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26/11/2018 | BELGIQUE | N°S.18.0051.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 26 novembre 2018, S.18.0051.F


N° S.18.0051.F
AGENCE WALLONNE DE LA SANTÉ, DE LA PROTECTION SOCIALE, DU HANDICAP ET DES FAMILLES - AGENCE POUR UNE VIE DE QUALITÉ, dont le siège est établi à Charleroi (Montignies-sur-Sambre), rue de la Rivelaine, 21,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation prêtant son ministère sur projet et réquisition, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,

contre

COMITÉ DES ÉCOLES LIBRES DE JAMBES, association sans but lucratif, dont le siè

ge est établi à Namur (Jambes), rue Mazy, 20,
défenderesse en cassation,
représentée par...

N° S.18.0051.F
AGENCE WALLONNE DE LA SANTÉ, DE LA PROTECTION SOCIALE, DU HANDICAP ET DES FAMILLES - AGENCE POUR UNE VIE DE QUALITÉ, dont le siège est établi à Charleroi (Montignies-sur-Sambre), rue de la Rivelaine, 21,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation prêtant son ministère sur projet et réquisition, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,

contre

COMITÉ DES ÉCOLES LIBRES DE JAMBES, association sans but lucratif, dont le siège est établi à Namur (Jambes), rue Mazy, 20,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 20 mars 2018 par la cour du travail de Liège.
Le 23 octobre 2018, l'avocat général Jean Marie Genicot a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Christian Storck a fait rapport et l'avocat général Jean Marie Genicot a été entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation
La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

Articles 1112 et suivants, et spécialement 1116 et 1123, ainsi que 1069 du Code réglementaire wallon de l'action sociale et de la santé, codifié par l'arrêté du gouvernement wallon du 4 juillet 2013

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt dit l'appel de la demanderesse non fondé par des motifs réputés ici intégralement reproduits et spécialement par les motifs suivants :
« Selon l'article 1112, alinéa 1er, du Code réglementaire wallon de l'action sociale et de la santé, dans la limite des crédits disponibles, une intervention dans le coût salarial est accordée en vue de compenser le coût supplémentaire éventuel des mesures que l'entreprise prend pour permettre au travailleur handicapé d'assumer ses fonctions, si ce coût supplémentaire est lié au handicap ;
L'article 1116 de ce code énonce que [la demanderesse] fixe le pourcentage de l'intervention, qui ne peut excéder quarante-cinq pour cent du coût salarial, et que cette intervention est fixée après enquête de [la demanderesse] auprès de l'entreprise, visant à déterminer le coût des mesures, liées au handicap, prises pour permettre au travailleur handicapé d'assumer ses fonctions ;
L'article 1123 du même code est quant à lui rédigé comme suit :
‘La prime de compensation n'est cumulable ni avec la prime à l'intégration visée à la section 5 du présent chapitre ni avec l'intervention dans la rémunération et les charges sociales accordée aux employeurs en exécution de la convention collective de travail n° 26 concernant le niveau de rémunération des handicapés occupés dans un emploi normal.
L'employeur qui bénéficie d'autres interventions publiques que celles qui sont visées à l'alinéa 1er peut se voir octroyer la prime de compensation. Toutefois, la prime est calculée sur le coût salarial restant à charge de l'employeur après déduction des autres interventions.
Lorsque le salaire brut est supérieur à cent cinquante pour cent du revenu minimum mensuel moyen garanti, il est plafonné à ce pourcentage. Par ailleurs, la cotisation patronale prise en compte, y compris les cotisations pour les vacances annuelles, en vertu de la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, ainsi que les réductions de charges sociales et les exonérations, sont réduites jusqu'à due concurrence.
Ce coût salarial doit être justifié par une copie de la déclaration à l'Office national de sécurité sociale' ;
[...] Il résulte de ces textes que l'intervention en cause n'a pas pour finalité de diminuer le coût salarial de l'occupation d'un travailleur handicapé mais bien de prendre en charge, au moins partiellement, ‘l'ajustement des conditions de travail d'un travailleur handicapé'. Cet ajustement peut consister en des aménagements matériels ou en l'embauche de personnel chargé d'aider ou de décharger le travailleur handicapé ;
Par conséquent, la référence au coût salarial vise essentiellement à fixer la limite de l'intervention dans le coût de l'adaptation des conditions de travail à un certain pourcentage de ce coût salarial après réduction d'autres interventions éventuelles pour éviter des adaptations financièrement disproportionnées par rapport aux services rendus par le travailleur handicapé concerné. Elle est également la forme que prend cette intervention. Cette référence n'a pas pour effet d'exiger que ce coût salarial soit supporté par l'employeur et ainsi de supprimer toute possibilité d'octroi de la prime de compensation en cas d'occupation d'un travailleur dont le salaire fait l'objet d'une subvention-traitement ;
[...] L'interprétation inverse soutenue par [la demanderesse], qui se fonde sur le postulat de l'absence de coût salarial dans l'hypothèse d'un emploi subventionné comme c'est le cas dans l'enseignement, soit pour en déduire l'impossibilité d'un octroi de la prime de compensation, soit pour soutenir qu'elle devrait être égale à zéro, ne peut être suivie ;
Cette interprétation revient en effet à considérer que le travailleur handicapé rémunéré via une subvention-traitement aurait un coût salarial nul, alors que tel n'est évidemment pas le cas, même si ce coût est pris en charge par la Communauté française plutôt que par l'employeur ;
Cette dernière circonstance est cependant sans incidence sur le coût de l'aménagement des conditions de travail de la personne handicapée, qui sont bien à la charge de l'employeur et qui constituent la charge visée par la prime de compensation. Cela rend sans pertinence l'affirmation de [la demanderesse] selon laquelle le travailleur subventionné ‘ne coûte rien' à l'employeur, puisque ce qui est en cause, c'est le coût de l'adaptation de ses conditions de travail, qui est bien réel ;
La prise en charge du coût salarial par la Communauté française n'empêche pas non plus que soit accomplie la comparaison, par le biais d'un pourcentage de ce coût salarial une fois déduites d'autres interventions éventuelles, entre le coût des aménagements envisagés et celui de l'emploi aménagé ;
Par ailleurs, l'interprétation soutenue par [la demanderesse] opère sans conteste une différence de traitement entre les employeurs selon que l'emploi handicapé auquel ils recourent fait l'objet d'une subvention-traitement ou non, seuls les seconds pouvant bénéficier de la prime de compensation. Or, tous ces employeurs se trouvent placés dans une situation comparable, et même parfaitement identique, du point de vue des dépenses à consentir pour l'adaptation du poste du travailleur handicapé concerné, soit les dépenses que la prime de compensation vise à prendre en charge en vue de favoriser l'intégration professionnelle et sociale de la personne handicapée. Partant, cette différence de traitement ne serait pas raisonnablement justifiée au regard de l'objectif poursuivi par les dispositions qui l'instaurent, dans la thèse de [la demanderesse], ce qui les rendrait contraires aux articles 10 et 11 de la Constitution ;
Cette thèse introduirait également une différence de traitement entre les travailleurs handicapés selon qu'ils sont occupés dans un secteur subventionné ou non, seuls les seconds pouvant bénéficier, même indirectement par l'intermédiaire de leur employeur, d'une intervention dans les frais d'adaptation de leur poste de travail. Or, tous les travailleurs handicapés, pour autant que soient remplies les autres conditions d'octroi de la prime de compensation, se trouvent placés dans une situation identique ou similaire du point de vue de l'adaptation de leurs conditions de travail que la prime en question vise à permettre. Cette différence de traitement ne serait donc pas non plus raisonnablement justifiée au regard de l'objectif poursuivi par les dispositions qui l'instaurent, dans la thèse de [la demanderesse], ce qui les rendrait contraires aux articles 10 et 11 de la Constitution ;
Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les décisions de [la demanderesse], qui reposent sur une interprétation inexacte des dispositions précitées et sur une exigence indue d'un coût salarial à charge de l'employeur de la personne handicapée pour laquelle la prime de compensation est demandée, doivent être réformées ;
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné [la demanderesse] à prolonger l'octroi à [la défenderesse] de la prime de compensation en faveur de madame M., pour autant que les autres conditions de cet octroi continuent d'être réunies ».
Griefs

L'article 1112 du Code réglementaire wallon de l'action sociale et de la santé du 4 juillet 2013 définit la prime de compensation comme « une intervention dans le coût salarial [...] accordée en vue de compenser le coût supplémentaire éventuel des mesures que l'entreprise prend pour permettre au travailleur handicapé d'assumer ses fonctions, si ce coût supplémentaire est lié au handicap ».
Aux termes de l'article 1116, alinéa 1er, du même code, la demanderesse « fixe le pourcentage de l'intervention, qui ne peut excéder quarante-cinq pour cent du coût salarial ».
Enfin, en vertu de l'article 1123, alinéa 2, « la prime est calculée sur le coût salarial restant à charge de l'employeur après déduction des autres interventions ».
La demanderesse estime que la subvention de la [Communauté française], tout comme d'autres interventions de quelque nature que ce soit visant à la prise en charge du coût salarial du travailleur, fait obstacle à l'octroi d'une prime de compensation en tout ou en partie et que, dans l'hypothèse où cette intervention couvre tout le coût salarial, le montant de la prime est égal à zéro puisque, dans cette hypothèse, le salaire du travailleur handicapé n'est pas pris en charge par l'employeur, qu'il s'agisse d'ailleurs d'un employeur privé ou d'un employeur public.
La doctrine rappelle que la prime de compensation « est octroyée à l'employeur afin de compenser l'éventuel coût supplémentaire qu'il assume pour permettre à un travailleur handicapé d'exercer ses fonctions » et que « cette prime est octroyée pour les adaptations relatives à l'organisation du travail » (C. Grun, C. Thewis et S. Willems, « La réinsertion professionnelle des personnes handicapées dans les entreprises », Or., 2010, livr. 5, p. 23).
En l'espèce, le recrutement d'une puéricultrice chargée d'effectuer à la place de madame M. les tâches que son handicap l'empêche d'effectuer constitue une « mesure que l'entreprise prend pour permettre au travailleur handicapé d'assumer ses fonctions », au sens de l'article 1112 du Code wallon.
Dans cette optique, en vertu des articles 1112 et suivants du Code wallon, et quel que soit le coût de la mesure, donc quel que soit le montant du salaire de cette puéricultrice, il y a lieu théoriquement de calculer la prime de compensation correspondant à une fraction du coût salarial, lequel est défini par l'article 1069 du Code wallon comme « le salaire brut, majoré des cotisations patronales dues en vertu de la loi du 27 juillet 1969 révisant l'arrêté loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, à l'exclusion des cotisations patronales relatives au double pécule de vacances des ouvriers, des doubles pécules de vacances versés par les employeurs à leurs employés et des pécules de vacances versés à leurs travailleurs par les employeurs relevant du secteur public, et déduction faite des réductions de cotisations patronales et des exonérations ».
D'une part, le coût salarial dont question ne peut donc être entendu comme l'ensemble des dépenses qui incombent à l'employeur pour l'emploi d'un salarié, y compris le coût supplémentaire éventuel des mesures que l'entreprise prend pour permettre au travailleur handicapé d'assumer ses fonctions.
Le coût salarial doit d'ailleurs être justifié par une copie de la déclaration à l'Office national de sécurité sociale, ce qui établit de manière incontournable que, dans le coût salarial, ne peut être inclus le coût des mesures, lequel ne constitue pas nécessairement un salaire.
D'autre part, l'article 1123, alinéas 1er et 2, impose le respect du principe du non-cumul de ladite prime de compensation avec des interventions publiques, tout en précisant que la prime est calculée sur le coût salarial restant à charge de l'employeur après déduction des autres interventions.
L'arrêt le souligne d'ailleurs sans respecter le texte normatif.
Il n'est, partant, pas légalement justifié, en violation des articles 1069, 1112, 1116 et 1123 du Code réglementaire wallon de l'action sociale et de la santé du 4 juillet 2013.

III. La décision de la Cour

Aux termes de l'article 1112, alinéa 1er, du Code réglementaire wallon de l'action sociale et de la santé, dans la limite des crédits disponibles, une intervention dans le coût salarial est accordée en vue de compenser le coût supplémentaire éventuel des mesures que l'entreprise prend pour permettre au travailleur handicapé d'assumer ses fonctions, si ce coût supplémentaire est lié au handicap.
Il incombe en vertu de l'article 1116, alinéa 1er, de ce code à la demanderesse de fixer le pourcentage de cette intervention.
L'article 1123 du même code dispose, en son alinéa 1er, que la prime de compensation n'est cumulable ni avec la prime à l'intégration visée à la section 5 du même chapitre du code ni avec l'intervention dans la rémunération et les charges sociales accordée aux employeurs en exécution de la convention collective de travail n° 26 concernant le niveau de rémunération des handicapés occupés dans un emploi normal, en son alinéa 2, que l'employeur qui bénéficie d'autres interventions publiques que celles qui sont visées à l'alinéa 1er peut se voir octroyer la prime de compensation mais que celle-ci est calculée sur le coût salarial restant à charge de l'employeur après déduction des autres interventions et, en son alinéa 4, que le coût salarial est justifié par une copie de la déclaration à l'Office national de sécurité sociale.
Le coût salarial est défini à l'article 1069, 7°, du code comme le salaire brut, majoré des cotisations patronales dues en vertu de la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, à l'exclusion des cotisations patronales relatives aux doubles pécules de vacances des ouvriers, des doubles pécules de vacances versés par les employeurs à leurs employés et des pécules de vacances versés à leurs travailleurs par les employeurs relevant du secteur public, et déduction faite des réductions de cotisations patronales et des exonérations.
Lorsque sa rémunération est, via le mécanisme de la subvention-traitement, payée au travailleur handicapé par une autorité qui n'est pas son employeur, ce paiement ne constitue pas une intervention publique diminuant le coût salarial sur lequel doit être calculée la prime de compensation revenant à l'employeur qui prend des mesures pour permettre à ce travailleur d'assumer ses fonctions.
Le moyen, qui repose sur le soutènement contraire, manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de six cent quarante-deux euros onze centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du Fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Mireille Delange, Marie-Claire Ernotte et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du vingt-six novembre deux mille dix-huit par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.
L. Body A. Jacquemin M.-Cl Ernotte
M. Delange D. Batselé Chr. Storck


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.18.0051.F
Date de la décision : 26/11/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-11-26;s.18.0051.f ?

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