« L'article L.1133-1 du C.D.L.D. dispose que :

‘Les règlements et ordonnances du conseil communal, du (collège communal) et du bourgmestre sont publiés par ce dernier par la voie d'une affiche indiquant l'objet du règlement, de l'ordonnance, la date de la décision par laquelle il a été adopté et, le cas échéant, la décision de l'autorité de tutelle.

L'affiche mentionne également le ou les lieux où le texte du règlement ou de l'ordonnance peut être consulté par le public'. »

« [L]'article L.1133-2 du CDLC ajoute que :

‘Les règlements et ordonnances visés à l'article L.1133-1 deviennent obligatoires le cinquième jour qui suit le jour de leur publication par la voie de l'affichage, sauf s'ils en disposent autrement.

Le fait et la date de la publication de ces règlements et ordonnances sont constatés par une annotation dans un registre spécialement tenu à cet effet, dans la forme qui sera déterminée par arrêté du Gouvernement ».

[E]n Région Wallonne, les règlements-taxes sont publiés exclusivement par voie d'affichage (...).

[I]l ressort de l'annotation n°13 du registre des règlements et ordonnances du conseil communal de (la défenderesse) que ‘le bourgmestre certifie que le règlement-taxe litigieux du 30 avril 2013 sur les immeubles bâtis inoccupés a été publié conformément à l'article L1133-1 du C.D.L.D. le 3 juin 2013' (...) ;

[L]a publication du règlement-taxe est régulière ;

[E]st sans incidence sur la force obligatoire du règlement-taxe à l'égard des administrés, la circonstance que l'avis de publication délivré le 3 juin 2013 par le bourgmestre et la secrétaire communale de la (défenderesse) mentionne, à la suite d'une erreur matérielle, que ‘le Collège communal de Péruwelz porte à la connaissance de ses administrés que le Service public de Wallonie (Direction générale opérationnelle des pouvoirs locaux, de l'action sociale et de la santé) a approuvé la délibération par laquelle le Conseil communal, en date du 30 avril 2013, a décidé d'établir, pour les exercices 2013 à 2019, une taxe sur les immeubles bâtis inoccupés' dès lors qu'il est établi que le Collège provincial du Hainaut a approuvé le 23 mai 2013, en sa qualité d'autorité de tutelle, la délibération du 30 avril 2013 du Conseil communal de Péruwelz établissant un règlement-taxe sur les immeubles bâtis inoccupés (...) ;

[L]e jugement n'a pu légalement conclure à l'absence de force obligatoire du règlement-taxe litigieux du fait que ‘l'affiche n'est pas conforme à l'article L1133-2 du C.D.L.D. à défaut de mentionner de manière exacte la décision de l'autorité de tutelle' ;

[E]n outre, imposer à (la défenderesse) une obligation de publication intégrale de la décision d'approbation de l'autorité de tutelle consiste à ajouter une condition de validité de publication qui ne trouve aucun fondement dans la loi ».

Griefs

L'article 1er de l'arrêté royal du 14 octobre 1991 relatif aux annotations dans le registre de publication des règlements et ordonnances des autorités communales dispose que « le fait et la date des règlements et ordonnances visés à l'article 112 de la nouvelle loi communale sont constatés par une annotation dans un registre spécial tenu à cet effet par le secrétaire communal », dont les articles 2 et 3 précisent que « l'annotation dans les registres est faite le premier jour de la publication du règlement ou de l'ordonnance. Les annotations sont numérotées d'après l'ordre des publications successives » et que « l'annotation, datée et signée par le bourgmestre et le secrétaire communal, est établie dans la forme suivante (...) ».

Le Code wallon de la démocratie locale et de la décentralisation reprend, mutatis mutandis, ces dispositions légales et réglementaires par ses articles L.1133-1, L.1133-2 et L.1133-3 ; il en résulte que le caractère obligatoire des règlements communaux, en Wallonie, résulte uniquement de la publication de ces règlements et ordonnances par la voie de l'affichage, tandis que l'annotation de ces actes dans le registre prévu à l'article 1er de l'arrêté royal du 14 décembre 1993, ne concerne que la preuve des faits de la publication et est étrangère à la régularité de cette publication.

Le seul mode de preuve admissible de la publication d'un règlement ou d'une ordonnance communal(e) est l'annotation dans le registre spécial ainsi visé.

Cependant, cette annotation ne concerne que la preuve du fait de la publication et non pas la régularité de cette publication et, partant, la force obligatoire du règlement.

Cette publication doit être complète et exacte. Elle doit aussi comporter la publication de la décision d'approbation de l'autorité de tutelle appelée à se prononcer à cet égard et la désignation exacte de cette autorité dont la décision doit, en tant que telle, pouvoir être consultée par le citoyen et, s'il échet contestée notamment au motif que la décision n'émane pas de l'autorité de tutelle légalement investie du pouvoir requis.

Tout règlement-taxe est soumis à la tutelle d'approbation de l'autorité hiérarchique à savoir le collège provincial, si bien que le règlement-taxe ne peut sortir ses effets légaux vis-à-vis des contribuables que si l'autorité de tutelle l'a autorisé : ce n'est qu'à compter du moment où le règlement-taxe a reçu l'approbation de l'autorité de tutelle qu'il devient exécutoire. Et, le citoyen doit pouvoir d'emblée vérifier que tel est le cas, ce qu'il n'est à même de faire que si la publication du règlement-taxe comporte aussi la publication de la décision de l'autorité de tutelle compétente, suivant le seul mode admis par la loi.

Le règlement-taxe accompagné de la décision d'approbation par l'autorité de tutelle doit donc être publié, en sorte que si l'un de ces éléments fait défaut, la publication n'est pas valable et le règlement taxe, eût-il été approuvé par l'autorité tutélaire adéquate mais que cette décision n'a fait l'objet d'aucune mention dans l'acte de publication, reste sans effet légal.

D'où il suit que l'arrêt attaqué qui relève que le règlement-taxe litigieux a certes été publié et que cette publication a fait l'objet d'une mention spéciale dans le registre à ce destiné, mais que la publication a indiqué que ledit règlement a été approuvé par le Service public de Wallonie, direction générale opérationnelle des pouvoirs locaux, de l'action sociale et de la santé, incompétent à cet égard, mais que le règlement litigieux avait été approuvé par l'autorité compétente à cet effet, à savoir le Collège provincial, ce que le contribuable ne pouvait savoir à la lecture, de l'acte de publication, si bien que le règlement était néanmoins opposable aux citoyens et devait sortir tous ses effets, n'est pas légalement justifié, méconnaît le principe fondamental du droit suivant lequel le citoyen doit pouvoir déduire des publications officielles toutes les conséquences positives ou négatives qu'elles paraissent comporter et pouvoir faire confiance aux actes des autorités administratives et aux publications desdits actes et méconnaît toutes les dispositions visées au moyen dès lors que la publication du règlement-taxe litigieux n'est pas régulière et, spécialement, ne comporte pas la publication de la décision d'approbation de l'autorité de tutelle requise ni même la désignation exacte de cette autorité, qui est au demeurant le préalable obligé à l'efficacité et l'opposabilité du règlement communal considéré.

Développement

De la combinaison de l'article 1er de l'arrêté royal du 14 octobre 1991 relatif aux annotations dans le registre de publication des règlements et ordonnances des autorités communales (qui dispose que « le fait et la date des règlements et ordonnances visés à l'article 112 de la nouvelle loi communale sont constatés par une annotation dans un registre spécial tenu à cet effet par le secrétaire communal ») dont les articles 2 et 3 précisent que ‘l'annotation dans les registres est faite le premier jour de la publication du règlement ou de l'ordonnance. Les annotations sont numérotées dans l'ordre des publications successives » et que « l'annotation, datée et signée par le bourgmestre et le secrétaire communal, est établie dans la forme suivante (...) » et du Code wallon de la démocratie locale qui reprend, mutatis mutandis, ces dispositions légales et réglementaires par ses articles L.1133-1, L.1133-2 et L.1133-3, il se déduit que le caractère obligatoire des règlements communaux résulte uniquement de la publication de ces règlements et ordonnances par la voie de l'affichage, tandis que l'annotation de ces actes dans le registre prévu par l'article 1er de l'arrêté royal du 14 décembre 1991, ne concerne que la preuve de la publication.

Le seul mode de preuve admissible de la publication du règlement ou de l'ordonnance communale est l'annotation dans le registre spécial de cette publication (cass. 21 mars 2015, Pas. 2015, n° 328 et les conclusions contraires de M. le premier avocat général Henkès). C'est ce que votre Cour avait déjà décidé au visa des anciens textes régissant cette matière reprise par le CWDL.

Ainsi donc, selon votre arrêt du 21 mars 2015 « le fait et la date de la publication est donc suffisamment prouvé par l'annotation faite dans le registre ad hoc tenu par le secrétaire communal, l'arrêt constate en fait et partant souverainement, que (...) ».

Il reste que l'arrêt attaqué ne pouvait légalement admettre que la mention de l'approbation du règlement-taxe par « le service public de Wallonie, direction générale opérationnelle des pouvoirs locaux, de l'action sociale et de la santé », le 30 avril 2013 était valable, alors que cette administration n'est pas celle qui peut exercer la tutelle d'approbation et approuver licitement le règlement-taxe, si bien que l'affichage qui n'indique pas la décision approbative adéquate ou en indique une inexistante n'est pas régulier, le défaut de preuve de l'affichage de la décision du collège provincial, seul habilité à cette fin, entachant la mesure de publicité d'illégalité et l'empêchant d'emporter ses effets obligatoires vis-à-vis des tiers.

Il faut rappeler qu'en vertu du décret wallon du 1er avril 1999 organisant la tutelle sur les communes, les provinces et les intercommunales, les règlements relatifs aux impositions communales sont soumis à la tutelle d'approbation et non à une tutelle d'annulation. En conséquence, le règlement communal ne devient exécutoire que s'il a reçu l'approbation de l'autorité de tutelle légale.

C'est donc le règlement-taxe avec l'indication exacte de la décision rendue par l'autorité de tutelle compétente qui doit intégralement faire l'objet de la publication par voie d'affichage, lequel doit de la sorte permettre au citoyen d'exercer pleinement son droit de contrôle démocratique qu'implique l'Etat de droit.

Certes, l'article 112 NL, dont l'article L.1133-1 du Code wallon a repris le texte, porte que l'affiche indique « le cas échéant » la décision de l'autorité de tutelle.

Mais, à l'encontre de ce qu'admet l'arrêt attaqué, il ne se déduit pas de ces termes, qui ne brillent sans doute pas par leur clarté, que la publication de l'approbation du règlement-taxe par l'autorité de tutelle et la désignation exacte de celle-ci seraient facultatives.

L'utilisation des termes « le cas échéant » s'explique seulement par la circonstance que l'autorité de tutelle exerce deux types de contrôle sur les décisions communales.

Au cours des travaux préparatoires de la loi du 8 avril 1991 modifiant l'article 112 de la nouvelle loi communale (et ceci vaut pour l'article L.1133-1 CDWL), le ministre de l'intérieur a souligné que l'obligation de faire figurer sur l'affiche le maintien de la décision de l'autorité de tutelle ne posait pas de problème lorsque la décision de l'autorité communale est soumise à la tutelle d'annulation puisque, dans ce cas, l'acte de l'autorité subordonnée est en soi valable et obligatoire dès qu'il a été adopté par cette autorité et publié dans les formes voulues, l'autorité de tutelle ayant seulement la possibilité de la suspendre et de l'annuler après coup (proposition de loi modifiant le titre Ier, chapitre IV, section 2 de la nouvelle loi communale en ce qui concerne la publication des actes, proposition de loi modifiant la nouvelle loi communale, article 102 - rapport fait au nom de la commission de l'intérieur, Doc. Parl. Sénat, Session ordinaire 1990-1991, n° 915/2, p. 4).

Ainsi que la soulignait J-P. Magremanne et F. Van de Gejuchte (La procédure en matière de taxes locales, Larcier 2004, p. 39) « il convient en effet d'opérer une distinction selon que le règlement est soumis à une tutelle d'annulation ou à une tutelle d'approbation. Si nous nous trouvons dans un cas de tutelle d'annulation, la décision de l'autorité de tutelle ne doit pas être mentionnée puisque le caractère exécutoire du règlement n'est pas conditionné par une décision préalable de l'autorité de tutelle ».

Statuant en matière de redevance de stationnement, vous avez dit, par votre arrêt du 7 juin 2002 (Pas. 2002, n° 347) que « l'article unique de la loi du 22 février 1965 permettant aux communes d'établir ses redevances de stationnement applicables aux véhicules à moteur autorise les conseils communaux qi arrêtent des règlements complémentaires de stationnement à établir des redevances de stationnement.

Ni la nouvelle loi communale, ni le décret du 30 juillet 1989 organisant la tutelle sur les communes, les provinces et les intercommunales de la Région wallonne, ni l'arrêté royal du 16 mars 1968 portant coordination des lois relatives à la police de la circulation routière, ni aucune autre disposition ne soumettant les règlements concernant les redevances de stationnement applicables aux véhicules à moteur à la tutelle d'approbation : ces règlements ne sont soumis qu'à la tutelle générale d'annulation ou de suspension ou aux règles relatives à la tutelle sur recours.

Sous réserve d'annulation ou de suspension, pareils règlements sont complets et directement exécutoires dès lors qu'ils sont adoptés conformément à l'article 112 de la nouvelle loi communale, leur publication ne doit donc pas, dès lors, indiquer la décision de l'autorité de tutelle ».

Aussi, a contrario, il faut admettre que lorsque le règlement communal, tel un règlement-taxe, est soumis à la tutelle d'approbation (de la province), ce règlement ne saurait acquérir force obligatoire qu'une fois que l'autorité de tutelle l'a approuvé et il ne saurait faire l'objet d'une publication valable en vue de la rendre opposable aux contribuables qu'à la condition que la décision de l'autorité de tutelle compétente fasse aussi l'objet d'une publication valable, ce qui implique que ce soit l'autorité qui exerce légalement la tutelle d'approbation qui soit désignée par cette publication.

En décidant que ce serait ajouter aux textes légaux une condition qu'ils ne comportent pas, que d'exiger que la décision de l'autorité de tutelle soit désignée dans l'acte de publication, dès lors qu'il apparaît à l'étude du dossier relatif à ce règlement-taxe qu'il a effectivement reçu l'approbation de l'autorité compétente, l'arrêt attaqué n'est pas légalement justifié et n'a pu licitement décider que le règlement-taxe de la défenderesse du 30 avril 2013 sur les immeubles inoccupés est opposable à la demanderesse.

De la sorte, il a méconnu les articles L.1133-1, L.1133-2, L.1133-3 du Code wallon de la démocratie locale et de la décentralisation, 112, 114 et 117, alinéa 2 de la nouvelle loi communale, 16 et 17 du décret du conseil régional wallon du 1er avril 1999 et le principe général de sécurité juridique, ainsi que les article 159, 170 et 172 de la Constitution.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Dispositions légales violées

Articles 149, 159, 170, 171, 172 de la Constitution.

Article 2 du Code civil.

Articles L.1312-1, L. 1312-2, L.1331-1 et L.1131-2 du Code wallon de la démocratie locale et de la décentralisation.

Pour autant que de besoin, articles 240, 241 et 259 de la nouvelle loi communale.

Principe général du droit du respect dû à la sécurité juridique.

Principe général du droit de proportionnalité.

Décision attaquée et motifs critiqués

L'arrêt attaqué qui réforme le jugement entrepris, rejette l'exception tirée par la demanderesse de la rétroactivité illégale du règlement-taxe litigieux, décide que celui-ci doit être appliqué en sorte que la taxe sur les immeubles bâtis inoccupés, d'un montant de 15.480,00 euro , mise à charge de la demanderesse pour l'exercice fiscal 2013 en raison de sa qualité de propriétaire d'un immeuble inoccupé, est due et que le recours fiscal formé par la demanderesse est dépourvu de fondement, les frais et les dépens des deux instances étant mis à charge de la demanderesse, aux motifs que :

« le principe de la non-rétroactivité de la loi est un principe général du droit auquel la Cour constitutionnelle de Belgique reconnaît une valeur constitutionnelle (....) ;

[L]a taxe directe frappe une situation durable et permanente, tandis que la taxe indirecte vise un acte ou un fait isolé qui doit être renouvelé pour que l'on puisse le prélever une nouvelle fois (...) ;.

[E]n ce qui concerne les taxes communales, la période imposable coïncide avec l'exercice fiscal ;

[T]out règlement instaurant une taxe directe peut rétroagir au 1er janvier de l'exercice au cours duquel et pour lequel elle a été décidée et établie (...) ;

[E]n revanche, un règlement communal instaurant une taxe indirecte ne peut être appliqué qu'à des faits qui surviennent après que ce règlement ait acquis force obligatoire ;

[L]a taxe directe établie à la suite d'une situation durable dont le maintien est contesté au cours d'un exercice d'imposition -comme l'immeuble litigieux inoccupé depuis plusieurs années- ne viole pas le principe de la non-rétroactivité lorsqu'elle est établie au nom d'une personne qui s'est trouvée dans la situation critiquée au cours de l'exercice précédent et l'est restée au cours de l'exercice d'imposition (...)

[I]l n'est pas contesté par (la défenderesse) que le premier constat d'inoccupation du 3 décembre 2012 de l'immeuble litigieux a été dressé en exécution d'un précédent règlement-taxe sur les immeubles inoccupés adopté le 28 janvier 2008 par le Conseil communal de (la défenderesse) (...) ;

[L]e règlement-taxe du 28 janvier 2009 en vigueur lors du premier constat d'inoccupation décrivait une procédure similaire à celle du règlement-taxe du 30 avril 2013 ;

[D]ans le préambule du règlement-taxe du 30 avril 2013, est visé ‘la délibération prise à ce propos (c'est-à-dire à propos des immeubles bâtis inoccupés) par le Conseil communal en sa séance précédente' ;

[E]n règle, la réglementation nouvelle s'applique non seulement aux situations qui naissent à partir de son entrée en vigueur, mais aussi aux effets futurs des situations nées sous le régime de la réglementation antérieure, qui se produisent ou se prolongent sous l'emprise de la réglementation nouvelle, pour autant que cette application ne porte pas atteinte à des droits déjà irrévocablement fixés ;

[E]n maintenant leurs effets aux constats d'abandon établis sous l'empire du règlement antérieur, le règlement du 30 avril 2013 ne fait qu'appliquer ses dispositions aux effets futurs de ces constats, sans porter atteinte à des droits déjà irrévocablement fixés, et ne comporte, dès lors, pas d'effet rétroactif prohibé ».

Griefs

Première branche, par ses conclusions additionnelles et de synthèse d'appel (page 9 et suivantes), la demanderesse avait fait non seulement valoir que « la période imposable telle que définie à l'article 1, §2 (du règlement) en ce qu'elle vise ‘l'année' a pour effet que la taxe est due dès le 1er janvier 2013, il s'ensuit que le règlement-taxe, adopté en sa séance du 30 avril 2013, rétroagit nécessairement ».

Mais, surtout, ces conclusions soulignaient que « en outre et par ailleurs, il résulte des documents de la (défenderesse) que si le règlement-taxe a été adopté le 30 avril 2013, la commune, dans le cadre de la présente taxation a, en l'espèce, établi un premier constat sur lequel elle se fonde, en date du 3 décembre 2012 (soit cinq mois avant l'établissement du règlement-taxe).

Dès lors que selon le règlement-taxe litigieux, le fait générateur est l'improductivité entre deux constats espacés de six mois, et que le premier constat sur lequel se fonde la (défenderesse) a été dressé cinq mois avant l'établissement du règlement-taxe, force est de constater que ledit règlement-taxe rétroagit illégalement.

Vu la définition du fait générateur donnée dans le règlement-taxe, (la défenderesse) ne peut prétendre que ‘le premier constat n'a aucune conséquence sur la taxation', dès lors que sans le premier constat, le fait générateur ne commencerait jamais à courir.

A cet égard, il faut rappeler que, de jurisprudence constante, (...) un règlement-taxe a nécessairement un effet rétroactif dès lors qu'il a pour objet de conférer des effets de droit à une situation qui lui est antérieure en date. Une règle de droit fiscal ne peut être qualifiée de rétroactive qui si elle s'applique à des faits, actes et situations qui étaient définitifs au moment où elle est entrée en vigueur »

et surtout que :

« le constat dressé par (la défenderesse) le 3 décembre 2012 par l'agent de (la défenderesse) est bel et bien un acte juridique qui s'attache à une situation antérieure au règlement-taxe (...)
(...)
(...) c'est à tort que (la défenderesse) argue de ce que constat antérieurement été pris en exécution du règlement-taxe antérieur ; sans préjudice d'autres griefs, (la demanderesse) réfute cet argument dès lors que n'est aucunement démontré que ce premier constat ait un fondement légal valable. En effet, il n'est nullement démontré que ce règlement-taxe antérieur aurait acquis, à l'époque, force obligatoire (et soit opposable) ; (la demanderesse) lui oppose, mutatis mutandis, le défaut de publication ».

Par aucune considération, l'arrêt attaqué ne rencontre la défense circonstanciée proposée par la demanderesse qui soutenait que, le premier constat d'inoccupation étant antérieur au 1er janvier 2013 et, partant, sortant du champ d'application du règlement-taxe du 30 avril 2013, il n'était nullement démontré que ce constat pouvait être considéré comme accompli légalement, la légalité, la régularité et l'opposabilité du règlement-taxe antérieur en vertu duquel la défenderesse prétendait que ce premier constat avait été dressé, n'étant pas démontrées et étant, au contraire formellement contestées, spécialement en ce qui concernait la publication de ce règlement-taxe antérieur. L'arrêt se borne à invoquer l'existence de ce règlement-taxe sans rencontrer en rien le moyen qui en contestait la validité. Ainsi, l'arrêt n'est pas régulièrement motivé et viole l'article 149 de la Constitution.

Mais il méconnaît encore cette disposition constitutionnelle en tant qu'il ne comporte aucun élément concret qui permettrait à votre Cour son contrôle de la légalité du règlement-taxe de 2008 (ou de 2009). Pareille carence consacre une deuxième violation de l'article 149 de la Constitution.

Deuxième branche, suivant l'article 2 du Code civil, « la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet rétroactif ».

La règle de la non-rétroactivité de la loi ainsi affirmée se rattache au principe de sécurité juridique selon lequel le contenu du droit positif (légal ou réglementaire) doit être prévisible et accessible de sorte que le sujet de droit doit pouvoir prévoir, à un degré raisonnable, les conséquences d'un acte déterminé au moment où cet acte se réalise, si bien qu'à peine de méconnaître les exigences de la sécurité juridique, le législateur ou l'auteur d'un règlement ne pouvait porter atteinte sans justification objective et raisonnable à l'intérêt des sujets de droit à se trouver en mesure de prévoir les conséquences juridiques de leurs actes.

Le droit fiscal est, au point de vue de l'application de la règle de la non rétroactivité, soumis à l'article 2 du Code civil, sauf que les communes pas plus que les provinces ne peuvent jamais y déroger.

Au demeurant, les impôts directs, auxquels appartient notamment la taxe sur les immeubles inoccupés, doivent être votés annuellement et leurs effets ne peuvent remonter antérieurement au 1er janvier du millésime au cours duquel ils sont votés, la règle de l'article 171 de la Constitution qui impose cette règle fondamentale pour les impôts d'Etat, étant applicable, même si l'article l70 ne le précise pas expressément, aux taxes communales, en vertu des articles L.1312-1, L.1312-2, L.1331-1 et L.1331-2 du Code wallon de la démocratie locale et de la décentralisation (anciennement articles 240, 241, et 259 de la nouvelle loi communale).

En matière d'impôts directs, et singulièrement de taxe frappant les immeubles inoccupés, la période imposable est l'année civile au cours de laquelle le fait taxable est constaté, à compter du 1er janvier du millésime et ce pendant un an à partir de cette date, le fait global imposable n'étant acquis qu'à l'issue de la période imposable.

Ainsi, la dette d'impôt naît de trois éléments : le fait imposable, la loi organique d'imposition qui la définit et la loi annuelle de financement ; ce qui est absolument essentiel est le fait imposable qui dépend nécessairement de son constat.

Or, dans le cadre du règlement-taxe litigieux, le constat implique obligatoirement que le fait qui peut donner lieu à l'imposition, (soit l'inoccupation de l'immeuble, mais aussi la durée de cette inoccupation, c'est-à-dire six mois entre le premier constat et le second ; et ces deux constats doivent impérativement intervenir au cours de l'exercice fiscal [en l'espèce 2013] soumis à la taxe impliqué au contribuable ) intervienne pendant l'exercice fiscal au cours duquel la taxe est adoptée; dès lors, si le premier se produit avant le premier janvier du millésime au cours duquel le règlement-taxe est intervenu, celui-ci revêt nécessairement un effet rétroactif prohibé, l'application de l'impôt sur les immeubles inoccupés exigeant que les deux contrats d'inoccupation soient dressés au cours de l'exercice fiscal considéré, ou en tout cas d'exercices fiscaux couverts par le règlement-taxe (en l'espèce 2013 à 2019) ; dès lors que le premier constat est confectionné avant l'entrée en vigueur du règlement-taxe litigieux, c'est lui conférer un effet rétroactif que de lui faire produire l'effet donnant ouverture à l'application de l'impôt adopté l'année fiscale suivante.

D'où il suit que l'arrêt attaqué qui constate que le premier constat d'inoccupation a été dressé l'année précédant l'adoption du règlement-taxe litigieux, mais admet qu'il produit néanmoins les effets prévus par celui-ci, servant de point de départ à la période de six mois au-delà de laquelle le second constat peut être confectionné et ouvrant, partant, le droit à la taxation, accorde illégalement au règlement-taxe du 30 avril 2013 un effet rétroactif interdit, viole l'article 2 du Code civil, les articles 170, 171 et 172 de la Constitution, donne effet audit règlement en méconnaissance de l'article 159 de la Constitution, méconnaît les articles L.1312-1, L.1312-2, L.1331-1 et L.1331-2 du Code wallon de la démocratie locale, les articles 240, 241 et 259 de la nouvelle loi communale, s'il échet, le principe de l'annualité de l'impôt direct ainsi que les principes de la sécurité juridique, le citoyen ne devant pas présumer que l'autorité fiscale accordera aux mesures fiscales qu'il décrète un effet rétroactif et le principe de proportionnalité, la rétroactivité d'une mesure fiscale n'étant jamais qu'à titre tout-à-fait exceptionnel proportionnellement justifiable au regard des buts recherchés par la mesure d'imposition et, pour autant que de besoin, au visa de l'article premier du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales approuvé par la loi belge du 13 mai 1955 qui impose le droit au respect des biens et de la propriété privée, toute mesure emportant une imposition applicable rétroactivement étant contraire à cette disposition internationale conventionnelle directement applicable dans l'ordre interne belge.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Dispositions légales violées

Articles 149, 159 et 170 de la Constitution.

Article 1er du règlement-taxe du 30 avril 2013 adopté par le collège communal de la défenderesse relativement à la taxe sur les immeubles bâtis inoccupés.

Décision attaquée et motifs critiqués

L'arrêt attaqué qui réformant le jugement entrepris, déclare l'appel de la défenderesse recevable et fondé, dit le règlement-taxe sur les immeubles inoccupés du 30 avril 2013 légal et, en conséquence, dit valable la taxe sur les immeubles inoccupés mise à charge de la demanderesse pour un montant de 15.480,00 euro et condamne la demanderesse aux frais et aux dépens des deux instances, aux motifs que :

« il est constant que l'acquisition de l'immeuble litigieux a été faite (par la demanderesse), qui comme toute société privée à responsabilité limitée, a en principe un but lucratif (la demanderesse) n'est pas une SPRL à finalité sociale.

Indépendamment de l'affectation antérieure de l'immeuble, son acquéreur, qui est une société commerciale devant en faire un usage, dans les limites de son objet social, rentrant dans l'exercice d'une activité économique visée à l'article 1er, §1er, alinéa 2 du règlement-taxe litigieux ».

Griefs

Première branche, par ses conclusions additionnelles d'appel et de synthèse, la demanderesse avait avancé que, la loi fiscale étant toute entière d'ordre public, elle était d'interprétation restrictive et qu'il apparaissait « de la description pertinente et circonstanciée de l'immeuble dressé par le bureau d'étude SPRL ARCEA dans le cadre du permis de réhabilitation du site » que le bâtiment litigieux « a exclusivement servi de classes scolaires et donc, aucunement, ni de logement, ni d'activité économique, telle que visée par le règlement-taxe », ajoutant que « selon l'article 1er du règlement-taxe ‘sont visés les immeubles bâtis, structurellement destinés au logement ou à l'exercice d'activités économiques'. Pour que le règlement-taxe s'applique, il faut que l'immeuble concerné soit structurellement destiné soit au logement soit à une activité économique. En l'espèce, il ne peut être contesté que l'immeuble litigieux est une ancienne école désaffectée (...). Le bâtiment (litigieux) apparaît donc comme manifestement hors champ d'application de la taxe, dès lors qu'il n'est structurellement ni destiné au logement ni à une activité économique.

A tout le moins les caractéristiques intrinsèques du bâtiment litigieux établissent que le règlement-taxe s'avère discriminatoire dès lors que (la demanderesse) se trouve dans une situation différente de tout autre propriétaire de tout autre bâtiment sis sur le sol de (la défenderesse), ce qui nécessitait que (la défenderesse) traite différemment (la demanderesse) et son bâtiment, sauf à motiver ce qu'elle a fait. »

L'arrêt n'expose pas les éléments qui permettraient l'application de la taxe litigieuse, du seul fait que la demanderesse est une société de droit commercial, et ce spécialement au regard de l'objet de la taxe litigieuse et des conditions qui en imposeraient spécifiquement l'application à la demanderesse eu égard aux conditions imposées par le règlement-taxe litigieux. De la sorte, l'arrêt ne permet pas à votre Cour d'exercer son contrôle de la légalité de la décision attaquée. Il méconnaît l'article 149 de la Constitution
Deuxième branche, le principe général du droit fiscal de l'interprétation restrictive des lois d'impôts commande de ne pas frapper d'une taxe une situation qui n'est pas expressément visée par le texte l'instituant ou d'y appliquer l'imposition pour des raisons qui ne sont pas expressément prévues par le texte légal ou réglementaire.

L'article 1er du règlement-taxe du 30 avril 2013 prévoit que :

« Il est établi pour les exercices 2013 à 2019, une taxe communale sur les immeubles bâtis inoccupés.

Sont visés les immeubles bâtis, structurellement destinés au logement ou à l'exercice d'activités économiques de nature industrielle, artisanale, agricole, horticole, commerciale, sociale, culturelle ou de services, qui sont restés inoccupés pendant une période comprise entre deux constats consécutifs distants d'une période minimale de 6 mois ».

L'arrêt attaqué se borne à décider que cette taxation, telle qu'ainsi définie quant à son objet, est applicable à l'immeuble acquis par la demanderesse, sans constater que le bien est structurellement destiné à l'habitat ou aux activités visées par le règlement, pour le seul motif qu'ayant été acquis par une société commerciale, il résulterait du but de lucre que devrait poursuivre celle-ci que, nécessairement, le bien litigieux doit être affecté aux fins visées par le règlement-taxe et, ne l'étant pas, doit être soumis à la taxe sur les immeubles inoccupés.

De la sorte, sans avoir égard aux applications réelles visées par le règlement-taxe de la demanderesse, l'arrêt décide que ladite taxe doit être appliquée à la demanderesse non pas en raison des particularités de l'immeuble mais de l'objet social de la demanderesse ou du but de lucre qu'elle est censée poursuivre, lesquels sont des éléments totalement étrangers à l'objet même de la taxe. L'arrêt viole ainsi l'article 1er du règlement-taxe du 30 avril 2013 ainsi que l'article 170 de la Constitution.

PAR CES CONSIDERATIONS,

L'avocat à la Cour de cassation soussigné conclut, pour la demanderesse, qu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arrêt attaqué, ordonner que mention de votre arrêt sera faite en marge de la décision annulée, renvoyer la cause et les parties devant une autre cour d'appel et statuer comme de droit quant aux dépens de cassation.

Bruxelles, le 14 décembre 2017.

François T'KINT

Annexe : 1. copie certifiée conforme par l'avocat à la Cour de cassation soussigné du règlement-taxe du 30 avril 2013 de la défenderesse relative à la taxation des immeubles inoccupés constituant la pièce 1 du dossier de la défenderesse déposée devant les juges d'appel


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.17.0156.F
Date de la décision : 17/01/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-01-17;f.17.0156.f ?

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