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29/11/2018 | BELGIQUE | N°F.17.0056.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 novembre 2018, F.17.0056.F


N° F.17.0056.F
N. D.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Daniel Garabedian, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où il est fait élection de domicile,

contre

ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de dom

icile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rend...

N° F.17.0056.F
N. D.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Daniel Garabedian, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où il est fait élection de domicile,

contre

ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 19 septembre 2016 par la cour d'appel de Liège.
Le 7 novembre 2018, le premier avocat général André Henkes a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Sabine Geubel a fait rapport et le premier avocat général André Henkes a été entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente trois moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Les contribuables assujettis à l'impôt des personnes physiques sont tenus, conformément à l'article 305, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992, de remettre chaque année à l'administration une déclaration dans les formes et délais précisés aux articles 307 à 311.
En vertu de l'article 346 de ce code, l'administration fiscale peut rectifier, selon les modalités prévues par cette disposition, les revenus et les autres éléments que le contribuable a, soit mentionnés dans une déclaration répondant aux conditions de forme et de délais prévues aux articles 307 à 311, soit admis par écrit.
Suivant l'article 351, alinéa 1er, dudit code, l'administration peut procéder à la taxation d'office en raison du montant des revenus imposables qu'elle peut présumer eu égard aux éléments dont elle dispose, dans le cas où le contribuable s'est abstenu de remettre une déclaration dans les délais prévus par les articles 307 à 311.
L'article 307 précité prévoit, en son paragraphe 1er, alinéa 1er, que la déclaration est faite sur une formule dont le modèle est fixé par le Roi et, en son paragraphe 2, que cette formule est remplie conformément aux indications qui y figurent, certifiée exacte, datée et signée.
En vertu de l'article 126, alinéa 3, du même code, la cotisation est établie au nom des deux conjoints, pourvu qu'ils ne soient pas considérés comme des isolés par l'article 128.
La formule de déclaration à l'impôt des personnes physiques de l'exercice d'imposition 2000, annexée à l'arrêté royal du 12 mars 2000 déterminant le modèle de la partie 1 de ladite déclaration, ainsi que celle qui est annexée à l'arrêté royal du 20 mars 2000 déterminant le modèle de la partie 2 précisent que les personnes mariées qui sont tenues de compléter une déclaration commune doivent, toutes deux, la signer.
Il suit de ces dispositions, applicables à l'exercice d'imposition 2000, que, lorsqu'il n'y a pas lieu de les imposer distinctement en vertu de l'article 128 du Code des impôts sur les revenus 1992, les conjoints sont tenus de remettre une déclaration commune à l'impôt des personnes physiques, dûment complétée, certifiée exacte, datée et signée par chacun d'eux, et qu'à défaut, l'administration doit, pour établir un impôt à leur charge pour l'exercice concerné, mettre en œuvre la procédure de taxation d'office organisée par l'article 351 du même code.
Le moyen, qui repose sur le soutènement contraire, manque en droit.

Sur le deuxième moyen :

Quant à la première branche :

L'arrêt constate que « l'administration s'est fondée sur le relevé de régularisation établi en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur lequel [le conjoint de la demanderesse] avait marqué son accord pour fixer le bénéfice d'exploitation à 3.307.896 francs mais n'a pas tenu compte de charges, la notification d'imposition d'office fixant à néant les frais professionnels ‘à défaut d'élément justificatif' ».
Il constate encore qu'à côté des factures de sortie d'un montant de 3.307.896 francs, le relevé de régularisation faisait état d'« achats divers non détaillés d'un montant global de 118.871 francs », dont il n'a pas été tenu compte pour l'application de l'article 351 du Code des impôts sur les revenus 1992.
Après avoir rappelé que, pour être déductibles des revenus imposables, les frais professionnels « doivent répondre aux conditions prévues à l'article 49 [de ce code] », l'arrêt considère que tel n'est pas le cas des frais allégués à défaut de présentation d'une comptabilité, d'un détail des factures d'achat avec une copie de celles-ci et que c'est dès lors « à juste titre et sans le moindre arbitraire que le taxateur a considéré, eu égard aux éléments dont il disposait, qu'aucune charge professionnelle déductible n'était justifiée et ne devait par conséquent être retenue dans le cadre de l'imposition d'office ».
Contrairement à la lecture qu'en donne le moyen, en cette branche, l'arrêt ne déduit pas le bien-fondé de la taxation d'office de ce que l'agent taxateur a pu présumer, sans arbitraire, que les revenus imposables se confondaient avec le bénéfice d'exploitation brut indiqué dans le relevé de régularisation en matière de taxe sur la valeur ajoutée mais de ce que la demanderesse ne faisait pas la preuve, qui lui incombe en vertu de l'article 49 précité, de frais professionnels susceptibles d'être déduits de ce bénéfice brut, dont le montant a été admis.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la seconde branche :

L'article 50, § 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992, aux termes duquel, d'une part, les frais dont le montant n'est pas justifié peuvent être déterminés forfaitairement en accord avec l'administration, d'autre part, à défaut d'un tel accord, l'administration évalue ces frais de manière raisonnable, suppose que la réalité des frais soit établie.
Par les motifs reproduits dans la réponse à la première branche du moyen, vainement critiqués par celle-ci, l'arrêt considère que la réalité des frais professionnels allégués n'est pas établie.
Le moyen, qui, en cette branche, repose tout entier sur une prétendue violation de l'article 50, § 1er, ne saurait dès lors entraîner la cassation, partant, dénué d'intérêt, est irrecevable.

Sur le troisième moyen :

Quant aux deux branches réunies :

L'arrêt constate, par référence à l'exposé des faits du premier juge, que la demanderesse a « quitté le domicile conjugal le 31 janvier 1999 » et « divorcé le 2 août 2001 ».
Ni de ces constatations ni d'aucune autre, il ne ressort qu'il y a eu séparation de fait effective des époux en 1999, laquelle aurait perduré jusqu'au divorce.
Le moyen, qui, en ces branches, repose tout entier sur la supposition qu'aux yeux de la cour d'appel, la situation de fait de la demanderesse en 1999 n'était pas différente de celle qu'elle aurait connue si le divorce ou la séparation de corps avait pris effet cette année-là, manque en fait.
Il n'y a dès lors pas lieu de poser à la Cour constitutionnelle les questions préjudicielles proposées par la demanderesse.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de quatre cent quarante-trois euros septante-quatre centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du Fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Michel Lemal, Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du vingt-neuf novembre deux mille dix-huit par le président de section Christian Storck, en présence du premier avocat général André Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont A. Jacquemin S. Geubel
M. Lemal D. Batselé Chr. Storck


Requête
REQUETE EN CASSATION

POUR : Madame N. D.,
demanderesse,
assistée et représentée par Daniel Garabedian, avocat à la Cour de cassation soussigné dont le cabinet est établi à 1000 Bruxelles, boulevard de l'Empereur 3, où il est fait élection de domicile,
CONTRE : l'ETAT BELGE, Service public fédéral Finances, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à 1000 Bruxelles rue de la Loi, 12, ayant désigné pour recevoir les citations en justice, les significations et notifications à l'Etat, Service public fédéral Finances, le directeur du Service d'Encadrement logistique, Bruxelles, North Galaxy, Tour B, 2e étage, boulevard du Roi Albert II, 33, bte 971, à 1030 Bruxelles (arrêté ministériel du 25 octobre 2012, pris en vertu de l'article 42,1°, du Code judiciaire, publié au Moniteur du 22 novembre 2012 et entré en vigueur le 2 décembre 2012),
défendeur.
*
* *

A Messieurs les Premier Président et Présidents, à Mesdames et Messieurs les Conseillers composant la Cour de cassation.

Messieurs,
Mesdames,
La demanderesse a l'honneur de soumettre à votre censure l'arrêt rendu contradictoirement entre parties le 19 septembre 2016 par la cour d'appel de Liège (22ème chambre, RG n° 2015/RG/601), statuant en matière d'impôt sur les revenus.

FAITS ET OBJET DU LITIGE
Les faits de la cause, tels qu'ils ressortent de la décision entreprise et des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard, peuvent être résumés comme suit.
Le litige porte sur une cotisation à l'impôt des personnes physiques enrôlée pour l'exercice d'imposition 2000 (revenus 1999) à charge de la demanderesse et de celui qui était alors son conjoint, M. D. B.. La demanderesse, alors séparée de fait de M. D. B., dont elle divorcera peu après, s'est retrouvée taxée d'office sur des revenus présumés de M. D. B. dont elle ignorait tout.
La demanderesse a remis pour cet exercice d'imposition une déclaration à l'impôt des personnes physiques sans y mentionner les revenus de M. D. B..
Le 20 juillet 2002, l'administration notifie à la demanderesse et M. D. B. un premier avis d'imposition d'office, justifiant le recours à la taxation d'office par le fait que M. D. B. n'a pas rentré de déclaration à l'impôt des personnes physiques le concernant, et manifestant son intention d'imposer les deux époux sur, outre les revenus déclarés par la demanderesse, un montant de revenus « d'origine indéterminée » de 430.625 F imputé à M. D. B. sur la base d'une évaluation de dépenses de ménage.
La demanderesse répond par courrier du 23 août 2002 en indiquant avoir quitté le domicile conjugal le 31 janvier 1999, avoir divorcé le 2 août 2001 et ne pas être autrement informée des activités professionnelles de M. D. B..
Dans l'intervalle, le 2 août 2002, l'administration notifie à la demanderesse et M. D. B. un nouvel avis d'imposition d'office complétant le premier. Elle y corrige les revenus présumés de M. D. B. en se fondant sur (i) les éléments révélés par le contrôle effectué auprès d'une certaine SA City Building, à laquelle M. D. B. aurait adressé des factures et (ii) un relevé de régularisation en matière de TVA signé pour accord par M. D. B. le 11 juin 2002. Sur la base de ces éléments, l'administration présume que les revenus imposables de M. D. B. s'élèvent à 3.307.896 F.
Par courrier du 23 août 2002, la demanderesse répond à ce nouvel avis d'imposition d'office en y reprenant les éléments mentionnés dans sa réponse au premier avis.
L'administration maintient son point de vue par lettre recommandée du 4 septembre 2002 et enrôle la cotisation litigieuse le 1er octobre 2002.
La demanderesse réclame contre la cotisation dans le délai légal mais le directeur des Contributions rejette la réclamation.
La demanderesse introduit un recours judiciaire devant le tribunal de première instance de Namur ; celui-ci rejette le recours par jugement du 11 mars 2015.
Sur l'appel de la demanderesse, l'arrêt entrepris confirme ce jugement.
*
A l'appui de son pourvoi, la demanderesse a l'honneur de faire valoir les trois moyens suivants.

PREMIER MOYEN DE CASSATION
Dispositions légales et principe dont la violation est invoquée
- articles 5 et 702, 3°, du Code judiciaire ;
- article 126, alinéa 3, du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR 92), visé ici tel que rédigé avant sa modification par l'article 19, B, de la loi du 10 août 2001) ;
- article 128 du CIR 92, visé ici tel que modifié pour la dernière fois par la loi du 4 mai 1999 portant des dispositions fiscales et autres et avant son abrogation par l'article 21 de la loi du 10 août 2001 ;
- articles 305, alinéa 1er, et 307, § 1er, alinéa 1er, et § 2, du CIR 92,
- article 351, alinéa 1er, du CIR 92, visé ici tel que modifié par la loi du 6 juillet 1994 ;
- arrêtés royaux des 12 mars 2000 « déterminant le modèle de la partie 1 de la formule de déclaration en matière d'impôt des personnes physiques pour l'exercice d'imposition 2000 » et 24 mars 2000 « déterminant le modèle de la partie 2 de la formule de déclaration en matière d'impôt des personnes physiques pour l'exercice d'imposition 2000 ;
- principe général du droit selon lequel le juge est tenu de déterminer et d'appliquer la norme juridique qui régit la demande dont il est saisi.
Décision et motifs critiqués
Après avoir constaté, tant par ses motifs propres que ceux du premier juge, que (i) « le 20 octobre 2000, [la demanderesse], alors mariée à M. D. B., rentre seule une déclaration à l'impôt des personnes physiques relative à l'exercice d'imposition 2000 [dans laquelle] les revenus de son mari ne sont pas mentionnés » ; (ii) « le 20 juillet 2001, l'administration notifie à [la demanderesse] et à M. D. B. un avis d'imposition d'office relatif à l'exercice d'imposition 2000, M. D. B. n'ayant pas rentré de déclaration à l'impôt des personnes physiques le concernant » , avis qui annonce la taxation, d'une part, des revenus imposables de la demanderesse et, d'autre part, des revenus imposables de M. D. B. pour l'exercice d'imposition considéré; (iii) l'administration complète cet avis d'imposition d'office le 2 août 2002 par un nouvel avis d'imposition d'office majorant les revenus imposables de M. D. B. ; (iv) le 1er octobre 2002, l'administration enrôle au nom de la demanderesse et de M. D. B. une cotisation à l'impôt des personnes physiques établie sur les revenus imposables annoncés dans l'avis d'imposition d'office ainsi complété,
l'arrêt entrepris, par confirmation de la décision du premier juge, rejette la demande de la demanderesse tendant à l'annulation de cette cotisation.
L'arrêt fonde sa décision sur les motifs qu'il indique en pages 3 à 5 et sur ceux indiqués aux pages 3 à 6 du jugement a quo auxquels l'arrêt se réfère en page 3, motifs qui sont tenus ici pour intégralement reproduits, et plus spécialement sur les motifs suivants :
« En vertu de l'article 351 du CIR 92, ‘l'administration peut procéder à la taxation d'office en raison du montant des revenus imposables qu'elle peut présumer eu égard aux éléments dont elle dispose, dans le cas où le contribuable s'est abstenu : - soit de remettre une déclaration dans les délais prévus par les article 307 à 311 ou par les disposition prises en exécution de l'article 312 ; ...'.
Il n'est pas discuté que les époux D. B. M. et D. N. devaient faire l'objet d'une imposition commune pour l'exercice d'imposition 2000 et que le conjoint de l'appelante n'a pas rentré de déclaration de sorte que l'administration a procédé à une imposition d'office commune aux deux conjoints, ce qui n'est du reste pas critiqué ».

Griefs
Première branche
1. L'article 351, alinéa 1er, du CIR 92 autorise l'administration à « procéder à la taxation d'office dans le cas où le contribuable s'est abstenu :
- soit de remettre une déclaration dans les délais prévus par les articles 307 à 311 ou par les dispositions prises en exécution de l'article 312 ;
- soit d'éliminer, dans le délai consenti à cette fin, le ou les vices de forme dont serait entachée sa déclaration ;
- soit de communiquer les livres, documents ou registres visés à l'article 315 ou les dossiers, supports ou données visées à l'article 315bis ;
- soit de fournir dans le délai les renseignements qui lui ont été demandés en vertu de l'article 316 ;
- soit de répondre dans le délai fixé à l'article 346 à l'avis dont il y est question ».
Cette disposition déroge à la procédure ordinaire de taxation par rectification de la déclaration (CIR, art. 346) et est, à ce titre, d'interprétation stricte.
S'agissant d'une règle relative à l'établissement de l'impôt, elle est d'ordre public (cf. Cass., 16 juin 2016, RG n° n° F.14.0197.N).
2. Il ressort des constatations de l'arrêt entrepris et des affirmations non contestées contenues dans les conclusions des parties que la taxation d'office litigieuse était fondée sur le premier tiret de l'article 351, alinéa 1er, du CIR 92, à savoir le fait que le contribuable s'est abstenu de « remettre une déclaration dans les délais prévus par les articles 307 à 311 ou par les dispositions prises en exécution de l'article 312 », et plus précisément le fait que M. D. B. n'a pas remis de déclaration à l'impôt des personnes physiques pour ses revenus imposables : l'arrêt entrepris rappelle, par référence aux motifs du premier juge, que l'administration a motivé le recours à la taxation d'office par le fait que « M. D. B. n'[a] pas rentré de déclaration à l'impôt des personnes physiques le concernant » (jugement a quo, page 3, auquel se réfère l'arrêt entrepris en page 3), et, par ses motifs propres, que l'article 351 du CIR 92 autorise la taxation d'office dans le cas où le contribuable s'est abstenu de remettre une déclaration régulière et que M . D. B. n'a pas rentré de déclaration (arrêt entrepris, page 4) ; le défendeur indiquait lui-même dans ses conclusions que « l'imposition est établie d'office pour absence de déclaration » (conclusions additionnelles et de synthèse d'appel du défendeur, page 5).
3. Il ressort des constatations de l'arrêt et des affirmations non contestées des parties que, pendant la période imposable litigieuse, la demanderesse et M. D. B. étaient mariés, qu'ils se sont séparés de fait dans le courant 1999 et que leur mariage n'a été dissous qu'en 2001 : l'arrêt entrepris rappelle, par référence aux motifs du premier juge, que la demanderesse a répondu aux deux avis de notification d'office « avoir quitté le domicile conjugal le 31 janvier 1999 [et] avoir divorcé le 2 août 2001 » » (jugement a quo, page 4, auquel se réfère l'arrêt entrepris en page 3), et le défendeur indiquait lui-même dans ses conclusions que la demanderesse était séparée de M. D. B. depuis le 24 septembre 2009 et divorcée en 2001 » (conclusions additionnelles et de synthèse d'appel du défendeur, page 2).
4. L'article 126, alinéa 3, du CIR 92 dispose que la cotisation à l'impôt des personnes physiques relative aux revenus imposables des personnes mariées « est établie au nom des deux conjoints ». L'article 128 du CIR 92 déroge à cette règle « 1° pour l'année du mariage ; 2° à partir de l'année qui suit celle au cours de laquelle une séparation de fait est intervenue, pour autant que cette séparation soit effective durant toute la période imposable ; 3° pour l'année de la dissolution du mariage ou de la séparation de corps ; 4° lorsqu'un conjoint recueille des revenus professionnels qui sont exonérés conventionnellement et qui n'interviennent pas pour le calcul de l'impôt afférent aux autres revenus du ménage, pour un montant supérieur à 300.000 francs ».
Lorsque la cotisation est établie au nom des deux conjoints conformément à l'article 126, alinéa 3, les conjoints sont tenus de compléter, signer et déposer une seule déclaration, mentionnant les revenus imposables des deux et signée par les deux. L'article 305, alinéa 1er, du CIR 92 dispose en effet que « les contribuables assujettis à l'impôt des personnes physiques [...] sont tenus de remettre, chaque année, à l'administration des contributions directes une déclaration dans les formes et délais précisés aux articles 307 à 311 », et l'article 307, auquel cette disposition renvoie, précise que « la déclaration est faite sur une formule dont le modèle est fixé par le Roi » (art. 307, § 1er, al. 1er) et que « la formule est remplie conformément aux indications qui y figurent, certifiée exacte, datée et signée » (art. 307, § 2) ; il ressort du modèle fixé par le Roi, notamment pour l'exercice d'imposition 2000 ici en cause par les arrêtés royaux des 12 mars 2000 « déterminant le modèle de la partie 1 de la formule de déclaration en matière d'impôt des personnes physiques pour l'exercice d'imposition 2000 » (Mon., 17 mars 2000, 1ère éd.), et 24 mars 2000 « déterminant le modèle de la partie 2 de la formule de déclaration en matière d'impôt des personnes physiques pour l'exercice d'imposition 2000 » (Mon., 6 avril 2000, 2ème éd.), que lorsque la cotisation est établie au nom des deux conjoints conformément à l'article 126, alinéa 3, les conjoints sont tenus de compléter, signer et déposer une seule déclaration, mentionnant les revenus imposables des deux et signées par les deux.
5. En vertu de l'article 126, alinéa 3, du CIR 92, la demanderesse et M. D. B. devaient donc, comme le constate l'arrêt entrepris, « faire l'objet d'une imposition commune [à l'impôt des personnes physiques] pour l'exercice d'imposition 2000 » (arrêt entrepris, page 4), la cotisation litigieuse ayant du reste été « établie à charge des époux D. B. M. et D. N. [ici demanderesse] » (arrêt entrepris, page 3), et, en vertu des arrêtés royaux des 12 et 24 mars 2000 précités, la demanderesse et M. D. B. avaient donc l'obligation de compléter, signer et déposer une seule déclaration, mentionnant les revenus imposables des deux et signée par les deux, et non l'obligation de déposer chacun une déclaration.
6. La demanderesse ayant déposé une déclaration à l'impôt des personnes physiques pour l'exercice d'imposition 2000, comme le constate l'arrêt entrepris (jugement a quo, page 3, auquel se réfère l'arrêt entrepris en page 3), la circonstance que l'autre conjoint « n'[a] pas rentré de déclaration à l'impôt des personnes physiques le concernant » (jugement a quo, page 3, auquel se réfère l'arrêt entrepris en page 3) ne justifie pas légalement l'application de la procédure de taxation d'office, puisque cet autre conjoint n'avait pas l'obligation de déposer une déclaration distincte de celle de la demanderesse. Cette circonstance implique sans doute que la déclaration déposée était entachée d'un vice de forme et incomplète sur le fond mais ne constitue pas une abstention « de remettre une déclaration » au sens du premier tiret de l'article 351, alinéa 1er, du CIR 92. Elle ne constitue pas davantage une des abstentions visées aux autres tirets de cette disposition.
Les constatations de l'arrêt entrepris que la demanderesse a déposé cette déclaration « seule », et que « les revenus de son mari n[y] sont pas mentionnés » (jugement a quo, page 3, auquel se réfère l'arrêt entrepris en page 3), ne constituent pas davantage une des abstentions ouvrant droit à la taxation d'office en vertu de l'article 351, § 1er, du CIR 92.
7. En vertu de l'article 702, 3°, du Code judiciaire, l'exploit de citation ou l'acte introductif d'instance doit contenir « l'objet et l'exposé sommaire des moyens de la demande ». Les termes « exposé sommaire des moyens » ne comprennent pas la norme juridique applicable mais les éléments de fait qui constituent le fondement de la demande. À peine de commettre un déni de justice interdit par l'article 5 du Code judiciaire, le juge est tenu, dans le respect des droits de la défense, de déterminer la norme juridique applicable à la demande qui lui est soumise, même si la partie demanderesse n'en a pas expressément précisé le fondement juridique, et de relever d'office les moyens de droit dont l'application est commandée par les faits spécialement invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions.
8. Par conséquent, en rejetant, par confirmation du jugement a quo, la demande de la demanderesse tendant à l'annulation de la cotisation litigieuse, et en s'abstenant ainsi de constater la contrariété de la cotisation litigieuse à l'article 351, alinéa 1er, spécialement 1er tiret, du CIR 92, l'arrêt entrepris n'a pas légalement justifié sa décision (violation de l'article 351, alinéa 1er, spécialement 1er tiret, du CIR 92 et du principe général du droit selon lequel le juge est tenu de déterminer et d'appliquer la norme juridique qui régit la demande dont il est saisi et des autres dispositions visées en tête du moyen).

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Dispositions légales dont la violation est invoquée
- articles 1349 et 1353 du Code civil,
- articles 6, 49, alinéa 1er, 50, § 1er, et 351, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR 92), ce dernier article étant visé ici tel que modifié par la loi du 6 juillet 1994 et la loi du 19 mai 2010.
Décision et motifs critiqués
Après avoir constaté que (i) « la contestation concerne la cotisation à l'impôt des personnes physiques et taxes additionnelles de l'exercice d'imposition 2000 établie à charge des époux D. B. M. et D. N. [ici demanderesse] » ; (ii) cette contestation « porte sur la détermination des revenus professionnels de D. B. M. dans le cadre d'une imposition d'office » ; (iii) pour établir la cotisation litigieuse « l'administration s'est fondée sur le relevé de régularisation établi en matière de TVA sur lequel D. B. M. avait marqué son accord pour fixer le bénéfice d'exploitation à 3.307.896 FB mais n'a pas tenu compte de charges, la notification d'imposition d'office fixant à néant les frais professionnel ‘à défaut d'élément justificatif' » ; (iv) Ce relevé de régularisation « reprend non seulement des factures de sortie d'un montant global de 3.307.896 F mais également des achats divers non détaillés d'un montant global de 118.851 FB » ; (v) la demanderesse « l'appelante [ici demanderesse] considère que la taxation est arbitraire en ce qu'elle ne tient pas compte des achats repris dans le relevé de régularisation dont l'administration avait connaissance »,
la cour d'appel, par l'arrêt entrepris, rejette le moyen de défense de la demanderesse déduit du caractère arbitraire de la base imposable retenue et rejette partant, par confirmation du jugement a quo, le recours de la demanderesse contre la cotisation litigieuse.
L'arrêt fonde sa décision sur les motifs qu'il indique en pages 3 à 5 et sur ceux indiqués aux pages 3 à 6 du jugement a quo, auquel se réfère l'arrêt entrepris en page 3, motifs qui sont tenus ici pour intégralement reproduits, et plus spécialement sur les motifs suivants :
« Sont déductibles, les frais que le contribuables a faits ou supportés pendant la période imposable, soit ‘les frais qui, pendant cette période, sont effectivement payés ou supportés ou qui ont acquis le caractère de dettes ou pertes certaines ou liquides et sont comptabilisés comme telles' et aucun élément permettant d'établir le respect de cette condition par le Sieur D. B., dont l'administration de la TVA signale qu'il n'a pas été en mesure de présenter une comptabilité [...], n'a été transmis au taxateur.
En outre, sont déductibles sur la base de l'article 49 du CIR 92, les frais dont le contribuable ‘justifie la réalité et le montant au moyen de documents probants, ou quand cela n'est pas possible, par tous autres moyens de preuve admis par le droit commun, sauf le serment' et force est de constater que les données du relevé de régularisation ne comprennent pas le détail des factures d'achats et que les copies des factures n'ont pas été transmises au taxateur.
Aussi est-ce à juste titre et sans le moindre arbitraire que le taxateur a considéré, eu égard aux éléments dont il disposait, qu'aucune charge professionnelle déductible n'était justifiée et ne devait par conséquent être retenue dans le cadre de l'imposition d'office ».

Griefs
1. En cas d'imposition d'office, l'article 351, alinéa 1er, du CIR 92 autorise l'administration à procéder à la taxation d'office « en raison du montant des revenus imposables qu'elle peut présumer eu égard aux éléments dont elle dispose ».
En visant un montant de « revenus imposables », cette disposition vise un revenu imposable conforme à la loi. En autorisant l'administration à « présumer » ce montant, cette disposition autorise l'administration à faire usage de la notion légale de présomption de l'homme définie aux articles 1349 et 1353 du Code civil ; viole cette notion légale le juge qui fonde une présomption sur un fait inconnu ou inexact ou qui déduit des faits constatés par lui des conséquences qui ne seraient susceptibles, sur leur fondement, d'aucune justification (voir, par exemple : Cass., 18 décembre 2014, RG n° F.13.0174.F ; Cass., 10 février 2012, RG n° F.11.0048.F).
Le contribuable taxé d'office est dès lors en droit d'obtenir l'annulation de la cotisation en prouvant que la base imposable a été déterminée arbitrairement parce que l'administration a commis une erreur de droit, s'est fondée sur des faits inexacts ou, encore, a déduit de faits exacts des conséquences non susceptibles de justification (Cass., 7 décembre 2000, RG n° F.99.0118.F, Pas., n° 675 ; Cass., 13 octobre 1997, RG n° F.96.0089.F, Pas., n° 398).
2. L'article 6 du CIR 92 dispose que le revenu imposable à l'impôt des personnes physiques est constitué de l'ensemble des revenus nets, formé notamment des revenus professionnels nets, et l'article 49 du CIR 92 dispose que, pour la détermination de ceux-ci, sont déductibles les frais que le contribuable a faits ou supportés pendant la période imposable en vue d'acquérir ou de conserver ces revenus.

et, première branche :
3. L'arrêt entrepris constate que l'administration a présumé que le montant des revenus imposables de M. D. B. était de 3.307.896 F en se basant sur un régularisation établi en matière de TVA, sur lequel D. B. M. avait marqué son accord ; il constate par ailleurs que ce relevé « reprend non seulement des factures de sortie d'un montant global de 3.307.896 F mais également des achats divers non détaillés d'un montant global de 118.851 FB » et ne dénie pas que, comme la demanderesse le faisait valoir en conclusions, d'une part, « lors de l'établissement de la cotisation, l'administration savait que le contrôle TVA avait admis la déduction de taxe sur la base de factures présentées (pièces 67 et 24) [et] la déduction de la taxe sur base de ces factures implique nécessairement qu'elles représentent des charges exposées dans le but de réaliser des opérations soumises à la taxe » (conclusions d'appel de la demanderesse, p. 5) et, d'autre part, « la production de ces factures n'a jamais été demandée par les Contributions Directes » (conclusions d'appel de la demanderesse, p. 6).
En décidant, sur la base de ces constatations et affirmations non déniées de la demanderesse, qu' « aucune charge professionnelle déductible n'était justifiée et ne devait par conséquent être retenue dans le cadre de l'imposition d'office » et que l'administration avait donc pu, sans verser dans l'arbitraire, présumer que le montant des revenus imposables de M. D. B. était de 3.307.896 F, étant le bénéfice d'exploitation brut mentionné dans l'avis de régularisation TVA, l'arrêt entrepris :
a) considère comme légale une présomption déduite d'une partie seulement des faits dont l'administration avait connaissance et donc une présomption fondée sur des faits inexacts, et viole, partant, les articles 1349 et 1353 du Code civil et la notion légale de présomption de l'homme ;
b) permet à l'administration de présumer le montant du revenu imposable sur la base d'une partie seulement des faits dont elle a connaissance et viole, partant, l'article 351, alinéa 1er, du CIR 92 ;
c) permet à l'administration de présumer comme revenu imposable un montant correspondant au revenu professionnel brut plutôt qu'au revenu professionnel net et viole, partant, les articles 6 et 49 du CIR 92 et, par voie de conséquence, l'article 351, alinéa 1er, du CIR 92 ;
d) ne justifie dès lors pas légalement sa décision (violation des articles 1349 et 1353 du Code civil, et 6, 49 et 351, alinéa 1er, du CIR 92) ;

et, seconde branche :
4. Si l'article 49 impose en principe au contribuable de faire la preuve de la réalité et du montant de ces frais, l'article 50, § 1er, du CIR 92 précise que « les frais dont le montant n'est pas justifié, peuvent être déterminés forfaitairement en accord avec l'administration » et que « à défaut d'un tel accord, l'administration évalue ces frais de manière raisonnable ».
La procédure de taxation d'office ne donc permet pas à l'administration de déterminer le revenu imposable sans à tout le moins évaluer de manière raisonnable le montant des frais professionnels conformément à l'article 50, § 1er, du CIR 92 (voir, par exemple, Anvers, 29 février 2008, FJF, n° 2009/18).
L'arrêt entrepris constate que l'administration a fixé le montant du revenu professionnel imposable litigieux en reprenant le montant du bénéfice d'exploitation admis par M. D. B. dans le relevé de régularisation TVA, sans tenir compte de frais, et il ne constate pas que ces frais auraient été déterminés forfaitairement en accord avec l'administration ni que l'administration a évalué ces frais de manière raisonnable.
En décidant, sur cette base, que l'administration a pu, sans verser dans l'arbitraire, présumer que le montant des revenus imposables de M. D. B. était de 3.307.896 F, étant le bénéfice d'exploitation brut mentionné dans l'avis de régularisation TVA, l'arrêt entrepris
a) permet à l'administration de présumer comme revenu imposable un montant fixé en violation de l'article 50, § 1er, du CIR 92 et, partant, viole cette disposition et par voie de conséquence l'article 351, alinéa 1er, du CIR 92 ;
b) permet à l'administration de présumer comme revenu imposable un montant correspondant au revenu professionnel brut plutôt qu'au revenu professionnel net et viole, partant, les articles 6 et 49 du CIR 92 et, par voie de conséquence, l'article 351, alinéa 1er, du CIR 92 ;
c) ne justifie dès lors pas légalement sa décision (violation des articles 6, 49, 50, § 1er, et 351, alinéa 1er, du CIR 92).

TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Dispositions légales dont la violation est invoquée
Articles 10, 11 et 172 de la Constitution.
Décision et motifs critiqués
L'arrêt entrepris rejette, par confirmation du jugement a quo, la demande de la demanderesse tendant à l'annulation de la cotisation à l'impôt des personnes physiques enrôlée pour l'exercice d'imposition 2000, suivant la procédure de taxation d'office prévue par l'article 351 du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR 92), au nom de la demanderesse et de celui qui était alors son époux, M. D. B., sur les revenus perçus notamment par M. D. B. en 1999,
L'arrêt fonde sa décision sur les motifs qu'il indique en pages 3 à 5 et sur ceux indiqués aux pages 3 à 6 du jugement a quo, auquel l'arrêt entrepris se réfère en page 3, motifs qui sont tenus ici pour intégralement reproduits, et plus spécialement sur les motifs suivants :
« En vertu de l'article 351 du CIR 92, ‘l'administration peut procéder à la taxation d'office en raison du montant des revenus imposables qu'elle peut présumer eu égard aux éléments dont elle dispose, dans le cas où le contribuable s'est abstenu :- soit de remettre une déclaration dans les délais prévus par les article 307 à 311 ou par les disposition prises en exécution de l'article 312 ; ...'.
Il n'est pas discuté que les époux D. B. M. et D. N. devaient faire l'objet d'une imposition commune pour l'exercice d'imposition 2000 et que le conjoint de l'appelante n'a pas rentré de déclaration de sorte que l'administration a procédé à une imposition d'office commune aux deux conjoints, ce qui n'est du reste pas critiqué ».

Griefs
1. Il ressort des constatations de l'arrêt et des affirmations non contestées contenues dans les conclusions des parties que, pendant la période imposable litigieuse, la demanderesse et M. D. B. étaient mariés mais se sont séparés de fait dans le courant 1999 et que leur mariage a été dissout en 2001 : l'arrêt entrepris rappelle, par référence aux motifs du premier juge, que la demanderesse a répondu aux deux avis de notification d'office « avoir quitté le domicile conjugal le 31 janvier 1999 [et] avoir divorcé le 2 août 2001 » » (jugement a quo, page 4 auquel l'arrêt entrepris se réfère en page 3), et le défendeur indiquait dans ses conclusions que la demanderesse était séparée de M. D. B. depuis le 24 septembre 2009 et divorcée en 2001 » (conclusions additionnelles et de synthèse d'appel du défendeur, page 2).
3. L'article 126, alinéa 3, du CIR 92 (visé ici tel que rédigé avant sa modification par l'article 19, B de la loi du 10 août 2001), dispose que la cotisation à l'impôt des personnes physiques relative aux revenus imposables des personnes mariées « est établie au nom des deux conjoints ». L'article 128 du CIR 92 (visé ici tel que rédigé avant son abrogation par l'article 21 de la loi du 10 août 2001) déroge à cette imposition commune dans quatre cas : « 1° pour l'année du mariage ; 2° à partir de l'année qui suit celle au cours de laquelle une séparation de fait est intervenue, pour autant que cette séparation soit effective durant toute la période imposable ; 3° pour l'année de la dissolution du mariage ou de la séparation de corps ; 4° lorsqu'un conjoint recueille des revenus professionnels qui sont exonérés conventionnellement et qui n'interviennent pas pour le calcul de l'impôt afférent aux autres revenus du ménage, pour un montant supérieur à 300.000 francs ».
4. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination déposées dans les articles 10 et 11 de la Constitution, et dont l'article 172 de la Constitution est une application particulière en matière fiscale, n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie selon certaines catégories de personnes pour autant que les critères de différenciation soient susceptibles d'une justification objective et raisonnable.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause ; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

Première branche :
5. Les articles 126, alinéa 3, et 128 du CIR 92 précités établissent une différence de traitement entre deux catégories de contribuables mariés, en traitant plus défavorablement la seconde catégorie :
 pour les époux dont le mariage a été dissous ou qui sont séparés de corps, la cotisation cesse d'être établie au nom des deux conjoints dès l'année au cours de laquelle la dissolution du mariage ou la séparation de corps a pris effet, tandis que
 pour les époux qui sont séparés de fait, la cotisation cette d'être établie au nom des deux conjoints uniquement à partir de l'année qui suit celle au cours de laquelle la séparation de fait est intervenue, pour autant que les époux restent effectivement séparés de fait durant toute cette période imposable qui suit.
6. Les articles 126, alinéa 3, et 128, 2°, établissent en outre une différence de traitement entre, d'une part, les conjoints qui se sont séparés de fait au cours de la période imposable et, d'autres part, les conjoints qui se sont séparés de fait au cours d'une période imposable précédente : pour la même période imposable, les premiers sont encore soumis à une imposition commune tandis que les seconds ne le sont plus.
7. Ces différences de traitement sont l'une et l'autre dénuées de justifications raisonnables ; à tout le moins n'existe-t-il pas de rapport de proportionnalité raisonnable entre les moyens employés et les buts visés.
En particulier, la suppression du régime d'imposition commune pour les époux séparés de fait a été justifiée par le législateur par le fait qu' « il ne pourrait manifestement pas être question d'ignorer, du point de vue fiscal, l'état de ‘séparation de fait' et de taxer indéfiniment au nom du chef de famille les revenus de conjoints qui ont cesser d'habiter ensemble sans pour autant avoir introduit une demande en séparation de corps ou en divorce et ce, pour la simple raison qu'il ne convient pas d'obliger - par une voie détournée (accomplissement de la formalité de remise d'une déclaration aux impôts sur les revenus) - les conjoints séparés à se communiquer réciproquement chaque année tous les éléments constitutifs de leurs revenus personnels » (travaux préparatoires de la loi du 3 novembre 1976 modifiant le Code des impôts sur les revenus (1964) qui, par son article 12, remplaçant l'article 75 du Code des impôts sur les revenus (1964), est venu, pour la première fois, prévoir une imposition distincte du revenu imposable de la femme « à partir de l'année qui suit celle au cours de laquelle une séparation de fait est intervenue, pour autant que cette séparation ait été effective durant toute la période imposable », Exposé des motifs, Doc. parl., Ch., 1975-1976, n° 879-1, p. 14).
Or, les conjoints devront nécessairement compléter leur déclaration à l'impôt des personnes physiques relative à la période imposable de leur séparation de fait après la clôture de cette période imposable, et seront donc, dès la confection de cette déclaration, face à la situation qui a conduit le législateur à supprimer l'imposition commune pour les années suivantes. Et leur situation ne sera, de ce point de vue, pas différente de celle dans laquelle se trouvent les contribuables dont le mariage a été dissous ou séparés de corps au cours d'une période imposable et qui pourtant, contrairement aux époux séparés de fait, échapperont à l'imposition commune dès cette période imposable.
8. En tant qu'ils prévoient que la cotisation est établie au nom des deux conjoints séparés de fait pour la période imposable au cours de laquelle est intervenue la séparation de fait lorsque les conjoints ont maintenu effectivement cette séparation durant toute la période imposable suivante, les articles 126, alinéa 3, et 128, 2°, du CIR 92, violent donc les articles 10 et 11 et 172 de la Constitution.
9. Il s'ensuit que l'arrêt entrepris ayant constaté, d'une part, que la demanderesse et M. D. B. se sont séparés de fait dans le courant de 1999, et, d'autre part, que la cotisation litigieuse a été établie au nom de la demanderesse et de M. D. B. pour cette période imposable, n'a pu légalement, rejeter, par confirmation du jugement a quo, la demande de la demanderesse tendant à l'annulation de la cotisation litigieuse (violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution) ;

Seconde branche :
10. La procédure de la taxation d'office de l'article 351, alinéa 1er, du CIR 92 est appliquée au regard des comportement et revenus de l'un et l'autre époux dans le cas où ceux-ci doivent faire l'objet d'une imposition commune, et séparément à chaque époux au regard de ses comportement et revenus dans le cas où ceux-ci doivent faite l'objet d'impositions séparées.
Les différences de traitement relevées aux points 5 et 6 ci-dessus quant à l'application du régime d'imposition commune entraînent donc, par voie de conséquence, l'une et l'autre, la différence de traitement décrite-ci-dessus quant à l'application de la taxation d'office.
Ces différences de traitement sont l'une et l'autre dénuées de justifications raisonnables ; à tout le moins n'existe-t-il pas de rapport de proportionnalité raisonnable entre les moyens employés et les buts visés.
8. En tant qu'il prévoit que la procédure de taxation d'office peut être appliquée au regard des comportement et revenus de l'un et l'autre époux séparés de fait pour la période imposable au cours de laquelle est intervenue la séparation de fait lorsque les conjoints ont maintenu effectivement cette séparation durant toute la période imposable suivante, l'article 351 du CIR 92 viole donc les articles 10 et 11 et 172 de la Constitution.
9. Il s'ensuit que l'arrêt entrepris ayant constaté, d'une part, que la demanderesse et M. D. B. se sont séparés de fait dans le courant de 1999, et, d'autre part, que la cotisation litigieuse a été établie suivant la procédure de taxation d'office au regard des comportement et revenus de la demanderesse et de M. D. B. , n'a pu légalement rejeter, par confirmation du jugement a quo, la demande de la demanderesse tendant à l'annulation de la cotisation litigieuse (violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution).

Observation
L'examen du moyen implique que la Cour pose à la Cour constitutionnelle des questions préjudicielles, qui pourraient être rédigées comme suit :
a) L'article 126, alinéa 3, du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR 92), tel que rédigé avant sa modification par l'article 19, B de la loi du 10 août 2001, et l'article 128 du CIR 92, tel que rédigé avant son abrogation par l'article 21 de la loi du 10 août 2001, violent-ils les articles 10 et 11 et 172 de la Constitution en tant qu'ils prévoient que la cotisation est établie au nom des deux conjoints séparés de fait pour la période imposable au cours de laquelle est intervenue la séparation de fait lorsque les conjoints ont maintenu effectivement cette séparation durant toute la période imposable suivante, alors qu'en vertu de ces dispositions, la cotisation n'est pas établie au nom des deux conjoints séparés de fait pour les périodes imposables qui suivent celle au cours laquelle est intervenue la séparation de fait ?
b) L'article 126, alinéa 3, du CIR 92, tel que rédigé avant sa modification par l'article 19, B de la loi du 10 août 2001, et l'article 128 du CIR 92, tel que rédigé avant son abrogation par l'article 21 de la loi du 10 août 2001, violent-ils les articles 10 et 11 et 172 de la Constitution en tant qu'ils prévoient que la cotisation est établie au nom des deux conjoints séparés de fait pour la période imposable au cours de laquelle est intervenue la séparation de fait lorsque les conjoints ont maintenu effectivement cette séparation durant toute la période imposable suivante, alors qu'en vertu de ces dispositions la cotisation n'est plus établie au nom des deux conjoints dès la période imposable au cours de laquelle est intervenue la dissolution de leur mariage ou leur séparation, de corps ?
c) L'article 351,alinéa 1er, du CIR 92 viole-t-il les articles 10 et 11 et 172 de la Constitution en tant qu'il prévoit que la procédure de taxation d'office est appliquée au regard des comportement et revenus des deux conjoints séparés de fait pour la période imposable au cours de laquelle est intervenue la séparation de fait lorsque les conjoints ont maintenu effectivement cette séparation durant toute la période imposable suivante, alors que, en vertu de cette disposition, la procédure de taxation d'office est appliquée séparément à chaque conjoint séparé de fait au regard de ses comportement et revenus pour les périodes imposables qui suivent celle au cours laquelle est intervenue la séparation de fait ?
d) L'article 351, alinéa 1er, du CIR 92 viole-t-il les articles 10 et 11 et 172 de la Constitution en tant qu'il prévoit que la procédure de taxation d'office est appliquée au regard des comportement et revenus des deux conjoints séparés de fait pour la période imposable au cours de laquelle est intervenue la séparation de fait lorsque les conjoints ont maintenu effectivement cette séparation durant toute la période imposable suivante, alors que, en vertu de cette disposition, la procédure de taxation d'office est appliquée séparément à chaque conjoint au regard de ses comportement et revenus dès la période imposable au cours de laquelle est intervenue la dissolution de leur mariage ou leur séparation, de corps ?

PAR CES MOYENS ET CES CONSIDERATIONS,
L'avocat à la Cour de cassation soussigné, pour la demanderesse, conclut qu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arrêt entrepris; renvoyer la cause et les parties devant une autre cour d'appel ; ordonner que mention de votre arrêt soit faite en marge de la décision annulée ; dépens comme de droit.

Déclaration pro fisco (droit de mise au rôle) : la valeur de la demande n'excède pas 250.000 euros et la cause est par conséquent exemptée du droit de mise au rôle par application de l'article 269/1, alinéa 7, du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, tel que modifié par la loi du 28 avril 2015.

Bruxelles, le 23 mai 2017

Daniel Garabedian


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.17.0056.F
Date de la décision : 29/11/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-11-29;f.17.0056.f ?

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