La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/12/2018 | BELGIQUE | N°C.15.0404.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 13 décembre 2018, C.15.0404.F


N° C.15.0404.F
1. ASSOCIATION DES COPROPRIÉTAIRES DE LA RÉSIDENCE P.,
2. M. R.,
3. F. R.,
4. A. K.,
5. M. H.,
6. P. G. et
7. J. S.,
8. M. W.,
9. M. R.,
10. B. M.,
11. C. S.,
12. J. K. et
13. E. B.,
14. G. B.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,

contre

1. OLDHIM, société anonyme, ayant succédé par fusion et absorption aux droits

et obligations de la société anonyme Luximco, dont le siège social est établi à Schelle, Steenwinkelstraat, 640,
défendere...

N° C.15.0404.F
1. ASSOCIATION DES COPROPRIÉTAIRES DE LA RÉSIDENCE P.,
2. M. R.,
3. F. R.,
4. A. K.,
5. M. H.,
6. P. G. et
7. J. S.,
8. M. W.,
9. M. R.,
10. B. M.,
11. C. S.,
12. J. K. et
13. E. B.,
14. G. B.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,

contre

1. OLDHIM, société anonyme, ayant succédé par fusion et absorption aux droits et obligations de la société anonyme Luximco, dont le siège social est établi à Schelle, Steenwinkelstraat, 640,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Martin Lebbe, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 106, où il est fait élection de domicile,
2. R. S.,
défendeur en cassation,
3. SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE POUR L'ASSURANCE DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE PROFESSIONNELLE ARCHITECTES-COOPÉRATIVE, société coopérative à responsabilité limitée, dont le siège social est établi à Saint-Gilles, rue Tasson-Snel, 22,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Lefèbvre, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 14 octobre 2014 par la cour d'appel de Liège.
Le 26 novembre 2018, l'avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Didier Batselé a fait rapport et l'avocat général Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent quatre moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le mémoire en réponse de la troisième partie défenderesse :

Le mémoire en réponse de la troisième partie défenderesse a été déposé le 27 octobre 2016, soit après l'expiration du délai de trois mois prescrit par l'article 1093 du Code judiciaire.
Il est irrecevable.

Sur le premier moyen :

Quant à la première et à la deuxième branche :

Dans leurs conclusions, les demandeurs soutenaient que seule la réception définitive valait agréation des ouvrages et que, dès lors, jusqu'à la réception définitive, la garantie de la première défenderesse pour vices cachés véniels subsistait sans qu'il soit question de déterminer si ces vices avaient été dénoncés à bref délai à partir de leur découverte. Ils faisaient encore valoir que s'il devait être considéré que la réception provisoire valait agréation, la notion de bref délai devait alors céder le pas à la notion de délai utile et, en toute hypothèse, que le bref délai ou délai utile pour intenter l'action n'avait pas été dépassé.
L'arrêt, qui considère qu'il résulte du « paragraphe B.1 des conditions générales de vente rendu applicable à la vente des parties privatives et des quote-parts des parties communes par [la première défenderesse] aux [demandeurs], ou à leur auteur, par l'article 7 de l'acte de base du 23 juin 1992 » que les parties ont convenu que « la réception provisoire emporte l'agrément de l'acquéreur sur les travaux qui lui sont délivrés » et qu'« aucune disposition légale n'empêchait de convenir d'attacher un effet d'agréation à la réception provisoire » plutôt qu'à la réception définitive, répond, en les contredisant aux conclusions des demandeurs qui soutenaient le contraire, sans être tenu de répondre aux conséquences qu'ils déduisaient de cette position, que sa décision privait de pertinence.
En considérant ensuite que les « revêtements de sols ont été agréés par l'effet de la réception provisoire et [que les demandeurs] ne peuvent se prévaloir d'un manquement à l'obligation de délivrance », et qu'ils ne peuvent « se baser que sur la garantie du vendeur pour vices cachés » dès lors que « la convention qui les lie à [la première défenderesse] s'analyse en ventes et non en contrats d'entreprise » et que l'action des demandeurs doit être introduite à bref délai, l'arrêt ne fonde pas sa décision sur les conditions générales auxquelles il ne se réfère que pour déterminer le moment de l'agréation, mais sur le droit commun de la vente.
Le moyen, en aucune de ces branches, ne peut être accueilli.
Quant à la troisième branche :

En vertu de l'article 3 de la loi du 9 juillet 1971 réglementant la construction d'habitation et la vente d'habitations à construire ou en voie de construction, les conventions entrant dans le champ d'application de l'article 1er de la loi sont régies par les dispositions du Code civil relatives à la vente ou au louage d'ouvrage ou d'industrie par suite de devis ou marchés, sous réserve des dérogations prévues par cette loi.
Conformément à l'article 7 de cette loi, les conventions visées doivent indiquer le mode de réception.
En vertu de l'article 9 de la loi, la réception définitive de l'ouvrage ne peut avoir lieu qu'après qu'il se soit écoulé un an depuis la réception provisoire, et pour autant qu'il ait déjà été procédé à la réception définitive des parties communes.
Cette disposition n'a pas pour objet de déroger aux effets que le droit commun de la vente ou de l'entreprise attache à l'agréation de l'ouvrage en ce qui concerne la garantie due à raison des défauts cachés.
Il en résulte que, si les parties fixent l'agréation à la réception provisoire, le droit commun de la vente ou de l'entreprise est applicable dès ce moment, dont l'obligation pour l'acheteur d'agir à bref délai ou dans un délai utile.
Le moyen, qui, en cette branche, soutient que la date de l'agréation n'a aucune incidence sur la garantie des vices cachés qui demeure soustraite au droit de la vente ou de l'entreprise jusqu'à la réception définitive, manque en droit.

Sur le deuxième moyen :

Quant à la première branche :

L'arrêt considère que « l'action, évoquée pour la première fois en mai 2002 et intentée le 30 septembre 2002 par les différents propriétaires », a été introduite « plus de sept ans après les dernières réserves émanées d'un seul d'entre eux relativement à son appartement ».
L'arrêt situe ainsi le point de départ du bref délai ou du délai utile en 1995 et répond dès lors, en les contredisant, aux conclusions des demandeurs qui le situaient en 2002.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la deuxième branche :

Dès lors que la question de savoir à quel moment les demandeurs avaient découvert les vices affectant leur carrelage était dans le débat, l'arrêt, qui statue sur cette contestation sur la base des pièces du dossier, dont le rapport d'expertise, ne méconnaît pas le droit de défense des demandeurs.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Quant à la troisième branche :

Le rapport d'expertise relève que le conseil des demandeurs déclare qu'« à l'époque et après travaux, une réception provisoire des constructions a été faite avec différentes réserves ; il n'y a jamais eu depuis lors de réception définitive des travaux, tant pour les parties privées que pour les parties communes ; différents problèmes ont été rapidement remarqués et nous avons tenté des négociations amiables pour apporter des solutions valables, mais ces tentatives ont échoué ».
L'arrêt, qui considère qu'« il ressort des déclarations faites par le conseil des copropriétaires lors de la première réunion d'expertise, que les troubles ont été rapidement remarqués après la réception provisoire », ne donne pas du rapport d'expertise une interprétation inconciliable avec ses termes, partant, ne viole pas la foi qui lui est due.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la quatrième branche :

Le moyen, qui, en cette branche, fait grief à l'arrêt d'avoir déduit des éléments qu'il cite la connaissance par les demandeurs des vices susceptibles d'entraîner la garantie, invite la Cour à procéder à une appréciation des faits, ce qui n'est pas en son pouvoir.
Il est partant irrecevable.

Sur le troisième moyen :

Quant à la première branche :

Le moyen, qui, en cette branche, se borne à reproduire un extrait des conclusions des demandeurs, sans indiquer ni grief ni disposition légale dont la violation serait alléguée, est irrecevable.

Quant à la deuxième branche :

Il suit de la réponse à la deuxième branche du premier moyen que le moyen, en cette branche, identique à celui-là, manque en fait.

Quant à la troisième branche :

Il suit de la réponse à la troisième branche du premier moyen que le moyen, en cette branche, identique à celui-là, manque en droit.

Quant à la quatrième branche :

Statuant sur les demandes de l'association des copropriétaires sur les parties communes, l'arrêt énonce que, « pour des raisons similaires à celles qui ont été exposées lors de l'examen du fondement juridique des demandes mues à titre individuel par les propriétaires », le chef de demande « ne peut pas non plus aboutir sur le fondement de la garantie des vices cachés, pas plus qu'il ne le pourrait sur le fondement de la responsabilité des édificateurs pour vices cachés véniels ; les premières réserves concernant l'étanchéité et la nécessaire reconstruction des balcons qui forment l'objet de ce chef de demande ont en effet également été formulées tardivement, en l'espèce au plus tôt dans le courrier de l'avocat M. du 2 avril 2002 ; il en va de même quant aux demandes de l'association des copropriétaires relatives aux aérations techniques sous toiture, au trottoir côté rue, et à la dégradation des seuils de pierre de l'appartement D1. Ces griefs ne figurent ni dans les documents produits à la [cour d'appel], qui furent établis lors de la tentative de réception provisoire du 21 décembre 1994, ni dans le rapport susvisé du 17 octobre 1995 ; ils furent élevés pour la première fois dans le rapport de l'architecte D., qui était annexé à la lettre déjà évoquée de l'avocat M. du 14 mai 2002 ».
L'arrêt, après avoir examiné les demandes des copropriétaires, considère qu'« il ressort des déclarations faites par le conseil des copropriétaires lors de la première réunion d'expertise que les troubles ont été rapidement remarqués après la réception provisoire, valant agréation en l'espèce ».
L'arrêt constate ainsi que les troubles relatifs aux parties communes sont apparus rapidement après la réception provisoire.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Sur le quatrième moyen :

Quant à la première branche :

L'arrêt déboute les demandeurs sub 2 à 14 de leur demande formée contre les deuxième et troisième défendeurs, fondée sur le défaut d'agréation des travaux, au motif que l'article B.l des conditions générales de vente intervenues entre les demandeurs et la première défenderesse implique que la réception provisoire emporte l'agrément des ouvrages.
L'arrêt ne répond pas aux conclusions par lesquelles les demandeurs faisaient valoir que le contrat d'architecture ne dérogeait pas à la règle selon laquelle seule la réception définitive vaut agréation.
Le moyen, en cette branche, est fondé.

Sur les autres griefs :

Il n'y a pas lieu d'examiner les deuxième et troisième branches du quatrième moyen, qui ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.

Par ces motifs,

La Cour,

sans avoir égard au mémoire en réponse de la troisième défenderesse,

Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il déboute les demandeurs sub 2 à 14 de leur action contre les deuxième et troisième défendeurs et en tant qu'il statue sur les dépens relatifs à cette action ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Condamne les demandeurs à la moitié des dépens ; en réserve le surplus pour qu'il soit statué sur celui-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Mons.
Les dépens taxés à la somme de sept mille cent cinquante-huit euros quarante-cinq centimes envers les parties demanderesses.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, et prononcé en audience publique du treize décembre deux mille dix-huit par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont S. Geubel M.-Cl. Ernotte
M. Lemal D. Batselé Chr. Storck


Requête
1er feuillet

REQUETE EN CASSATION
_______________________

Pour : 1°. l'ASSOCIATION DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE
P.

2°. R. M.,
3°. R. F.,

4°. K. A.,

5°. H. M.,

6°. G. P.,

7°. S. J.,

8°. W. M.,

9°. R. M.

10°. M. B.,

11°. S. C.

2ème feuillet

12°. K. J.,

13°. B. E.,

14°. B. G.,

demandeurs,

assistés et représentés par Me Jacqueline Oosterbosch, avocate à la Cour
de cassation, dont le cabinet est établi à 4020 Liège, rue de Chaudfontaine,
11, où il est fait élection de domicile,

Contre : 1°. la S.A. OLDHIM, inscrite à la BCE sous le n° 0439.487.994, dont le
siège social est établi à 2627 Schelle, Steenwinkelstraat, 640, ayant
succédé, par fusion et absorption depuis le 2 juillet 2015, aux droits et
obligations de S.A. LUXIMCO, inscrite à la BCE sous le n°
0441.102.550, dont le siège social était établi à 2627 Schelle,
Steenwinkelstraat, 640,

2°. S. R.,

3°. la S.C.R.L. Société coopérative pour l'assurance de la responsabilité civile professionnelle ARCHITECTES-COOPERATIVE (AR-CO), inscrite à la BCE sous le n° 0406.067.338, dont le siège social est établi à 1060 Saint-Gilles, rue Tasson-Snel, 22,

défendeurs.
3ème feuillet

A Messieurs les Premier Président et Présidents, Mesdames et Messieurs les Conseillers composant la Cour de cassation,

Messieurs, Mesdames,

Les demandeurs ont l'honneur de déférer à votre censure l'arrêt prononcé le 14 octobre 2014 par la douzième chambre civile de la cour d'appel de Liège (n° 2013/RG/1170).

Les faits et antécédents de la cause, tels qu'ils ressortent des pièces auxquelles votre Cour peut avoir égard, peuvent être ainsi brièvement résumés.

La s.a. Luximco, en qualité de promoteur-vendeur, entreprend en 1993 la
construction d'un immeuble à appartements, la résidence P., à Arlon.

Elle charge M. R. S. de la mission d'architecte et la s.a. Ulysse Construction des travaux de gros œuvre. La liquidation de la s.a. Ulysse Construction sera prononcée en avril 1998.

Les différents appartements construits sont vendus entre juillet 1992 et octobre 1994. Les réceptions provisoires des parties privatives et communes seront réalisées mais aucune réception définitive ne sera effectuée.

Divers problèmes apparaissent, problèmes affectant les parties communes et privatives de l'immeuble.

Le 30 septembre 2002, les demandeurs citent l'architecte S. et la s.a. Luximco devant le tribunal de première instance d'Arlon afin d'obtenir la réparation de leur préjudice. La s.a. Luximco cite la s.a. Ulysse Construction en intervention et garantie.

4ème feuillet

Par un jugement du 10 janvier 2003, le tribunal reçoit les demandes principale et en intervention et garantie. Il désigne, en qualité d'expert judiciaire, l'architecte P., en le chargeant de décrire sommairement les travaux exécutés, de dire s'ils l'ont été conformément aux documents de l'entreprise et aux règles de l'art et, dans la négative, de décrire les malfaçons, manquements et inachèvements constatés, d'en déterminer la cause et d'évaluer le coût de leur remise en état.

Le 23 octobre 2007, la s.c.r.l. Ar-Co a fait intervention volontaire en qualité d'assureur de la responsabilité professionnelle de l'architecte S..

Par un jugement du 5 février 2013, le tribunal dit pour droit que la s.a. Luximco doit verser à l'association des copropriétaires la somme de 10.902,20 euro pour la réparation de l'enduit et de l'étanchéité de la façade et des vingt-deux balcons, la somme de 8.162,00 euro pour la révision et le remplacement des quatre conduits d'aération techniques sous toiture et la somme de
1.500,00 euro pour la moins-value concernant les fissures en chapes lissées des garages.

Le tribunal condamne in solidum la s.a. Luximco, l'architecte S. et la s.c.r.l. Ar-Co à prendre en charge les frais de conseil technique des parties demanderesses.

Il condamne également la s.a. Luximco, l'architecte S. et la s.c.r.l.
Ar-Co à verser, in solidum, à chacun des propriétaires différents montants pour la réparation des carrelages intérieurs, dit partiellement fondé le recours contributoire formé par la s.a. Luximco à l'encontre de l'architecte S. et dit pour droit que cet architecte doit verser à la s.a. Luximco, pour le cas où elle serait amenée à payer la totalité de l'indemnisation relative aux carrelages, 33% des montants alloués aux propriétaires d'appartements. Le tribunal dit également pour droit que la s.c.r.l. Ar-Co doit garantir l'architecte S. de toutes sommes qu'il serait amené à débourser en principal, intérêts, frais et dépens et, avant de statuer pour le surplus, invite la s.a. Luximco à produire tous éléments et pièces permettant d'expliquer le sort réservé aux garanties qui ont dû être constituées dans le cadre de la loi Breyne, invite, quant à la question des troubles de jouissance pendant la période de

5ème feuillet

réfection, chaque propriétaire à justifier son occupation personnelle ou, si le bien est loué, son préjudice personnel effectif de ce chef et invite certains propriétaires à produire toutes pièces justificatives de ce que leur prix d'achat de l'appartement n'a pas tenu compte des éventuels désordres, en liaison avec la présente cause, affectant l'appartement acheté.

Le 25 juillet 2013, la s.a. Luximco interjette appel des jugements
prononcés les 10 janvier 2003 et 5 février 2013. Les demandeurs, la s.c.r.l. Ar-Co et l'architecte S. interjettent appel incident par voie de conclusions.

L'arrêt attaqué réforme le jugement entrepris, condamne la s.a. Luximco à
payer à l'association des copropriétaires la somme de 1.500,00 euro à majorer des intérêts au taux légal
depuis le 7 octobre 2002, déboute cette association ainsi que les propriétaires d'appartements du
surplus de leurs prétentions, constate que sont sans objet les demandes récursoires formées par la s.a.
Luximco, l'architecte S. et la s.c.r.l. Ar-Co, condamne l'association des copropriétaires et les
propriétaires aux dépens des deux instances de la s.a. Luximco et leur délaisse leurs propres dépens.

Les demandeurs ont l'honneur de faire valoir les moyens de cassation suivants à l'encontre de cette décision.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Dispositions violées

- les articles 1134, 1319, 1320 et 1322 du Code civil,
- les articles 1er, 3, 7, 9 et 13 de la loi du 9 juillet 1971 réglementant la construction d'habitations et la
vente d'habitations à construire ou en voie de construction, ci-après "loi Breyne",

6ème feuillet

- l'article 2 de l'arrêté royal du 21 octobre 1971 portant exécution de la loi du 9 juillet 1971
réglementant la construction d'habitations et la vente d'habitations à construire ou en voie de
construction,
- l'article 149 de la Constitution.

Décision critiquée

Après avoir décidé que les conventions qui lient la première défenderesse et les demandeurs sub 2 à 14 s'analysent en ventes et non en contrats d'entreprise et que l'acte de base et les conditions générales auxquelles il y est renvoyé ne se réfèrent aux notions empruntées aux contrats d'entreprise que dans la stricte mesure où cela était nécessaire pour se conformer aux dispositions de la loi du 9 juillet 1971 et que l'action des demandeurs sub 2 à 14 relative "au revêtement des sols carrelés de leur appartement" et dirigée contre la première défenderesse, "n'a pas été formée dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil, ni même, à supposer que l'on requalifie la relation entre (la première défenderesse) et lesdits propriétaires de contrats d'entreprise dans le délai utile requis", pour tous ses motifs réputés ici intégralement reproduits et spécialement que :
"3.2 Sur les demandes des copropriétaires (sub 2 à 14), relativement aux revêtements des sols intérieurs carrelés de leur appartement en tant qu'ils invoquent l'absence de réception,
Le paragraphe B.1, des conditions générales de vente, rendu applicable à la vente des parties privatives et des quotes-parts des parties communes par (la première défenderesse) aux (demandeurs) 2 à 19, ou à leur auteur, par l'article sept de l'acte de base du 23 juin 1992 dispose que «Pour rendre la réception provisoire possible, les travaux doivent dans leur ensemble être terminés,
nonobstant des imperfections mineures réparables durant le délai de garantie et le bien doit être en état d'être utilisé conformément à sa destination. La réception provisoire emporte l'agrément de l'acquéreur sur les travaux qui lui sont délivrés et exclut tout recours de sa part pour les vices apparents, à condition toutefois que l'état des ouvrages n'empire pas pendant le délai de garantie.»
La Cour constate que les procès-verbaux de réception provisoire des appartements qui sont déposés ne font aucune réserve relativement à des fissurations ou désordres affectant les sols intérieurs carrelés.

7ème feuillet

Les remarques relatives aux «faïences» (appartements A0, A1, A3, B1 et B3) concernent des revêtements muraux et non de sol, pour lesquels aucun problème n'a été relevé par l'expert (Rapport, page 94). La remarque relative à la pose d'un carreau de carrelage (appartement D2) est dictée par la présence du fil du thermostat, celle «replacer carrelage débarras» (appartement C0) concerne une pièce étrangère aux plaintes actuelles. Quant au «remplacement carrelage sous fixation ouvrant secondaire» (appartement D1) on y a ajouté «à réaliser si demandé par l'acheteur» (pièces 27, 29, 32 à 39, 45 à 47, 50 à 54).
Les désordres des revêtements de sols intérieurs carrelés n'étaient par conséquent pas apparents lors de la réception et ces sols n'ont fait l'objet d'aucune remarque ou réserve lors de la réception provisoire des appartements dans lesquels ils étaient placés.
Partant, lesdits revêtements de sol ont été agréés par effet de la réception provisoire et les copropriétaires, (défendeurs) 2 à 19, ne peuvent se prévaloir d'un manquement à l'obligation de délivrance au soutien de leur demande.
Il importe peu que le paragraphe B.1 des conditions générales conditionne l'abandon de recours de l'acheteur à la condition que l'état des ouvrages n'empire pas pendant le délai de garantie, puisque cet abandon de recours ne vise que les défauts apparents lors de la réception. Cette stipulation a pour objet de réputer non agréés les vices qui, étant apparents lors de la réception provisoire, ont par la suite empiré. Mais elle n'a pas pour effet de réputer non agréés les défauts non constatés lors de la réception provisoire qui apparaîtraient par la suite, fussent-ils causés par la détérioration des ouvrages réceptionnés.
Il importe peu également que la réception définitive ait pu ne jamais être effectuée. Aucune disposition légale n'empêchait de convenir d'attacher un effet d'agréation à la réception provisoire (cf. Cass, 24 février 1983, Pas, I, p. 716 et notes).
Dès lors qu'il a déjà été vu plus haut que l'action des copropriétaires ne peut se fonder sur les articles 1792 et 2270 du Code civil, il s'ensuit qu'elle ne peut se baser que sur la garantie du vendeur pour vices cachés.
Contrairement à ce que soutiennent l'association des copropriétaires et ses consorts, les conventions qui les lient à (la première défenderesse) s'analysent en ventes et non en contrats d'entreprise (...).

8ème feuillet

Ce débat est ici sans réelle utilité. S'il est vrai qu'en matière de vices cachés, l'acheteur doit intenter son action à bref délai contre son vendeur, alors que le maître de l'ouvrage doit intenter son action en responsabilité pour vices cachés véniels contre les édificateurs dans le délai utile, cette distinction apparaît comme théorique. Au-delà de la divergence de vocabulaire, le principe est identique, savoir que l'on ne puisse induire de l'absence de protestation que l'intéressé a agréé le vice (...).
En l'espèce, il ressort des déclarations faites par le conseil des copropriétaires lors de la première réunion d'expertise, que les troubles ont été rapidement remarqués lors de la réception provisoire, valant agréation en l'espèce (Rapport d'expertise page 10).
Les pièces produites révèlent que le huitième (défendeur), signala le 25 octobre 1994 à (la première défenderesse) que «dans [son] appartement, le carrelage se fend à plusieurs endroits. Cause : Tassement du bâtiment, carrelage de mauvaise qualité, mal placé, mauvais ciment-colle... ?». La réception de cet appartement avait été prononcée, sans réserve quant à ce carrelage, le 7 mai 1993 (...), de sorte qu'il s'agit d'un vice caché.
Suite à une visite sur place, (la première défenderesse) lui répondit le 1er décembre 1994 avoir pris bonne note de l'apparition des fissurations «non ouvertes et difficilement discernables» et garde cette remarque «dans son dossier».
(Le huitième défendeur) réitéra ses réserves «pour information» par un courrier du 30 janvier 1995, les accompagnant d'autres critiques concernant sa partie privative quoi ne sont plus actuellement invoquées et de certaines réserves concernant les parties communes, lesquelles font l'objet des réclamations de l'association des copropriétaires qui seront examinées plus bas.
Aucun élément soumis à la Cour ne montre que ces réclamations auraient été réitérées par (le huitième demandeur), entre ce 30 janvier 1995 et la lettre de l'avocat M. du 14 mai 2002 à l'architecte S., qui invoquait d'ailleurs sa responsabilité décennale, et qui ne vise les problèmes de carrelages que par le biais du rapport de l'architecte D., qui y est annexé.
Pareillement, rien parmi les éléments auxquels la Cour peut avoir égard ne montre que quelque réclamation concernant les revêtements de sols carrelés des appartements aurait été formulée par l'association des copropriétaires ou par un quelconque propriétaire avant ce courrier du 14 mai 2002.
Pour mémoire, la lettre de l'avocat M. du 2 avril 2002 avait été adressée à (la première défenderesse) au nom des époux P. dont le nom n'apparaît pas à la cause, et se plaignait uniquement de problèmes d'étanchéité.
9ème feuillet

L'action, évoquée pour la première fois en mai 2002 et intentée le 30 septembre 2002 par les différents propriétaires, plus de sept ans après les dernières réserves émanées d'un seul d'entre eux relativement à son appartement, n'a pas été formée dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil, ni même, à supposer que l'on requalifie les relations entre (la première défenderesse) et lesdits propriétaires de contrat d'entreprise, dans le délai utile requis.
Les demandes des propriétaires (défendeurs) 2 à 19 ne peuvent par conséquent pas être admises et le jugement entrepris du 5 février 2013 ne peut être approuvé pour y avoir fait droit".

Griefs

Première branche

Dans leurs conclusions régulièrement prises devant la cour d'appel, les demandeurs faisaient valoir que :
"Suivant (les) conditions générales de vente entrées dans le champ contractuel des parties (...), il est notamment expressément prévu que, par application ou par analogie de ce qui est imposé par la loi du 9/07/1971 dite «loi Breyne» :
- «La réception provisoire exclut tout recours pour les vices apparents à condition toutefois que l'état des ouvrages n'empire pas pendant le délai de garantie»;
- «La réception définitive des parties privatives aura lieu au plus tôt un an après leur réception provisoire et pour autant qu'il ait déjà été procédé à la réception définitive des parties communes»;
- «qu'elle sera effectuée contradictoirement entre LUXIMCO, les architectes et l'acquéreur»;
- «que seul un acte écrit et contradictoire des parties fera la preuve d'une réception définitive de l'appartement» (concl. app., n° 2).

Les demandeurs en déduisaient que "jusqu'à la réception définitive des ouvrages, la garantie du promoteur Luximco du chef de vices non apparents véniels éventuels subsiste étant entendu que pour les vices jugés apparents lors des réceptions provisoires qui n'auraient pas été réservés, les acquéreurs restent recevables et fondés à les invoquer si l'état des ouvrages s'aggrave en
10ème feuillet

cours des délais de garantie séparant la réception provisoire de la réception définitive" (ibid., n° 2); que "le promoteur "a offert contractuellement une période de garantie s'étendant jusqu'à la réception définitive qu'il n'a pas demandée ni obtenue eu égard à l'état des ouvrages (...) et qu'après réception provisoire, le promoteur reste contractuellement tenu de mettre les ouvrages en état de réception, ce qu'il a omis de faire"; que les parties peuvent déroger aux règles de droit commun de la garantie des vices cachés "et prévoir notamment une période de garantie sur vices cachés jusqu'à réception définitive des biens vendus (ce que la loi Breyne exige d'ailleurs impérativement lorsqu'elle trouve à s'appliquer [...]). Il peut aussi être prévu, comme c'est le cas en l'espèce, que seul un écrit contradictoire vaut réception définitive et que la réception définitive des privatifs ne peut intervenir avant celle des communs. Sous peine de faire perdre tout effet à ces engagements et stipulations contractuels, il s'ensuit que tant que les ouvrages ne sont pas mis en état de réception définitive et réceptionnés définitivement, les maîtres de l'ouvrage ou acquéreurs peuvent invoquer tous vices cachés non apparus ni apparents lors de la réception provisoire et s'étant révélés ou ayant empiré avant la réception définitive valant agréation de tous les vices, sauf décennaux, apparus ou apparents ne mettant pas en cause la solidité de l'édifice" (ibid., n° 20); qu'en l'espèce, "ni les parties communes ni les parties privatives de la résidence n'ont fait l'objet d'une réception définitive, cette dernière ayant au contraire été expressément refusée; qu'à défaut de réception définitive, le promoteur restait toujours tenu à garantie du chef de vices non connus ni apparus lors de la réception provisoire et survenus depuis lors et/ou ayant aggravé l'état des ouvrages", pour en déduire que les demandeurs sub 2 à 14 restaient recevables à invoquer à l'encontre du promoteur tous les vices généralement quelconques (graves ou véniels) cachés lors de la réception provisoire" et que la question de savoir s'ils aurait été dénoncé à bref délai à partir de leur découverte, était dès lors sans pertinence (ibid., n°° 37 et 38).

L'arrêt attaqué, qui se borne à considérer que le § B)1 des conditions générales de vente dispose que la réception provisoire emporte l'agrément de l'acquéreur sur les travaux qui lui sont délivrés et exclut tout recours de sa part pour les vices apparents, à condition toutefois que l'état des ouvrages n'empire pas pendant le délai de garantie, que cette stipulation "a pour objet de réputer non agréés les vices qui, étant apparents lors de la réception provisoire, ont par la suite empiré. Mais elle n'a pas pour effet de réputer non agréés les défauts non constatés lors de la réception provisoire qui apparaîtraient par la suite, fussent-ils causés par la détérioration des ouvrages réceptionnés" et qu'"il importe peu également que la réception définitive ait pu ne jamais être effectuée. Aucune disposition légale n'empêchait de convenir d'attacher un effet d'agréation à la réception provisoire",
11ème feuillet

ne rencontre par aucune considération le moyen déduit de ce qu'il résultait des stipulations contractuelles que seule la réception définitive mettait fin à la responsabilité du promoteur-vendeur du chef des vices cachés véniels - que la loi Breyne soit ou non impérative à cet égard -, et qu'en l'absence de réception définitive, le promoteur restait tenu de cette garantie. Il n'est, partant, pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution).

Deuxième branche

Les conditions générales de vente de la défenderesse, auxquelles se réfèrent tant l'acte de base que les différents actes de vente prévoient :
"B. RECEPTIONS :
1) Réception provisoire :
Pour rendre la réception provisoire possible, les travaux doivent dans leur ensemble être terminés, nonobstant des imperfections mineures réparables durant le délai de garantie et le bien doit être en état d'être utilisé conformément à sa destination.
La réception provisoire emporte l'agrément de l'acquéreur sur les travaux qui lui sont délivrés et exclut tout recours de sa part pour les vices apparents, à condition toutefois que l'état des ouvrages n'empire pas pendant le délai de garantie.
La date de la réception provisoire des parties communes constitue l'origine de la responsabilité décennale dont question à l'article 8.
a) des parties privatives:
La réception provisoire des parties privatives sera effectuée contradictoirement entre la société «LUXIMCO», les architectes et l'acquéreur. Seul un acte écrit et contradictoire des parties fera la preuve de la réception provisoire de l'appartement, du garage ou des surfaces dites de «bureaux».
La société «LUXIMCO» demande cette réception provisoire par écrit, en invitant l'acquéreur par lettre recommandée à la poste d'y procéder dans un délai de quinze jours suivant la date d'envoi de cette demande.
Les travaux sont présumés être en état de réception provisoire jusqu'à preuve du contraire, à la date d'achèvement qu'a indiqué la société «LUXIMCO» dans la demande de réception.
Le refus éventuel de l'acquéreur de procéder à la réception provisoire devra être notifié avec ses motifs par une lettre recommandée à la poste et adressée à la société «LUXIMCO» avant l'expiration du délai de quinze jours déterminé ci-dessus (...)

12ème feuillet

Toutefois, et sauf preuve du contraire, si l'acquéreur occupe ou utilise le bien avant la réception provisoire, il est présumé avoir accepté tacitement cette réception provisoire (...).
(...)
2) Réception définitive :
a) des parties communes:
(...)
b) des parties privatives :
La réception définitive des parties privatives aura lieu au plus tôt un an après leur réception provisoire et pour autant qu'il ait déjà été procédé à la réception définitive des parties communes tel que précisé ci-dessus. Elle sera effectuée contradictoirement entre la société «LUXIMCO», les architectes et l'acquéreur. Seul un acte écrit et contradictoire des parties fera la preuve de la réception définitive de l'appartement.
La société «LUXIMCO» demande la réception définitive des parties privatives en invitant l'acquéreur par lettre recommandée à la poste d'y procéder dans le délai de quinze jours suivant la date d'envoi de cette demande.
Le refus éventuel de l'acquéreur de procéder à la réception devra être notifié avec ses motifs par une lettre recommandée à la poste et adressée à la société «LUXIMCO» avant l'expiration du délai de quinze jours déterminé ci-dessus.
Le refus éventuel de l'acquéreur d'accepter la réception définitive devra être notifié avec ses motifs, par une lettre recommandée à la poste et adressée à la société «LUXIMCO» dans les huit jours qui suivent la date de la réception définitive.
Lorsque ce refus motivé de procéder à la réception définitive des parties privatives ou d'accepter cette réception a été notifié à la société «LUXIMCO», celle-ci peut soit admettre les motifs de refus et demander une nouvelle fois la réception après avoir procédé aux travaux de réfection demandés, soit de solliciter à l'amiable, ou à défaut en justice, la nomination d'un expert chargé de constater la réalité ou l'inexistence des motifs du refus de réception et de fixer le coût éventuel des travaux de réfection.
Si l'acquéreur laisse sans suite la requête écrite de la société «LUXIMCO» d'effectuer la réception dans le délai de quinze jours déterminé ci-dessus, la société «LUXIMCO» le sommera par exploit d'huissier et l'acquéreur sera présumé accepter cette réception définitive des parties privatives si, dans les quinze jours qui suivent cette sommation, il omet de comparaître à la date fixée dans cet exploit aux fins de réception.
Après la réception définitive, tant commune que privative, la responsabilité de la société «LUXIMCO» ne peut plus être engagée que sur pied des articles 1792 et 2270 du Code civil relatifs à la responsabilité décennale".

Il se déduit de ces dispositions que les parties ont convenu (i) que la réception provisoire emportera agréation des travaux délivrés et déchargera le promoteur de toute responsabilité pour les vices apparents, "à condition (...) que l'état des ouvrages n'empire pas pendant les délais de
13ème feuillet

garantie", (ii) que ce délai de garantie pour les vices non apparents ou les vices apparents qui se sont aggravés prend fin à la réception définitive, à partir de laquelle la responsabilité du promoteur ne peut plus être engagée que sur pied des articles 1792 et 2270 du Code civil.

Si, en considérant - pour rejeter l'action des demandeurs sub 2 à 14 relative aux vices concernant le revêtement des sols intérieurs carrelés de leur appartement dont l'arrêt attaqué constate "qu'il s'agit d'un vice caché" - qu'"il importe peu (...) que la réception définitive ait pu ne jamais être effectuée. Aucune disposition légale n'empêchait de convenir d'attacher un effet d'agréation à la réception provisoire", l'arrêt attaqué a décidé que les conditions générales auxquelles il se réfère ne prévoyaient pas, pour les vices cachés et les vices apparents qui se sont aggravés depuis la réception provisoire, un délai de garantie différent du "bref délai" requis pour l'application de l'article 1648 du Code civil ou du "délai utile" en matière de contrats d'entreprise, soit n'ont pas prévu un délai de garantie pour ces vices s'étendant de la réception provisoire à la réception définitive, il donne aux conditions générales une interprétation inconciliable avec leurs termes et leur portée et méconnait, partant, la foi qui leur est due (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

Par voie de conséquence, il méconnaît la force obligatoire du contrat (violation de l'article 1134 du Code civil).

Troisième branche

En vertu de l'article 3 de la loi Breyne, toute convention entrant dans le champ d'application de l'article 1er de ladite loi est régie par les dispositions du Code civil relatives à la vente, "sous réserve des dérogations prévues par la présente loi".

L'article 7 de la même loi prévoit que la convention "doit" indiquer le mode de réception. L'article 9 dispose que "la réception définitive de l'ouvrage ne peut avoir lieu qu'après qu'il se soit écoulé un an depuis la réception provisoire, et pour autant qu'il ait déjà été procédé à la réception définitive des parties communes".

14ème feuillet

Enfin, l'article 13 de la même loi dispose que "toute clause contraire aux articles 3 à 6 et 8 à 11 [de la loi] (...) est réputée non écrite".

L'article 2 de l'arrêté royal du 21 octobre 1971 visé au moyen précise quant à loi que "la réception d'un ouvrage exécuté en vertu d'une convention visée à l'article 1er de la loi doit répondre aux conditions minimales qu'il énumère, soit que seul un acte écrit et contradictoire des parties fait preuve de la réception des ouvrages, tant provisoire que définitive, le refus de réception doit être notifié, par lettre recommandée à la poste et adressée au vendeur ou à l'entrepreneur. Ce même article prévoit que l'acheteur ou le maître de l'ouvrage est présumé agréer les travaux, provisoirement ou définitivement, selon le cas, s'il a laissé sans suite la requête écrite du vendeur.

Les dispositions impératives que constituent l'article 9 de la loi "Breyne" et l'article 2 de l'arrêté royal du 21 octobre 1971, qui imposent une réception définitive distincte de la réception provisoire et exigent que cette réception définitive n'ait lieu qu'après l'écoulement d'un an après la réception provisoire, organisent une protection accrue des acquéreurs par rapport aux règles de droit commun de la vente en ce qui concerne la garantie des vices cachés, que la réception provisoire emporte ou non agréation des ouvrages.

Il s'en déduit que lorsque les parties attachent un effet d'agréation à la réception provisoire, elles ne dérogent pas pour autant aux dispositions impératives quant au délai de garantie des vices cachés, délai de garantie qui ne peut prendre fin qu'à la réception définitive et au plus tôt un an après la réception provisoire.

Il s'ensuit que l'arrêt attaqué qui, bien qu'il constate que les conventions générales de la première défenderesse visaient à se conformer aux dispositions de la loi du 9 juillet 1971, considère "qu'il importe peu (...) que la réception définitive ait pu ne jamais être effectuée" au motif qu'aucune disposition légale n'empêchait de convenir d'attacher un effet d'agréation à la réception provisoire et décide que sont applicables le "bref délai" de l'article 1648 du Code civil ou le "délai utile" en matière de responsabilité des édificateurs, viole les dispositions impératives des articles 9 et 13 de la loi du 9 juillet 1971 et l'article 2 de l'arrêté royal du 21 octobre 1971 visés au moyen.

15ème feuillet

Développements du premier moyen de cassation

La première branche du moyen n'appelle pas de longs développements.

Les demandeurs faisaient valoir qu'il se déduisait des conditions générales applicables en l'espèce que, contractuellement, le promoteur restait responsable des vices cachés véniels et des vices apparents qui s'étaient aggravés, pendant "le délai de garantie", lequel délai débutant à la réception provisoire et ne prenant fin qu'à la réception définitive.

L'arrêt, qui se borne à considérer, en substance, que les parties ont, dans les conditions générales, convenu d'attacher un effet d'agréation à la réception provisoire et qui ne rencontre par aucune considération le moyen faisant valoir qu'en vertu des mêmes conditions générales, le promoteur restait tenu de la garantie des vices cachés pendant le "délai de garantie" qui ne prenait fin qu'à la réception définitive, n'est pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution).

La deuxième branche du moyen est présentée dans l'hypothèse où l'arrêt devrait être lu, quod non, comme ayant interprété les conditions générales en ce sens qu'elles ne prévoyaient rien quant à un "délai de garantie" quant aux vices cachés, en sorte que s'appliquerait le "bref délai" de l'article 1648 du Code civil ou, à supposer que les relations entre la première défenderesse et les demandeurs soient requalifiées en contrat d'entreprise, "le délai utile requis".

Le moyen en cette branche lui fait alors grief d'avoir méconnu la foi due aux conditions générales qui, outre qu'elles prévoient que la réception provisoire emportera agréation des ouvrages et la décharge de la responsabilité du promoteur pour les vices apparents, prévoient également que c'est à la "condition que l'état des ouvrages n'empire pas pendant le délai de garantie", organisent les modalités de la réception définitive et précisent ainsi le délai dans lequel les ouvrages seront mis à l'épreuve et dans lequel les acquéreurs pourront faire valoir leurs réclamations quant aux vices cachés véniels ou quant aux vices apparents qui se sont aggravés depuis la réception provisoire.

16ème feuillet

La troisième branche du moyen fait valoir que, dans l'hypothèse où les conditions générales pourraient être lues en ce sens que les parties n'ont pas attaché à la réception définitive et au délai avant lequel elle ne peut être effectuée l'effet de définir le délai de garantie du promoteur pour les vices cachés ou les vices apparents qui se seraient aggravés, en sorte que cette garantie ne serait acquise que dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil ou même le délai utile en matière de contrat d'entreprise, ces dispositions des conditions générales seraient alors contraires aux dispositions impératives de la loi du 9 juillet 1971 et de l'arrêté royal d'exécution du 21 octobre 1971 qui organisent une protection spécifique de l'acquéreur. L'article 9 de la loi Breyne prévoit en effet une période d'épreuve (d'un an minimum) des ouvrages qui prend cours à la réception provisoire, que celle-ci entraîne ou non agréation, et qui prend fin à la réception définitive tandis que l'article 13 répute non écrite toute clause contraire. Il est ainsi prévu un régime spécifique qui s'écarte du régime de droit commun du "bref délai" ou du "délai utile".

En décider autrement aboutirait à ce que la réception définitive imposée par la loi serait dépourvue de tout effet (voy. sur la question J. Herbots, "La charnière chronologique des responsabilités des entrepreneurs, architectes et promoteurs", note sous Cass., 24 février 1983, R.C.J.B., 1985, pp. 404 à 446 et spéc. n°° 12, 47, 51 à 53).
17ème feuillet

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Dispositions violées

- les articles 1134, 1142, 1319, 1320, 1322, 1648 et 1792 du Code civil,
- l'article 149 de la Constitution,
- le principe général du droit imposant le respect des droits de la défense.

17ème feuillet

Décision critiquée

Après avoir constaté que les vices du revêtement des sols intérieurs carrelés de l'appartement des demandeurs sub 2 à 14 constituaient des vices cachés, l'arrêt attaqué, pour débouter les demandeurs sub 2 à 14 de leur action, décide que celle-ci n'a pas été formée dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil, ni même, à supposer que l'on requalifie les relations entre la première défenderesse et lesdits demandeurs de contrat d'entreprise, dans le délai utile requis, pour tous ses motifs réputés ici intégralement reproduits et spécialement les motifs repris au premier moyen.

Griefs

Première Branche

Dans leurs conclusions d'appel, les demandeurs faisaient valoir, à titre très subsidiaire, à supposer que les règles relatives au "bref délai" ou "délai utile" s'appliquent, qu'en tout état de cause, il n'était pas établi que ces délais ont été dépassés; que le "bref délai" ou le "délai utile" ne prend cours qu'à partir du moment où l'acquéreur (ou le maître de l'ouvrage) a pu prendre conscience de l'étendue des vices en cause et de leur gravité et du refus persistant des professionnels concernés d'y apporter remède; qu'en l'espèce, les problèmes de fissuration des carrelages ont été évolutifs, se sont aggravés, et que ce n'est que "suite au rapport établi par Monsieur l'architecte
G. le 7/09/2002 (...) sollicité par les (demandeurs), vu l'inertie manifestée par le promoteur suite aux mises en demeure adressées durant la même année (...), que les demandeurs ont réellement pu appréhender, techniquement, la gravité, le sérieux et les causes des problèmes techniques constatés (...)" et que "la citation ayant été lancée dès le 30 septembre 2002, soit peu de temps après le rapport de Monsieur G., il devrait (...) être considéré qu'elle l'a été «en temps utile» ou même, «à bref délai», à dater de la découverte des vices selon toute leur amplitude et leur caractère rédhibitoire" (concl. app., n°° 40 et 41).

L'arrêt attaqué, qui ne rencontre ce moyen par aucune considération, n'est pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution).
18ème feuillet

Deuxième branche

Aucune des parties ne soutenait qu'il ressortait des déclarations faites par le conseil des demandeurs sub 2 à 14 lors de la première séance d'expertise que les troubles relatifs au carrelage des appartements ont été rapidement remarqués après les réceptions provisoires.

L'arrêt attaqué, qui soulève d'office ce moyen, sans permettre aux demandeurs sub 2 à 14 de s'en expliquer, méconnaît leurs droits de défense (violation du principe général du droit imposant le respect des droits de la défense).

Troisième branche

La page 10 du rapport d'expertise mentionne ce qui suit :
"Les débats :
Maître L. :
En fait, la SA LUXIMCO était ici le promoteur et le vendeur des appartements dont la réalisation remonte à 1993.
Mr S. était l'architecte agissant pour la SA LUXIMCO, avec une mission complète lui confiée au départ.
La SA ULYSSE CONSTRUCTION était en la circonstance l'entreprise générale ayant charge d'exécution des chantiers en objet.
A l'époque et après travaux, une réception provisoire des constructions a été faite avec différentes réserves.
Il n'y a jamais eu depuis lors de réception définitive des travaux, tant pour les parties privées que pour les parties communes.
Différents problèmes ont été rapidement remarqués et nous avons tenté des négociations amiables pour apporter des solutions valables, mais ces tentatives ont échoué.
En conséquence, nous contactons alors Mr G. architecte, en tant que conseiller technique et pour établir un rapport motivé sur les problèmes existants au niveau constructif".

19ème feuillet

Il en ressort que le conseil des demandeurs a uniquement déclaré que "différents problèmes ont été rapidement remarqués" mais n'a nullement déclaré que les troubles dont la réparation est postulée quant au carrelage intérieur des appartements avaient été "rapidement remarqués après la réception provisoire".

L'arrêt attaqué, qui considère à cet égard "que les troubles ont été rapidement remarqués après la réception provisoire", ajoute au rapport d'expertise un élément qui ne s'y trouve pas et viole, partant, la foi qui lui est due (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

Quatrième branche

Si le juge du fond apprécie en fait, et partant souverainement, si l'action en garantie des vices cachés a été intentée dans le "bref délai" applicable à la vente (article 1648 du Code civil) ou le "délai utile" applicable aux contrats d'entreprise (articles 1142 et 1792 du Code civil), cette décision doit être fondée sur des éléments permettant de justifier le moment de la connaissance par l'acquéreur (ou le maître de l'ouvrage) des vices, en fonction de toutes les circonstances de la cause, à savoir la nature du vice, son étendue, sa gravité et la qualité des parties.

Il ne peut se déduire de ce que des "troubles ont été rapidement remarqués", sans qu'il soit précisé s'il s'agit des troubles litigieux, ni de ce qu'un des demandeurs sub 2 à 14 a fait remarquer le 25 avril 1994 des fissurations dont la première défenderesse a pris note le 1er décembre
1994 comme étant "non ouvertes et difficilement discernables", gardant cette "remarque «dans son dossier»", ni de ce qu'aucune réclamation n'aurait été réitérée depuis ce moment, que les demandeurs sub 2 à 14 avaient connaissance depuis "plus de sept ans" de l'existence d'un vice, évolutif, suffisamment grave pour entraîner la garantie des vices cachés. L'arrêt viole dès lors tant l'article 1648 du Code civil relatif à la vente que les articles 1142 et 1792 du même code applicables à la responsabilité de l'entrepreneur en matière de vices cachés.

20ème feuillet

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Dispositions violées

- les articles 1134, 1319, 1320 et 1322 du Code civil,
- les articles 1er, 3, 7, 9 et 13 de la loi du 9 juillet 1971 réglementant la construction d'habitations et la
vente d'habitations à construire ou en voie de construction, ci-après "loi Breyne",
- l'article 2 de l'arrêté royal du 21 octobre 1971 portant exécution de la loi du 9 juillet 1971
réglementant la construction d'habitations et la vente d'habitations à construire ou en voie de
construction,
- l'article 149 de la Constitution.

Décision critiquée

Après avoir décidé que "les désordres affectant les 22 balcons qui sont invoqués au soutien des prétentions de (la première demanderesse) sont (...) apparus postérieurement et constituent des vices cachés" et qu'"il en va de même" pour les désordres relatifs aux aérations techniques sous toiture, au trottoir côté rue et à la dégradation des seuils de pierre de l'appartement D1, l'arrêt attaqué décide, implicitement mais certainement, que l'action intentée par la première
demanderesse contre la première défenderesse le 30 septembre 2002 devait être formée dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil, ou, à supposer que les relations entre la première défenderesse et les demandeurs puissent être requalifiées en contrat d'entreprise, dans le délai utile requis, qu'elle ne l'a pas été, pour tous ses motifs réputés ici intégralement reproduits et spécialement pour les motifs que :
"Pour des raisons similaires à celles exposées lors de l'examen du fondement juridique des demandes mues à titre individuel par les propriétaires (...), [le chef de demande relatif aux désordres affectant les 22 balcons] ne peut pas non plus aboutir sur le fondement de la garantie des vices cachés, par plus qu'il ne le pourrait sur le fondement de la responsabilité des édificateurs pour vices cachés véniels. Les premières réserves concernant l'étanchéité et la nécessaire reconstruction des balcons qui forment l'objet de ce chef de demande ont en effet également été formulées tardivement, en l'espèce au plus tôt dans le courrier de l'avocat M. du 2 avril 2002.
21ème feuillet

Il en va de même quant aux demandes de (la première demanderesse) relatives aux aérations techniques sous toiture, au trottoir côté rue, et à la dégradation des seuils de pierre de l'appartement D1. Ces griefs ne figurent pas dans les documents produits à la Cour qui furent établis lors de la tentative de réception provisoire du 21 décembre 1994, ni dans le rapport (...) du 17 octobre 1995. Ils furent élevés pour la première fois dans le rapport de l'architecte D., qui était annexé à la lettre déjà évoquée de l'avocat M. du 14 mai 2002".

Griefs

Première branche

Dans les conclusions d'appel des demandeurs, la première demanderesse faisait valoir que suivant les conditions générales entrées dans le champ contractuel des parties, il avait été "expressément prévu que, par application ou par analogie de ce qui est imposé par la loi du 9/07/1971 dite «loi Breyne»", jusqu'à la réception définitive des ouvrages, la garantie du promoteur du chef de vices non apparents véniels éventuels subsiste étant entendu que pour les vices jugés apparents lors des réceptions provisoires qui n'auraient pas été réservés, les acquéreurs restent recevables et fondés à les invoquer si l'état des ouvrages s'aggrave en cours de délai de garantie séparant la réception provisoire
de la réception définitive; que "seule la réception définitive met fin à la responsabilité du promoteur-vendeur du chef de vices cachés véniels (et ce, que la loi Breyne s'applique ou non de manière impérative, la convention faisant la loi des parties)"; que ni les parties communes, ni les parties privatives de la résidence n'ont fait l'objet d'une réception définitive et que sont donc sans pertinence, dans les circonstances de l'espèce, les questions de savoir si les vices véniels en litige apparus après la réception provisoire auraient été dénoncés "à bref délai" à dater de leur découverte (concl. app., n°° 2, 37 et 38).

22ème feuillet

Deuxième branche

Les conditions générales de vente auxquelles renvoient tant l'acte de base que les différents actes de vente et auxquelles se réfère l'arrêt attaqué prévoient :
"B. RECEPTIONS :
1) Réception provisoire :
Pour rendre la réception provisoire possible, les travaux doivent dans leur ensemble être terminés, nonobstant des imperfections mineures réparables durant le délai de garantie et le bien doit être en état d'être utilisé conformément à sa destination.
La réception provisoire emporte l'agrément de l'acquéreur sur les travaux qui lui sont délivrés et exclut tout recours de sa part pour les vices apparents, à condition toutefois que l'état des ouvrages n'empire pas pendant le délai de garantie.
La date de la réception provisoire des parties communes constitue l'origine de la responsabilité décennale dont question à l'article 8.
a) des parties privatives:
(...)
b) des parties communes:
La réception provisoire des parties communes sera effectuée contradictoirement entre la société «LUXIMCO», les architectes et deux délégués, désignés par la première assemblée générale des copropriétaires, autres que la société «LUXIMCO», qui est d'office mandataire de la copropriété, qui pourra se faire assister en la circonstance d'un ou de plusieurs experts choisis dans ou en dehors et aux frais de la copropriété.
Seul un acte écrit et contradictoire des parties fera la preuve de la réception provisoire des parties communes.
La société «LUXIMCO» demande la réception provisoire des parties communes par écrit en invitant les parties, par lettre recommandée à la poste, d'y procéder dans un délai de quinze jours suivant la date d'envoi de cette demande.
(...)
Le refus éventuel des mandataires de la copropriété de procéder à la réception des parties communes devra être notifié avec ses motifs par lettre recommandée à la poste et adressée à la société «LUXIMCO» avant l'expiration du délai de quinze jours déterminé ci-dessus.
Le refus éventuel des mandataires de la copropriété d'accepter cette réception devra être notifié avec ses motifs par lettre recommandée à la poste et adressée à la société «LUXIMCO» dans les huit jours qui suivent la date de la réception provisoire.
(...)

23ème feuillet

2) Réception définitive :
a) des parties communes :
La réception définitive des parties communes, en ce compris les accès de telle sorte qu'une habitabilité normale soit assurée, aura lieu un an après leur réception provisoire. Elle sera effectuée contradictoirement entre la société «LUXIMCO», les architectes et le conseil de gérance, désigné par la première assemblée générale des copropriétaires, qui pourra se faire assister en la circonstance d'un ou de plusieurs experts choisis dans ou en dehors et aux frais de la copropriété. Seul un acte écrit et contradictoire des parties fera la preuve de la réception définitive des parties communes.
La société «LUXIMCO» demande la réception définitive des parties communes par écrit (...).
Le refus éventuel des mandataires de copropriété d'accepter cette réception devra être notifié avec ses motifs par lettre recommandée à la poste et adressée à la société «LUXIMCO» dans les huit jours qui suivent la date de la réception définitive.
Lorsque le refus motivé de procéder à la réception définitive des parties communes ou d'accepter cette réception a été notifié à la société «LUXIMCO», celle-ci peut soit admettre les motifs de refus et demander une nouvelle fois la réception après avoir procédé aux travaux de réfection qui leur ont été demandés, soit de solliciter, à l'amiable ou à défaut en justice, la nomination d'un expert chargé de constater la réalité ou l'inexistence des motifs de refus de réception et de fixer le coût éventuel des travaux de réfection".

Il s'en déduit que les parties ont convenu (i) que la réception provisoire emportera agréation des travaux délivrés et déchargera le promoteur de toute responsabilité pour les vices apparents, "à condition (...) que l'état des ouvrages n'empire pas pendant le délai de garantie",
(ii) que ce délai de garantie pour les vices non apparents ou les vices apparents qui se sont aggravés prend fin à la réception définitive, (iii) que celle-ci ne peut avoir lieu qu'un an après la réception provisoire, doit être demandée par le promoteur et ne peut être établie que par un acte écrit et contradictoire des parties.

Si en rejetant l'action de la première défenderesse fondée sur la garantie des vices cachés affectant les parties communes "pour des raisons similaires à celles exposées lors de l'examen du fondement juridique des demandes mues à titre individuel par les propriétaires", à savoir que le § B1 des conditions générales de vente dispose que la réception provisoire emporte l'agrément de l'acquéreur pour les travaux qui lui sont délivrés et exclut tout recours de sa part pour les vices apparents, à condition toutefois que l'état des ouvrages n'empire pas pendant le délai de garantie, et qu'il importe peu que la réception définitive ait pu ne jamais être effectuée, l'arrêt attaqué doit être lu
24ème feuillet

comme ayant décidé que les conditions générales ne prévoyaient, pour les vices cachés véniels ou les vices apparents qui se sont aggravés depuis la réception provisoire, un délai de garantie différent du "bref délai" requis pour l'application de l'article 1648 du Code civil ou du "délai utile" en matière de contrats d'entreprise, il donne des conditions générales de vente une interprétation inconciliable avec leurs termes et leur portée et méconnaît, partant, la foi qui leur est due (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

Par voie de conséquence, il méconnaît la force obligatoire du contrat (violation de l'article 1134 du Code civil).

Troisième branche

En vertu de l'article 3 de la loi "Breyne" visée au moyen, toute convention de vente entrant dans le champ d'application de l'article 1er est régie par les dispositions du Code civil relatives à la vente "sous réserve des dérogations prévues par la présente loi".

L'article 7 de la même loi prévoit que la convention "doit" indiquer le mode de réception. L'article 9 dispose que "la réception définitive de l'ouvrage ne peut avoir lieu qu'après qu'il se soit écoulé un an depuis la réception provisoire, et pour autant qu'il ait déjà été procédé à la réception définitive des parties communes". Enfin, l'article 13 prévoit que "toute clause contraire aux articles 3 à 6 et 8 à 11 (...) est réputée non écrite".

L'article 2 de l'arrêté royal du 21 octobre 1971 visé au moyen précise que la réception d'un ouvrage exécuté en vertu d'une convention visée à l'article 1er de la loi du 9 juillet 1971 "doit répondre aux conditions minimales suivantes" : Seul un acte écrit et contradictoire des parties fait la preuve de la réception des ouvrages, tant provisoire que définitive. Le refus de réception est notifié, avec ses motifs, par lettre recommandée à la poste et adressée au vendeur ou à l'entrepreneur (§ 1er). Toutefois, et sauf preuve contraire, l'acheteur ou le maître de l'ouvrage qui occupe ou qui utilise le bien ou les parties transformées ou agrandies de celui-ci, est présumé en accepter tacitement la réception provisoire. L'acheteur ou le maître de l'ouvrage est présumé agréer les travaux, provisoirement ou définitivement selon le cas, s'il a laissé sans suite la requête écrite du vendeur ou de
25ème feuillet

l'entrepreneur d'effectuer la réception à une date déterminée et si, dans les quinze jours qui suivent la sommation que le vendeur ou l'entrepreneur lui en aura faite par exploit d'huissier, il a omis de comparaître, à la date fixée dans cet exploit, aux fins de réception. Cette disposition ne s'applique pas à la réception des parties communes d'un immeuble (§ 2).

Ces dispositions impératives, qui imposent une réception définitive distincte de la réception provisoire et exigent que la réception définitive n'ait lieu qu'après l'écoulement d'un an après la réception provisoire, organisent une protection accrue des acquéreurs en ce qui concerne la garantie des vices cachés, par rapport aux règles du droit commun de la vente, que la réception provisoire emporte ou non l'agréation des ouvrages.

Il s'en déduit que la clause par laquelle les parties attachent un effet d'agréation à la réception provisoire ne peut entraîner dérogation aux dispositions impératives organisant un délai de garantie - qui demeure pour les vices cachés - entre la réception provisoire et la réception définitive.

Il s'ensuit que l'arrêt attaqué qui, bien qu'il constate que les conditions générales visaient à se conformer aux dispositions de la loi du 9 juillet 1971, considère "qu'il importe peu (...) que la réception définitive ait pu ne jamais être effectuée" et décide, par renvoi aux raisons exposées lors de l'examen du fondement juridique des demandes mues à titre individuel par les demandeurs sub 2 à 14, que l'action de la première demanderesse contre la première défenderesse devait être intentée dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil ou, à supposer que le contrat doive être requalifié en contrat d'entreprise, dans le délai utile requis, viole les dispositions impératives des articles 9 et 13 de la loi du 9 juillet 1971 et 2 de l'arrêté royal du 21 octobre 1971 visés au moyen.

Quatrième branche

A supposer même (i) que les conditions générales ne convenaient pas d'un "délai de garantie" pour les vices cachés véniels jusqu'à la réception définitive à intervenir au plus tôt un an après la réception provisoire et (ii) que ce délai de garantie spécifique ne résulte pas des dispositions impératives de l'article 9 de la loi du 9 juillet 1971 et 2 de l'arrêté royal du 21 octobre
26ème feuillet

1971, en sorte que seraient seuls applicables à la garantie des vices cachés le "bref délai" de l'article 1648 du Code civil ou le "délai utile" en matière de responsabilité des édificateurs, la décision selon laquelle l'action de la première demanderesse n'a pas été formée dans le "bref délai" ou même dans le "délai utile" n'est pas légalement justifiée.

En effet, le "bref délai" de l'acquéreur ou le "délai utile" du maître de l'ouvrage pour intenter une action fondée sur les vices cachés véniels est celui qui s'écoule entre le moment de la découverte du vice et celui de l'intentement de l'action, à apprécier en fonction de la nature du vice, de sa gravité et de la qualité des parties, en sorte que, comme le relève l'arrêt attaqué, "l'on ne puisse induire de l'absence de protestation que l'intéressé a agréé le vice".

En l'espèce, l'arrêt attaqué, qui constate que les vices invoqués des parties communes constituaient des vices cachés dès lors qu'ils n'étaient invoqués dans aucun des documents produits, qui n'examine pas à quel moment ces vices sont apparus et pouvaient être découverts mais décide néanmoins que l'action intentée le 30 septembre 2002 ne l'a pas été dans le bref délai de la garantie du vendeur ou dans le délai utile applicable à la responsabilité des édificateurs, aux seuls
motifs que "les premières réserves concernant l'étanchéité et la nécessaire reconstruction des balcons (...) ont (...) été formulées tardivement, en l'espèce au plus tôt dans le courrier de l'avocat M. du 2 avril 2002" et que les autres griefs "furent élevés pour la première fois dans le rapport de l'architecte D., qui était annexé à la lettre déjà évoquée de l'avocat M. du 15 mai 2002", n'est pas légalement justifié (violation tant de l'article 1648 du Code civil applicable à la garantie des vices cachés du vendeurs que des articles 1142 et 1792 du Code civil applicables à la même responsabilité en ce qui concerne les édificateurs).


27ème feuillet

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Dispositions violées

- les articles 1121 et 1165 du Code civil,
- l'article 149 de la Constitution,
- le principe général du droit imposant le respect des droits de la défense.

Décision critiquée

L'arrêt attaqué déboute les demandeurs sub 2 à 14 de leurs prétentions à l'encontre de l'architecte, ici le second défendeur, et son assureur, ici la troisième défenderesse, et la première demanderesse de son action contre ces derniers en tant qu'elle était relative à l'absence d'étanchéité des balcons avant, aux aérations techniques sous toiture, au trottoir côté rue et à la dégradation des seuils de pierre de l'appartement D1, pour tous ses motifs réputés ici reproduits et rappelés aux deux premiers moyens.

Griefs

Dans leurs conclusions d'appel, les demandeurs soutenaient qu'en leur qualité d'acquéreurs, ils "bénéficient de l'action contractuelle dont disposait le vendeur (...) vis-à-vis de l'architecte et/ou des entrepreneurs à titre d'accessoire de la chose vendue sur base de l'article 1615 du Code civil" (concl. app., n° 47).

Les demandeurs faisaient valoir à cet égard que "le contrat d'architecture intervenu le 22 octobre 1990 entre Monsieur S. et la S.A. LUXIMCO (...) - ne contient aucune clause limitative de responsabilité (...) en matière de vices cachés, - ne déroge (...) en rien au régime de droit commun de la responsabilité en matière du droit de la construction en rapport avec des marchés privés (et) notamment au principe suivant lequel, sauf convention expresse en sens contraire,
28ème feuillet

seule la réception définitive vaut agréation de l'ouvrage dans son état apparent, la réception provisoire ne valant que constat d'achèvement (...)", ajoutant que "ce principe est d'ailleurs, en l'espèce, expressément stipulé aux divers PV de réception provisoire précisant qu'ils sont établis «afin de constater l'achèvement des travaux» (et non pas de les agréer définitivement) (...)" (concl. app., n° 49).

Ils faisaient ensuite valoir "que pour rappel et en l'espèce, de commun accord avec tous les intervenants, la réception définitive n'a pas été accordée de telle manière que l'ouvrage n'a jamais été agréé en son état apparent ou connu (...) vis-à-vis de l'architecte (que ce soit par le promoteur ou par les divers acquéreurs pour les privatifs et la copropriété pour les communs)" pour en conclure qu'ils "restent donc recevables et fondés à invoquer à l'encontre de l'architecte tous vices généralement quelconques, graves ou véniels, apparus depuis la remise des clés et la réception provisoire tant des communs que des privatifs sans préjudice, a fortiori, des vices ayant déjà fait l'objet de réserves lors de la réception provisoire et auxquels il n'a pas été remédié" (ibid., n° 50).

Il s'ensuit que :

Première branche

L'arrêt attaqué, qui se borne à considérer que l'article B1 des conditions générales de vente intervenues entre les demandeurs et la première défenderesse dispose que la réception provisoire emporte l'agrément des ouvrages, sans rencontrer par aucune considération le moyen déduit de ce que le contrat d'architecture quant à lui ne contenait aucune dérogation à la règle et que seule la réception définitive vaut agréation, n'est pas régulière motivé (violation de l'article 149 de la Constitution).

Deuxième branche

Aux termes de l'article 1165 du Code civil, "les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes; elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l'article 1121".
29ème feuillet

Cet article 1121 dispose qu'"on peut pareillement stipuler au profit d'un tiers, lorsque telle est la condition d'une stipulation que l'on fait pour soi-même ou d'une donation que l'on fait à un autre. Celui qui a fait cette stipulation, ne peut plus la révoquer, si le tiers a déclaré vouloir en profiter".

S'il est certain, ainsi que le relève l'arrêt attaqué, qu'en vertu des conditions générales de vente - applicables aux relations entre le vendeur (la s.a. Luximco) et les acheteurs -, la réception provisoire emportait "l'agrément de l'acquéreur sur les travaux qui lui sont délivrés et exclut tout recours de sa part pour les vices apparents, à condition toutefois que l'état des ouvrages n'empire pas pendant le délai de garantie", encore ces conditions générales de vente ne pouvaient bénéficier à l'architecte, tiers à celles-ci.

Si l'arrêt attaqué doit être lu comme décidant que le délai "utile" commençait à courir, en ce compris à l'égard de l'architecte S., à partir de la réception provisoire des travaux dans la mesure où ces conditions générales le stipulaient, il viole la relativité des conventions consacrée par les articles 1121 et 1165 du Code civil.

Troisième branche

Ni l'architecte (ici le second défendeur) ni son assureur (ici la troisième défenderesse) ne soutenaient que l'architecte pouvait se prévaloir du § B1 des conditions générales de vente intervenues entre les demandeurs et la première défenderesse ni que la réception provisoire valait agréation à l'égard de l'architecte. S'il a considéré que le § B1 des conditions générales de vente était applicable aux relations entre le maître de l'ouvrage (la première défenderesse) dont les demandeurs sont les ayants droit et l'architecte, il soulève d'office ce moyen sans permettre aux demandeurs de s'en expliquer et méconnaît partant leurs droits de défense (violation du principe général du droit imposant le respect des droits de la défense).

30ème et dernier feuillet

PAR CES CONSIDERATIONS,

l'avocate à la Cour de cassation soussignée, pour les demandeurs, conclut qu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arrêt attaqué; ordonner que mention de la décision annulée; renvoyer la cause et les parties devant une autre cour d'appel; statuer ce que de droit quant aux dépens.

Jacqueline Oosterbosch

Liège, le 24 septembre 2015

Pièces jointes

Pièce n° 1 : copie certifiée conforme de l'exploit de signification de l'arrêt attaqué
contenant élection de domicile de M. R. S. en l'étude de Me A.B.

Pièce n° 2 : copie certifiée conforme des conditions générales de la vente intervenues entre
les demandeurs et la première défenderesse.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.15.0404.F
Date de la décision : 13/12/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-12-13;c.15.0404.f ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award