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21/11/2018 | BELGIQUE | N°P.18.0763.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 21 novembre 2018, P.18.0763.F


N° P.18.0763.F
I. M. L.
ayant pour conseils Maîtres Sandra Berbuto, avocat au barreau de Liège, Marc Léon Levaux, Marc Uyttendaele et Laurent Kennes, avocats au barreau de Bruxelles,
II. M. A.
ayant pour conseils Maîtres Bernard Mouffe, avocat au barreau de Bruxelles, et Renaud Molders-Pierre, avocat au barreau de Liège,
inculpés,
demandeurs en cassation.







I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 31 mai 2018 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le premier

demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme, et le secon...

N° P.18.0763.F
I. M. L.
ayant pour conseils Maîtres Sandra Berbuto, avocat au barreau de Liège, Marc Léon Levaux, Marc Uyttendaele et Laurent Kennes, avocats au barreau de Bruxelles,
II. M. A.
ayant pour conseils Maîtres Bernard Mouffe, avocat au barreau de Bruxelles, et Renaud Molders-Pierre, avocat au barreau de Liège,
inculpés,
demandeurs en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 31 mai 2018 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le premier demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme, et le second demandeur en soulève cinq.
Le 3 octobre 2018, l'avocat général Michel Nolet de Brauwere a déposé des conclusions au greffe.
À l'audience du 21 novembre 2018, le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

A. Sur le pourvoi de L. M. :

1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui statue sur la régularité de l'instruction :

Pareille décision n'est pas définitive et est étrangère aux hypothèses visées à l'article 420, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle.

Le pourvoi est irrecevable.

2. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision au terme de laquelle la cour d'appel s'est dite compétente pour statuer sur le règlement de la procédure :

Le moyen est pris de la violation des articles 12, alinéa 2, de la Constitution, 479 et 480 du Code d'instruction criminelle. Selon le demandeur, qui est juge au tribunal de première instance, la cour d'appel, chambre des mises en accusation, était sans pouvoir pour statuer sur l'existence de charges suffisantes à son encontre et pour ordonner son renvoi devant le juge du fond, faute pour le législateur d'avoir confié à cette juridiction semblables prérogatives à l'égard d'un tel magistrat inculpé.

L'article 12, alinéa 2, de la Constitution dispose : « Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi, et dans la forme qu'elle prescrit ».

Les principes de légalité et de prévisibilité de la procédure pénale énoncés par cette disposition sont applicables à l'ensemble de la procédure, en ce compris les stades de l'information et de l'instruction.

L'exigence de prévisibilité de la procédure pénale garantit à tout citoyen qu'il ne peut faire l'objet d'une information, d'une instruction ou de poursuites que selon une procédure établie par la loi et dont il peut prendre connaissance avant sa mise en œuvre.

D'une part, l'application de dispositions du Code d'instruction criminelle en vue d'étendre, au profit d'un inculpé, les droits dont bénéficient d'autres justiciables placés dans une situation comparable, en limitant le pouvoir du ministère public de décider seul, à l'issue de l'instruction, du renvoi devant le juge du fond, ne peut emporter la violation du principe de légalité.

D'autre part, la mise en œuvre, en faveur d'un tel inculpé, d'une procédure permettant, de manière contradictoire, la vérification de l'existence de charges suffisantes justifiant son renvoi ne revient pas à instaurer, en-dehors du cadre de la loi, de nouvelles poursuites, mais au contraire, en présence de poursuites exercées par le ministère public, à restreindre les prérogatives de ce dernier, auquel la loi accordait le pouvoir de décider seul des suites à donner à l'instruction, une fois celle-ci parvenue à son terme.

Procédant d'une autre conception juridique, le moyen, dans cette mesure, manque en droit.

Aux termes d'un arrêt n° 35/2018 du 22 mars 2018, la Cour constitutionnelle a décidé que « dans la mesure où, au terme de l'instruction, il n'y a pas, pour les magistrats visés par l'article 479 du Code d'instruction criminelle autres que ceux visés à l'article 481 et les auteurs d'une infraction connexe, d'intervention d'une juridiction d'instruction qui procède, dans le cadre d'une procédure contradictoire, au règlement de la procédure et examine ce faisant si les charges sont suffisantes et si la procédure est régulière, comme c'est le cas de la Cour de cassation pour les magistrats des cours d'appel, les articles 479, 483 et 503bis du Code d'instruction criminelle portent une atteinte disproportionnée aux droits des personnes concernées », de sorte que ces dispositions violent les articles 10 et 11 de la Constitution.

Lorsque la Cour constitutionnelle constate qu'en raison d'une lacune, une disposition de procédure pénale viole les articles 10 et 11 de la Constitution, il appartient au juge, pour autant que possible, de combler cette lacune.

Cette possibilité dépend toutefois de la nature de la lacune. Si son comblement requiert l'adoption d'un régime procédural totalement différent, le juge ne peut se substituer au législateur. Mais s'il est possible de mettre fin à l'inconstitutionnalité en se bornant à compléter le cadre légal de sorte qu'il ne soit plus contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution, le juge a le pouvoir et le devoir de le faire.

Avant de décider qu'il leur appartenait de combler la lacune constatée par la Cour constitutionnelle dans son arrêt du 22 mars 2018, d'une part, les juges d'appel ont constaté que la chambre des mises en accusation est légalement compétente, en droit commun, pour statuer en degré d'appel sur le règlement de la procédure, qu'elle est l'autorité à laquelle la loi a attribué, en premier et dernier ressort, ce pouvoir à l'égard des ministres et, enfin, qu'elle est déjà compétente pour admettre l'existence de circonstances atténuantes dans l'hypothèse où un crime est imputé à un magistrat ou ordonner son renvoi du chef d'une telle infraction devant la cour d'assises.

D'autre part, la cour d'appel a décidé que, conformément à l'article 502 du Code d'instruction criminelle, les dispositions de ce code qui ne sont pas contraires aux formes de procéder prescrites en cas de poursuites du chef de crimes commis par des juges hors et dans l'exercice de leurs fonctions, devront être observées.
Ainsi, sans s'être arrogé une prérogative qui n'appartient qu'au législateur, ni méconnaître l'article 12, alinéa 2, de la Constitution, la cour d'appel a légalement justifié sa décision qu'il y avait lieu de statuer sur le règlement de la procédure en cause du demandeur et de ses coinculpés, afin de combler, dans le respect de l'interprétation des arrêts de la Cour constitutionnelle, la lacune découlant de l'absence d'une telle procédure contradictoire à l'issue de l'instruction visant un magistrat de première instance inculpé de crimes commis en-dehors de l'exercice de ses fonctions.

À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Et les formalités prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

3. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui ordonne le renvoi du demandeur devant le juge du fond :

Pareille décision n'est pas définitive et est étrangère aux hypothèses visées à l'article 420, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle.

Le pourvoi est irrecevable.

B. Sur le pourvoi d'A. M. :

Il ressort des pièces de la procédure que le demandeur est décédé le 1er novembre 2018.

Le pourvoi est devenu sans objet.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette les pourvois ;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de deux cent quatre-vingt-un euros cinq centimes dont I) sur le pourvoi de L. M. : cent quarante euros quarante-sept centimes dus et II) sur le pourvoi de A. M. : cent quarante euros cinquante-huit centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Sidney Berneman, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-huit par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.
F. Gobert F. Stévenart Meeûs F. Lugentz
S. Berneman F. Roggen B. Dejemeppe


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.18.0763.F
Date de la décision : 21/11/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-11-21;p.18.0763.f ?

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