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06/12/2018 | BELGIQUE | N°C.17.0700.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 décembre 2018, C.17.0700.F


N° C.17.0700.F
ASSOCIATION DES COPROPRIÉTAIRES PARC RÉSIDENTIEL ...,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,

contre

SOGESTIM, société anonyme, dont le siège social est établi à Couvin, chemin de Tromcourt, 15,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est

fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé con...

N° C.17.0700.F
ASSOCIATION DES COPROPRIÉTAIRES PARC RÉSIDENTIEL ...,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,

contre

SOGESTIM, société anonyme, dont le siège social est établi à Couvin, chemin de Tromcourt, 15,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 30 octobre 2015 par le tribunal de première instance du Hainaut, statuant en degré d'appel.
Le conseiller Ariane Jacquemin a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.

III. La décision de la Cour

Sur le moyen :

Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen par la défenderesse et déduite du défaut d'intérêt :

La défenderesse soutient que le moyen, pris de la violation des seuls articles 577-3 à 577-14 du Code civil, dont le jugement attaqué exclut l'application, est dénué d'intérêt dès lors que l'article 577-2, §§ 9 et 10, du même code, dont ce jugement fait application, suffit à le justifier légalement.
L'article 577-2, §§ 9 et 10, s'applique à toute copropriété forcée en général et les articles 577-3 à 577-14 s'appliquent impérativement à la copropriété forcée des immeubles ou groupes d'immeubles bâtis, en manière telle que l'application de l'article 577-2, §§ 9 et 10, ne dispense pas le juge d'appliquer les articles 577-3 à 577-14 à une copropriété forcée d'immeubles ou groupes d'immeubles bâtis.
L'examen de la fin de non-recevoir, qui suppose que le litige ne concerne pas une copropriété forcée d'immeubles ou de groupe d'immeubles bâtis, est lié à celui du moyen.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.

Sur le fondement du moyen :

En vertu de l'article 577-3, alinéa 1er, du Code civil, dans sa version applicable aux faits, l'article 577-2, § 9, et les articles 577-3 à 577-14 sont applicables à tout immeuble ou groupes d'immeubles bâtis dont la propriété est répartie entre plusieurs personnes par lots comprenant chacun une partie privative bâtie et une quote-part dans des éléments immobiliers communs.
Par « immeuble bâti » et « partie privative bâtie », l'article 577-3 du Code civil entend les immeubles et les parties privatives bâtis ou susceptibles d'être bâtis.
Le jugement attaqué constate que le litige concerne le paiement de charges afférentes à des parcelles non bâties dont la défenderesse était propriétaire au sein du parc résidentiel ... et que ce parc est en état de copropriété forcée dès lors qu'il comprend des parties communes affectées à l'usage commun d'héritages distincts.
En considérant que toutes les parties privatives du parc ne sont pas bâties et qu'il est irrelevant que les parcelles non bâties soient susceptibles de l'être, le jugement attaqué ne justifie pas légalement sa décision que les articles 577-3 à 577-14 du Code civil ne sont pas applicables.
Le moyen est fondé.

Par ces motifs,

La Cour

Casse le jugement attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant le tribunal de première instance de Namur, siégeant en degré d'appel.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Mireille Delange, Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du six décembre deux mille dix-huit par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont A. Jacquemin S. Geubel
M. Delange D. Batselé Chr. Storck


Requête
1er feuillet

REQUETE EN CASSATION
____________________

Pour : L'association des copropriétaires PARC RESIDENTIEL ...,

demanderesse,

assistée et représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocate à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à 4020 Liège, rue de Chaudfontaine, 11 où il est fait élection de domicile,

Contre : La S.A.. SOGESTIM, inscrite à la BCE sous le n° 0441.721.172, ayant son siège social à 5660 Couvin, rue de Tromcourt, 15,

Défenderesse,

A Messieurs les Premier Président et Présidents, Mesdames et Messieurs les Conseillers composant la Cour de cassation,

2ème feuillet

Messieurs, Mesdames,

La demanderesse a l'honneur de déférer à votre censure le jugement prononcé contradictoirement entre parties le 30 octobre 2015 par la troisième chambre civile du tribunal de première instance du Hainaut, division de Charleroi (n°12/2233/A).

Les faits et antécédents de la cause, tels qu'ils ressortent des pièces auxquelles votre Cour peut avoir égard, peuvent être brièvement résumés comme suit.

1. La défenderesse est propriétaire de plusieurs parcelles situées dans le domaine résidentiel .... Ce domaine résulte de la réunion de parcelles ayant appartenu, d'une part, à une dame B. et, d'autre part, à une société Delta Promotion. Ces personnes ont conclu une convention de lotissement en vertu de laquelle la société Delta s'engage à vendre ou louer les parcelles en vue de réaliser un parc résidentiel.

Par acte du 20 décembre 1977, Madame B. et la société Delta Promotion ont convenu que le domaine résidentiel est régi par l'article 577bis du Code civil, ainsi que par l'acte de base et le règlement de copropriété rédigés à cette date. Ce dernier prévoit que la répartition des charges a "un caractère forfaitaire" et qu'elles "se répartissent proportionnellement aux droits de chacun dans la copropriété".


2. Par exploit du 17 décembre 2010, la demanderesse cite la défenderesse devant le juge de paix du canton de Beaumont, afin d'obtenir sa condamnation à lui verser la somme de 10.487,32 euro à titre d'arriérés de charges. La défenderesse soutient que l'action est irrecevable et de toute manière non fondée.

3ème feuillet

Par jugement du 12 juin 2012, le juge de paix de Beaumont, avant dire droit quant à la recevabilité et au fondement de la demande, estime qu'il importe de vérifier la réalité des montants réclamés et désigne un comptable afin d'examiner si les postes réclamés sont justifiés, sur quelles décisions de l'assemblée générale ils reposent le cas échéant, sur quelles bases ils ont été calculés, s'ils correspondent aux pièces justificatives, etc.

3. Par requête déposée le 12 juillet 2012, la demanderesse interjette appel de ce jugement afin d'obtenir sa réformation intégrale et d'entendre déclarer son action recevable et fondée. Elle fait valoir qu'en ordonnant une mesure avant dire droit, la décision cantonale lèse ses intérêts dans la mesure où l'expertise n'est nullement nécessaire. En effet, selon elle, la loi sur la copropriété forcée d'immeubles ou groupes d'immeubles s'applique et, partant, les contestations des décomptes de charges ne sont pas justifiées quand les comptes ont été approuvés par l'assemblée générale.

Par voie de conclusions, la défenderesse introduit un appel incident postulant que la demande originaire soit déclarée irrecevable ou à tout le moins non fondée. A titre subsidiaire, elle sollicite la confirmation du jugement entrepris et le renvoi de la cause devant le premier juge pour l'exécution de la mesure d'instruction.

Le jugement attaqué reçoit les appels principal et incident, déclare l'appel principal partiellement fondé et la demande originaire recevable, sous réserve de l'examen du moyen pris de la prescription extinctive. Quant au fond, le tribunal estime que les articles 577-3 et suivants du Code civil ne sont pas applicables à la demanderesse. Il en résulte selon lui que les décisions de l'assemblée générale de la demanderesse ne sont pas automatiquement opposables aux copropriétaires nonobstant l'absence de recours en annulation organisé par l'article 577-9 du code civil. Avant dire droit pour le surplus, il désigne un expert avec pour mission de vérifier dans quelle mesure les charges réclamées sont justifiées.

4ème feuillet

A l'encontre de ce jugement, la demanderesse croit pouvoir invoquer le moyen de cassation suivant.

I.
II.
III. MOYEN UNIQUE DE CASSATION

Dispositions violées

Les articles 577-3 à 577-14 du Code civil.

Décision critiquée

Le jugement attaqué exclut l'application des articles 577-3 à 577-14 au parc résidentiel de la demanderesse et partant décide que les décisions de l'assemblée générale de la demanderesse ne sont pas automatiquement opposables aux copropriétaires nonobstant l'absence de recours en annulation organisé par l'article 577-9 du code civil, de sorte qu'avant dire droit pour le surplus, il désigne un expert avec pour mission de vérifier dans quelle mesure les charges réclamées sont justifiées, pour tous ses motifs réputés ici intégralement reproduits, et spécialement pour les motifs que :
« Attendu que l'article 577-3 du Code civil dispose que « Les principes relatifs à la copropriété forcée énoncés à l'article 577-2, § 9, et les règles de la présente section, sont applicables à tout immeuble ou groupe d'immeubles bâtis dont la propriété est répartie entre plusieurs personnes par lots comprenant chacun une partie privative bâtie et une quote-part dans des éléments immobiliers communs. Ils ne s'y appliquent pas si la nature des biens ne le justifie pas et que tous les copropriétaires s'accordent sur cette dérogation... »;

5ème feuillet

Qu'il ne peut être déduit de l'arrêt de la Cour de cassation du 17 mars 2014, comme le soutient l'ACP Parc Résidentiel ..., que si elle démontre que toutes les parcelles sont susceptibles d'être bâties, les articles 577-3 et suivants du Code civil trouvent à s'appliquer ;
Qu'en effet, le moyen qui avait été soulevé quant à ce manquait en fait dès lors qu'il résultait d'une lecture erronée de la décision entreprise ;
Qu'une telle décision « s'apparente à une déclaration d'irrecevabilité du moyen en ce sens qu'il est sans intérêt d'examiner si la thèse juridique défendue par le demandeur est ou non justifiée ; la prémisse de son raisonnement ne correspondant pas à la réalité, la conclusion qu'il en déduit ne saurait avoir un effet quelconque. » (Cassation en matière répressive, Raoul DECLERCQ, Bruylant, 2006, n° 840) ;
Que la doctrine citée est applicable en matière civile.
Attendu que la décision de la Cour de cassation du 17 mars 2014 est dès lors sans incidence sur la solution du litige et que la conclusion tirée par l'ACP Parc Résidentiel ... de sa motivation est, par voie de conséquence, inexacte.
Attendu que l'article 577-3 du Code civil étant clair, il n'y a pas lieu à interprétation et il ne convient pas d'ajouter à la loi ;
Qu'en effet, « la condition nécessaire (...) de l'interprétation de la loi fait défaut lorsque la loi est claire dans son contenu, qu'elle est dépourvue de difficulté d'interprétation, d'ambiguïté, de contradiction ou ne présente pas de lacune, dans la ou les dispositions légales concernées et lorsqu'elle ne pose pas un réel problème d'application (...) l'on peut exprimer cette condition sous la forme d'un principe qui exclut l'interprétation lois que le texte légal est clair, par l'adage « Interpretatio cessat in claris » « l'interprétation cesse lorsque le texte est clair »... » ;
Que lorsque la loi est claire et précise, « l'on ne saurait se référer alors aux travaux préparatoires de la loi pour régler un problème d'application de la loi claire dans son contenu, et encore moins faire primer ces travaux préparatoires sur la loi elle-même ; ». (Interprétation de la loi, fiction juridique, immeubles par nature et par destination économique, J-F. ROMAIN, R.C.J.B. 2010, p. 63 et s. ) ;

6ème feuillet

Qu'en outre, même si les travaux préparatoires de la loi du 2 juin 2010 font état d'immeubles non bâtis, cette loi n'est applicable que depuis le ler septembre 2010 ;
Que, de plus, le texte - clair, comme il est dit ci-avant - n'a pas été modifié, malgré une proposition d'amendement visant la suppression du terme « bâti ».
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que le fait que les parcelles soient « susceptibles d'être bâties » est irrelevant et que les articles 577-3 et suivants du Code civil ne sont pas applicables en la présente cause, dès lors que toutes les parcelles ne sont pas bâties ;
Que la décision attaquée mentionnait à cet égard que « Une assimilation des parcelles non bâties à de futures parcelles bâties, au seul motif de la composition « mixte » d'un ensemble résidentiel, reviendrait à ajouter indûment au texte légal ou à faire une interprétation extensive non justifiée par des éléments objectifs suffisants. » ;
Que, dans le même sens, Monsieur Michel FIANOTIAU écrit « On peut en conclure que le régime nouveau ne s'appliquera donc pas si le bien privatif d'un des consorts n'est pas bâti. » (Copropriété- La loi du 30 juin 1994 modifiant et complétant les dispositions du Code civil relatives à la copropriété- colloque organisé le 7 octobre 1994 par le centre de recherches juridiques sous la direction de Nicole VERHEYDEN-JEANMART, p. 52 ).
Attendu que l'existence de difficultés procédurales et de gestion en cas d'inapplicabilité de la loi du 30 juin 1994 aux parcs résidentiels est sans incidence, d'autant que la doctrine et la jurisprudence antérieures à ladite loi étaient favorables à l'action mue par un mandataire des copropriétaires ;
Qu'en l'espèce, le règlement de copropriété prévoit que «L'administration de l'ensemble immobilier appartient à l'assemblée générale des copropriétaires qui est souveraine maîtresse des intérêts communs. » ;
Que, de plus, un éventuel moyen relatif à la licéité d'une action menée par un mandataire ad litem doit « être soulevée in limine litis et n'est donc pas d'ordre public» et que le défendeur doit démontrer l'existence d'un préjudice sur la base de l'article 861 du Code judiciaire ( Philippe BOSSARD, « L'action en justice d'un tiers contre une copropriété, in J.T. 1988, p.17 et s. ).
Attendu que L'ACP Parc Résidentiel ... fait état de l'application de l'article 577-2 du Code civil, à défaut d'application de l'article 577-3 du Code civil, ce qui engendrerait des difficultés ;

7ème feuillet

L'article 577-2 du Code civil dispose que
« § 1. A défaut de conventions et de dispositions spéciales, la propriété d'une chose qui appartient indivisément à plusieurs personnes est régie ainsi qu'il suit :
§ 2. Les parts indivises sont présumées égales.
§ 3. Le copropriétaire participe aux droits et aux charges de la propriété en proportion de sa part.
§ 4. Le copropriétaire peut disposer de sa part et la grever de droits réels.
§ 5. Le copropriétaire peut user et jouir de la chose commune conformément à sa destination et dans la mesure compatible avec le droit de ses consorts.
Il fait valablement les actes purement conservatoires et les actes d'administration provisoire.
§ 6. Ne sont valables que moyennant le concours de tous les copropriétaires les autres actes d'administration et les actes de disposition. Néanmoins, l'un des copropriétaires peut contraindre les autres à participer aux actes d'administration reconnus nécessaires par le juge.
§ 7. Chacun des copropriétaires contribue aux dépenses utiles de conservation et d'entretien, ainsi qu'aux frais d'administration, impôts et autres charges de la chose commune.
§ 8. Le partage de la chose commune est régi par des règles établies au titre Des successions.
§ 9 [Néanmoins, les biens immobiliers indivis qui sont affectés à l'usage commun de deux ou plusieurs héritages distincts appartenant à des propriétaires différents ne sont point sujets à partage.
La quote-part dans les biens immobiliers indivis ne peut être aliénée, grevée de droits réels ou saisie qu'avec l'héritage dont elle est inséparable.
Les charges de cette copropriété notamment les frais d'entretien, de réparation et de réfection, doivent être réparties en fonction de la valeur respective de chaque bien privatif, sauf si les parties décident de les répartir en proportion de l'utilité pour chaque bien privatif, des biens et services communs donnant lieu à ces charges. Les parties peuvent également combiner les critères de valeur et d'utilité. (souligné par le tribunal)
Les dispositions du présent paragraphe sont impératives.
§ 10. Dans le cas prévu au § 9, il est loisible à chacun des copropriétaires de modifier à ses frais la chose commune, pourvu qu'il n'en change pas la destination et qu'il ne nuise pas aux droits de ses consorts. » ;
Que l'article 577-2 §§ 1 à 8 du Code civil a trait à la copropriété ordinaire, laquelle se définit comme suit :

8ème feuillet

« La copropriété est la propriété de plusieurs personnes sur une chose indivise entre elles. », c'est-à-dire celle dont il est toujours possible de sortir à tout moment, par le partage;
Que tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors qu'il ressort de l'acte de base que le Parc Résidentiel ... comprend des parties communes affectées à l'usage commun d'héritages distincts ;
Que la copropriété est soustraite au partage tant que persiste la situation qui est la source de l'indivision ;
Que la section III du Chapitre I du règlement général de copropriété prévoit explicitement que « Le partage des choses communes ne pourra jamais être demandé.»;
Qu'il s'agit de la copropriété forcée régie par les articles 577-2 §§ 9 et 10 de la loi du 30 juin 1994 ;
Que les articles 577-3 et suivants ont trait à une hypothèse particulière de copropriété forcée : le régime des immeubles bâtis.
Attendu qu'en l'absence d'application des articles 577-3 et suivants du Code civil, il convient de se référer aux conventions entre parties, lesquelles font la loi entre elles, à savoir notamment l'acte de base et le règlement général de copropriété.
Attendu que, même si le règlement général de copropriété prévoit que les décisions régulièrement prises lient les propriétaires, il n'est pas établi que tel serait le cas, dès lors qu'il n'est pas démontré que :
- le gérant ait communiqué au moins quinze jours à l'avance les comptes de gestion au Président et aux deux assesseurs (chapitre V, section XIII )
- Les comptes aient été adressés à chaque propriétaire au moins un mois avant la date de l'assemblée générale (chapitre VII, section XXII ) ; ils n'ont dès lors pu être régulièrement approuvés. La S.A. SOGESTIM conclut notamment à cet égard qu' «Elle n'a reçu ni décompte individuel des charges, lot par lot ni communication des comptes annuels avant l'assemblée générale. »
- La décision de l'assemblée générale ait été notifiée aux copropriétaires non présents et non représentés dans les quinze jours suivant l'assemblée.
Attendu que le courrier du 17 janvier 2014 du syndic au conseil de l'ACP est insuffisant pour démontrer le respect du règlement de copropriété.
9ème feuillet

Attendu que les décisions de l'assemblée générale ne sont dès lors pas ipso facto opposables en l'absence de recours ».

Griefs

La loi du 30 juin 1994 a inséré dans le Code civil une section consacrée à la copropriété forcée des immeubles ou groupes d'immeubles bâtis et composée des articles 577-3 à 577-14, qui présentent un caractère impératif en vertu de cette dernière disposition.

L'article 577-3 du Code civil stipule que "les principes relatifs à la copropriété forcée énoncés à l'article 577-2, § 9, et les règles de la présente section, sont applicables à tout immeuble ou groupe d'immeubles bâtis dont la propriété est répartie entre plusieurs personnes par lots comprenant chacun une partie privative bâtie et une quote-part dans des éléments immobiliers communs. Ils ne s'y appliquent pas si la nature des biens ne le justifie pas et que tous les copropriétaires s'accordent sur cette dérogation".

En vertu de l'article 577-5 du même code, l'assocation des copropriétaires acquiert la personnalité juridique par la réunion des deux conditions que sont la naissance de l'indivision par la cession ou l'attribution d'un lot au moins et la transcription de l'acte de base et du règlement de coprorpiété.

L'application des articles 577-3 à 577-14 du Code civil n'est pas limitée aux seuls groupes d'immeubles dont toutes les parties privatives de tous les lots sont déjà bâties mais s'étend à tous les immeubles ou groupes d'immeubles bâtis dont la propriété est répartie entre plusieurs personnes, par lots comprenant chacun une partie privative bâtie ou susceptible de l'être et une quote-part dans des éléments immobiliers communs.

Les travaux préparatoires de la loi du 2 juin 2010, modifiant le code civil afin de moderniser le fonctionnement des copropriétés et d'accroître la transparence de leur gestion, confirment l'application des articles 577-3 à 577-14 dès l'origine aux parcs résidentiels. Il précise
10ème feuillet

que: "Lorsque les conditions matérielles sont présentes, c'est-à-dire si deux lots appartiennent à deux propriétaires différents avec des parties communes, la loi sur les appartements est applicable, que les parties correspondent ou non à un logement" et que "l'objectif du législateur n'est pas d'exclure le champ d'application du droit des appartements dès qu'il y a un lot non bâti. Une partie privative doit également être considérée comme bâtie lorsqu'elle le sera ou pourra l'être".

En considérant qu' « il résulte de ce qui précède que le fait que les parcelles soient «susceptibles d'être bâties » est irrelevant et que les articles 577-3 et suivants du Code civil ne sont pas applicables en la présente cause, dès lors que toutes les parcelles ne sont pas bâties », tout en ayant relevé que le parc de la demanderesse est en état de copropriété forcée « dès lors qu'il ressort de l'acte de base que le Parc Résidentiel ... comprend des parties communes affectées à l'usage commun d'héritages distincts », le jugement attaqué n'est pas légalement justifié (violation des articles 577-3 à 577-14 du Code civil).

Développements du moyen unique de cassation

La présence du terme « bâti » dans l'article 577-3 du Code civil ne limite pas l'application des articles 577-3 à 577-14 du Code civil aux seuls groupes d'immeubles dont toutes les parties privatives de tous les lots sont déjà bâties.

Les travaux préparatoires de la loi du 30 juin 1994 précisent en effet que les articles 577-3 à 577-14 du Code civil ont vocation à s'appliquer à tous les immeubles ou groupes d'immeubles bâtis "dont la propriété est répartie entre plusieurs personnes, par lots comprenant chacun une partie privative et une quote-part dans des éléments immobiliers communs", ce qui inclut, aux termes des travaux préparatoires, les groupes d'immeubles bâtis non divisés par étages ou appartements, tels que des villas individuelles, au service desquels sont affectés des biens immobiliers mis en état de copropriété, tels des aires de parcage, piscines, jardins.

11ème feuillet

Il est certain que la loi du 30 juin 1994 s'applique dès l'origine aux groupes d'immeubles dont certains lots sont bâtis tandis que d'autres ne le sont pas dès lors que ces derniers pourraient l'être.

Cette conception est depuis longtemps soutenue par la doctrine majoritaire. Ainsi, H. Casman indique que "dans le prolongement de l'acception donnée par la doctrine à la notion d'immeuble bâti, une partie privative doit être considérée comme bâtie si elle va l'être, ou est susceptible de l'être. Et même si le parc comprend des parcelles qui ne seront sans doute jamais bâties, cela ne suffit pas pour décider que l'article 577-3 ne trouve pas à s'appliquer si, comme en l'espèce, une réglementation sur l'aménagement du territoire impose l'établissement d'un acte de base - c-à-d des statuts au sens de la loi du 30 (juin) 1994" (H. Casman, « Le champ d'application de la loi : les immeubles concernés », in La copropriété forcée des immeubles et groupes d'immeubles bâtis. 5 ans d'application de la loi du 30 juin 1994, 2001, p. 12). L'auteur visait précisément le cas des parcs résidentiels, auxquels l'arrêté royal du 30 octobre 1973 imposait la rédaction d'un acte de base; cet arrêté royal fut abrogé par le CWATUPE, qui reprend en son article 145 l'obligation de prévoir dans le dossier de permis de lotir le texte de l'acte de base fixant entre le demandeur et chaque acquéreur de parcelle le régime de la copropriété des biens communautaires.

Cette idée que la parcelle doit être considérée comme bâtie au sens de l'article 577-3 du Code civil lorsqu'elle est susceptible de l'être est également défendue par d'autres auteurs (voy. V. Sagaert, Beginselen van Belgisch privaatrecht, V, Goederenrecht, p. 315, n° 382; R. Timmermans, « Weekendverblijfparken onder het toepassingsgebied van de Appartementswet », T. App., 2000/3, p. 18). C. Mostin et J.-F. Taymans observent ainsi qu'il se peut qu'en raison de divers aléas, un parc résidentiel ou un lotissement comprenne des parties privatives qui ne soient pas rapidement, voire jamais, bâties. Ils estiment que, si le complexe est régi par des statuts transcrits, l'absence de construction sur certaines parties privatives de celui-ci ne peut conduire à une non application de la loi du 30 juin 1994; cette situation serait contraire à la volonté du législateur et source d'insécurité juridique (C. Mostin et J.-F. Taymans, « Le régime d'exception aux dispositions impératives de la loi sur la copropriété », Revue pratique de l'immobilier, 2008/3, p. 102).

12ème feuillet

L'opinion se retrouve également dans plusieurs décisions dont celle, inédite, du juge de paix de Beaumont du 23 novembre 2016, dans un arrêt de la cour d'appel de Mons du 20 septembre 2016, dans un jugement du tribunal civil de Dinant du 28 octobre 2009 (T. app., 2010/1, p. 48), dans celui du 20 janvier 2005 du juge de paix de Furnes (T. app., 2005/3, p. 18), et dans celui du 13 juin 2017 du tribunal de première instance du Hainaut, division Charleroi, autrement composé, également relatif à une réclamation d'arriérés de charges par la demanderesse. Dans certains cas, il n'existe même aucune contestation quant à l'application des articles 577-3 à 14 du Code civil à des parcs résidentiels (voy. Civ. Gand, 20 décembre 2002, R.G.D.C., 2002, p. 417; Civ. Dinant, 1er juin 2001, J.L.M.B., 2002, p. 1060).

Lors des travaux préparatoires de la loi du 2 juin 2010, il fut proposé de supprimer le mot « bâti » des articles 577-3 et 577-4 du Code civil ainsi que du titre de la section. La justification de cette suppression était qu'« il faut permettre de soumettre aux règles de copropriété les lots non bâtis mais destinés à recevoir un immeuble en copropriété et faisant partie de parcs résidentiels. En effet, à l'heure actuelle, ils ne sont pas régis par les dispositions sur la copropriété et sont souvent laissés sans gestion » (voy. Proposition de loi visant à moderniser et assurer une meilleure transparence dans le fonctionnement des copropriétés, Amendements, 23 juin 2009, Ch. repr.,sess. ord. 2008-2009, n°1334/008, p. 3). Cette proposition fut adoptée par la Chambre des représentants le 16 juillet 2009.

Cependant, au Sénat, le terme « bâti » fut réintégré dans les articles 577-3 et 577-4 du Code civil ainsi que dans le titre de la section (voy. à cet égard,
A. Salvé, "La loi du 2 juin 2010 : champ d'application, modifications légales des statuts et droit transitoire", in La copropriété par appartements : la réforme de 2010, La charte, 2010, p. 24).

Lors de la discussion relative à cet amendement, il fut indiqué que :

"Actuellement, la loi s'applique non seulement aux immeubles à appartements ou aux groupes d'immeubles, mais aussi aux immeubles fonctionnellement connexes. L'intervenant cite l'exemple des groupes de logements à usage permanent, mais aussi des immeubles à usage temporaire comme des maisons de vacances ou des logements de week-end, à condition également
13ème feuillet

qu'ils comportent des éléments communs, tels que des restaurants, des magasins, des terrains de tennis, des parkings, etc. Cependant, lorsque l'infrastructure commune reste la propriété exclusive du fondateur du complexe, tout en étant uniquement grevée de servitudes au profit de tiers, la loi relative aux appartements n'est pas applicable.
(...) Lorsque les conditions matérielles sont présentes, c'est-à-dire si deux lots appartiennent à deux propriétaires différents avec des parties communes, la loi sur les appartements est applicable, que les parties correspondent ou non à un logement" (voy. Projet de loi visant à moderniser et assurer une meilleure transparence dans le fonctionnement des copropriétés, Rapport, 4 mai 2010, Sénat, sess. ord. 2009-2010, n°1409/10, p. 18).

Le maintien du terme "bâti" dans le texte de loi n'avait donc nullement pour but d'exclure les parcs résidentiels de son champ d'application ; les sénateurs ont en effet estimé que ces parcs étant déjà soumis à la loi du 30 juin 1994 au regard des travaux préparatoires de cette loi, il n'y avait pas lieu d'en modifier le texte.

Ainsi peut-on lire dans les travaux préparatoires de la loi du 2 juin 2010 :

"Selon l'article 577-3, les lots doivent entre autres comprendre chacun une partie privative bâtie. Le fait de savoir si quelque chose est bâti est une question de fait pour laquelle il faut prendre comme principe de départ une installation (durable).
Selon Hanotiau, cette condition signifie que: «On peut en conclure que le régime nouveau ne s'appliquera donc pas si le bien privatif d'un des consorts n'est pas bâti» (M. Hanotiau, «Du champ d'application de la loi» in copropriété, Colloque organisé le 7 octobre 1994 par le Centre de recherches juridiques de l'UCL sous la direction de Nicole Verheyden-Jeanmart, Ed. de l'université catholique de Louvain, 52). Cette thèse a été suivie par le juge de paix de Couvin dans son jugement du 28 janvier 1999 (J.P. Couvin, 28 janvier 1999, Rev. not. b., 2000, 209). Cette thèse n'est pas conforme à l'interprétation que le législateur donne à cette disposition. L'objectif du législateur n'est pas d'exclure le champ d'application du droit des appartements dès qu'il y a un lot non bâti. Une partie privative doit également être considérée comme bâtie lorsqu'elle le sera ou

14ème feuillet

pourra l'être (Voir J.P. Veurne, 20 janvier 2005, T. App., 2005/3, 39; H. Casman, «Le champ d'application de la loi: les immeubles concernés» dans La copropriété forcée des immeubles et groupes d'immeubles bâtis, Colloque organisé le 16 mars 2001 par le Centre de recherches juridiques de l'U.C.L. sous la direction de Nicole Verheyden-Jeanmart, Ed. de l'université catholique de Louvain, 12). C'est à l'acte de base de définir le champ d'application. (...).
L'argumentation étayée qui précède montre à suffisance que le texte de loi original s'applique déjà aux hypothèses dont traite l'amendement 97 de la Chambre (Doc. Parl., Chambre 1990-1991, nº 1756/1-90/91, 9). Le texte de loi original ne doit donc pas être modifié" (soulignement ajouté).

Contrairement à ce que considère le jugement attaqué, la loi du 2 juin 2010 n'a pas modifié la situation des parcs résidentiels comprenant des parties privatives bâties et des parties privatives non bâties en les soumettant pour l'avenir aux articles 577-3 et suivants du Code civil dès lors que ces dispositions leur étaient déjà applicables. Comme le relève Arianne SALVE, les parlementaires ont confirmé le choix d'une application souple du critère matériel permettant l'application de la loi aux parcs résidentiels (voy. "La loi du 2 juin 2010 : champ d'application, modifications légales des statuts et droit transitoire", in La copropriété par appartements : la réforme de 2010, La charte, 2010, p. 24), en précisant que "la loi s'applique non seulement aux immeubles à appartements ou aux groupes d'immeubles, mais aussi aux immeubles fonctionnellement connexes", tels de parcs résidentiels "à condition également qu'ils comportent des éléments communs".

Cette solution est renforcée par l'objectif de la loi du 30 juin 1994, qui a organisé tout le régime juridique de la copropriété forcée des immeubles ou groupes d'immeubles bâtis. Cet objectif était de solutionner les problèmes liés, d'une part, à l'absence de personnalité juridique du groupement formé par l'ensemble des copropriétaires lors, notamment, d'actions judiciaires concernant ce groupement, d'autre part, à la question de l'opposabilité des actes qui constituent la charte de la copropriété.

Concernant le champ d'application de la loi, les travaux préparatoires indiquent qu'elle "s'applique donc à tous les immeubles bâtis ou groupes d'immeubles bâtis dont la propriété est répartie entre plusieurs personnes, par lots comprenant chacun une partie privative et
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une quote-part dans des éléments immobiliers communs", ce qui inclut les groupes d'immeubles bâtis non divisés par étages ou appartements, telles que des villas individuelles, au service desquels sont affectés des biens immobiliers mis en état de copropriété, tels des aires de parcage, piscine, jardin,... L'application de la loi du 30 juin 1994 ne peut être écartée que si la nature des biens le permet. Les travaux préparatoires précisent qu' "il ne s'agit donc nullement d'un système facultatif dont l'application serait laissée à la libre appréciation des intéressés" (voy. Projet de loi modifiant et complétant les dispositions du Code civil relatives à la copropriété, Exposé des motifs, Ch. repr.,sess. ord., 1990-1991, 1756/1-90/91).

Le prochain projet de loi envisagé par le ministre de la Justice prévoit d'ailleurs le remplacement à l'article 577-3, alinéa 1er, première phrase, du Code civil des mots « tout immeuble ou groupe d'immeubles bâtis dont le droit de propriété est réparti entre plusieurs personnes par lots comprenant chacun une partie privative bâtie » par les mots : «tout immeuble ou groupe d'immeubles bâti ou susceptible d'être bâti, dont le droit de propriété est réparti par lot comprenant chacun une partie privative et (...) » (Réforme des dispositions relatives à la copropriété forcée d'immeubles et groupes d'immeubles bâtis, www.koengeens.be).

En l'espèce, l'ensemble immobilier comprenait plus de deux lots appartenant à des propriétaires différents et des parties communes affectées à l'usage de parties privatives, bâties ou susceptibles de l'être, le jugement attaqué relevant qu' « il ressort de l'acte de base que le Parc Résidentiel ... comprend des parties communes affectées à l'usage commun d'héritages distincts », de sorte que les dispositions des articles 577-3 et suivants du Code civil lui étaient applicables.

16ème et dernier feuillet

PAR CES CONSIDERATIONS,

L'avocate à la Cour de cassation soussignée, pour la demanderesse, conclut qu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser le jugement attaqué; ordonner que mention de votre arrêt soit faite en marge de la décision annulée; renvoyer la cause et les parties devant un autre tribunal de première instance; statuer comme de droit quant aux dépens.

Jacqueline Oosterbosch

Le 11 décembre 2017


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.17.0700.F
Date de la décision : 06/12/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-12-06;c.17.0700.f ?

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