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22/11/2018 | BELGIQUE | N°C.17.0126.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 novembre 2018, C.17.0126.F


N° C.17.0126.F
AUTORITÉ BELGE DE LA CONCURRENCE, dont le siège est établi à Saint-Josse-ten-Noode, rue du Progrès, 50,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,
contre

BPOST, société anonyme de droit public, dont le siège social est établi à Bruxelles, place de la Monnaie, centre Monnaie,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, do

nt le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,
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N° C.17.0126.F
AUTORITÉ BELGE DE LA CONCURRENCE, dont le siège est établi à Saint-Josse-ten-Noode, rue du Progrès, 50,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,
contre

BPOST, société anonyme de droit public, dont le siège social est établi à Bruxelles, place de la Monnaie, centre Monnaie,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,

en présence de

1. G3 WORLDWIDE (BELGIUM), société anonyme, dont le siège social est établi à Malines, Generaal De Wittelaan, 11C,
2. R. V. R.,
3. Marc-Alain SPEIDEL, curateur à la faillite de la société anonyme Link2Biz International,
4. PUBLIMAIL, société anonyme, dont le siège social est établi à Bruxelles, rue de Meudon, 60,
parties appelées en déclaration d'arrêt commun,

et en présence de

COMMISSION EUROPÉENNE, dont le siège est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 200,
représentée par Maître Paul Lefèbvre, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 10 novembre 2016 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le 6 novembre 2018, l'avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l'avocat général Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.

II. Les faits de la cause et les antécédents de la procédure
Tels qu'ils ressortent de l'arrêt attaqué et des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard, les faits de la cause et les antécédents peuvent être résumés comme suit :
1. La défenderesse offre des services de distribution postale à deux catégories spécifiques de clients, à savoir les expéditeurs d'envois en nombre, qui sont des consommateurs finaux, et les entreprises de routage, qui sont des intermédiaires fournissant eux-mêmes des services en amont du service de distribution postale, par la préparation du courrier (impression, mise sous enveloppe, étiquetage et affranchissement) et le dépôt des envois (collecte, regroupement et conditionnement des envois en sacs postaux, transport et dépôt auprès des endroits désignés par l'opérateur postal).
Les parties appelées en déclaration d'arrêt commun, qui sont des entreprises de routage, ont successivement déposé plainte pour abus de position dominante auprès du Conseil de la concurrence en raison du nouveau modèle de tarification conventionnelle de la défenderesse pour la distribution d'envois publicitaires adressés (direct mail) et d'envois administratifs (admin mail) applicable à partir du 1er janvier 2010, dès lors que le système de rabais quantitatif était dorénavant calculé sur la base du volume d'envois déposé par expéditeur et non plus, pour les intermédiaires, sur la base du volume total d'envois en provenance de l'ensemble des expéditeurs auxquels ils fournissent leurs services.

Par décision du 10 décembre 2012, le Conseil de la concurrence a décidé que la défenderesse a enfreint les articles 3 de la loi sur la protection de la concurrence économique, coordonnée le 15 septembre 2006, et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Il a considéré que le traitement différencié de rabais quantitatifs ne constituait pas une discrimination au sens strict du terme, mais était abusif en ce qu'il plaçait les intermédiaires dans une situation concurrentielle désavantageuse par rapport à la défenderesse, le système pratiqué incitant les clients importants à conclure directement avec cette dernière.
2. Dans le cadre de l'application de la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques, l'Institut belge des services postaux et des télécommunications a infligé à la défenderesse, par décision du 20 juillet 2011, une amende pour violation de son obligation de non-discrimination et de transparence prévue par les articles 144bis et 144ter de cette loi, alors applicables, en ce qui concerne les tarifs conventionnels de l'année 2010.
Saisie du recours de la défenderesse, la cour d'appel de Bruxelles, se fondant sur l'arrêt C-340/13 rendu le 11 février 2015 par la Cour de justice de l'Union européenne qu'elle avait saisie d'une question préjudicielle, a considéré, par arrêt du 10 mars 2016, que le système litigieux n'était pas contraire à l'obligation de non-discrimination et a annulé en conséquence la décision de l'Institut belge des services postaux et des télécommunications.
Cette décision était coulée en force de chose jugée au moment où, par l'arrêt attaqué, la cour d'appel a statué sur le recours de la défenderesse contre la décision du Conseil de la concurrence.
L'arrêt attaqué décide que celle-ci est fondée à invoquer le principe non bis in idem.

III. Le moyen de cassation

La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- articles 50, 51 et 52 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, proclamée par le Parlement européen, le Conseil et la Commission le 7 décembre 2000, telle qu'elle a été adaptée le 12 décembre 2007 ;
- article 6 du Traité sur l'Union européenne, signé à Maastricht le 7 février 1992, approuvé par la loi du 26 novembre 1992, modifié par le Traité de Lisbonne du 13 décembre 2007 modifiant le Traité sur l'Union européenne et le Traité instituant la Communauté européenne, approuvé par la loi du 19 juin 2008, et, en tant que de besoin, les lois d'approbation précitées ;
- articles 102 et 288 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, à savoir le Traité instituant la Communauté économique européenne, signé à Rome le 25 mars 1957, approuvé par la loi du 2 décembre 1957, tel qu'il a été modifié par le Traité de Lisbonne du 13 décembre 2007 modifiant le Traité sur l'Union européenne et le Traité instituant la Communauté européenne, approuvé par la loi du 19 juin 2008, et, en tant que de besoin, les lois d'approbation précitées ;
- article 4 du Protocole n° 7 du 22 novembre 1984 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, approuvé par la loi du 6 mars 2007, et, en tant que de besoin, cette loi d'approbation ;
- articles 3 et 6 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité ;
- principe général du droit non bis in idem ;
- article 149 de la Constitution.
Décisions et motifs critiqués

L'arrêt attaqué annule la décision n° 2012-P/K-32 du Conseil de la concurrence du 10 décembre 2012 dans les affaires référencées CONC-P/K-05/0067, CONC-P/K-09/0017 et CONC-P/K-10/0016 [...], décision ayant fait l'objet d'une correction pour erreur matérielle du Conseil de la concurrence le 12 février 2013, dit pour droit que la Caisse des dépôts et consignations sera tenue, sur présentation d'un exploit de signification de l'arrêt, de libérer, en faveur de [la défenderesse], le montant de l'amende payée, et condamne [la demanderesse] aux dépens de [la défenderesse].
Ces décisions sont fondées sur l'ensemble des motifs de l'arrêt attaqué, tenus pour être ici expressément reproduits, et plus spécialement sur les motifs suivants :
« III.3. Discussion et décision
1° Les dispositions applicables
35. Le principe non bis in idem est celui selon lequel nul ne peut être poursuivi ou puni une deuxième fois en raison d'une infraction ou de faits [...] pour laquelle ou lesquels il a déjà été soit acquitté, soit condamné par un jugement définitif. Il n'est pas contesté que cette protection profite aux personnes morales également.
Le principe est reconnu comme principe général fondamental du droit communautaire au sein de l'Union européenne et comme principe général du droit interne belge.
Il est consacré dans des termes quasiment identiques par l'article 14, § 7, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l'article 4, § 1er, du Protocole additionnel n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 54 de la Convention européenne d'application de l'accord Schengen et enfin par l'article 50 de la Charte, toutes dispositions qui sont d'effet direct en droit belge (le Protocole n° 7 est entré en vigueur en Belgique le 1er juillet 2012, de sorte qu'il est applicable au litige, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté).
Par contre, la Cour européenne des droits de l'homme précise que le principe n'est pas inclus dans les garanties de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales lui-même.
L'article 50 de la Charte dispose que ‘nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l'Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi'.
L'article 4 du Protocole additionnel n° 7 dispose que ‘nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État'.
Cette disposition vise les doubles poursuites au sein d'un même État partie au protocole, tandis que l'article 50 de la Charte a un champ d'application plus large et vise la double incrimination au sein de l'Union.
Une mise en œuvre du droit de l'Union est toutefois nécessaire à son application. En effet, l'article 51, § 1er, de la Charte prévoit que :
‘Les dispositions de la présente charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives et dans le respect des limites des compétences de l'Union telles qu'elles lui sont conférées dans les traités'.
Par son arrêt du 26 février 2013, Aklagaren c/ Franson, la grande chambre de la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que le droit de l'Union est mis en œuvre par les États dès que leur réglementation nationale ‘entre dans le champ d'application du droit de l'Union' et que ‘cette définition du champ d'application des droits fondamentaux de l'Union est corroborée par les explications relatives à l'article 51 de la Charte, lesquelles, conformément à l'article 6, § 1er, troisième alinéa, du Traité sur l'Union européenne et à l'article 52, § 7, de la Charte, doivent être prises en considération en vue de son interprétation'.
Par contre, lorsqu'une situation juridique ne relève pas du champ d'application du droit de l'Union, les droits fondamentaux garantis par la Charte ne doivent pas être respectés et la Cour de justice n'est pas compétente pour en connaître.
Enfin, ‘lorsqu'une juridiction d'un État membre est appelée à contrôler la conformité aux droits fondamentaux d'une disposition ou d'une mesure nationale qui, dans une situation dans laquelle l'action des États membres n'est pas entièrement déterminée par le droit de l'Union, met en œuvre ce droit au sens de l'article 51, § 1er, de la Charte, il reste loisible aux autorités et aux juridictions nationales d'appliquer des standards nationaux de protection des droits fondamentaux, pourvu que cette application ne compromette ni le niveau de protection prévu par la Charte, telle qu'elle est interprétée par la Cour de justice, ni la primauté, l'unité et l'effectivité du droit de l'Union (voir pour ce dernier aspect, arrêt du 26 février 2013, Meloni, C-399/11, point 60)'.
En l'espèce, la décision attaquée vise la violation de l'article 102 du Traité conformément à l'article 3.1 du Règlement 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 selon lequel, ‘lorsque les autorités de concurrence des États membres ou les juridictions nationales appliquent le droit national de la concurrence à une pratique abusive interdite par l'article 82 (102) du Traité, elles appliquent également l'article 82 (102) du Traité'. Elle met donc en œuvre le droit de l'Union.
2° Interprétation de l'article 50 de la Charte conforme à celle de l'article 4 du Protocole additionnel n° 7.
Dans la présente cause, l'article 50 de la Charte doit être exclusivement interprété de manière conforme à l'article 4 du Protocole additionnel n° 7 tel qu'il est lui-même interprété par la Cour européenne des droits de l'homme.
En effet, lorsque les doubles poursuites sont menées au sein du même État, comme en l'espèce, l'article 52, § 3, de la Charte dispose que, ‘dans la mesure où la présente charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l'Union accorde une protection plus étendue'.
Cette assimilation ou homogénéité résulte également des explications relatives à la Charte, explications que l'article 6, § 1er, alinéa 2, du traité invite les juridictions des États membres à prendre ‘dûment en considération'.
Selon ces explications :
‘La règle « non bis in idem » s'applique dans le droit de l'Union (voir, parmi une importante jurisprudence, l'arrêt du 5 mai 1966, Gutmann c/ Commission, aff. 18/65 et 35/65, Rec., 1966, 150 et, pour une affaire récente, arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, aff. jointes T-305/94 et autres, Limburgse Vinyl Maatschappij c/ Commission, Rec., 1999, XI, 931).
Il est précisé que la règle du non-cumul vise le cumul de deux sanctions de même nature, en l'espèce pénales. Conformément à l'article 50, la règle « non bis in idem » ne s'applique pas seulement à l'intérieur de la juridiction d'un même État mais aussi entre les juridictions de plusieurs États membres. Cela correspond à l'acquis du droit de l'Union : voir les articles 54 à 58 de la Convention d'application de l'accord de Schengen et l'arrêt de la Cour de justice du 11 février 2003 dans l'affaire C-187/01 Gözütok (Rec., 2003, I, 1345), l'article 7 de la Convention relative à la protection des intérêts financiers de la Communauté et l'article 10 de la Convention relative à la lutte contre la corruption.
Les exceptions très limitées par lesquelles ces conventions permettent aux États membres de déroger à la règle « non bis in idem » sont couvertes par la clause horizontale de l'article 52, § 1er, sur les limitations.
En ce qui concerne les situations visées par l'article 4 du Protocole n° 7, à savoir l'application du principe à l'intérieur d'un même État membre, le droit garanti a le même sens et la même portée que le droit correspondant de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales' et plus loin, ‘l'article 50 correspond à l'article 4 du Protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mais sa portée est étendue au niveau de l'Union européenne entre les juridictions des États membres'.
Dès lors, en l'espèce, il n'y a pas lieu de tenir compte de la jurisprudence déployée par la Cour de justice de l'Union européenne, particulièrement en droit de la concurrence en cas de poursuites nationales et européennes, pour restreindre le jeu du principe ‘non bis in idem' et en particulier de l'arrêt Toshiba et consorts invoqué par [la demanderesse]. Il faut s'en tenir à l'article 4, § 1er, du Protocole additionnel n° 7 et à la jurisprudence développée à cet égard.
3° Les conditions d'application de l'article 4 du Protocole additionnel n° 7.
Tel qu'il est décliné par la jurisprudence de la Cour européenne acceptée en Belgique tant par la Cour constitutionnelle que par le Conseil d'État et la Cour de cassation (voir pour un panorama très complet des jurisprudences de ces juridictions, Philippe de Koster, ‘Le principe « non bis in idem » : de la révolution à l'intégration cinq ans après l'arrêt Sergueï Zolotoukhine ?', Droit pénal de l'entreprise, 2015), le principe ‘non bis in idem' requiert trois conditions d'application.
(i) Nécessité de doubles poursuites à caractère pénal
Le principe s'applique en présence de poursuites à caractère pénal au sens strict mais également en présence de poursuites administratives à caractère pénal.
Dans le domaine particulier du droit de la concurrence, la Cour de justice admet que le principe fondamental du droit communautaire consacré ‘par ailleurs' par l'article 4, § 1er, du Protocole n° 7, ‘interdit, en matière de concurrence, qu'une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois du fait d'un comportement anticoncurrentiel du chef duquel elle a été sanctionnée ou dont elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure qui n'est plus susceptible de recours' (Cour de justice, arrêt du 15 octobre 2002, C-238/99, P. Limburgse Vinyl Maatschappij, 59 ; voir également les décisions du tribunal citées en note 252, page 82, par Th. Bombois, in La protection des droits fondamentaux des entreprises en droit européen répressif de la concurrence, Larcier, Bruxelles, 2012).

Selon la Cour européenne et la Cour de justice, c'est à la juridiction nationale qu'il appartient de qualifier la sanction. Ainsi, dans l'affaire Aklagaren déjà citée, relative à l'imposition d'une sanction administrative dans le domaine fiscal, la Cour de justice confirme qu'il appartient à la juridiction nationale de déterminer le caractère pénal d'une sanction administrative prévue par son droit national et qu'aux fins d'apprécier la nature pénale de la sanction administrative en cause, trois critères sont pertinents. Le premier est la qualification juridique de l'infraction en droit interne, le deuxième la nature même de l'infraction et le troisième la nature ainsi que le degré de sévérité de la sanction que risque de subir l'intéressé. Cet arrêt se réfère aux critères qui ont été dégagés par la Cour européenne dans l'arrêt Engel c/ Pays-Bas du 8 juin 1976 pour déterminer le caractère pénal d'une sanction administrative au regard de l'article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, depuis lors, la Cour européenne les applique pour vérifier si des sanctions administratives nationales, notamment dans les domaines économique et financier, ont été infligées en violation de l'article 6, § 1er, de cette convention.
En 2011, la Cour européenne des droits de l'homme a rappelé dans l'affaire Menarini Diagnostics c/ Italie, rendue à propos d'une sanction pécuniaire nationale pour des pratiques anti-concurrentielles, que ces critères sont alternatifs et non cumulatifs : pour que l'article 6, § 1er, s'applique au titre des mots ‘accusation en matière pénale', il suffit que l'infraction en cause soit, par nature, ‘pénale' au regard de la Convention, ou ait exposé l'intéressé à une sanction qui, par sa nature et son degré de gravité, ressortit en général à la ‘manière pénale'. Cela n'empêche pas l'adoption d'une approche cumulative si l'analyse séparée de chaque critère ne permet pas d'aboutir à une conclusion claire quant à l'existence d'une ‘accusation en matière pénale' (arrêt du 27 septembre 2011). En effet, lorsque la sanction revêt un caractère pénal, elle exige que la décision de l'autorité administrative subisse un contrôle par un organe judiciaire de pleine juridiction et offrant toutes les garanties prévues par cette disposition conventionnelle, tout en admettant que ces garanties ne soient pas scrupuleusement respectées par les autorités administratives elles-mêmes.
Ces trois critères sont également retenus par la Cour européenne pour vérifier une violation éventuelle du principe ‘non bis in idem' au regard du Protocole n° 7.
(ii) Nécessité d'une première décision définitive non susceptible de recours d'acquittement ou de condamnation
Dans son arrêt du 4 mars 2014 en cause de Grande Stevens et autres c/ Italie, la Cour européenne rappelle que ‘la garantie consacrée à l'article 4 du Protocole n° 7 entre en jeu lorsque de nouvelles poursuites sont engagées et que la décision antérieure d'acquittement ou de condamnation est déjà passée en force de chose jugée. À ce stade, les éléments du dossier comprendront forcément la décision par laquelle la première « procédure pénale » s'est terminée et la liste des accusations portées contre le requérant dans la nouvelle procédure. Normalement, ces pièces renfermeront un exposé des faits concernant l'infraction pour laquelle le requérant a déjà été jugé et un autre se rapportant à la seconde infraction dont il est accusé. Ces exposés constituent un utile point de départ pour l'examen par la Cour de la question de savoir si les faits des deux procédures sont identiques ou sont en substance les mêmes. Peu importe quelles parties de ces nouvelles accusations sont finalement retenues ou écartées dans la procédure ultérieure, puisque l'article 4 du Protocole n° 7 énonce une garantie contre de nouvelles poursuites ou le risque de nouvelles poursuites, et non l'interdiction d'une seconde condamnation ou d'un second acquittement (Sergueï Zolotoukhine, précité, § 83)'(§ 220).
Cette interprétation est également celle de la Cour constitutionnelle selon un arrêt récent du 3 avril 2014 (rendu sur le recours en annulation des articles 2, 3, 4, 14 et 15 de la loi du 20 septembre 2012 instaurant le principe ‘una via' dans le cadre de la poursuite des infractions à la législation fiscale et majorant les amendes pénales fiscales et qui annule les articles 3, 4 et 14). Sous le considérant B.15.2, la Cour constitutionnelle énonce : ‘Comme le relève la Cour européenne des droits de l'homme, l'article 4 du Septième Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales énonce une garantie qui « entre en jeu lorsque de nouvelles poursuites sont engagées et que la décision antérieure d'acquittement ou de condamnation est déjà passée en force de chose jugée »'.
Il convient donc d'avoir égard, d'une part, à la date à laquelle une décision d'acquittement ou de condamnation est passée en force de chose jugée, et, d'autre part, à la date à laquelle de nouvelles poursuites sont engagées ou la nouvelle sanction prononcée. Si la décision passée en force de chose jugée leur est ou lui est antérieure, le principe ‘non bis in idem' s'applique et empêche de nouvelles poursuites ou une (nouvelle) condamnation, ou encore la continuation des poursuites antérieures.
(iii) Nécessité de doubles poursuites pour des faits identiques ou en substance les mêmes
Depuis 2009, il ressort clairement de la jurisprudence strasbourgeoise que l'article 4 du Protocole additionnel n° 7 doit être compris comme interdisant de poursuivre ou de juger dans le même État une personne pour une seconde ‘infraction' pour autant que celle-ci ait pour origine des faits identiques ou des faits qui sont en substance les mêmes.
Telle est la portée de l'arrêt de principe Zolotoukhine car, selon la Cour européenne, la Convention doit être interprétée et appliquée d'une manière ‘qui en rende les garanties concrètes et effectives, et non pas théoriques et illusoires', de sorte que ‘l'emploi du terme « infraction » ne saurait justifier l'adhésion à une approche plus restrictive'. Il faut donc, mais il suffit, que les nouvelles poursuites ou sanctions pénales en cause ‘se fondent sur le même comportement' que celui précédemment sanctionné, même si elles se distinguent sur le plan de l'appellation des infractions et sur celui, ‘plus fondamental, de leur nature et de leur but' (arrêt du 10 juin 2009).
La Cour européenne a précisé dans l'affaire Grande Stevens déjà citée que l'examen doit porter sur les faits décrits dans les poursuites, qui constituent un ensemble de circonstances factuelles concrètes impliquant le même contrevenant et indissociablement liées entre elles dans le temps et l'espace, l'existence de ces circonstances devant être démontrée pour qu'une condamnation puisse être prononcée ou que des poursuites pénales puissent être engagées.

Telles sont les seules conditions qui se dégagent actuellement de la jurisprudence de la Cour européenne à propos de l'article 4 du Protocole n° 7.
On peut certes observer que, dans l'affaire Jussila c/ Finlande du 23 novembre 2006, la Cour européenne identifie, sous le n° 43, un ‘noyau dur' du droit pénal : ‘s'il est vrai que les affaires mentionnées ci-dessus, pour lesquelles la tenue d'une audience n'a pas été jugée nécessaire, se rapportaient à des procédures relevant du volet civil de l'article 6, § 1er, et que les exigences du procès équitable sont plus rigoureuses en matière pénale, la Cour n'exclut pas que, dans le cadre de certaines procédures pénales, les tribunaux saisis puissent, en raison de la nature des questions qui se posent, se dispenser de tenir une audience. S'il faut garder à l'esprit que les procédures pénales, qui ont pour objet la détermination de la responsabilité pénale et l'imposition de mesures à caractère répressif et dissuasif, revêtent une certaine gravité, il va de soi que certaines d'entre elles ne comportent aucun caractère infamant pour ceux qu'elles visent et que les « accusations en matière pénale » n'ont pas toutes le même poids. De surcroît, en adoptant une interprétation autonome de la notion d'« accusation en matière pénale » par application des critères Engel, les organes de la Convention ont jeté les bases d'une extension progressive de l'application du volet pénal de l'article 6 à des domaines qui ne relèvent pas formellement des catégories traditionnelles du droit pénal, telles que (...) les sanctions pécuniaires infligées pour violation du droit de la concurrence (Société Stenuit c/ France, 27 février 1992, série A, n° 232-A) [...]. Les majorations d'impôt ne faisant pas partie du noyau dur du droit pénal, les garanties offertes par le volet pénal de l'article 6 ne doivent pas nécessairement s'appliquer dans toute leur rigueur (arrêts Bendenoun et Janosevic, précités, §§ 46 et 81 respectivement, dans lesquels la Cour a jugé que des autorités administratives ou des organes non judiciaires statuant en premier ressort pouvaient infliger des sanctions pénales sans enfreindre l'article 6, § 1er, et, a contrario, l'arrêt Findlay, précité)'.

La Cour européenne distingue donc dans cet arrêt ‘un noyau dur' dans le droit pénal, auquel les sanctions en droit de la concurrence n'appartiennent pas et pour lesquelles les garanties offertes par le volet pénal de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne doivent ‘pas nécessairement s'appliquer dans toute leur rigueur'. La majorité n'a donc pas suivi l'opinion dissidente de trois juges selon laquelle ‘les garanties du procès équitable consacrées par l'article 6 de la Convention valent pour toutes les infractions pénales. L'application de ces garanties ne dépend donc pas et ne peut dépendre de la réponse à la question de savoir si telle ou telle infraction ressortit au « noyau dur du droit pénal » ou revêt « un caractère infamant »' (Pour ce motif, elle jugera pour la première fois que la tenue d'une audience n'est pas indispensable pour statuer sur une sanction fiscale dont elle admet pourtant le caractère pénal, alors qu'auparavant elle ne l'avait admis que pour les procédures civiles).
Cependant, dans l'arrêt prononcé postérieurement, dans l'affaire Menarini Diagnostics déjà citée, la Cour européenne n'évoque plus le noyau dur du droit pénal, même si elle répète que ‘la nature d'une procédure administrative peut différer, sous plusieurs aspects, de la nature d'une procédure pénale au sens strict du terme'. Elle précise que, ‘si ces différences ne sauraient exonérer les État cocontractants de leur obligation de respecter toutes les garanties offertes par le volet pénal de l'article 6, elles peuvent néanmoins influencer les modalités de leur application'.
On sait que, pour ce motif, la Cour européenne exige l'existence d'un recours de pleine juridiction devant une autorité totalement indépendante et impartiale pour connaître des décisions rendues par les autorités administratives qui prononcent des sanctions à caractère pénal.
En l'état actuel de sa jurisprudence, la Cour européenne n'émet pas de réserve ou de restriction à une application pleine et entière de l'article 4 du Protocole additionnel n° 7 aux entreprises dans l'exercice de leurs activités lorsqu'elles sont poursuivies pour infractions au droit économique. La cour [d'appel] se réfère à nouveau à l'arrêt rendu dans l'affaire Grande Stevens déjà citée.
Il importe au surplus de rappeler que, par son arrêt déjà cité du 3 avril 2014, la Cour constitutionnelle énonce ce qui suit :
‘B.14. Une différence de traitement qui prive certaines personnes du bénéfice du principe « non bis in idem » n'est pas susceptible de justification en raison de la nature même du principe en cause. Rien ne pourrait en effet justifier qu'une catégorie de personnes se voie refuser l'application du principe « non bis in idem » alors que les conditions de cette application sont réunies.
B.15.1. En vertu du principe général de droit non bis in idem, garanti également par l'article 14, § 7, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, nul ne peut être poursuivi ou puni une seconde fois en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif « conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays ». Ce principe est également consacré par l'article 4 du Septième Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, entré en vigueur à l'égard de la Belgique le 1er juillet 2012 et, dans son champ d'application, par l'article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, le principe non bis in idem interdit « de poursuivre ou de juger une personne pour une seconde ‘infraction' pour autant que celle-ci a pour origine des faits identiques ou des faits qui sont en substance les mêmes » (arrêt du 10 février 2009, Zolotoukhine c/ Russie, § 82)'.
Enfin, lorsque les conditions d'application du principe non bis in idem sont réunies, la jurisprudence de la Cour européenne est actuellement fixée en ce sens qu'il n'est pas suffisant d'imputer la première sanction sur la seconde pour atténuer l'effet de la double peine. Les deuxièmes poursuites doivent prendre fin. La Cour européenne décide ainsi : ‘dans ces conditions, eu égard aux circonstances particulières de l'affaire et au besoin urgent de mettre fin à la violation de l'article 4 du Protocole n° 7, la Cour estime qu'il incombe à l'État défendeur de veiller à ce que les nouvelles poursuites pénales ouvertes contre les requérants en violation de cette disposition et encore pendantes, à la date des dernières informations reçues, à l'égard de messieurs Gabettie et Grande Stevens, soient clôturées dans les plus brefs délais et sans conséquences préjudiciables pour les requérants' (§ 237 de l'arrêt Grande Stevens déjà cité, ceci alors que l'État italien invoquait la circonstance qu'afin d'assurer la proportionnalité de la peine aux faits reprochés, le juge pénal pouvait en l'espèce tenir compte de l'infliction préalable d'une sanction administrative et décider de réduire la sanction pénale. Cette circonstance n'a pas convaincu la Cour européenne de l'absence de violation du principe non bis in idem. La jurisprudence ancienne de la Cour européenne qui acceptait que l'imputation de la première peine puisse écarter l'application du principe [...] n'a dès lors plus cours).
4° En l'espèce
(i) Deux accusations en matière pénale
La cour [d'appel] a dit pour droit dans son arrêt interlocutoire du 12 juin 2013 [dans la cause relative au recours contre la décision de l'Institut belge des services postaux et des télécommunications] que la sanction infligée par [cet] institut revêt un caractère pénal. La cour [d'appel] est arrivée à cette conclusion ‘eu égard à la nature de l'infraction réprimée ainsi qu'à la nature et à la gravité de la sanction'. Rien ne permet de remettre en cause cette constatation et cette analyse qui sont pertinents et que la cour [d'appel] fait siennes.
Par ailleurs, le caractère pénal de la sanction infligée par le Conseil de la concurrence n'est pas douteux, compte tenu de la nature de l'infraction (violation du droit de la concurrence) et du degré de sévérité de la sanction, deux critères qui impliquent que la sanction infligée par le Conseil de la concurrence revêt bien un caractère pénal au sens autonome qu'il convient de donner à cette notion dans le contexte de l'application des garanties du procès équitable, en l'espèce du principe non bis in idem.
[La demanderesse] a reconnu ce caractère dans ses conclusions devant la cour [d'appel] du 1er juillet 2013 (point 50) et du 30 octobre 2013 (point 403). En effet, et bien que l'article 23, § 5, du règlement (CE) n° 1/2003 dispose que les décisions prises par la Commission en vertu des paragraphes 1er et 2 de cet article n'ont pas un caractère pénal, le juge communautaire accepte de reconnaître le caractère pénal, au sens autonome de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des amendes prononcées en droit répressif de la concurrence par la Commission, ce qui vaut nécessairement pour celles qui sont prononcées en droit répressif de la concurrence par les autorités nationales.
(ii) Des poursuites pour les mêmes faits
Le Conseil de la concurrence reconnaît explicitement au point 278 de la décision ‘qu'il semblerait effectivement que la décision de l'Institut belge des services postaux et des télécommunications du 20 juillet 2011 concerne en grande partie le même système de tarification. Même si les deux autorités se sont prononcées sur base d'un autre dossier et que l'on ne peut donc pas exclure que certains faits soient différents, il pourrait être justifié de considérer qu'il y a identité des faits, en tout cas dans une certaine mesure'.
[La défenderesse] peut également invoquer les conclusions prises pour le Conseil de la concurrence devant la cour [d'appel] le 1er juillet 2013 sous les points 48 et 69.
Enfin, comme elle l'indique, (i) le contrevenant est le même, (ii) il lui est dans les deux cas reproché une infraction relative à la conception, l'adoption et la mise en œuvre de ses tarifs conventionnels concernant le direct mail et l'admin mail à partir du 1er janvier 2010, (iii) il y a identité des entreprises concernées et (iv) identité des marchés concernés.
(iii) Décision passée en force de chose jugée sur les poursuites menées par l'Institut belge des services postaux et des télécommunications.
[La demanderesse] ne peut être suivie lorsqu'elle invoque l'annulation par la cour [d'appel] de la sanction infligée par l'Institut belge des services postaux et des télécommunications et l'effet rétroactif de cette annulation pour prétendre que plus aucune sanction ne précéderait celle qu'elle a infligée à [la défenderesse].
En effet, cette annulation fait suite à la constatation par la cour [d'appel] que les griefs retenus par l'Institut belge des services postaux et des télécommunications pour infliger ladite sanction n'étaient pas fondés, de sorte que l'annulation, qui seule pouvait être ordonnée par la cour [d'appel], équivalait à une décision d'acquittement ou d'irrecevabilité des poursuites. Par ailleurs, cette annulation ne fait pas disparaître les poursuites antérieures.
Compte tenu de la décision de la cour [d'appel] du 10 mars 2016 passée en force de chose jugée, qui statue définitivement et au fond sur les poursuites menées par l'Institut belge des services postaux et des télécommunications contre [la défenderesse] pour des faits très sensiblement les mêmes que ceux visés par les poursuites et la décision du Conseil de la concurrence (le modèle par expéditeur de la tarification conventionnelle de [la défenderesse] pour l'année 2010), [la défenderesse] est fondée à invoquer le principe non bis in idem devant la cour [d'appel] qui, pour ce motif, annule la décision entreprise, les poursuites étant devenues irrecevables.
Le recours de [la défenderesse] est dès lors fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner ses autres moyens ».

Griefs

1. Selon l'article 288, alinéa 2, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments et il est directement applicable dans tout État membre.
Selon l'article 3, § 1er, 2e phrase, du règlement (CE) n° 1/2003, lorsque les autorités de concurrence des États membres ou les juridictions nationales appliquent le droit national de la concurrence à une pratique abusive interdite par l'article 82 du traité, elles appliquent également l'article 82 du traité. L'article 82 du traité auquel il est ainsi fait référence correspond à l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Selon l'article 6 du règlement (CE) n° 1/2003, les juridictions nationales sont compétentes pour appliquer les articles 81 et 82 du traité, devenus les articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Ces dispositions doivent être lues à la lumière du considérant n° 37 du règlement (CE) n° 1/2003 aux termes duquel ce règlement respecte les droits fondamentaux et les principes reconnus en particulier par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. En conséquence, il doit être interprété et appliqué dans le respect de ces droits et principes.
Il résulte de ce qui précède que, saisie d'un recours contre une décision du Conseil de la concurrence faisant application de l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la cour d'appel de Bruxelles est tenue de respecter les droits fondamentaux.
2. Selon l'article 4, § 1er, du Protocole n° 7 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État.
3. Selon l'article 50 de la Charte, nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l'Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi.
Selon l'article 51, § 2, de la Charte, les dispositions de cette charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives et dans le respect des limites des compétences de l'Union telles qu'elles lui sont conférées dans les traités.
Selon l'article 52, § 3, de la Charte, dans la mesure où cette charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l'Union accorde une protection plus étendue.
Selon l'article 6, § 1er, alinéa 1er, du Traité sur l'Union européenne, l'Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte, laquelle a la même valeur juridique que les traités.
4. Le principe général du droit non bis in idem a la même portée que l'article 4, § 1er, du Protocole n° 7.

5. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions, telles qu'elles sont interprétées à la lumière de l'arrêt du 15 novembre 2016 rendu par la grande chambre de la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire A et B c/ Norvège (requêtes n° 24130/11 et 29758/11, § 130), que le principe non bis in idem n'exclut pas la conduite de deux procédures pénales (au sens autonome du terme) portant sur des faits identiques, pour autant qu'il existe entre ces deux procédures un lien matériel et temporel suffisamment étroit.
Pour apprécier l'existence d'un lien suffisamment étroit du point de vue matériel, il faut notamment tenir compte des éléments suivants (ibid., § 132) :
- le point de savoir si les différentes procédures visent des buts complémentaires et concernent ainsi, non seulement in abstracto mais aussi in concreto, des aspects différents de l'acte préjudiciable à la société en cause ;
- le point de savoir si la mixité des procédures en question est une conséquence prévisible, aussi bien en droit qu'en pratique, du même comportement réprimé (idem) ;
- le point de savoir si les procédures en question ont été conduites d'une manière qui évite autant que possible toute répétition dans le recueil et dans l'appréciation des éléments de preuve, notamment grâce à une interaction adéquate entre les diverses autorités compétentes, faisant apparaître que l'établissement des faits effectué dans l'une des procédures a été repris dans l'autre ;
- et, surtout, le point de savoir si la sanction imposée à l'issue de la procédure arrivée à son terme en premier lieu a été prise en compte dans la procédure qui a pris fin en dernier lieu, de manière à ne pas faire porter pour finir à l'intéressé un fardeau excessif, ce dernier risque étant moins susceptible de se présenter s'il existe un mécanisme compensatoire conçu pour assurer que le montant global de toutes les peines prononcées est proportionné.
La Cour européenne ajoute que le cumul sera plus facilement admissible si les sanctions imposables dans une procédure administrative sont spécifiques au comportement en question et ne font donc pas partie du « noyau dur du droit pénal », et si cette procédure n'a pas de caractère véritablement infamant (ibid., § 133).
S'agissant de l'existence d'un lien suffisamment étroit du point de vue temporel, il n'est pas requis que les deux procédures soient menées simultanément du début à la fin. Il faut néanmoins que le lien soit suffisamment étroit pour que le justiciable ne soit pas en proie à l'incertitude et à des lenteurs, et pour que les procédures ne s'étalent pas trop dans le temps (ibid., § 134).
Ces principes sont également conformes à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qui considère, dans les affaires relevant du droit de la concurrence, que l'application du principe non bis in idem est soumise à la triple condition, non seulement d'identité des faits et d'unité de contrevenant, mais également d'unité de l'intérêt juridique protégé (C.J.U.E. (gr. ch.), 14 février 2012, Toshiba Corporation e.a., C-17/10, point 97). Cette dernière condition renvoie à la question de savoir si les différentes procédures visent des buts complémentaires au sens de la jurisprudence précitée de la Cour européenne des droits de l'homme.
6. Dans ses conclusions de synthèse, la demanderesse soutenait que « le principe non bis in idem ne fait donc pas obstacle à l'application parallèle de deux sanctions différentes, portant sur des mêmes faits, à l'égard du même contrevenant, prononcées par deux autorités de contrôle différentes, chargées chacune de faire respecter une réglementation différente, par exemple une réglementation sectorielle et le droit commun de la concurrence. En effet, dans ce cas, l'intérêt juridique protégé ne sera pas identique » (point 509, p. 212).
7. Par les motifs reproduits en tête du moyen, l'arrêt attaqué décide en substance que les seules conditions d'application du principe non bis in idem sont (i) l'existence de doubles poursuites à caractère pénal, (ii) l'existence d'une première décision définitive non susceptible de recours d'acquittement ou de condamnation et (iii) l'existence de doubles poursuites pour des faits identiques ou en substance les mêmes.
L'arrêt attaqué en déduit que, la défenderesse ayant déjà été poursuivie pénalement (au sens autonome du terme) par l'Institut belge des services postaux et des télécommunications pour des faits identiques à ceux fondant les poursuites entamées par le Conseil de la concurrence et ayant été acquittée (au sens autonome du terme) par l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 10 mars 2016, elle est fondée à invoquer le principe non bis in idem qui justifie l'annulation de la décision du Conseil de la concurrence du 10 décembre 2012, les poursuites étant devenues irrecevables.
8. En décidant ainsi que l'application du principe non bis in idem suppose la réunion des seules conditions mentionnées au point [7] ci-avant, l'arrêt attaqué méconnaît la portée de ce principe qui ne peut être appliqué à de doubles poursuites administratives qu'à la condition qu'il n'existe pas entre elles de lien matériel et temporel suffisamment étroit ou, du moins, qu'il existe une identité de l'intérêt juridique protégé par ces deux procédures (violation de l'article 4, § 1er, du Protocole n° 7, de l'article 50 de la Charte - ayant la même valeur juridique que les traités en vertu de l'article 6, § 1er, alinéa 1er, du Traité sur l'Union européenne -, du principe général du droit non bis in idem et, en tant que de besoin, des articles 102 et 288 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, 51, §§ 2 et 3, de la Charte et 3 et 6 du règlement (CE) n° 1/2003, ainsi que des lois d'approbation des instruments internationaux précités visées en tête du moyen).
9. À tout le moins, à défaut de constater dans ses motifs les éléments permettant d'apprécier l'existence d'un lien matériel et temporel suffisamment étroit entre les poursuites entamées par l'Institut belge des services postaux et des télécommunications et celles qui ont été entamées par le Conseil de la concurrence, ou du moins l'identité de l'intérêt juridique protégé par ces poursuites, l'arrêt attaqué met la Cour dans l'impossibilité de contrôler la légalité de sa décision au regard des dispositions légales et des principes visés ci-dessus sub 8.
Il n'est, dès lors, pas régulièrement motivé et viole, partant, l'article 149 de la Constitution.

IV. La décision de la Cour

Sur la procédure :

En vertu de l'article 15, § 3, alinéa 1er, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du Traité, lorsque l'application cohérente de l'article 81 ou 82 du Traité, devenu 101 ou 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne l'exige, la Commission européenne, agissant d'office, peut soumettre des observations écrites aux juridictions des États membres et, avec l'autorisation de la juridiction en question, elle peut aussi présenter des observations orales.
Il ne s'ensuit pas qu'en formulant de telles observations, la Commission européenne fait acte d'intervention volontaire à la procédure au sens de l'article 812 du Code judiciaire.
Elle intervient en tant qu'amicus curiae afin d'éclairer le juge national, lorsque l'intérêt public communautaire est en jeu, en vue d'assurer une application cohérente des articles 101 et 102 du traité précité.
Le 21 décembre 2017, la Commission européenne a déposé au greffe de la Cour des « observations [...] en application de l'article 15, § 3, du règlement (CE) n° 1/2003 ».
Le 7 février 2018, la défenderesse a déposé des « observations relatives à l'intervention de la Commission européenne ».
Celle-ci y a répliqué par une note déposée le 13 avril 2018, à laquelle la défenderesse a répondu par une note complémentaire déposée le 5 juin 2018.
Les droits de la défense des parties ont dès lors été respectés et aucune autre disposition légale ne soumet en droit interne la présentation de ces observations à des formalités particulières.
Il n'y a dès lors pas lieu d'écarter les observations de la Commission européenne.

Sur le moyen :

Sur la première fin de non-recevoir opposée au moyen par la défenderesse et déduite de sa nouveauté :

L'arrêt attaqué considère que le principe non bis in idem s'applique dès qu'il existe de doubles poursuites pour des faits identiques ou en substance les mêmes.
N'est, en principe, pas nouveau le moyen qui critique un motif que le juge a donné à l'appui de sa décision.

Sur la seconde fin de non-recevoir opposée au moyen par la défenderesse et déduite du défaut d'intérêt :

D'une part, le moyen critique la décision de l'arrêt attaqué portant sur les conditions d'application du principe non bis in idem tel que celui-ci les interprète sur la base de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.
D'autre part, l'arrêt attaqué ne constate pas que la procédure menée devant l'Institut belge des services postaux et des télécommunications et celle qui a été menée devant le Conseil de la concurrence sont totalement indépendantes l'une de l'autre et qu'il n'existe aucune interaction structurelle en vue d'assurer une cohérence entre les résultats de celles-ci.
Il n'est pas au pouvoir de la Cour de procéder à une appréciation des faits.

Les fins de non-recevoir ne peuvent être accueillies.

Sur le fondement du moyen :

1. L'article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dispose que nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l'Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi.
En vertu de l'article 52, § 3, de la Charte, dans la mesure où la Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l'Union accorde une protection plus étendue.
Selon l'article 4, § 1er, du Protocole n° 7 du 22 novembre 1984 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État.
2. Dans les arrêts C-524/15 Menci et C-537/16 Garlsson Real Estate rendus le 20 mars 2018, la Cour de justice de l'Union européenne a considéré que, pour l'application du principe non bis in idem, « le critère pertinent aux fins d'apprécier l'existence d'une même infraction est celui de l'identité des faits matériels, compris comme l'existence d'un ensemble de circonstances concrètes indissociablement liées entre elles qui ont conduit à l'acquittement ou à la condamnation définitive de la personne concernée » (Menci, § 35 - Garlsson, § 37) et que « la qualification juridique, en droit national, des faits et l'intérêt juridique protégé ne sont pas pertinents aux fins de la constatation de l'existence d'une même infraction » (Menci, § 36 - Garlsson, § 37).
Elle a considéré encore que, lorsqu'elles ont pour objet une même infraction, « un tel cumul de poursuites et de sanctions est constitutif d'une limitation du droit fondamental garanti à [l'article 50 de la Charte] » (Menci, § 39 - Garlsson, § 41) et qu'« une limitation du principe non bis in idem [ainsi] garanti [...] peut être justifiée sur le fondement de l'article 52, § 1er, de celle-ci » (Menci, § 40 - Garlsson, § 42). Elle a dès lors précisé que cette limitation « doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel de ces droits et libertés, [et que], dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées auxdits droits et libertés que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au besoin de protection des droits et libertés d'autrui » (Menci, § 41 - Garlsson, § 43).
La Cour de justice a de même énoncé que, lorsqu'il s'agit d'apprécier la poursuite d'un tel intérêt général, « un cumul de poursuites et de sanctions de nature pénale peut se justifier lorsque ces poursuites et ces sanctions visent, en vue de la réalisation d'un tel objectif, des buts complémentaires ayant pour objet, le cas échéant, des aspects différents du même comportement infractionnel concerné, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier » (Menci, § 44 - Garlsson, § 46).
Dans l'arrêt Menci précité, elle a confirmé que, « dans la mesure où la Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 52, § 3, de la Charte prévoit que leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention », qu'« il convient donc de tenir compte de l'article 4 du Protocole n° 7 [...] en vue de l'interprétation de la Charte » (§ 60), qu'« à cet égard, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé qu'un cumul de poursuites et de sanctions fiscales et pénales réprimant une même infraction à la loi fiscale ne viole pas le principe non bis in idem consacré à l'article 4 [précité], lorsque les procédures fiscales et pénales en cause présentent un lien matériel et temporel suffisamment étroit ([arrêt du] 15 novembre 2016, A et B c/ Norvège [...]) » (§ 61), et qu'« ainsi, les exigences auxquelles l'article 50 de la Charte, en combinaison avec l'article 52, § 1er, de celle-ci, soumet un éventuel cumul de poursuites et de sanctions pénales ainsi que de poursuites et de sanctions administratives de nature pénale [...] assurent un niveau de protection du principe non bis in idem qui ne méconnaît pas celui garanti à l'article 4 du Protocole n° 7 [précité], tel qu'il est interprété par la Cour européenne des droits de l'homme » (§ 62).
3. Dans l'arrêt C-596/16 et C-597/16 Enzo Di Puma rendu le 20 mars 2018, la Cour de justice a considéré encore que, « selon les termes mêmes dudit article 50, la protection conférée par le principe non bis in idem ne se limite pas à la situation dans laquelle la personne concernée a fait l'objet d'une condamnation pénale, mais s'étend également à celle dans laquelle cette personne est définitivement acquittée » (§ 39), qu'après un jugement d'acquittement définitif au pénal, « la poursuite d'une procédure de sanction administrative pécuniaire de nature pénale, fondée sur les mêmes faits, est constitutive d'une limitation du droit fondamental garanti à l'article 50 de la Charte » (§ 40) et qu'« une telle limitation du principe non bis in idem peut cependant être justifiée sur le fondement de l'article 52, § 1er, de la Charte » (§ 41) « lorsque ces poursuites et ces sanctions visent, en vue de la réalisation [d'objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union], des buts complémentaires ayant pour objet, le cas échéant, des aspects différents du même comportement infractionnel en cause » (§ 42).
Il s'ensuit, sans aucun doute raisonnable, que l'article 50 de la Charte ne fait pas obstacle à un cumul de poursuites pénales, au sens de cette disposition, fondées sur les mêmes faits, lors même que l'une d'elles aboutit à une décision définitive d'acquittement, lorsque, en application de l'article 52, § 1er, de la Charte, dans le respect du principe de proportionnalité, de telles poursuites visent, en vue de la réalisation d'un objectif d'intérêt général, des buts complémentaires ayant pour objet des aspects différents du même comportement infractionnel.
4. L'arrêt attaqué, qui énonce que « l'article 50 de la Charte doit être exclusivement interprété de manière conforme à l'article 4 du Protocole additionnel n° 7 tel qu'il l'est lui-même par la Cour européenne des droits de l'homme », considère que cet article 4 « doit être compris comme interdisant de poursuivre ou de juger dans le même État une personne pour une seconde ‘infraction' pour autant que celle-ci ait pour origine des faits identiques ou des faits qui sont en substance les mêmes » et qu'« il faut donc, mais il suffit, que les nouvelles poursuites ou sanctions pénales en cause ‘se fondent sur le même comportement' que celui précédemment sanctionné, même si elles se distinguent sur le plan de l'appellation des infractions et sur celui, ‘plus fondamental, de leur nature et de leur but' » car « telles sont les seules conditions [de] l'article 4 du Protocole n° 7 ».
Il décide que « les poursuites menées par l'Institut belge des services postaux et des télécommunications contre [la défenderesse portent sur] des faits très sensiblement les mêmes que ceux qui sont visés par les poursuites et la décision du Conseil de la concurrence » dès lors que « le contrevenant est le même ; il lui est dans les deux cas reproché une infraction relative à la conception, l'adoption et la mise en œuvre de ses tarifs conventionnels concernant le direct mail et l'admin mail à partir du 1er janvier 2010 ; il y a identité des entreprises concernées et identité des marchés concernés ».
L'arrêt attaqué, qui considère que « [la défenderesse] est fondée à invoquer le principe non bis in idem » sur la base de la seule constatation de l'identité des faits entre les deux procédures, sans examiner si les poursuites menées par l'Institut belge des services postaux et des télécommunications et celles qui ont abouti à la décision du Conseil de la concurrence visent, en vue de la réalisation d'un objectif d'intérêt général, des buts complémentaires ayant pour objet des aspects différents du même comportement infractionnel, ne justifie pas légalement sa décision d'« annuler la décision [du Conseil de la concurrence] ».
Le moyen est fondé.
Et la demanderesse a intérêt à ce que l'arrêt soit déclaré commun aux parties appelées à la cause devant la Cour à cette fin.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué, sauf en tant qu'il donne acte à la demanderesse de sa reprise d'instance, succédant au Conseil de la concurrence ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;

Dit le présent arrêt commun à la société anonyme G3 Worldwide (Belgium), à R. V. R., à Maître Alain Speidel, en qualité de curateur à la faillite de la société anonyme Link2Biz International, et à la société anonyme Publimail ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Bruxelles, autrement composée.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le conseiller faisant fonction de président Didier Batselé, les conseillers Mireille Delange, Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, et prononcé en audience publique du vingt-deux novembre deux mille dix-huit par le conseiller faisant fonction de président Didier Batselé, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont S. Geubel M.-Cl. Ernotte
M. Lemal M. Delange D. Batselé


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.17.0126.F
Date de la décision : 22/11/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-11-22;c.17.0126.f ?

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