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09/01/2019 | BELGIQUE | N°P.18.1227.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 09 janvier 2019, P.18.1227.F


N° P.18.1227.F
ETAT BELGE, représenté par la ministre de l'Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, boulevard Pacheco, 44,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Gautier Matray, avocat au barreau de Bruxelles, et Sophie Matray, avocat au barreau de Liège,

contre

M.P. S.
étranger, privé de liberté,
défendeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Zouhaier Chihaoui, avocat au barreau de Bruxelles.




I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 20

novembre 2018 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un mo...

N° P.18.1227.F
ETAT BELGE, représenté par la ministre de l'Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, boulevard Pacheco, 44,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Gautier Matray, avocat au barreau de Bruxelles, et Sophie Matray, avocat au barreau de Liège,

contre

M.P. S.
étranger, privé de liberté,
défendeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Zouhaier Chihaoui, avocat au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 20 novembre 2018 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Françoise Roggen a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur la demande du défendeur formulée dans son mémoire en réponse :

Le défendeur soutient que la procédure en cassation qui est appliquée dans le cadre du contrôle judiciaire prévu aux articles 71 et suivants de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, n'est pas conforme aux articles 5.1, f), et 5.4 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Il fait valoir que cette procédure ne permet ni d'en prévoir la durée, ni de statuer à bref délai, par une décision définitive, sur la légalité de la détention. En conséquence, le défendeur sollicite le rejet du pourvoi afin de mettre fin, par sa libération, à la détention arbitraire qu'il subit en raison de la violation des dispositions précitées.

La Cour n'a pas le pouvoir de statuer sur une demande étrangère à la contestation de la décision attaquée.

La demande est irrecevable.

Sur le moyen :

Quant à la première branche :

Le moyen soutient qu'en levant la mesure de rétention du défendeur, l'arrêt viole les articles 74/5, § 1er, alinéa 1er, 1° et 2°, et 74/7 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers.

Il reproche à l'arrêt de considérer qu'à la suite du refus par le commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, le 29 octobre 2018, de la demande de protection internationale présentée à la frontière le 5 octobre 2018, le demandeur devait, pour pouvoir poursuivre la rétention du défendeur, lui notifier dans les vingt-quatre heures une nouvelle décision de rétention prise sur le fondement de l'article 74/5, § 1er, alinéa 1er, 1°, de la loi du 15 décembre 1980.

Selon le demandeur, la décision de refus de la demande de protection internationale n'implique pas que la mesure de maintien dans un lieu déterminé situé à la frontière, prise en application de l'article 74/5, § 1er, alinéa 1er, 2°, deviendrait illégale. Le moyen, qui précise qu'une décision de refoulement a été délivrée au défendeur le 5 octobre 2018, soutient que cette disposition autorise la rétention de l'étranger dans l'attente de l'autorisation d'entrer dans le Royaume ou de son refoulement du territoire, que le maintien sur cette base n'est pas limité à la durée de l'examen de la demande de reconnaissance de protection internationale et qu'en cas de refus de cette demande, l'autorité compétente recouvre la possibilité d'exécuter la décision de refoulement.

L'article 74/5, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980 dispose :

« Peut être maintenu dans un lieu déterminé, situé aux frontières, en attendant l'autorisation d'entrer dans le royaume ou son refoulement du territoire :
1° l'étranger qui, en application des dispositions de la présente loi, peut être refoulé par les autorités chargées du contrôle aux frontières ;
2° l'étranger qui tente d'entrer dans le Royaume sans remplir les conditions fixées aux articles 2 et 3, et qui présente une demande de protection internationale à la frontière.
Aucun étranger ne peut être maintenu au seul motif qu'il a présenté une demande de protection internationale. »

L'article 52/3, § 2, alinéa 1er, de la loi énonce que dans le cas visé à l'article 74/5, § 1er, 2°, le ministre ou son délégué décide que l'étranger n'est pas admis à entrer dans le Royaume après que le commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a refusé ou a déclaré irrecevable la demande de protection internationale sur la base de l'article 57/6/4, alinéa 1er, et que l'étranger est refoulé sous réserve de l'article 39/70. L'article 52/3, § 3, alinéa 1er, dispose que si l'étranger visé aux paragraphes 1er et 2 fait déjà l'objet d'une mesure d'éloignement ou de refoulement à laquelle il n'a pas encore été donné suite au moment de l'introduction de la demande de protection internationale, le ministre ou son délégué renonce à prendre une nouvelle mesure d'éloignement ou de refoulement mais, conformément aux articles 49/3/1 et 39/70, le caractère exécutoire de la mesure déjà prise est suspendu pendant la durée du traitement de la demande de protection internationale.

Il s'ensuit qu'en vertu de l'article 52/3, §§ 2 et 3, de la loi, l'étranger qui a introduit une demande de protection internationale à la frontière n'est pas admis à entrer dans le Royaume après le rejet de cette demande. En cas de mesure d'éloignement prise au moment de l'introduction de la demande de protection internationale, la suspension du caractère exécutoire de cette mesure est limitée à la durée du traitement de la demande d'asile.

Dès lors que la mesure de maintien visée à l'article 74/5, § 1er, est une mesure prise en attendant l'autorisation d'entrer dans le Royaume ou le refoulement du territoire, et non une mesure prise en attendant qu'il soit statué sur la demande de protection internationale, aucune nouvelle décision de maintien ne doit être notifiée à l'étranger lorsque, suite à la décision de refus de cette demande, il fait l'objet d'une mesure de refoulement devenue exécutoire en application de l'article 52/3 précité.
L'arrêt constate que, le 5 octobre 2018, le défendeur a formulé une demande de protection internationale à son arrivée à l'aéroport de Bruxelles-National et a fait l'objet, sur le fondement de l'article 74/5, § 1er, alinéa 1er, 2°, de la loi du 15 décembre 1980, d'une décision de maintien dans un lieu déterminé situé à la frontière. L'arrêt relève également que le 29 octobre 2018, le commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a pris une décision de refus de reconnaissance du statut de réfugié et de celui conférant la protection subsidiaire.

En considérant qu'en raison de la perte de la qualité de demandeur d'asile, il appartenait au demandeur de notifier, dans le délai de vingt-quatre heures prévu à l'article 74/7 de la loi du 15 décembre 1980, une nouvelle décision de maintien dans un lieu déterminé sur la base de l'article 74/5, § 1er, alinéa 1er, 1°, de la loi, et qu'en l'absence d'une telle décision, le défendeur est détenu sur une base légale qui n'est plus applicable à sa situation administrative actuelle, l'arrêt ne justifie pas légalement sa décision.

Le moyen est fondé.

Il n'y a pas lieu d'examiner la seconde branche du moyen qui ne pourrait entraîner une cassation dans des termes distincts de ceux repris au dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les frais pour qu'il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause à la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation, autrement composée.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du neuf janvier deux mille dix-neuf par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
T. Fenaux F. Stévenart Meeûs F. Lugentz
E. de Formanoir F. Roggen B. Dejemeppe


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.18.1227.F
Date de la décision : 09/01/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-01-09;p.18.1227.f ?

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