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28/11/2018 | BELGIQUE | N°P.18.0104.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 28 novembre 2018, P.18.0104.F


N° P.18.0104.F
V.S. B., P., A., prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Sophie Cuykens et Benoît Lemal, avocats au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 10 janvier 2018 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque six moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
A l'audience du 17 octobre 2018, le conseiller Françoise Roggen a fait rapport et l'avocat général Damien Vandermeersch a concl

u.
Le 19 novembre 2018, le demandeur a déposé une note en réponse aux conclusions du mini...

N° P.18.0104.F
V.S. B., P., A., prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Sophie Cuykens et Benoît Lemal, avocats au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 10 janvier 2018 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque six moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
A l'audience du 17 octobre 2018, le conseiller Françoise Roggen a fait rapport et l'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
Le 19 novembre 2018, le demandeur a déposé une note en réponse aux conclusions du ministère public.
II. LA DÉCISION DE LA COUR

A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision de condamnation rendue sur l'action publique :

Sur le premier moyen :

Pris de la violation de l'article 149 de la Constitution, le moyen invoque un vice de contradiction affectant le dispositif de l'arrêt.

Le demandeur soutient qu'en déclarant d'abord la prévention A.1 de faux et usage de faux en écritures, telle que limitée par la cour, établie, l'arrêt décide que le document d'exportation du 15 septembre 2009 qui en est l'objet est un faux, mais qu'en l'acquittant ensuite du surplus de la prévention, il décide que ce même document ne l'est plus.

Sous la prévention A, le demandeur était poursuivi du chef d'avoir commis, à plusieurs reprises entre le 1er janvier 2006 et le 1er novembre 2009, plusieurs faux en écritures, pour avoir notamment complété et fait usage de documents d'exportation ne mentionnant pas le contenu réel des colis expédiés, ceux-ci contenant en réalité des biens illégalement exportés au regard de la Convention du 14 novembre 1970 concernant les mesures à prendre pour interdire ou empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels (Convention Unesco).

Au point 1 de cette prévention, il lui était reproché d'avoir rédigé ou fait rédiger, le 15 septembre 2009, un document d'exportation mentionnant des objets décoratifs alors que le colis contenait des objets archéologiques ou d'antiquité provenant du Guatemala, et d'avoir fait usage de ladite pièce.

La cour d'appel a d'abord limité puis rectifié la période infractionnelle globale pour en exclure les faits antérieurs au 31 mars 2009.

Ensuite, les juges d'appel ont estimé qu'il n'était pas établi que les objets archéologiques ou d'antiquité précités aient pu constituer des biens protégés par la Convention Unesco, de sorte que la prévention ne visait plus que le fait d'avoir frauduleusement omis de mentionner dans l'acte « des objets archéologiques ou d'antiquité provenant du Guatemala » et d'avoir fait usage de cet écrit.

Ainsi, les juges d'appel ont pu, sans se contredire, d'une part, décider que la prévention A.1, telle que limitée par eux, était établie, et, d'autre part, acquitter le demandeur du surplus de cette prévention.

Le moyen manque en fait.

Sur le deuxième moyen :

Pris de la violation de la foi due aux actes, le moyen fait grief aux juges d'appel d'avoir fondé la condamnation du demandeur sur un document d'exportation renseignant des objets décoratifs, prétendument rédigé le 15 septembre 2009, alors que le dossier répressif ne contient aucun document d'exportation portant cette date et que les documents d'exportation qui y figurent, datés du 18 septembre 2009, ne mentionnent pas d'objets dits « décoratifs ».

Ainsi que le demandeur l'indique dans son mémoire, le document d'exportation des biens provenant du Guatemala, faisant l'objet de la prévention A.1, figure à l'annexe 2 du procès-verbal n° BR.27.F1.037623/2009 du 15 octobre 2009. Ce document porte la date du 18 septembre 2009 et énumère, comme mentionné dans les conclusions d'appel du demandeur, deux cent septante-trois objets.

La désignation de l'annexe d'une pièce sous une date erronée ne constitue qu'une simple erreur matérielle et n'emporte pas de violation de la foi qui lui est due.

Par ailleurs, en qualifiant de décoratifs les deux cent septante-trois objets mentionnés dans le document d'exportation, à l'instar des douaniers dans le procès-verbal du 15 octobre 2009 relatif à l'interception du colis litigieux, et du demandeur lors de son interrogatoire du 20 septembre 2011 par les autorités françaises, pièces auxquelles la décision renvoie, les juges d'appel n'ont pas donné du document d'exportation précité, une interprétation inconciliable avec ses termes.

Le moyen ne peut être accueilli.

Sur le troisième moyen :

Le moyen est pris de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense et de la violation des articles 6.1 et 6.3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le demandeur reproche aux juges d'appel de ne pas lui avoir permis de se défendre sur la nouvelle qualification des faits visés à la prévention A.1, résultant d'une part, de la suppression de la référence à la Convention Unesco et à la législation du Guatemala, et, d'autre part, de la précision que le document d'exportation, argué de faux, renseigne deux cent septante-trois objets décoratifs alors que le colis contenait dix autres objets archéologiques ou d'antiquité.

Il résulte de la réponse au premier moyen que la cour d'appel a procédé à une limitation de la prévention originaire résultant de la circonstance que les biens archéologiques ou d'antiquité ne figurant pas sur le document d'exportation n'étaient pas protégés au sens de la Convention Unesco.

En tant qu'il soutient que le juge pénal est tenu d'inviter les parties à se défendre à l'égard d'une modification de la qualification lorsque celle-ci consiste en une limitation de la prévention originaire, le moyen manque en droit.

Pour le surplus, les juges d'appel se sont bornés à préciser le nombre des objets concernés, à savoir dix objets découverts par les douaniers en plus des deux cent septante-trois biens mentionnés dans le document d'exportation, et il ressort des conclusions du demandeur qu'il s'est défendu sur la prévention ainsi précisée.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

Sur le quatrième moyen :

Le moyen est pris de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense et de la violation des articles 6.1 et 6.3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le demandeur soutient que l'écartement de ses conclusions d'appel de synthèse ainsi que des nouvelles pièces qu'il a déposées à l'audience du 15 novembre 2017 viole les droits de défense.

Le juge peut écarter des débats, comme étant constitutives d'un abus de procédure, des conclusions tardives qui préjudicient la bonne administration de la justice, lèsent fautivement les droits de l'autre partie et portent atteinte au droit à un procès équitable.

La circonstance qu'aucun calendrier d'échange de conclusions n'a été fixé n'empêche pas le juge de constater un abus de procédure résultant de la tardiveté de celles-ci.

Dans la mesure où il revient à soutenir le contraire, le moyen manque en droit.

En relevant les étapes de la procédure, l'arrêt énonce notamment qu'à l'audience du 10 janvier 2017, la cour d'appel a invité le demandeur à se défendre de la prévention A, « éventuellement complétée » par l'adjonction des mots « et/ou au regard des lois relatives à la sauvegarde du patrimoine culturel du Guatemala et de Madagascar », que la cause a été mise en continuation à l'audience du 15 novembre 2017 et que c'est seulement à la veille de celle-ci que le conseil du demandeur a fait parvenir quarante-sept pages de conclusions ainsi que des nouvelles pièces.

Les juges d'appel ont ensuite considéré qu'il n'était pas admissible que le demandeur, qui avait bénéficié d'un délai supplémentaire de plus de dix mois pour répondre au point sur lequel il avait été invité à se défendre, ait attendu la veille de l'audience pour déposer quarante-sept pages de conclusions ainsi que de nouvelles pièces étrangères à la demande de mise en continuation.

L'arrêt énonce enfin qu'en agissant de la sorte, le demandeur a mis la partie adverse dans l'impossibilité de répondre à ses conclusions dans des conditions normales et qu'il a adopté un comportement procédural abusif portant atteinte à la bonne administration de la justice.

Par ces considérations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Sur le cinquième moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 193 et 196 du Code pénal.

Le demandeur reproche aux juges d'appel d'avoir déclaré la prévention de faux et d'usage de faux en écritures établie, sans décrire concrètement le préjudice susceptible d'en résulter alors qu'il en a contesté l'existence en termes de conclusions.

Le faux en écritures au sens des articles 193 et 196 du Code pénal consiste en une altération de la vérité réalisée avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, d'une manière prévue par la loi, dans un écrit protégé par celle-ci, d'où il peut résulter un préjudice.

Au point 45 de l'arrêt, les juges d'appel ont relevé que c'est en usant d'un subterfuge, que le demandeur a réussi, à l'insu des autorités guatémaltèques, à faire ajouter les dix objets à ceux qui étaient indiqués sur le document d'exportation.

Au point 47 de leur décision, ils ont considéré que le préjudice requis par les dispositions précitées était possible ou éventuel et pouvait affecter un intérêt collectif ou public et, partant, consister à tromper les agents d'un service de contrôle et à compromettre leurs opérations.

Par l'indication des décisions judiciaires sur la base desquelles ils ont fondé leur appréciation, les juges d'appel ne se sont pas limités à apporter une réponse théorique aux conclusions du demandeur, pas plus qu'ils n'ont attribué à la jurisprudence citée une portée générale ou réglementaire.

Ainsi, les juges d'appel ont régulièrement motivé et légalement justifié leur décision.

Le moyen ne peut être accueilli.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision relative à la restitution des objets saisis :

Sur le sixième moyen :

Quant aux deux branches réunies :

Le demandeur fait d'abord grief aux juges d'appel d'avoir commis un excès de pouvoir en refusant de lui restituer les objets saisis au motif qu'il n'en est pas le propriétaire. Il allègue à cet égard qu'il appartient au seul juge civil de trancher, au fond, les contestations relatives à la restitution.

Il soutient ensuite que les juges d'appel ont violé l'article 2 de l'arrêté royal n° 260 du 24 mars 1936 sur la détention au greffe et la procédure en restitution des choses saisies en matière répressive, en conditionnant la restitution des objets saisis à la qualité de propriétaire.

L'article 2 précité énonce que la restitution se fait à la personne en mains de qui la saisie a été opérée, à moins qu'il n'en soit autrement ordonné par le juge.

En refusant de restituer au demandeur les objets saisis et visés à la prévention A.1, au motif qu'il n'en est apparemment pas le propriétaire mais qu'il ressort de pièces de la procédure et d'une déclaration du demandeur lui-même que d'autres personnes le sont, les juges d'appel n'ont commis aucun excès de pouvoir et ont légalement justifié leur décision.

En outre, avant de refuser d'ordonner la restitution au demandeur des statuettes visées à la prévention A.2, les juges d'appel ont également constaté que de prime abord, il n'en était pas le propriétaire.

À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Revenant par ailleurs à critiquer l'appréciation en fait des juges d'appel, selon laquelle il n'y a pas lieu de restituer ces objets au demandeur, dès lors qu'il n'en est, de prime abord, pas le propriétaire, le moyen est, dans cette mesure, irrecevable.

En tant qu'il reproche aux juges d'appel de s'être prononcés sur la propriété des biens saisis alors qu'il ressort de l'arrêt qu'ils se sont bornés à statuer sur les revendications du demandeur, en excluant de prime abord que la propriété de ces objets lui appartienne, le moyen procède d'une lecture erronée de la décision attaquée et, partant, manque en fait.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de cent cinquante-trois euros cinquante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-huit novembre deux mille dix-huit par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.
F. Gobert F. Stévenart Meeûs F. Lugentz
T. Konsek F. Roggen B. Dejemeppe



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 28/11/2018
Date de l'import : 09/03/2020

Fonds documentaire ?: juridat.be


Numérotation
Numéro d'arrêt : P.18.0104.F
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-11-28;p.18.0104.f ?

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