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03/01/2019 | BELGIQUE | N°C.18.0129.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 03 janvier 2019, C.18.0129.F


N° C.18.0129.F
COMMUNE DE LIBRAMONT-CHEVIGNY, dont les bureaux sont établis à Libramont-Chevigny, place Communale, 9,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue Joseph Stevens, 7, où il est fait élection de domicile,

contre

M. J.,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure deva

nt la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre les arrêts rendus le 12 septembre 2017 et le 9 j...

N° C.18.0129.F
COMMUNE DE LIBRAMONT-CHEVIGNY, dont les bureaux sont établis à Libramont-Chevigny, place Communale, 9,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue Joseph Stevens, 7, où il est fait élection de domicile,

contre

M. J.,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre les arrêts rendus le 12 septembre 2017 et le 9 janvier 2018 par la cour d'appel de Liège.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente trois moyens.

III. La décision de la Cour

Sur la fin de non-recevoir opposée d'office au pourvoi par le ministère public conformément à l'article 1097 du Code judiciaire en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du 9 janvier 2018 et déduite de ce que la demanderesse ne critique pas cet arrêt :

Il ressort des moyens que la demanderesse ne critique que l'arrêt du 12 septembre 2017.
Si, sans doute, la cassation de cet arrêt entraînerait l'annulation de celui du 9 janvier 2018, qui en est la suite, l'effet d'une cassation sur l'étendue de celle-ci ne constitue toutefois pas un moyen.
La fin de non-recevoir est fondée.

Sur le premier moyen :

Après avoir énoncé que « le délai de prescription ne commence à courir que lorsque le créancier du droit d'action dispose des éléments utiles pour former sa demande, l'existence de son dommage et l'identité du responsable étant les éléments essentiels », l'arrêt attaqué du 12 septembre 2017 relève que, si « les faits commis à faute ont été posés en octobre 2009 », c'est en raison du refus de la demanderesse de régulariser la situation que le défendeur « s'est alors tourné vers les autorités judiciaires et les vendeurs, forts de la position de [celle-ci] », et que « ce n'est que par le biais de cette procédure [en résolution de la vente] que [le défendeur] a pu se rendre compte qu'en réalité c'était la position de [la demanderesse] qui était erronée quant à son refus de location et son exigence d'un permis de régularisation ».
Contrairement à ce que soutient le moyen, l'arrêt attaqué n'exige pas que le défendeur ait connaissance d'un lien causal certain et établi entre le fait générateur et le dommage, mais considère que le défendeur n'a eu connaissance de l'identité de la personne responsable qu'à l'occasion de la procédure mue contre les vendeurs en résolution de la vente.
Le moyen, qui procède d'une lecture inexacte de l'arrêt, manque en fait.

Sur le deuxième moyen :

Tout jugement doit contenir en soi les motifs qui ont déterminé la conviction du juge.
Il peut répondre à un moyen par référence à une décision étrangère à la cause, qui a été soumise au débat, à la condition que les motifs qu'il s'approprie sans les reproduire soient indiqués avec précision.
L'arrêt attaqué considère qu'« il ne peut sérieusement être contesté que les travaux de transformation ont bien été accomplis avant le décret de 1994 » dès lors que « cette question a déjà été examinée par la cour [d'appel] dans l'instance qui opposait [le défendeur] aux anciens propriétaires », qu'« il convient à cet égard de se référer à cette analyse reprise [aux] pages 5, 6 et 7 de l'arrêt du 23 décembre 2014, en cause [du défendeur] contre A. C., S. K. et [le] notaire, RG/2013/499 », qui figure à la « pièce 35 du dossier [du défendeur] », et que « [la demanderesse] n'apporte aucun élément nouveau permettant de modifier cette analyse ».
Par ces considérations, l'arrêt attaqué répond, en les contredisant, aux conclusions de la demanderesse qui soutenait que des travaux soumis à permis avaient été réalisés après 1994.
Le moyen ne peut être accueilli.

Sur le troisième moyen :

Selon l'article 1068, alinéa 1er, du Code judiciaire, tout appel d'un jugement définitif ou avant dire droit saisit le juge d'appel du fond du litige.
En vertu de l'article 1068, alinéa 2, de ce code, le juge d'appel ne renvoie la cause au premier juge que s'il confirme, même partiellement, une mesure d'instruction ordonnée par le jugement entrepris.
Si la production de documents ordonnée par le juge suivant l'article 871 du Code judiciaire constitue une mesure d'instruction, tel n'est pas le cas d'une décision de réouverture des débats en vue de permettre à une partie de produire des éléments de preuve complémentaires.

Le jugement entrepris « ordonne la réouverture des débats aux fins précisées à l'exposé des motifs », à savoir que, si le défendeur « évalue la perte [de revenus locatifs] à 1.900 euros par mois », « son calcul est théorique [en ce qu'] il ne tient pas compte notamment des périodes de non-occupation ainsi que des défauts de paiement » en sorte qu'« il convient d'inviter [le défendeur] à déposer les extraits de compte mentionnant les revenus des locations et ce, pour les trois années 2007, 2008 et 2009 ».
L'arrêt attaqué, qui considère que, « comme souligné par le premier juge, [le] calcul [du dommage] doit être affiné », qu'« à cette fin, la mesure postulée par le premier juge, savoir le dépôt des revenus de location pour les années 2007, 2008 et 2009, sera confirmée » et que, dès lors, « la réouverture des débats [sera ordonnée] pour que les parties s'expliquent sur le dommage », justifie légalement sa décision qu'« en raison de l'effet dévolutif de l'appel, il ne peut être fait droit à la demande [de la demanderesse] de voir la cause renvoyée devant le premier juge ».
Le moyen ne peut être accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de sept cent douze euros six centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du Fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Mireille Delange, Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, et prononcé en audience publique du trois janvier deux mille dix-neuf par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont S. Geubel M.-Cl. Ernotte
M. Lemal M. Delange Chr. Storck


Requête

REQUÊTE EN CASSATION

Pour : La Commune de LIBRAMONT-CHEVIGNY, dont les bureaux sont établis à 6800 LIBRAMONT-CHEVIGNY, place Communale, 9, et inscrite à la BCE sous le numéro 0216.696.119,

DEMANDERESSE EN CASSATION,

Représentée et assistée par Maître Bruno MAES, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à 1000 Bruxelles, rue de la Montagne, 11, chez qui il est fait élection de domicile.

Contre : Monsieur M. J.,

DÉFENDEUR EN CASSATION.

*
* *

A Messieurs les Premier Président et Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers composant la Cour de cassation,

Mesdames,
Messieurs,

La demanderesse en cassation a l'honneur de soumettre à votre censure les arrêts rendus contradictoirement entre parties les 12 septembre 2017 et 9 janvier 2018 par la Douzième chambre A de la Cour d'appel de Liège (2016/RG/620).


FAITS ET ANTÉCÉDENTS DE LA PROCÉDURE

1. Le 20 février 2004, le défendeur et les anciens propriétaires de l'immeuble en cause ont signé un compromis de vente portant sur un immeuble composé de plusieurs kots/studios sis à Libramont.

Le 5 février 2010, la demanderesse a informé le défendeur que cet immeuble n'était pas conforme au permis d'urbanisme délivré le 6 juillet 1990. Elle a sollicité la régularisation de la situation.

Diverses demandes interviendront et échanges entre parties mais le défendeur n'obtiendra pas d'autorisation de location.

Suite aux informations reçues de la demanderesse quant à la situation de l'immeuble acquis, le défendeur a saisi le tribunal de première instance de Neufchâteau et a assigné les anciens propriétaires en résolution de la vente portant sur ledit immeuble. Il évoquait notamment le défaut de conformité.

Par jugement du 27 avril 2012, le tribunal a dit la demande de résolution non fondée. Ce jugement a été confirmé par la Cour d'appel de Liège dans un arrêt du 23 décembre 2014.

2. Se fondant sur ces décisions, le défendeur a intenté une action en responsabilité à l'encontre de la demanderesse en vue de voir réparer son dommage quant à la rentabilité du bien acquis. Le défendeur a estimé que la demanderesse ne pouvait pas s'opposer à la location des kots/studios dont il est propriétaire et qu'elle a de ce fait commis une faute au sens de l'article 1382 du Code civil. Il a postulé une provision à valoir sur son dommage à concurrence de 50.000 euros.

Le premier juge a dit la demande fondée quant à son principe et a rouvert les débats quant à la question du dommage.

Appel a été interjeté par la demanderesse, laquelle a contesté la demande.

Le défendeur a postulé la confirmation de la décision querellée et le renvoi de la cause devant le premier juge quant à son dommage.

La cour d'appel a, par son arrêt attaqué du 12 septembre 2017, reçu l'appel mais l'a dit « non fondé ». Elle a confirmé la décision querellée « en ce qu'elle admet l'existence d'une faute dans le chef de la [demanderesse] en lien causal avec le dommage dont se plaint [le défendeur], en ce y compris la réouverture des débats pour que les parties s'expliquent sur le dommage » et « vu l'effet dévolutif, [a] [ordonné] la réouverture des débats devant [elle], aux fins d'analyse du dommage subi par l'appelant (sic) [lisez : défendeur] [...] ». La cour a réservé « pour le surplus ».

La cour d'appel a, par son arrêt subséquent du 9 janvier 2018, condamné la demanderesse à payer au défendeur pour le dommage subi les sommes de 75.956,36 euros et 3.043,euros, majorées des intérêts et débouté le défendeur du surplus de ses réclamations. Elle a également condamné la demanderesse aux dépens du défendeur, soit à un montant de 12.443,05 euros.

La demanderesse invoque à l'encontre de l'arrêt attaqué du 12 septembre 2017 les moyens de cassation suivants.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Dispositions légales violées

Article 2262bis du Code civil

Décision attaquée

L'arrêt attaqué du 12 septembre 2017 a décidé que l'action du défendeur n'est pas prescrite, sur la base des motifs suivants (arrêt attaqué, p. 3-4) :

« [La demanderesse] invoque en premier lieu la prescription quinquennale prévue par l'article 2262 du Code civil mentionnant que l'action est fondée sur une demande de réparation d'un dommage lié à une responsabilité extracontractuelle.
Elle estime que les faits fautifs datent de 2009 et 2010 et que la citation lui ayant été signifiée le 8 septembre 2015, le délai de 5 ans étant alors expiré.
Le délai de prescription ne commence à courir que lorsque le créancier du droit d'action dispose des éléments utiles pour formuler sa demande, l'existence de son dommage et l'identité du responsable étant les éléments essentiels.
En l'espèce, les faits commis à faute ont été posés en octobre 2009. Suite au refus de la [demanderesse] d'autoriser les locations, [le défendeur] s'est inquiété de la marche à suivre pour obtenir une régularisation. Constatant que ce point n'était pas envisageable avec la [demanderesse], il s'est alors tourné vers les autorités judiciaires et les vendeurs forts de la position de la [demanderesse] qui maintenait que le bien n'était pas conforme aux permis délivrés et ne pouvait être loué. Ce n'est que par le biais de cette procédure que [le défendeur] a pu se rendre compte qu'en réalité c'était la position de la [demanderesse] qui était erronée quant à son refus de location et son exigence d'un permis de régularisation.
La citation de cette procédure a été signifiée le 17 septembre 2010. La présente action a été signifiée le 8 septembre 2015 ; elle n'est en tout état de cause pas prescrite ».

Griefs

1. L'article 2262bis du Code civil dispose comme suit :

« § 1er. Toutes les actions personnelles sont prescrites par dix ans.
Par dérogation à l'alinéa 1er, toute action en réparation d'un dommage fondée sur une responsabilité extracontractuelle se prescrit par cinq ans à partir du jour qui suit celui où la personne lésée a eu connaissance du dommage ou de son aggravation et de l'identité de la personne responsable.
Les actions visées à l'alinéa 2 se prescrivent en tout cas par vingt ans à partir du jour qui suit celui où s'est produit le fait qui a provoqué le dommage.

§ 2. Si une décision passée en force de chose jugée sur une action en réparation d'un dommage admet des réserves, la demande tendant à faire statuer sur leur objet sera recevable pendant vingt ans à partir du prononcé ».

Il n'est pas requis que la personne lésée ait connaissance d'un lien causal certain et établi pour faire courir le délai de prescription de l'action en responsabilité extracontractuelle.

2. La demanderesse avait, dans ses conclusions du 10 janvier 2017 (p. 10-12), soulevé que « la demande est prescrite ». Elle invoquait à cette fin que « par identité de la personne responsable, les juridictions de fond précisent qu'il y a lieu d'entendre l'identité de la personne ‘potentiellement responsable' », que « dès le 13 juillet 2010 (pièce 21), le conseil [du défendeur] écrivait à la [demanderesse] et faisait valoir [...] les critiques de légalité qui fondent aujourd'hui l'action en responsabilité [du défendeur], à savoir l'existence d'une transaction courant des années 1990 et l'absence d'infraction pour la création de logements (même si à l'époque le conseil [du défendeur] prétendait, à tort, à la prescription de ces infractions) » et qu'« il n'était pas nécessaire d'attendre le prononcé du jugement du Tribunal ou de l'arrêt de Votre Cour [lisez : Cour d'appel de Liège] dans l'affaire en cause [du défendeur] contre les époux C.-K. pour formuler les critiques que le défendeur] adresse aujourd'hui à la [demanderesse] et donc l'identifier comme potentiellement responsable ».

3. En constatant qu'« en l'espèce, les faits commis à faute ont été posés en octobre 2009 », à savoir le « refus de la commune d'autoriser les locations », l'arrêt attaqué a implicitement mais certainement constaté que le défendeur était en mesure d'établir un lien causal entre le fait générateur du dommage et ce dernier.

En considérant que « ce n'est que par le biais de cette procédure [contre les vendeurs] que [le défendeur] a pu se rendre compte qu'en réalité c'était la position de la [demanderesse] qui était erronée quant à son refus de location et son exigence d'un permis de régularisation », l'arrêt attaqué a illégalement posé comme condition du point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité extracontractuelle la connaissance d'un lien causal certain et établi entre le fait générateur du dommage et ce dernier.

Ce faisant, l'arrêt attaqué a violé l'article 2262bis, spécialement en son §1er alinéa 2, du Code civil.

La cassation de l'arrêt du 12 septembre 2017 doit entraîner celle de l'arrêt du 9 janvier 2018, qui en est la suite.

DÉVELOPPEMENTS

Votre Cour a, dans un arrêt du 5 septembre 2014 (C.12.0605.N), considéré quant au point de départ de la prescription de l'action en responsabilité extracontractuelle qu'il n'est pas requis que la personne lésée ait connaissance d'un lien causal certain et établi entre le fait générateur du dommage et ce dernier :

« L'article 2262bis, [§1er] alinéa 2, du Code civil dispose que toute action en réparation d'un dommage fondée sur une responsabilité extracontractuelle se prescrit par cinq ans à partir du jour qui suit celui où la personne lésée a eu connaissance du dommage ou de son aggravation et de l'identité de la personne responsable.
Il ressort de la genèse de cette disposition légale que le législateur a pris comme point de départ de ladite prescription le jour où la personne lésée a effectivement connaissance de tous les éléments utiles pour intenter une action en responsabilité.
La personne lésée doit avoir effectivement connaissance du dommage et de l'identité de la personne qui peut être déclarée responsable, ce qui suppose qu'elle soit en mesure d'établir un lien causal entre le fait générateur du dommage et ce dernier.
Il n'est pas requis à cet égard que la personne lésée ait connaissance d'un lien causal certain et établi ».

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION

Disposition légale violée

Article 149 de la Constitution

Décision attaquée

L'arrêt attaqué du 12 septembre 2017 a décidé que la demanderesse a « commis une faute en s'opposant pour des motifs erronés à la location des logements de M. J. », sur la base des motifs suivants (arrêt attaqué, pp. 4-5):

« Il est reproché à la commune d'avoir interdit fautivement [au défendeur] de poursuivre la location des kots/studios dans son immeuble sis à Libramont. Cette faute a été commise en octobre 2009 et a été réitérée à plusieurs reprises.

La Cour d'appel de Liège dans son arrêt du 23 décembre 2014 a précisé ‘apparemment, ladite commune n'a pas examiné la demande [du défendeur] sous l'angle de deux circonstances pourtant essentielles présentes en l'espèce, à savoir que les travaux de transformation de la maison en 7 kots et un studio avaient été faits avant le décret de 1994 qui imposait un permis pour ce type de transformation et qu'en tout état de cause, les travaux faits à l'époque par les époux C.-K. avaient été régularisés en 1994'.

C'est donc à tort que [la demanderesse] a exigé [du défendeur] une demande de permis de bâtir dès lors que, pour la location de ces 8 logements, aucune demande de permis n'était nécessaire, les logements ayant été créés avant le décret du 14 avril 1997 imposant un tel permis et alors, qu'ensuite de la transaction payée par les anciens propriétaires, le permis relatif à la transformation et l'extension d'une habitation existante a été délivré par la commune le 15 novembre 1994.

Il ne peut être sérieusement contesté que les travaux de transformation ont bien été accomplis avant le décret de 1994. Cette question a déjà été examinée par la Cour dans l'instance qui opposait [le défendeur] aux anciens propriétaires et la [demanderesse] n'apporte aucun élément nouveau permettant de modifier cette analyse. Il convient à cet égard de se référer à cette analyse reprise pages 5, 6 et 7 de l'arrêt du 23 décembre 2014, en cause [du défendeur] contre A. C., S. K. et Me H. M. R., notaire, RG/2013/499, pièce 35 du dossier [du défendeur].

Actuellement, la commune tente de résumer sa position sur le label des règles de salubrité pour justifier son refus de permis de location. On notera que ce motif de refus intervient plusieurs années, soit en 2014, après le refus de principe, en octobre 2009, de louer les kots/studio de [du défendeur]. Cette position se heurte en outre au rapport rédigé par l'enquêteur agréé par la Région wallonne, lequel a conclu en 2009 à la conformité des logements face aux critères de salubrité et de surpeuplement définis par l'arrêté du Gouvernement wallon du 30 août 2007. Ce rapport était connu de la [demanderesse] puisqu'il accompagnait la demande de permis de location.

Il ne peut pas plus être retenu la position complémentaire de la commune selon laquelle [le défendeur] n'aurait pas accompli toutes les formalités utiles pour pouvoir louer ses logements d'autant que la position adoptée par la commune a amené [le défendeur] à prendre des positions inadéquates (telle l'assignation des vendeurs en justice) et que cela ne peut lui être reproché puisque induit par la [demanderesse] elle-même.

Il faut ainsi constater que la Commune de Libramont a, pour des motifs erronés, et durant de nombreuses années, refuser (sic) la location des logements de M. J.. Ces mauvaises informations fournies à M. J. ont conduit ce dernier à tenter d'obtenir, en vain, un permis de régularisation alors que ce permis n'était pas nécessaire et qu'aucune infraction aux dispositions du CWATUP n'était établie. En outre, toujours su base de cette position erronée de la commune, M. J. a, à tort, attrait en justice les vendeurs de l'immeuble .

[La demanderesse] a donc commis une faute en s'opposant pour des motifs erronés à la location des logements [du défendeur] ».

Grief

1. En vertu de l'article 149 de la Constitution, tout jugement (ou arrêt) est motivé.

2. La demanderesse invoquait subsidiairement dans ses conclusions du 10 janvier 2017, à l'appui de son absence de responsabilité civile et à l'appui du moyen que « c'est à tort que le premier juge a estimé que la Commune ne rapportait pas la preuve que les bien est infractionnel et que des logements ont été créés dans le bien après 1994 », de manière circonstanciée que :
4.
« La comparaison des plans de 1994 avec les plans de 2014 permet de conclure, sans doute possible, que des travaux ont bien été réalisés et des logements créés après 1994.

[reproduction des plans]

Ainsi, on constate que :

°Au sous-sol :
- En 94' : une pièce sans affectation et une cave ;
- En 2014 : un ‘local' comprend une salle-de-bain, un vier et une taque de cuisson ;
° Au rez-de-chaussée :

- En 94' : un hall, une cuisine et un séjour ;
- En 2014' : le séjour est transformé en deux locaux avec création d'un couloir pour y accéder ;
° Au 1er étage :

- En 94' : chambres 1 et 2 et salle-de-bain ;
- En 2014 : la chambre n° 2 est transformée en deux locaux avec création d'un couloir pour y accéder ;

°Au deuxième étage, un local est créé en 2014 ;

° En toiture, en 2014, de nombreux velux sont posés en toiture sur plusieurs niveaux » (conclusions, p. 13-19).

Elle ajoutait à cet égard que « l'argument du défendeur faisant valoir que ‘les plans de 1994 posent problème car ils ne correspondent pas à la situation réelle évidemment bien connue de la Commune'] ne peut être admis », qu' « il ne peut pas être considéré que les plans ne décrivent pas l'état réel du bien au moment où ils sont dressés, sauf à admette que les époux C.-K. ont alors, à l'époque, sciemment, menti à l'autorité administrative dans le but de la tromper, ce qui pourrait s'assimiler à un faux » et qu' « à admettre que les consorts C.-K. ont sciemment introduit des plans ne décrivant pas l'état réel du bien, il ne pourrait pas être déduit de cette fraude que le bien en 1994 était dans le même état qu'en 2014 » (conclusions, p. 19).

Enfin, la demanderesse invoquait que « le second élément objectif dont dispose la commune pour justifier sa position de considérer le tableau infractionnel est des tableaux des domiciliations ». Elle soutenait sur ce point qu'« il en ressort que le nombre de domiciliés est de 2 ou 3 en 1992 et 1993 », qu' « en 1994, un maximum de 5 personnes sont domiciliées en même temps dans le bien du n° 42 », qu' « en 2007, ce nombre passe à 11 dans la seule partie A42 » et que « s'agissant de logements individuels, la différence entre personnes domiciliées et [...] chefs de famille n'est pas relevante », de sorte que « [...] à la veille de l'entrée en vigueur de la disposition ayant imposé l'obtention d'un permis pour la création de nouveaux logements, il n'existait que 5 logements maximum sur le bien identifié Rue ..., 42 » et que « depuis 2006, il existe 7 logements dans la seule partie acquise par [le défendeur], le numéro 42A de la rue ... » (conclusions, p. 20).
5.
La demanderesse en déduisait qu'« [...] il ressort des pièces déposées par la commune et non contredites par d'autres pièces du [défendeur], que des travaux, soumis à permis, ont été effectués après 1994 de manière infractionnelle, ce qui justifie l'exigence de régularisation de la Commune depuis 1999 ».

3. L'arrêt attaqué s'est toutefois borné à considérer que « cette question [à savoir que les travaux de transformation ont bien été accomplis avant le décret de 1994] a déjà été examinée par la Cour dans l'instance qui opposait l'intimé aux anciens propriétaires et [que] la Commune de Libramont n'apporte aucun élément nouveau permettant de modifier cette analyse », et a, pour le surplus, indiqué qu' « il convient à cet égard de se référer à cette analyse reprise aux pages 5, 6 et 7 de l'arrêt du 23 décembre 2014, en cause [du défendeur] contre A. C., S. K. et Me H.t M. R., notaire, RG/2013/499, pièce 35 du dossier [du défendeur] ».

4. En renvoyant ainsi à la motivation de l'arrêt de la Cour d'appel de Liège du 23 décembre 2014, rendu pourtant dans une autre cause, sans reproduire les motifs auxquels il se réfère, l'arrêt attaqué n'a pas répondu sur ce point aux conclusions de la demanderesse.

L'arrêt attaqué n'est pas, en conséquence, régulièrement motivé et a, partant, violé l'article 149 de la Constitution.

La cassation de l'arrêt du 12 septembre 2017 doit entraîner celle de l'arrêt du 9 janvier 2018, qui en est la suite.

TROISIÈME MOYEN DE CASSATION

Disposition légale violée

Article 1068 du Code judiciaire

Décision attaquée

L'arrêt attaqué du 12 septembre 2017 a décidé qu' « en raison de l'effet dévolutif de l'appel, il ne peut être fait droit à la demande [du défendeur] de voir la cause renvoyée devant le premier juge » (arrêt attaqué, p. 5).

Grief

1. L'article 1068 du Code judiciaire dispose que « tout appel d'un jugement définitif ou avant dire droit saisit du fond du litige le juge d'appel » et « celui-ci ne renvoie la cause au premier que s'il confirme, même partiellement, une mesure d'instruction ordonnée par le jugement entrepris ».

2. L'arrêt attaqué a décidé qu' « en raison de l'effet dévolutif de l'appel, il ne peut être fait droit à la demande de l'intimé de voir la cause renvoyée devant le premier juge ».

Or, l'arrêt attaqué a estimé que « quant au dommage, l'intimé évalue théoriquement son dommage à 1.900 euros par mois », que « comme souligné par le premier juge, ce calcul doit être affiné et tenir compte aussi de périodes d'inoccupation ou autres aléas liés à la location » et qu' « à cette fin, la mesure postulée par le premier juge, à savoir le dépôt des revenus de location pour les années 2007, 2008 et 2009 sera confirmée » (arrêt attaqué, p. 5).

3. En ayant ainsi confirmé la mesure d'instruction ordonnée par le premier juge, l'arrêt attaqué n'a pas pu légalement décider de ne pas renvoyer la cause au premier juge.

L'arrêt attaqué a, conséquence, violé l'article 1068 du Code judiciaire.

La cassation de l'arrêt du 12 septembre 2017 doit entraîner celle de l'arrêt du 9 janvier 2018, qui en est la suite.

EXTENSION DE LA CASSATION

La cassation de l'arrêt attaqué du 12 septembre 2017 doit entraîner, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt subséquent du 9 janvier 2018.

PAR CES CONSIDÉRATIONS,

L'avocat à la Cour de cassation, soussigné, Vous prie, Mesdames, Messieurs, de casser l'arrêt attaqué, ordonner que mention de votre arrêt soit faite en marge des arrêts cassés, renvoyer la cause et les parties devant une autre cour d'appel et statuer comme de droit sur les dépens.

Bruxelles, le 28 février 2018

Pour la demanderesse,
Son conseil,
Bruno Maes


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.18.0129.F
Date de la décision : 03/01/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-01-03;c.18.0129.f ?

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