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10/12/2018 | BELGIQUE | N°S.18.0001.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 10 décembre 2018, S.18.0001.F


N° S.18.0001.F
É. M.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,

contre

ZONE DE POLICE 5343 MONTGOMERY, dont le siège est établi à Etterbeek, chaussée Saint-Pierre, 122,
défenderesse en cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 17 février 2016 par la cour du travail de Bruxelles.
Le 20 septembre 2018, l'avo

cat général Jean Marie Genicot a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Christian S...

N° S.18.0001.F
É. M.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,

contre

ZONE DE POLICE 5343 MONTGOMERY, dont le siège est établi à Etterbeek, chaussée Saint-Pierre, 122,
défenderesse en cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 17 février 2016 par la cour du travail de Bruxelles.
Le 20 septembre 2018, l'avocat général Jean Marie Genicot a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Christian Storck a fait rapport et l'avocat général Jean Marie Genicot a été entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation
La demanderesse présente deux moyens, dont le premier est libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- articles 30bis et 32, spécialement alinéas 4 et 5, des lois relatives à la prévention des maladies professionnelles et à la réparation des dommages résultant de celles-ci, coordonnées le 3 juin 1970 ;
- articles 1er et 2, spécialement alinéa 6, de la loi du 3 juillet 1967 sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public ;
- articles X.III.1, 5°, X.III.2 et X.III.4 de l'arrêté royal du 30 mars 2001 portant la position juridique du personnel des services de police.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt déboute la demanderesse de sa demande de réparation dans le régime des maladies professionnelles « hors liste » fondée sur une maladie psychologique résultant d'une exposition nocive à un risque de nature psychosociale, par tous ses motifs considérés comme ici reproduits et spécialement par les motifs suivants :
« 14. [...] Il peut être rappelé que :
- l'article 1er de la loi du 3 juillet 1967 sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public dispose que le régime institué par cette loi pour la réparation des dommages résultant des maladies professionnelles est, par arrêté délibéré en conseil des ministres, rendu applicable par le Roi, aux conditions et dans les limites qu'Il fixe, aux membres du personnel définitif, stagiaire, temporaire, auxiliaire ou engagé par contrat de travail, qui appartiennent aux administrations, services, organismes et établissements qui sont ensuite énumérés ;
- l'article 2, alinéa 6, de la même loi précise que l'on entend par maladies professionnelles celles qui sont reconnues comme telles en exécution des articles 30 et 30bis des lois relatives à la prévention des maladies professionnelles et à la réparation des dommages causés par celles-ci, coordonnées le 3 juin 1970 (secteur privé) ;
- l'article X.III.2 de l'arrêté royal du 30 mars 2001 portant la position juridique du personnel des services de police prévoit que la réglementation établie par la loi du 3 juillet 1967 est déclarée applicable aux membres du personnel des services de police ;
- l'article X.III.1, 5°, 1), du même arrêté définit les maladies professionnelles comme ‘les maladies professionnelles reconnues comme telles par les lois relatives à la réparation des dommages résultant des maladies professionnelles, coordonnées le 3 juin 1970' (secteur privé) ;
- suivant l'article 30 des lois coordonnées du 3 juin 1970, donnent lieu à réparation les maladies professionnelles qui figurent sur la liste dressée par le Roi ;
- suivant l'article 30bis des mêmes lois, donne également lieu à réparation, dans les conditions fixées par le Roi, la maladie qui, tout en ne figurant pas sur la liste visée à l'article 30, trouve sa cause déterminante et directe dans l'exercice de la profession. La preuve du lien de causalité entre la maladie et l'exposition au risque professionnel de cette maladie est à charge de la victime ou de ses ayants droit ;
Il ressort de ces dispositions légales et réglementaires que la loi du 3 juillet 1967 (secteur public) s'applique au personnel des services de police et que, pour ce qui concerne la définition de la maladie professionnelle, tant la loi du 3 juillet 1967 que l'arrêté royal du 30 mars 2001 renvoient aux lois coordonnées du 3 juin 1970 (secteur privé) ;
Dans les deux secteurs, la réparation du dommage résultant d'une maladie professionnelle dépend de l'existence d'une exposition au risque professionnel de la maladie :
- suivant l'article 32, alinéa 1er, des lois coordonnées du 3 juin 1970, ‘la réparation des dommages résultant d'une maladie professionnelle ou d'une maladie au sens de l'article 30bis est due lorsque la personne, victime de cette maladie, a été exposée au risque professionnel de ladite maladie pendant tout ou partie de la période au cours de laquelle elle appartenait à une des catégories de personnes visées à l'article 2 ou pendant la période au cours de laquelle elle a été assurée en vertu de l'article 3' ;
- suivant l'article 4, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 5 janvier 1971 relatif à la réparation des dommages professionnels dans le secteur public, ainsi que suivant l'article X.III.4, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 30 mars 2001, ‘la réparation des dommages résultant d'une maladie professionnelle est due lorsqu'un membre du personnel, victime de cette maladie, a été exposé au risque professionnel de ladite maladie pendant tout ou partie de la période au cours de laquelle il appartenait à une des catégories d'ayants droit en vertu des présentes dispositions' ;
En revanche, le mode probatoire diffère : alors que les travailleurs du secteur privé doivent prouver l'exposition au risque, le personnel des administrations, services, établissements et institutions, y compris le personnel des services de police, bénéficie d'une présomption (réfragable) d'exposition au risque. En effet, la réglementation présume, jusqu'à preuve du contraire, que tout travail exécuté dans les services publics concernés expose la victime au risque de la maladie professionnelle (article 4, alinéa 2, de l'arrêté royal du 5 janvier 1971 et article X.III.4, alinéa 2, de l'arrêté royal du 30 mars 2001) ;
15. La légalité de la présomption d'exposition au risque professionnel de la maladie, spécifique au régime de réparation des maladies professionnelles dans le secteur public, ne fait guère de doute ;
L'argument de [la défenderesse] tiré de l'illégalité de la présomption doit donc être rejeté ;
16. La question soumise à la cour du travail est si la présomption s'applique à l'indemnisation des maladies ‘hors liste' ;
[...] 18. Appelée à statuer sur la légalité de la présomption instituée par l'article 4, alinéa 2, de l'arrêté royal du 5 janvier 1971 (disposition identique à l'article X.1I1.4, alinéa 2, de l'arrêté royal du 30 mars 2001), la cour du travail de Mons, dans son arrêt du 15 novembre 2010, a eu l'occasion de préciser que ‘cette présomption fonde sa légalité sur une combinaison des articles 1er et 2, dernier alinéa (actuel article 2, alinéa 6), de la loi du 3 juillet 1967 ainsi que des dispositions auxquelles cet article 2, dernier alinéa, renvoie dans les lois coordonnées le 3 juin 1970 [...] ; que l'article 1er de la loi du 3 juillet 1967 dispose que « le régime institué par cette loi pour la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles est, par arrêté délibéré en conseil des ministres, rendu applicable par le Roi, aux conditions et dans les limites qu'Il fixe », en faveur des travailleurs désignés par la loi ; que le Roi est habilité à fixer les conditions et les limites de l'application du régime légal d'indemnisation ; que le régime légal d'indemnisation était notamment déterminé à l'époque litigieuse par l'article 2, dernier alinéa, de la loi du 3 juillet 1967 (actuellement article 2, alinéa 6), qui disposait qu'« on entend par maladies professionnelles celles qui sont reconnues comme telles en exécution de la législation relative à la réparation des dommages causés par les maladies professionnelles » ; que cette disposition renvoie ainsi aux lois coordonnées le 3 juin 1970 ; que, s'agissant des maladies professionnelles figurant sur la liste (article 30 des lois coordonnées du 3 juin 1970 et arrêté royal du 28 mars 1969), la victime doit rapporter la preuve de l'exposition au risque professionnel, comme le prévoit l'article 32, alinéa 1er, des lois coordonnées du 3 juin 1970 ; que, toutefois, l'article 32, alinéa 4, prévoit par exception qu'« est présumé, jusqu'à preuve du contraire, avoir exposé la victime au risque, tout travail effectué [...] dans les industries, professions ou catégories d'entreprises énumérées par le Roi, par maladie professionnelle, sur avis du conseil technique » ; que la liste correspondante a été dressée par un arrêté royal du 11 juillet 1969 ; qu'ainsi, l'article 32, alinéa 4, des lois coordonnées le 3 juin 1970, auquel renvoie l'article 2, dernier alinéa, de la loi du 3 juillet 1967, instaure une présomption, tout en confiant au Roi le soin d'en préciser le contenu ; qu'en vertu du pouvoir qui lui a ainsi été délégué par l'article 1er de la loi du 3 juillet 1967, le Roi a repris dans l'article 4, alinéa 2, de l'arrêté royal du 5 janvier 1971 la présomption légale d'exposition au risque professionnel de la maladie (prévue à l'article 32, alinéa 4, des lois coordonnées le 3 juin 1970) mais en l'étendant à tout travail effectué dans les administrations, services, organismes et établissements du secteur concerné' ;
La cour du travail de céans approuve et adopte la motivation de cet arrêt, qui cite et reproduit une jurisprudence inédite de la cour du travail de Mons ;
De cette motivation pertinente, il ressort que doit être rejetée comme non fondée une bonne partie de l'argumentation développée par [la demanderesse] :
- l'article 3 de la loi du 3 juillet 1967, qui traite des différentes indemnités auxquelles a droit le personnel du secteur public victime d'une maladie professionnelle, précise que ces indemnités sont dues ‘selon les modalités fixées par l'article 1er » ; or, l'article 1er délègue au Roi le pouvoir de fixer les limites et conditions de l'indemnisation des maladies professionnelles ;
- l'article 2, alinéa 6, de la loi du 3 juillet 1967 renvoie aux lois coordonnées du 3 juin 1970 pour ce qui concerne la notion de maladie professionnelle donnant lieu à réparation ;
- s'agissant des maladies ‘hors liste', l'article 30bis des lois coordonnées du 3 juin 1970, auquel renvoient la loi du 3 juillet 1967 et l'arrêté royal du 30 mars 2001, exige que la victime prouve, outre l'existence d'une maladie, le lien de causalité entre la maladie et l'exposition au risque ; l'article 32, alinéa 3, des lois coordonnées du 3 juin 1970 prévoit que ‘le Roi peut, pour certaines maladies professionnelles et pour des maladies au sens de l'article 30bis, fixer des critères d'exposition sur proposition du comité de gestion et après avis du conseil scientifique' ; l'article 32, alinéa 5, dispose que, ‘pour une maladie au sens de l'article 30bis, il incombe à la victime ou à ses ayants droit de fournir la preuve de l'exposition au risque professionnel pendant les périodes visées à l'alinéa 1er' ;
- il n'y a donc pas de contradiction dans le raisonnement des premiers juges dans la mesure où les lois coordonnées du 3 juin 1970, auxquelles renvoient tant la loi du 3 juillet 1967 que l'arrêté royal du 30 mars 2001, habilitent le Roi à fixer les conditions de réparation des maladies professionnelles reconnues comme telles et, s'agissant des maladies ‘hors liste', à déterminer des critères d'exposition au risque ;
- la distinction qu'opère [la demanderesse] entre la notion de maladie professionnelle et la réparation de celle-ci ne permet pas d'écarter l'application de l'article 32, alinéa 5, précité, des lois coordonnées du 3 juin 1970 comme condition d'indemnisation dans le système ouvert pour le personnel des services de police ;
[La demanderesse] soutient à tort que l'arrêté royal du 30 mars 2001 ne fait aucune distinction entre maladies de la liste et maladies ‘hors liste' : l'article X.I1.1, 5°, 1) [lire : X.III.1, 5°, 1)], renvoie aux lois coordonnées du 3 juin 1970, laquelle distingue deux catégories de maladies indemnisables : celles qui sont visées à l'article 30 (maladies de la liste) et celles qui sont visées à l'article 30bis (maladies ‘hors liste') ;
[La demanderesse] développe en vain une argumentation inspirée de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et de l'arrêt de la Cour de cassation du 17 janvier 1994 en matière de différence de traitement entre femmes et hommes. En effet, sur la question spécifique qui nous occupe, à savoir l'existence d'une présomption d'exposition au risque, il n'y a aucune différence de traitement entre les travailleurs du secteur privé et ceux du secteur public, puisque cette présomption ne s'applique pas à l'indemnisation dans le système ouvert et que, dès lors, aucune de ces deux catégories de travailleurs n'est favorisée par rapport à l'autre ;
Ce n'est que pour la maladie professionnelle reconnue comme telle que la réglementation relative à la réparation des dommages résultant des maladies professionnelles dans le secteur public prévoit en faveur de la victime une présomption d'exposition au risque professionnel dont elle réserve la preuve contraire [...] ;
Cette présomption est à mettre en rapport avec celle qui est prévue par l'arrêté royal du 11 juillet 1969 fixant la liste des industries, professions ou catégories d'entreprises dans lesquelles la victime d'une maladie professionnelle (reconnue comme telle) est présumée avoir été exposée au risque de cette maladie. Ainsi qu'il a été justement relevé par le premier juge, la finalité du régime probatoire du secteur public par rapport au secteur privé était de tenir compte de la multiplicité des affectations possibles dans un même service public, rendant inopérant le renvoi fait par la liste à des professions ou des lieux d'activité déterminés ;
19. Pour compléter l'examen des griefs et moyens élevés par [la demanderesse], la cour du travail relève encore ce qui suit :
- si l'arrêté royal du 30 mars 2001 est postérieur à l'instauration du système ouvert, force est de constater qu'en son article X.I1I.4, alinéa 2, il reproduit l'article 4, alinéa 2, de l'arrêté royal du 5 janvier 1971 [...] ; ce texte a été établi à une époque où le système ‘hors liste' n'existait pas ;
- il est faux de prétendre que l'habilitation conférée au Roi par l'article 32 des lois coordonnées du 3 juin 1970 ne l'autorisait qu'à énoncer l'existence de la présomption en fonction d'une énumération limitative d'entreprises, industries et autres activités : comme il a été exposé plus haut, l'article 30bis et l'article 32, alinéa 3, confèrent au Roi le pouvoir de fixer les conditions d'indemnisation et les critères d'exposition au risque pour les maladies dans le système ouvert ;
- l'article X.III.4 de l'arrêté royal du 30 mars 2001 applicable en l'espèce se réfère à une ‘maladie professionnelle', c'est-à-dire à une maladie professionnelle de la liste ;
20. En conséquence, la présomption d'exposition au risque n'est pas applicable en l'espèce et il appartient à [la demanderesse] de prouver qu'elle a été exposée au risque professionnel de la maladie pour laquelle elle demande réparation ;
21. [La demanderesse] constate que l'arrêté royal du 30 mars 2001 ne précise pas, comme c'est le cas à l'article 32, alinéa 2, des lois coordonnées du 3 juin 1970, que l'exposition inhérente à l'exercice de la profession doit être ‘nettement plus grande que celle qui est subie par la population en général' et soutient qu'il n'y a pas lieu de se référer à cette disposition légale dès lors que : (i) aucun renvoi à l'article 32 des lois coordonnées n'est prévu et (ii) l'article X.III.4 de l'arrêté royal du 30 mars 2001 est, au contraire, le pendant de l'article 32, constituant ainsi une norme distincte et propre ;
À cet égard, [la demanderesse] invoque l'avis de P. Delooz et D. Kreit qui indiquent dans leur ouvrage (Les maladies professionnelles, Larcier, 2008, 201) que, ‘dans le secteur public, seule l'exposition au risque suffit, même si l'on peut raisonnablement considérer que l'exposition au risque doit être tout simplement plus grande que celle qui est subie par la population en général' ;
Plus fondamentalement, [la demanderesse] se réfère à une décision de la Cour de cassation du 12 janvier 1998 (Pas., 1998, I, n° 21) qui examine la condition d'exposition au risque au seul regard de l'arrêté royal applicable et non de l'article 32 des lois coordonnées ;
Or, si cet arrêt décide que l'octroi de la réparation des dommages résultant des maladies professionnelles suppose que la victime ait été exposée au risque professionnel ‘dans les conditions réglementaires prescrites' [...], c'est dans le cas où est ‘constatée une maladie professionnelle reconnue comme telle en exécution des lois coordonnées du 3 juin 1970', donc uniquement dans le cas d'une maladie professionnelle visée à l'article 30 (dans le même sens, Cass., 9 novembre 1998, S.97.0168.F) ;
S'il s'agit d'une maladie au sens de l'article 30bis, il est nécessaire, pour qu'elle soit indemnisée, qu'il soit constaté qu'elle remplit, d'une part, les conditions visées à l'article 30bis lui-même, à savoir qu'elle ‘trouve sa cause déterminante et directe dans l'exercice de la profession' (la preuve de ce lien de causalité entre la maladie et l'exposition au risque professionnel incombant à la victime) et, d'autre part, les conditions prévues par l'article 32 visant ‘la maladie au sens de l'article 30bis', notamment à l'alinéa 2, qui dispose qu'‘il y a risque professionnel au sens de l'article 1er lorsque l'exposition à l'influence nocive est inhérente à l'exercice de la profession et est nettement plus grande que celle qui est subie par la population en général et dans la mesure où cette exposition constitue, dans les groupes de personnes exposées, selon les connaissances médicales généralement admises, la cause prépondérante de la maladie ;
22. C'est dès lors, à bon droit que le jugement entrepris se réfère à l'article 32 des lois coordonnées du 3 juin 1970 pour déterminer les conditions de reconnaissance de la maladie professionnelle dans le système ouvert ».

Griefs

L'article 1er de la loi du 3 juillet 1967 sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public dispose que « le régime institué par la présente loi pour la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles est, par arrêté délibéré en conseil des ministres, rendu applicable par le Roi, aux conditions et dans les limites qu'Il fixe, aux membres du personnel définitif, stagiaire, temporaire, auxiliaire ou engagés par contrat de travail qui appartiennent : [...] 11° [aux] corps de police locale ».
La loi du 3 juillet 1967 est ainsi une loi-cadre qui fixe des dispositions générales dont l'applicabilité au personnel du secteur public occupé dans les administrations et organisations énumérées dépend de l'existence d'un arrêté royal, qui peut également fixer des « conditions et limites » à l'application du régime institué par la loi.
L'article X.III.2 de l'arrêté royal du 30 mars 2001 portant la position juridique du personnel des services de police rend le régime de réparation des maladies professionnelles dans le secteur public applicable aux membres du personnel des services de police, dont la demanderesse, inspecteur de police et agent de la défenderesse.
Pour les travailleurs du secteur public, les dispositions des lois coordonnées du 3 juin 1970 relatives à la prévention des maladies professionnelles et à la réparation des dommages résultant de celles-ci ne sont applicables que lorsque la loi du 3 juillet 1967 ou ses arrêtés d'exécution, en l'espèce l'arrêté royal du 30 mars 2001 précité, y renvoient expressément ou, à tout le moins, lorsque les dispositions des lois coordonnées sont conciliables avec les spécificités du régime de réparation des maladies professionnelles dans le secteur public.
L'article 2, alinéa 6, de la loi du 3 juillet 1967 énonce qu'« on entend par maladies professionnelles celles qui sont reconnues comme telles en exécution des articles 30 et 30bis des lois relatives à la prévention des maladies professionnelles et à la réparation des dommages résultant de celles-ci, coordonnées le 3 juin 1970 », tandis que l'article X.III.1, 5°, 1), de l'arrêté royal du 30 mars 2001 dispose qu'« il y a lieu d'entendre par maladies professionnelles, les maladies professionnelles reconnues comme telles par les lois relatives à la réparation des dommages résultant des maladies professionnelles, coordonnées le 3 juin 1970 ».
Il résulte de ces dispositions que le législateur s'est référé à la liste des maladies professionnelles reconnues comme telles en exécution de l'article 30 des lois coordonnées du 3 juin 1970 et à la possibilité offerte à la victime de faire la preuve qu'elle est atteinte d'une maladie hors liste dans les conditions prévues par l'article 30bis de ces mêmes lois. Il ne résulte toutefois d'aucune de ces dispositions - qui visent uniquement la notion de maladie professionnelle - , ni d'aucune autre disposition de la loi du 3 juillet 1967 et de l'arrêté royal du 30 mars 2001, que, dans le secteur public, la réparation des maladies professionnelles est soumise à l'article 32 des lois coordonnées le 3 juin 1970.
En effet, l'application de cette dernière disposition, qui, en son alinéa 5, met à charge de la victime ou de ses ayants droit la preuve de l'exposition au risque professionnel pour une maladie au sens de l'article 30bis, est inconciliable avec les conditions et limites d'indemnisation des victimes de maladies professionnelles dans le secteur public.
Pour le secteur public, la loi du 3 juillet 1967 ne contient aucune condition liée à l'exposition au risque. Ce sont les arrêtés royaux d'exécution qui fixent les conditions et limites de l'indemnisation des victimes d'une maladie professionnelle.
En ce qui concerne les membres du personnel des zones de police, ces conditions sont fixées par l'article X.III.4. de l'arrêté royal du 30 mars 2001, qui dispose que :
« La réparation des dommages résultant d'une maladie professionnelle est due lorsqu'un membre du personnel, victime de cette maladie, a été exposé au risque professionnel de ladite maladie pendant tout ou partie de la période au cours de laquelle il appartenait à une des catégories d'ayants droit en vertu des présentes dispositions.
Tout travail exécuté dans des administrations, services, établissements et institutions pendant les périodes mentionnées dans l'alinéa 1er est présumé, jusqu'à preuve du contraire, avoir exposé la victime au risque visé dans cet alinéa ».
Cette disposition institue ainsi une présomption générale d'exposition au risque, édictée dans le secteur public et emportée par la seule condition que le membre du personnel ait effectué un travail dans les services mentionnés. Cette présomption générale est inconciliable avec le système probatoire mis en place par l'article 32 des lois coordonnées du 3 juin 1970, qui - en son alinéa 5 - fait en règle peser sur la victime la charge de la preuve de l'exposition au risque d'une maladie « hors liste » et qui n'est dès lors pas applicable dans le secteur public.
Il s'ensuit que l'arrêt, qui décide que « ce n'est que pour la maladie professionnelle reconnue comme telle que la réglementation relative à la réparation des dommages résultant des maladies professionnelles dans le secteur public prévoit en faveur de la victime une présomption d'exposition aux risques professionnels dont elle réserve la preuve contraire » et que « l'article X.III.4 de l'arrêté royal du 30 mars 2001 applicable en l'espèce se réfère à une ‘maladie professionnelle', c'est-à-dire à une maladie professionnelle de la liste », pour décider que la présomption édictée par cette dernière disposition n'est pas applicable dans la situation de la demanderesse qui fait valoir une maladie « hors liste », lit dans l'article 2, alinéa 6, de la loi du 3 juillet 1967 et dans les articles X.III.1, 5°, 1), et X.III.4 de l'arrêté royal du 30 mars 2001 une distinction qu'ils ne contiennent pas et viole, partant, ces dispositions ainsi que l'article 32, spécialement alinéas 4 et 5, des lois coordonnées du 3 juin 1970, dont il fait illégalement application.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

En vertu de l'article 1er, alinéa 1er, 11°, de la loi du 3 juillet 1967 sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public, le régime institué par cette loi est, par arrêté délibéré en conseil des ministres, rendu applicable par le Roi, aux conditions et dans les limites qu'Il fixe, aux membres du personnel définitif, stagiaire, temporaire, auxiliaire ou engagés par contrat de travail qui appartiennent aux corps de police locale.
Pris en exécution de cette disposition, l'article X.III.2 de l'arrêté royal du 30 mars 2001 portant la position juridique du personnel des services de police déclare la réglementation établie par la loi du 3 juillet 1967 applicable aux membres de ce personnel, à l'exception de l'article 16 de cette loi.
À l'instar de l'article 2, alinéa 6, de la loi du 3 juillet 1967, qui entend par maladies professionnelles celles qui sont reconnues comme telles en exécution des articles 30 et 30bis des lois relatives à la réparation des dommages résultant des maladies professionnelles, coordonnées le 3 juin 1970, l'article X.III.1er, 5°, 1), de cet arrêté entend par maladies professionnelles celles qui sont reconnues comme telles par lesdites lois coordonnées.
L'article X.III.4, alinéa 1er, du même arrêté dispose que la réparation des dommages résultant d'une maladie professionnelle est due lorsqu'un membre du personnel, victime de cette maladie, a été exposé au risque professionnel de ladite maladie pendant tout ou partie de la période au cours de laquelle il appartenait à l'une des catégories d'ayants droit en vertu des dispositions de cet arrêté.
Aux termes de l'alinéa 2 du même article, tout travail exécuté dans des administrations, services, établissements et institutions pendant les périodes mentionnées dans l'alinéa 1er est présumé, jusqu'à preuve du contraire, avoir exposé la victime au risque visé dans cet alinéa.
Il suit de ces dispositions que, si, s'agissant des maladies professionnelles dont les dommages donnent lieu à réparation, l'arrêté royal du 30 mars 2001, comme la loi du 3 juillet 1967, fait référence aux maladies qui sont visées tant à l'article 30 qu'à l'article 30bis des lois coordonnées du 3 juin 1970, l'article X.III.4 de cet arrêté, qui, sous réserve de la preuve contraire, présume la condition d'exposition au risque professionnel à laquelle il subordonne la réparation du dommage, exclut l'application de l'article 32 desdites lois coordonnées, auquel il ne se réfère pas davantage que la loi du 3 juillet 1967.
L'application de cette présomption d'exposition au risque professionnel n'est pas limitée aux seules maladies professionnelles reprises sur la liste dressée par le Roi en exécution de l'article 30, alinéa 1er, des lois coordonnées du 3 juin 1970 mais s'étend aux maladies qui, tout en ne figurant pas sur cette liste, trouvent leur cause directe et déterminante dans l'exercice de la profession, au sens de l'article 30bis de ces lois.
En tenant l'article 32, alinéa 5, des lois coordonnées du 3 juin 1970 pour applicable au litige relatif à la réparation du dommage résultant de la maladie visée à l'article 30bis de ces lois dont serait atteinte la demanderesse, inspecteur de police au service de la défenderesse, l'arrêt viole les dispositions légales précitées.
Le moyen est fondé.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Vu l'article 16, alinéa 2, de la loi du 3 juillet 1967 sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public, condamne la défenderesse aux dépens ;
Renvoie la cause devant la cour du travail de Liège.
Les dépens taxés à la somme de deux cent vingt-huit euros cinquante-trois centimes envers la partie demanderesse et à la somme de vingt euros au profit du Fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Koen Mestdagh, Mireille Delange, Antoine Lievens et Eric de Formanoir, et prononcé en audience publique du dix décembre deux mille dix-huit par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.
L. Body E. de Formanoir A. Lievens
M. Delange K. Mestdagh Chr. Storck


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.18.0001.F
Date de la décision : 10/12/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-12-10;s.18.0001.f ?

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