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04/12/2018 | BELGIQUE | N°P.18.1184.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 04 décembre 2018, P.18.1184.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.18.1184.N
B. V.,
inculpé,
demandeur en cassation,
Me Paul Lefebvre, avocat à la Cour de cassation, et Joachim Meese, avocat au barreau de Gand.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 16 novembre 2018 par la cour d'appel d'Anvers, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
L'avocat général Marc Timperman a co

nclu.



II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

1. Le moyen invoque la violation des a...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.18.1184.N
B. V.,
inculpé,
demandeur en cassation,
Me Paul Lefebvre, avocat à la Cour de cassation, et Joachim Meese, avocat au barreau de Gand.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 16 novembre 2018 par la cour d'appel d'Anvers, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
L'avocat général Marc Timperman a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

1. Le moyen invoque la violation des articles 5, 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 12 de la Constitution, 1317, 1319, 1320, 1322 du Code civil, 23, 24 et 25 du Code judiciaire, ainsi que la méconnaissance du principe général du droit relatif à l'autorité de la chose jugée des décisions judiciaires.

Quant à la première branche :

2. Le moyen invoque l'irrégularité du mandat d'arrêt décerné le 11 octobre 2018 parce qu'il a été délivré par un juge d'instruction qui a fait l'objet par la suite d'une récusation et à l'égard duquel l'arrêt de récusation du 12 novembre 2018 a démontré qu'il entretenait dès l'entame de l'instruction judiciaire et donc au moment et après la délivrance du mandat d'arrêt des liens avec l'Union Royale Belge des Sociétés de Football-Association (ci-après : U.R.B.S.F.A.) ; le moyen ajoute que ce magistrat ne satisfaisait donc pas aux conditions d'indépendance et d'impartialité garanties aux articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 14, § 1er, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; l'existence d'une apparence objective de partialité dans le chef du juge d'instruction a été indiscutablement établie dans l'arrêt de récusation du 12 novembre 2018 ; l'arrêt attaqué limite, à tort, la cause de récusation objective accueillie par l'arrêt de récusation à la période durant laquelle le juge d'instruction faisait partie de la commission des licences de l'U.R.B.S.F.A. ; le critère permettant d'apprécier la partialité et la dépendance du juge n'est pas la perception par l'opinion publique mais la perception par la personne directement concernée par les mesures du juge ; ainsi, le juge d'instruction n'a pas davantage satisfait aux conditions d'indépendance et d'impartialité en dehors de la période durant laquelle il était membre de la commission des licences susmentionnée ; en n'annulant pas le mandat d'arrêt, l'arrêt viole les articles 5 et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 14, § 1er, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et 12 de la Constitution.

3. Il ne résulte pas du seul fait qu'une demande en récusation d'un juge d'instruction ait été accueillie, que ce juge a agi de manière partiale en prenant les actes d'instruction et les décisions judiciaires qui ont précédé l'introduction de la demande en récusation.

Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque en droit.

4. Par les motifs qu'il énonce, l'arrêt attaqué ne limite pas les prétendues partialité et dépendance du juge d'instruction à la période durant laquelle il faisait partie de la commission des licences de l'U.R.B.S.F.A., et ne considère pas davantage que la partialité et la dépendance du juge ne sont subordonnées qu'à la perception qu'en a l'opinion publique, mais décide que le mandat d'arrêt a été délivré sur la base de motifs objectifs par un juge d'instruction impartial et indépendant.

L'arrêt justifie ainsi légalement la décision.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

Quant à la deuxième branche :

5. Le moyen invoque que, bien que l'arrêt de récusation du 12 novembre 2018 ait épuisé la juridiction de la cour d'appel concernant la question de savoir s'il existe un doute quant à l'impartialité objective ou subjective du juge d'instruction concerné au travers de l'instruction pénale, l'arrêt attaqué examine néanmoins la partialité subjective de ce magistrat au moment de la délivrance du mandat d'arrêt ; en constatant que les mesures d'instruction ordonnées présentent un caractère objectif et que le mandat d'arrêt ne laisse paraître aucune impression de parti-pris, de partialité ou de dépendance, l'arrêt attaqué méconnait l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de récusation du 12 novembre 2018 ; en considérant que la récusation du juge d'instruction se fonde sur cette impression suscitée auprès de l'opinion publique et que cette impression était encore inexistante au moment de la délivrance du mandat d'arrêt, l'arrêt attaqué ne tient pas compte dans l'arrêt de récusation du 12 novembre 2018 d'un élément qu'il contient, à savoir l'existence de la partialité objective du juge d'instruction dès l'entame de l'instruction et au-delà, et en méconnaît ainsi la force probante ; en déduisant de l'arrêt de récusation du 12 novembre 2018 un élément qu'il ne contient pas, à savoir que la récusation du juge d'instruction se fonde sur l'impression suscitée auprès de l'opinion publique et que cette impression était encore inexistante au moment de la délivrance du mandat d'arrêt, l'arrêt méconnaît également la force probante de l'arrêt de récusation du 12 novembre 2018 ; en effet, l'arrêt considère que le juge d'instruction était membre de la commission des Licences visée au moment de l'ouverture de l'instruction judiciaire, qu'en raison de ses années d'affiliation, il était inévitablement lié à l'U.R.B.S.F.A. et à des membres du Comité exécutif, dont certains font l'objet de l'instruction pénale et que le terme mis à cette affiliation n'y fait pas obstacle ; l'arrêt de récusation fonde, en outre, la récusation non pas sur l'impression suscitée après de l'opinion publique, mais sur la crainte du demandeur, objectivement justifiée par l'impression suscitée auprès de l'opinion publique.

6. Il ne peut être déduit du fait qu'un juge d'instruction a fait l'objet d'une demande en récusation par l'une des parties et que cette demande a été accueillie que les actes posés par ce magistrat avant la demande en récusation seraient irréguliers.

Dans la mesure où, en cette branche, il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.

7. Une décision de récusation d'un juge d'instruction fondée sur une apparence objective de partialité n'empêche pas la juridiction d'instruction d'apprécier ensuite l'impartialité subjective et l'indépendance de ce juge d'instruction et la régularité des mesures d'instruction ou du mandat d'arrêt qu'il a pris avant l'introduction de la demande en récusation.

Dans la mesure où il est déduit d'une autre prémisse juridique, le moyen, en cette branche, manque également en droit.

8. En considérant que le juge d'instruction était membre de la commission des Licences au moment de l'ouverture de l'instruction judiciaire, l'arrêt de récusation du 12 novembre 2018 ne décide pas qu'il y a lieu d'admettre dès cet instant l'existence d'une partialité objective justifiant la récusation.

Dans la mesure où il se fonde sur une lecture erronée de l'arrêt de récusation du 12 novembre 2018, le moyen, en cette branche, manque en fait.

9. En considérant qu'il n'y avait encore aucune apparence de partialité ou de dépendance au moment de la délivrance du mandat d'arrêt, l'arrêt attaqué n'interprète pas l'arrêt de récusation du 12 novembre 2018 et ne peut, par conséquent, en violer la force probante.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.

10. Dans la mesure où il invoque la méconnaissance de la force probante, au motif que la récusation ne se justifie pas par l'impression suscitée auprès de l'opinion publique mais bien par la crainte du demandeur quant à la partialité du juge d'instruction, le moyen, en cette branche, se fonde sur une lecture erronée de l'arrêt de récusation du 12 novembre 2018 et manque en fait.

Quant à la troisième branche :

11. Le moyen allègue que l'arrêt attaqué se borne à vérifier si la décision a été prise de manière partiale ou dépendante, sans examiner s'il est question de crainte légitime qu'une ombre puisse désormais planer sur la garantie d'indépendance et d'impartialité du juge d'instruction dans l'exercice de sa mission, alors que les articles 5, § 3, et 6 de la Convention imposent à la juridiction d'instruction un contrôle tant subjectif qu'objectif et ainsi d'examiner s'il y a lieu de craindre légitimement que le juge d'instruction ait pu susciter l'impression d'un manque d'indépendance et d'impartialité dans l'exercice de sa mission.

12. Il ressort de l'ensemble des motifs qu'il énonce que l'arrêt attaqué procède à l'examen mentionné dans le moyen, en cette branche.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Sur le second moyen :

13. Le moyen invoque la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 235bis du Code d'instruction criminelle, 16 à 20, 30, 36 et 37 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, ainsi que la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense : bien que l'objet du procès ne porte que sur des irrégularités invoquées concernant le maintien de la détention préventive et de ses modalités et non l'examen de la régularité de la procédure en application de l'article 235bis du Code d'instruction criminelle, l'arrêt considère néanmoins que les mesures d'instruction ordonnées avant la délivrance du mandat d'arrêt présentent un caractère objectif et qu'il n'est pour l'instant pas démontré que ces mesures d'instruction seraient entachées d'un quelconque manquement ; par cette constatation, alors que l'irrégularité de ces mesures d'instruction ne faisait pas l'objet des débats, que ce soit sur le fondement des articles 16 à 20, 30, 36 et 37 de la loi du 20 juillet 1990 ou sur celui de l'article 235bis du Code d'instruction criminelle et que toutes les parties n'étaient pas appelées à la cause, nonobstant les conséquences irrévocables de cette décision pour les droits de défense du demandeur, l'arrêt attaqué viole les dispositions légales précitées.

14. En considérant que les mesures d'instruction ordonnées avant la délivrance du mandat d'arrêt présentent un caractère objectif et qu'il n'est pour l'instant pas démontré que ces mesures d'instruction seraient entachées d'un quelconque manquement, l'arrêt attaqué ne procède pas à un contrôle en application de l'article 235bis du Code d'instruction criminelle, mais uniquement à un contrôle de prime abord de la régularité de ces mesures d'instruction dans le cadre de l'examen des indices de culpabilité. Ainsi, il répond à la défense du demandeur selon laquelle ces mesures d'instruction révéleraient la partialité du juge d'instruction.

Le moyen manque en fait.

Le contrôle d'office

15. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Paul Maffei, président, Geert Jocqué, Antoine Lievens, Erwin Francis et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du quatre décembre deux mille dix-huit par le président Paul Maffei, en présence de l'avocat général Marc Timperman, avec l'assistance du greffier délégué Véronique Kosynsky.

Traduction établie sous le contrôle du conseiller Françoise Roggen et transcrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.18.1184.N
Date de la décision : 04/12/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-12-04;p.18.1184.n ?

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