La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/11/2018 | BELGIQUE | N°P.18.0766.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 28 novembre 2018, P.18.0766.F


N° P.18.0766.F
D.M., R., E., A., M.,
prévenu,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Werner Derijcke, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,

contre

1. S. L.,
2. LA CAISSE DE SOINS DE SANTE DE LA SOCIETE ANONYME DE DROIT PUBLIC HR RAIL, dont le siège est établi à Saint-Gilles, rue de France, 85,
parties civiles,



3. M. V., D., L., M., G., prévenu,
représenté par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
défendeurs en cass

ation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 22 juin 2018 par la cour d...

N° P.18.0766.F
D.M., R., E., A., M.,
prévenu,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Werner Derijcke, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,

contre

1. S. L.,
2. LA CAISSE DE SOINS DE SANTE DE LA SOCIETE ANONYME DE DROIT PUBLIC HR RAIL, dont le siège est établi à Saint-Gilles, rue de France, 85,
parties civiles,

3. M. V., D., L., M., G., prévenu,
représenté par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
défendeurs en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 22 juin 2018 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 22 octobre 2018, l'avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions au greffe de la Cour.
Le 26 novembre 2018, le demandeur a déposé une note en réponse auxdites conclusions.
A l'audience du 28 novembre 2018, le conseiller Françoise Roggen a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

A. En tant que le pourvoi est dirigé contre les décisions qui, rendues sur les actions civiles exercées par les deux premiers défendeurs contre le demandeur, statuent sur

1. le principe de la responsabilité :

Sur le moyen :

Quant à la première branche :

Le moyen soutient d'abord que l'arrêt se contredit, dans la mesure où, d'une part, il considère que le demandeur n'a pas contrôlé de manière périodique la position de la tête du premier défendeur durant l'intervention chirurgicale subie par ce dernier alors que, d'autre part, cette décision accorde foi aux déclarations du demandeur des 8 août 2005 et 28 mai 2009, dont il ressort qu'interrogé au sujet de ces contrôles, celui-ci « se contenta de répondre que la position de la tête avait été vérifiée pendant l'opération, sans [en] préciser la fréquence ». Selon le demandeur, en énonçant qu'il n'a pas contrôlé de manière périodique la position de la tête du premier défendeur, l'arrêt viole également la foi due à ses déclarations du 8 août 2005 et du 28 mai 2009.

L'arrêt peut, sans se contredire, énoncer, d'une part, que le demandeur n'a pas périodiquement contrôlé la position de la tête du premier défendeur durant l'opération et, d'autre part, relever que, dans ses auditions précitées, aux questions qui lui furent posées à cet égard, il se contenta de répondre que la position de la tête avait été vérifiée pendant l'opération, sans préciser la fréquence de ces vérifications.

Par ailleurs, il ne se déduit ni de cette dernière énonciation ni de ses déclarations, qu'il aurait procédé à un contrôle périodique de la position de la tête du premier défendeur durant l'intervention, qui, selon ses dires, avait débuté à 14h44 pour se terminer à 17h30, le demandeur précisant, le 8 août 2005, la manière dont le patient avait été installé et avoir procédé à la vérification de sa position certainement à deux reprises et, le 28 mai 2009, que cette position avait été vérifiée par deux fois « pendant l'opération avant le début de l'intervention chirurgicale ».

Ainsi, les juges d'appel n'ont pas donné des déclarations précitées une interprétation inconciliable avec leurs termes.

À cet égard, le moyen manque en fait.

Le moyen fait enfin grief aux juges d'appel d'avoir violé les articles 1315, 1382 et 1383 du Code civil, 418 et 420 du Code pénal, et 870 du Code judiciaire, ainsi que le principe général du droit relatif à la présomption d'innocence. Selon lui, les juges d'appel n'ont pu légalement décider que le demandeur était responsable du dommage subi par le premier défendeur, à l'exclusion d'une éventuelle complication médicale ou autre circonstance indépendante du comportement du médecin, eu égard aux déclarations précitées, admises par la cour d'appel et relatives au contrôle qu'il avait exercé de la position de la tête du patient, pendant l'intervention chirurgicale.

La circonstance que le juge du fond déclare les faits d'une prévention établis, nonobstant la défense contraire du prévenu, ne viole pas la présomption d'innocence.

Dans cette mesure, le moyen manque en droit.

Les juges d'appel n'ont pas déduit la faute du demandeur de la seule circonstance que la tête du premier défendeur avait bougé durant l'intervention chirurgicale.

Aux feuillets 17 à 19 de l'arrêt, ils ont énoncé les manquements imputés au demandeur et dont il est résulté la cécité partielle du premier défendeur.

Ainsi, en écartant l'éventualité des hypothèses invoquées par le demandeur, ils ont considéré, respectivement, que celui-ci avait manqué à son obligation de surveillance périodique de la position de la tête du patient, alors qu'aucun obstacle ne s'y opposait, qu'il avait méconnu les risques, certes peu fréquents mais prévisibles pour un professionnel tel que lui, qu'induisait la position particulière du patient lors de semblable intervention et, enfin, qu'il avait négligé de prêter attention à l'apparition d'un épisode d'hypertension artérielle aiguë, phénomène pouvant être en relation avec la compression d'un globe oculaire.

Par ces considérations, les juges d'appel ont légalement justifié leur décision.

À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Pour le surplus, ainsi qu'il a été relevé, il ne découle pas du contenu des déclarations du demandeur que celui-ci aurait affirmé avoir procédé de manière périodique au contrôle de la position de la tête du premier défendeur, durant l'intervention chirurgicale.

Dans la mesure où il procède de l'affirmation contraire, le moyen manque en fait.

Quant à la seconde branche :

Le moyen est pris de la violation des articles 1315, 1382 et 1383 du Code civil, 418 et 420 du Code pénal et 870 du Code judiciaire, et de la méconnaissance du principe général du droit relatif à la présomption d'innocence. Il reproche à l'arrêt de ne pas régulièrement motiver et de ne pas légalement justifier sa décision de ne retenir que la seule responsabilité du demandeur et, ainsi, d'exclure celle du troisième défendeur.

Le demandeur soutient en substance que l'arrêt ne répond pas à ses conclusions dans lesquelles il a fait valoir que le troisième défendeur avait commis une faute en ayant omis d'avertir préalablement son patient du risque de cécité encouru lors d'une intervention rachidienne ; il allègue ensuite que la décision des juges d'appel est entachée de contradiction, puisque, d'une part, elle énonce que le troisième défendeur méconnaissait manifestement les risques de complication oculaire liés au matériel utilisé pendant l'opération, ce qui implique l'existence d'une faute, et, d'autre part, elle considère que ce défendeur n'a commis aucune faute ; il avance en outre qu'en ayant décidé qu'il n'était pas certain qu'une interpellation du demandeur par le troisième défendeur quant à la position du patient aurait eu un effet sur le comportement du demandeur, la cour d'appel a supposé que celui-ci aurait pu sciemment ignorer pareille interpellation spécifique et, ainsi, s'est fondée sur une hypothèse ; enfin, le demandeur fait grief à l'arrêt de ne pas exclure, de manière certaine, l'existence d'un lien de causalité entre les fautes relevées à charge du troisième défendeur et le dommage subi par le premier défendeur, puisqu'il considère qu'il n'est pas certain que ces fautes auraient eu un effet sur le comportement du demandeur.

Par ces énonciations, le moyen ne critique pas les motifs par lesquels les juges d'appel ont justifié leur décision de retenir la responsabilité du demandeur, mais il critique les motifs par lesquels ils ont exclu celle du troisième défendeur.

Lorsqu'un dommage a été causé par les fautes concurrentes de plusieurs personnes, chacune d'elles est tenue, en règle, de réparer l'entièreté du dommage de la victime qui elle-même n'a pas commis de faute.

Même en considérant que le troisième défendeur, coprévenu au civil, a commis une faute en relation causale avec le dommage du premier défendeur, le demandeur reste débiteur de la réparation intégrale de ce préjudice.

Il en résulte que le moyen n'est pas susceptible d'entraîner la cassation de la décision que les juges d'appel ont rendue sur les actions civiles que les deux premiers défendeurs ont exercées contre le demandeur.

Le moyen est irrecevable à défaut d'intérêt.

Dans sa note en réponse aux conclusions du ministère public, le demandeur soutient que l'irrecevabilité du moyen revient à le priver de toute possibilité de mettre en cause la responsabilité d'un autre prévenu, en violation des articles 10 et 11 de la Constitution. Il invite la Cour à poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle concernant cette discrimination.

Le demandeur n'indique ni la disposition légale dont la constitutionnalité devrait être vérifiée ni par rapport à quelle catégorie de justiciables la différence de traitement dont il fait état crée une inégalité de traitement susceptible de constituer l'objet d'une question qu'il propose d'adresser à la Cour constitutionnelle.

Il n'y a dès lors pas lieu de saisir celle-ci.

2. l'étendue du dommage du premier défendeur :

L'arrêt alloue au défendeur une indemnité provisionnelle, ordonne une expertise et renvoie les suites de la cause au premier juge.

Pareille décision n'est pas définitive au sens de l'article 420, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle, et est étrangère aux cas visés par le second alinéa de cet article.

Le pourvoi est irrecevable.

3. l'étendue du dommage de la défenderesse :

Le demandeur ne fait valoir aucun moyen.

B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision disant que le troisième défendeur n'a pas, par défaut de prévoyance ou de précaution, involontairement porté des coups au premier défendeur :

Le demandeur et le troisième défendeur, prévenu au civil, n'ont pas noué de lien d'instance devant la cour d'appel.

Le demandeur est, partant, sans qualité, pour l'attraire en qualité de défendeur devant la Cour et pour obtenir la cassation de la décision qui écarte sa responsabilité.

Le pourvoi est irrecevable à défaut d'intérêt.

Il n'y a pas lieu d'avoir davantage égard à la seconde branche du moyen, étrangère à la recevabilité du pourvoi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de cent trente euros quarante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-huit novembre deux mille dix-huit par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.
F. Gobert F. Stévenart Meeûs F. Lugentz
E. de Formanoir F. Roggen B. Dejemeppe


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.18.0766.F
Date de la décision : 28/11/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-11-28;p.18.0766.f ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award