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15/11/2018 | BELGIQUE | N°D.17.0017.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 15 novembre 2018, D.17.0017.F


N° D.17.0017.F
G. V. M.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Paul Lefèbvre, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est fait élection de domicile,

contre

1. ORDRE FRANÇAIS DES AVOCATS DU BARREAU DE BRUXELLES, dont le siège est établi à Bruxelles, place Poelaert, 1,
2. BÂTONNIER DE L'ORDRE FRANÇAIS DES AVOCATS DU BARREAU DE BRUXELLES, dont le cabinet est établi à Bruxelles, place Poelaert, 1,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Geoffroy de Foestraets, avoc

at à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est ...

N° D.17.0017.F
G. V. M.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Paul Lefèbvre, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est fait élection de domicile,

contre

1. ORDRE FRANÇAIS DES AVOCATS DU BARREAU DE BRUXELLES, dont le siège est établi à Bruxelles, place Poelaert, 1,
2. BÂTONNIER DE L'ORDRE FRANÇAIS DES AVOCATS DU BARREAU DE BRUXELLES, dont le cabinet est établi à Bruxelles, place Poelaert, 1,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre la décision rendue le 20 septembre 2017 par le conseil de discipline d'appel francophone et germanophone des avocats.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente deux moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la première branche :

Quant au premier rameau :

Conformément à l'article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 14.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil.
Ces dispositions ne garantissent pas le droit d'accès à un tribunal pour obtenir la révision d'une procédure clôturée par une décision passée en force de chose jugée qui a statué sur de tels droits et obligations ; elles ne sont pas davantage applicables, en règle, à la procédure d'examen d'une demande tendant à une telle réouverture.
Le moyen, qui, en ce rameau de cette branche, est tout entier fondé sur le soutènement contraire, manque en droit.

Quant au second rameau :

Le grief que le moyen, en ce rameau de cette branche, fait à la sentence attaquée de ne pas préciser les conditions légales justifiant l'ouverture d'une procédure en révision extra legem est étranger à l'article 149 de la Constitution, qui fait obligation au juge d'indiquer les motifs qui doivent permettre à la Cour d'exercer son contrôle de légalité.
Le moyen, en ce rameau de cette branche, est irrecevable.

Quant à la deuxième branche :

Quant aux deux rameaux réunis :

Le moyen, en chacun des rameaux de cette branche, se borne à dénoncer, en l'absence de dispositions légales organisant la procédure de révision d'une décision disciplinaire à l'égard d'un avocat, une lacune législative qui, à supposer qu'elle viole le principe d'égalité, nécessiterait l'intervention du législateur pour déterminer les modalités d'une telle procédure.
Le moyen, qui, en chacun des rameaux de cette branche, est sans incidence sur la légalité de la décision, est irrecevable.

Quant à la troisième branche :

Après avoir relevé que le demandeur invoque, à l'appui de sa demande de révision, un élément nouveau et « décisif, selon lui », tenant au prononcé « d'un jugement rendu au pénal, en une cause le concernant personnellement, en date du 12 janvier 2017 », la sentence attaquée considère, par les motifs reproduits aux pages 4 et 5, que ce jugement ne justifie pas « l'ouverture d'une procédure de révision extra legem » dès lors qu'il n'est « pas de nature à fonder une remise en cause de la sentence disciplinaire du 16 mars 2010 ».
La sentence attaquée, qui considère que le fait invoqué n'est de toute façon pas de nature à justifier l'ouverture d'une procédure de révision, n'était pas tenue de répondre aux conclusions du demandeur qui soutenait que l'absence d'une telle procédure constituait une faute portant atteinte à l'égalité entre les citoyens, que sa décision privait de pertinence.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :

Quant à la première branche :

Il ne suit pas des dispositions dont la violation est invoquée par le moyen, en cette branche, qui permettent de recevoir l'action en révision en matière criminelle et correctionnelle, lors même que celle-ci ne porte que sur une partie des faits et que la peine infligée demeure légalement justifiée par les faits de la condamnation qui demeurent constants, qu'une demande en révision d'une sentence disciplinaire est recevable.
Le moyen, qui, en cette branche, repose sur le soutènement contraire, manque en droit.

Quant à la seconde branche :

Le moyen, qui, en cette branche, fait grief à la sentence attaquée de refuser d'examiner si la peine de la radiation demeure proportionnée eu égard aux seuls griefs non remis en cause, se fonde sur le fait que le demandeur a été acquitté par le jugement du tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles du 12 janvier 2017 et que, dès lors, le dossier n° ... afférent aux violations du secret professionnel ne peut plus constituer un grief fondant la peine de la radiation.
La sentence attaquée ne constate pas que le jugement précité acquitte le demandeur et ce fait ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard.
Le moyen, qui, en cette branche, oblige la Cour à procéder à une vérification de fait pour laquelle elle est sans pouvoir, est irrecevable.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de huit cent nonante-neuf euros quarante-quatre centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du Fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Françoise Roggen, Michel Lemal et Marie-Claire Ernotte, et prononcé en audience publique du quinze novembre deux mille dix-huit par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont M.-Cl. Ernotte M. Lemal
Fr. Roggen D. Batselé Chr. Storck


Requête

REQUÊTE EN CASSATION

POUR : Monsieur G. V. M.,

Demandeur en cassation,

Assisté et représenté par Me Paul LEFEBVRE, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à 1050 Bruxelles, avenue Louise 480/9, où il est fait élection de domicile ;

CONTRE : 1. ORDRE FRANÇAIS DES AVOCATS DE BRUXELLES, Palais de Justice, Place Poelaert, 1, 1000 Bruxelles Barreau de Bruxelles ;

Défendeur en cassation,

2. Monsieur LE BÂTONNIER DE L'ORDRE FRANCAIS DES AVOCATS DE BRUXELLES, Palais de Justice, Place Poelaert, 1, 1000 Bruxelles ;


Défendeur en cassation,

* * *

A Monsieur le Premier Président, à Mesdames et Messieurs les Présidents et Conseillers composant la Cour de cassation de Belgique,

Messieurs,
Mesdames,

Le demandeur a l'honneur de déférer à votre censure la sentence rendue contradictoirement entre les parties par le Conseil de discipline d'appel francophone et germanophone le 20 septembre 2017 (n° 170/2016).

FAITS ET ANTÉCÉDENTS DE LA PROCÉDURE

1. Le demandeur était, au moment des faits reprochés, depuis 13 ans avocat et inscrit à l'Ordre français des avocats de Bruxelles.

Le demandeur assumait la défense de monsieur V. H. et de madame B. (ci-après les Clients) dans le cadre d'une affaire pénale.

Lorsque les Clients refusaient d'honorer les états du demandeur, ce dernier s'est constitué partie civile devant la cour d'appel le 13 février 2006.

Les Clients déposèrent, suite à cette constitution de partie civile, des plaintes disciplinaires et pénale contre le demandeur.

Ainsi, ils déposèrent, contre le demandeur une première plainte disciplinaire devant le Legal Complaints Service à Londres, en sa qualité de « Solicitor-Advocate », et, le 15 mai 2008, une plainte disciplinaire devant le Barreau de Bruxelles, cette fois-ci eu égard à sa qualité de « ancien avocat », ainsi qu'une plainte au pénal pour violation de son secret professionnel.

Le 1er mars 2007, le demandeur démissionna en tant qu'avocat faisant partie de l'Ordre français des avocats de Bruxelles.

2. Par courrier du 2 mars 2007, la Bâtonnier de l'Ordre français des avocats de Bruxelles informa le demandeur de ce qu'il avait décidé d'ouvrir une instruction disciplinaire à charge du demandeur pour les dossiers 100154, 102406 et 102233.

Me B. et, dans un second temps, Me M., furent désignés comme instructeur.

Par courrier du 27 mars 2007, le demandeur fut informé de ce qu'un autre dossier (103124) était joint à l'instruction.

3. Par courrier du 29 juillet 2008, émanant du président du conseil de discipline du ressort de la cour d'appel de Bruxelles, le demandeur fut convoqué devant ledit conseil.
Le 16 octobre 2008, une sentence par défaut fut rendue par le conseil de discipline du ressort de la cour d'appel de Bruxelles. Cette sentence déclara les poursuites concernant les griefs 2.1, 2.9, 3.7, 8.1 et 8.2 irrecevables, les autres griefs établis et condamna le demandeur à la peine de radiation.

Suite à l'opposition interjetée par le demandeur, le conseil de discipline du ressort de la cour d'appel de Bruxelles rendit, le 18 juin 2009, une sentence sur opposition qui reçut l'opposition, déclara les griefs 5.2 et 7.1 non établis et confirma, pour le surplus, la sentence dont opposition.

4. Le demandeur leva appel de cette sentence.

A l'audience d'introduction du 22 septembre 2009, le conseil de discipline d'appel décida de faire usage de l'article 758, alinéa 2 du Code judiciaire et d'interdire au demandeur d'exercer son droit de présenter lui-même sa défense.

Par sentence du 16 mars 2010, le conseil de discipline d'appel reçut l'appel mais le dit non fondé et confirma la sentence dont appel.

5. Le demandeur introduira un pourvoi en cassation a l'encontre de la sentence du 16 mars 2010, qui fut rejeté par Votre Cour, par un arrêt du 9 juin 2011.

6. Le 13 juillet 2016, le demandeur déposa devant le conseil de discipline d'appel une requête en révision de la sentence du 16 mars 2010.

7. Par jugement du 12 janvier 2017 prononcé dans le cadre de la procédure pénale dirigée contre le demandeur, le tribunal correctionnel néerlandophone de Bruxelles constata l'extinction de l'action pénale dirigée contre le demandeur.

8. Par sentence du 20 septembre 2017, le conseil de discipline d'appel reçu la requête en révision mais dit celle-ci non recevable.

Contre cette sentence du 20 septembre 2017 (ci-après: « la sentence attaquée ») le demandeur estime pouvoir faire valoir les griefs suivants :

PREMIER MOYEN

Dispositions légales violées

- Les articles 6 § 1 et 14 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, signée à Rome, le 4 novembre 1950 (tel qu'approuvée par la Loi du 13 mai 1955 portant approbation de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, signée à Rome, le 4 novembre 1950 et du Protocole additionnel à cette Convention, signé à Paris, le 20 mars 1952) (ci-après la « C.E.D.H. ») ;

- Les articles 14.1 et 26 du Pacte International du 19 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques adopté par l'Assemblée Générale des Nations-Unies le 16 décembre 1966, fait à New York le 19 décembre 1966 (tel qu'approuvé par la Loi du 15 mai 1981 (M.B., 6 juillet 1983), par le Décr. Cons. Comm. fr. du 8 juin 1982 (M.B., 15 octobre 1982) et par le Décr. Cons. fl. du 25 janvier 1983 (M.B., 26 février 1983) (ci-après le "P.I.D.C.P") ;

- Les articles 10, 11 et 149 de la Constitution belge ;

Décision attaquée

La sentence attaquée décide que la demande en révision est irrecevable, sur pied des motifs suivants :

« Concernant la discipline applicable aux avocats, il n'est pas contesté par [le demandeur] qu'aucune disposition légale n'organise, directement ou par renvoi à des dispositions telles que les 443 à 447bis du Code d'instruction criminelle ou l'article 422 du Code judiciaire, une procédure en révision visant les sentences disciplinaires rendues par les Conseils de discipline ou les Conseils de discipline d'appel ;

Pour étayer sa demande de révision, [le demandeur] a invoqué, outre une prétendue violation de l'article 477septies du Code judiciaire, le caractère décisif, selon lui, d'un jugement rendu au pénal, en une cause le concernant personnellement, en date du 12 janvier 2017, par la 60e chambre pénale du Tribunal de première instance de Bruxelles, dont une copie a été versée au dossier de [le demandeur] par courrier du 16 juin 2017 ;

Ces deux éléments constitueraient, selon [le demandeur], des « éléments nouveaux », au sens de l'article 422 du Code judiciaire (Conclusions de synthèse, pp. 4 à 8, titres n°s 1.3. et 1.4.) ;

Le Conseil relève toutefois que l'article 422 du Code judiciaire n'est pas applicable, en tant que source d'une possible demande en révision, qu'aux sanctions disciplinaires infligées aux membres de la magistrature ;
[Le demandeur] ne se trouve pas dans cette situation ;
...
Concernant le jugement rendu au pénal en date du 12 janvier 2017, il ne justifie pas davantage, selon le Conseil de discipline d'appel, l'ouverture d'une procédure de révision « extra legem » ;
...

« Il y a dès lors lieu de constater que la procédure introduite par [le demandeur] doit être déclarée irrecevable »

Griefs

Première branche

Premier rameau

L'article 6, § 1 de la C.E.D.H. énonce que :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. »

L'article 14, §1 P.I.D.C.P., quant à lui, énonce que :

« Tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil. Le huis clos peut être prononcé pendant la totalité ou une partie du procès soit dans l'intérêt des bonnes moeurs, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, soit lorsque l'intérêt de la vie privée des parties en cause l'exige, soit encore dans la mesure où le tribunal l'estimera absolument nécessaire lorsqu'en raison des circonstances particulières de l'affaire la publicité nuirait aux intérêts de la justice; cependant, tout jugement rendu en matière pénale ou civile sera public, sauf si l'intérêt de mineurs exige qu'il en soit autrement ou si le procès porte sur des différends matrimoniaux ou sur la tutelle des enfants. »

L'une des garanties découlant des articles 6, § 1 de la C.E.D.H. et 14, §1 P.I.D.C.P. est le droit d'accès à un tribunal.

Ce droit d'accès est d'une grande importance puisque sans celui-ci il y aurait un déni de justice.

Il n'y a de véritable accès à un juge que lorsque ce dernier est nanti d'une compétence de pleine juridiction lui permettant d'examiner la cause au fond, aussi bien quant aux points de fait que par rapport aux points de droit, en ce compris la proportionnalité de la sanction.

Il découle des articles 6, § 1 C.E.D.H. et 14, §1 P.I.D.C.P. que toute procédure disciplinaire dirigée contre celui qui exerce une profession réglementaire, dont l'issue est déterminante pour ses droits de caractère civil, est soumise aux dispositions dudit article, dès lors que la peine infligée touche à un droit privé, tel le droit d'exercer une profession.

Une procédure en révision d'une sentence disciplinaire affecte, tout comme une procédure disciplinaire ordinaire, les droits civils de celui qui fit l'objet d'une sanction disciplinaire rendant l'exercice de sa profession impossible et est, dès lors, soumise aux articles 6, § 1 C.E.D.H. et 14, §1 P.I.D.C.P..

Or, en droit belge, il n'existe pas de procédure en révision ayant une base légale et offrant à chaque avocat la possibilité de faire revoir une sanction disciplinaire passée en chose jugée, lorsque la preuve de son innocence paraît résulter d'un fait survenu depuis sa condamnation ou d'une circonstance qu'il n'a pas été à même d'établir lors du procès, alors que ceci est susceptible d'affecter le bien-fondé d'une sentence disciplinaire l'empêchant d'exercer sa profession.

Cette absence de base légale en droit belge constitue une violation du droit d'accès à un juge habilité à examiner un fait nouveau ou une circonstance nouvelle.

L'existence d'une pratique « extra legem », autorisant les conseils de discipline et les conseils de discipline d'appel d'examiner une demande en révision en dehors de tout contexte légal, n'offre en aucun cas une garantie d'accès à un juge en conformité avec les articles 6 C.E.D.H. et 14, §1 P.I.D.C.P. dans la mesure où, dans un tel système, la recevabilité et le bien-fondé de la demande dépend du pouvoir discrétionnaire du juge ce qui est, pour garantir un droit civil aussi fondamental que celui de l'exercice de sa profession, inacceptable.

Les articles 6, §1 C.E.D.H. et 14, §1 P.I.D.C.P. sont applicables au cas d'espèce étant donné que le demandeur a été condamné à une peine de radiation, c'est-à-dire une peine définitive l'empêchant d'exercer la profession qui fut la sienne et que ladite pratique « extra legem » offre une possibilité de révision. Dès lors qu'une possibilité de révision est offerte, elle doit répondre aux conditions des articles 6 C.E.D.H. et 14, §1 P.I.D.C.P. ce qui n'est pas le cas avec ladite pratique à défaut de base légale excluant tout discrétionnaire dans le chef du juge.

La sentence attaquée constate que « [c]oncernant la discipline applicable aux avocats, il n'est pas contesté par [le demandeur] qu'aucune disposition légale n'organise, directement ou par renvoi à des dispositions telles que les 443 à 447bis du Code d'instruction criminelle ou l'article 422 du Code judiciaire, une procédure en révision visant les sentences disciplinaires rendues par les Conseils de discipline ou les Conseils de discipline d'appel» (sentence attaquée, p. 4).

Après avoir constaté que le demandeur « ne se trouve pas dans cette situation », c'est-à-dire une situation visée par l'article 422 du Code judiciaire, la sentence attaquée estime que, « [c]oncernant le jugement rendu au pénal en date du 12 janvier 2017, il ne justifie pas davantage, selon le Conseil de discipline d'appel, l'ouverture d'une procédure de révision « extra legem » » (sentence attaquée, p. 4) reconnaissant, ainsi, l'existence d'une procédure de révision « extra legem » mais sans base légale.

En constatant que « [c]oncernant la discipline applicable aux avocats, il n'est pas contesté par [le demandeur] qu'aucune disposition légale n'organise, directement ou par renvoi à des dispositions telles que les 443 à 447bis du Code d'instruction criminelle ou l'article 422 du Code judiciaire, une procédure en révision visant les sentences disciplinaires rendues par les Conseils de discipline ou les Conseils de discipline d'appel » mais que le demandeur « ne justifie pas d'avantage [...] l'ouverture d'une procédure de révision « extra legem » et en concluant qu' « [i]l y a dès lors lieu de constater que la procédure introduite par [demandeur] doit être déclarée irrecevable. », alors qu'en droit belge il n'existe, en matière de droit disciplinaire applicable aux avocats, aucune procédure de révision ayant une base légale avec pour résultat que le droit d'accès à un juge, au sens des articles 6 C.E.D.H. et 14, §1 P.I.D.C.P., dans le cadre d'une révision « extra legem », est soumis a l'appréciation discrétionnaire du juge saisi d'un tel recours « extra legem », tant du point de vue de la recevabilité que par rapport au bien-fondé du recours et alors que les articles 6, §1 C.E.D.H. et 14, §1 P.I.D.C.P. garantissent, non seulement le droit d'accès à un juge en cas de violation du droit civil que constitue l'accès à la profession suite à une sentence disciplinaire, en ce compris le droit d'accès à un juge en cas de découverte de faits affectant le bien-fondé de la sanction disciplinaire, mais également l'existence d'une base légale énonçant, de la même façon pour tout avocat à qui une peine déontologique a été infligée , les conditions de recevabilité et de bien fondé d'une procédure en révision d'une décision déontologique et excluant, ce faisant, tout pouvoir discrétionnaire quant à la recevabilité et le bien-fondé du recours en révision, la sentence attaquée viole, partant, les articles 6, § 1 C.E.D.H. et 14, §1 P.I.D.C.P..

Second rameau

L'article 149 de la Constitution prévoit que « tout jugement est motivé ».

Même si l'obligation de motiver les jugements constitue une condition de forme, indépendamment de la valeur de la motivation que le juge doit apporter à sa décision, la motivation doit, néanmoins, permettre à Votre Cour d'effectuer sa mission de contrôle légal prescrite par l'article 149 de la Constitution, c'est-à-dire de vérifier si le juge a violé la règle de droit qui constitue le fondement de sa décision.

En l'absence de base légale réglant la procédure « extra legem » de révision d'une sanction disciplinaire infligée à un avocat, le juge a, en vue de permettre à Votre Cour d'exercer sa mission légale, l'obligation d'énoncer, dans sa décision, les conditions légales qui organisent la recevabilité et le bien fondé d'une procédure de révision « extra legem ».

La sentence attaquée se borne à constater que « [c]oncernant la discipline applicable aux avocats, il n'est pas contesté par [le demandeur] qu'aucune disposition légale n'organise, directement ou par renvoi à des dispositions telles que les 443 à 447bis du Code d'instruction criminelle ou l'article 422 du Code judiciaire, une procédure en révision visant les sentences disciplinaires rendues par les Conseils de discipline ou les Conseils de discipline d'appel ; et que « l'article 422 du Code judiciaire n'est applicable, en tant que source d'une possible demande en révision, qu'aux sanctions disciplinaires infligées aux membres de la magistrature », que le « [demandeur] ne se trouve pas dans cette situation » et qu'« il ne justifie pas davantage selon le Conseil de discipline d'appel, l'ouverture d'une procédure de révision « extra legem » » (sentence attaquée, p. 4) et conclut qu'« il y a dès lors lieu de constater que la procédure introduite par [le demandeur] doit être déclarée irrecevable » (sentence attaquée, p. 5) et ne constate nulle part quels sont les conditions de recevabilité et de bien fondé qui justifieraient l'ouverture d'une procédure en révision « extra legem ».

En se bornant à constater que « [c]oncernant la discipline applicable aux avocats, il n'est pas contesté par [le demandeur] qu'aucune disposition légale n'organise, directement ou par renvoi à des dispositions telles que les 443 à 447bis du Code d'instruction criminelle ou l'article 422 du Code judiciaire, une procédure en révision visant les sentences disciplinaires rendues par les Conseils de discipline ou les Conseils de discipline d'appel ; et que « l'article 422 du Code judiciaire n'est applicable, en tant que source d'une possible demande en révision, qu'aux sanctions disciplinaires infligées aux membres de la magistrature » que « [le demandeur] ne se trouve pas dans cette situation » ainsi qu' «il ne justifie pas davantage, selon le Conseil de discipline d'appel, l'ouverture d'une procédure de révision « extra legem » et qu'« il y a dès lors lieu de constater que la procédure introduite par [le demandeur] doit être déclarée irrecevable », sans, toutefois, préciser quels sont les conditions légales qui justifieraient l'ouverture d'une procédure en révision « extra legem », la sentence attaquée ne permet pas à Votre Cour d'effectuer son contrôle légal et viole, partant, l'article 149 de la Constitution.

Deuxième branche

Article 14 C.E.D.H. énonce que :

« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

Article 26 P.I.D.C.P. énonce, quant à lui, que :

« Toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi. A cet égard, la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes une protection égale et efficace contre toute discrimination, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique et de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. »

Il suit de ces articles qu'il est interdit de discriminer dans la jouissance des droits et libertés reconnus par la Convention.

Les articles 10 et 11 de la Constitution reconnaissent, eux aussi, le principe de non-discrimination.

L'article 10 de la Constitution énonce que :

« Il n'y a dans l'État aucune distinction d'ordres.
Les Belges sont égaux devant la loi ; seuls ils sont admissibles aux emplois civils et militaires, sauf les exceptions qui peuvent être établies par une loi pour des cas particuliers.
L'égalité des femmes et des hommes est garantie »

L'article 11 de la Constitution énonce, quant à lui, que :

« La jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges doit être assurée dans discrimination. A cette fin, la loi et le décret garantissent notamment les droits et libertés des minorités idéologique et philosophiques. »

Ces principes d'égalité et de non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Les mêmes règles s'opposent, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure considérée, sont essentiellement différentes.

Dans le cas d'espèce il est refusé au demandeur un droit d'accès au juge en vue de faire réviser une sanction disciplinaire en cas de survenance d'éléments nouveaux de nature à affecter le bien-fondé de la décision disciplinaire lui infligeant une sanction disciplinaire affectant un droit civil fondamental, à savoir l'exercice de sa profession d'avocat, sur pied d'une procédure ayant une base légale.

Premier rameau

Cette absence d'accès à un juge en vue de procéder à une révision de la décision infligeant une sanction disciplinaire affectant le droit civil d'exercer la profession d'avocat, est discriminatoire par rapport aux autres justiciables qui, en droit commun, peuvent agir en révision en vue d'entendre annuler une décision de justice qui affecte leur droit civil d'exercer une profession, métier, mandat ou fonction en cas de découverte de nouveaux éléments affectant le bien-fondé de ladite décision.

Or, la situation des avocats est traitée différemment comme il découle de l'article 472, §1 du Code judiciaire qui énonce que:

« Un avocat radié ne peut être inscrit à un tableau de l'Ordre ou porté sur une liste des avocats qui exercent leur profession sous le titre professionnel d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou sur une liste de stagiaires, qu'après l'expiration d'un délai de dix ans depuis la date où la décision de radiation est passée en force de chose jugée et si des circonstances exceptionnelles le justifient.

L'inscription n'est permise qu'après avis motivé du conseil de l'Ordre du barreau auquel l'avocat appartenait.

Le refus d'inscription est motivé ».

Ces deux situations, à savoir celle de l'avocat et du justiciable de droit commun, qui sont pourtant comparables, lorsque l'un et l'autre découvre des faits nouveaux pouvant affecter le bien fondé d'une décision leur infligeant une sanction affectant leur droit d'exercer une activité professionnelle qui était la leur avant la décision, objet de la demande en révision, ne sont pas traitées de la même façon, alors que la loi doit traiter des situations similaires de la même façon, et des situations non similaires de façon différente.

Il est vrai que des exceptions au principe d'égalité sont permises si :

- la mesure poursuit un but légitime
- la mesure est nécessaire
- de plus il doit y avoir un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens et le but ainsi visé

La différence de traitement n'est, toutefois, pas justifiable lorsque l'autorité introduit des distinctions entre des situations analogues ou comparables, sans que ces distinctions soit fondées sur une justification objective et raisonnable.

Or, le fait que demandeur, dont les droits civils sont affectés par une décision disciplinaire, ne peut introduire une requête pour une révision en cas de découverte de faits nouveaux pouvant affecter le bien-fondé de cette décision, alors qu'une telle révision est possible pour les justiciables de droit commun lorsque leurs droits civils sont affectés par une décision judiciaire, constitue une discrimination contraire à l'article 14 C.E.D.H ainsi qu'aux articles 10 et 11 de la Constitution.

La circonstance qu'un avocat radié n'a que le recours à portée de main dont il est question à l'article 472, §1 du Code judiciaire, alors que tout justiciable, à qui une sanction de droit commun fut infligée, a immédiatement droit à un procès en révision, de nature à pouvoir le « blanchir » en cas de découverte d'un fait pouvant affecter le bien fondé d'une décision lui ayant infligé une sanction, n'a ni but légitime, ni nécessaire, ni proportionnel.

S'il est vrai que l'avocat est un auxiliaire de justice, et est, pour cette raison soumis, à un statut particulier, dont un code déontologique qui en trace les contours, cette particularité ne justifie pas que la découverte de faits nouveaux, affectant le bien-fondé d'une sentence disciplinaire l'empêchant d'exercer la profession d'avocat, ne puisse être soumise à une procédure de révision devant un juge sur pied d'une procédure en révision ayant une base légale.

La sentence attaquée constate que « [c]oncernant la discipline applicable aux avocats, il n'est pas contesté par [le demandeur] qu'aucune disposition légale n'organise, directement ou par renvoi à des dispositions telles que les 443 à 447bis du Code d'instruction criminelle ou l'article 422 du Code judiciaire, une procédure en révision visant les sentences disciplinaires rendues par les Conseils de discipline ou les Conseils de discipline d'appel ;» et conclut qu' « il y a dès lors lieu de constater que la procédure introduite par [le demandeur] doit être déclarée irrecevable ». (sentence attaquée, p. 5)

En constatant que «[c]oncernant la discipline applicable aux avocats, il n'est pas contesté par [le demandeur] qu'aucune disposition légale n'organise, directement ou par renvoi à des dispositions telles que les 443 à 447bis du Code d'instruction criminelle ou l'article 422 du Code judiciaire, une procédure en révision visant les sentences disciplinaires rendues par les Conseils de discipline ou les Conseils de discipline d'appel ; et qu' « il y a dès lors lieu de constater que la procédure introduite par [le demandeur] doit être déclarée irrecevable », alors que les articles 14 C.E.D.H. et 26 P.I.D.C.P. et 10 et 11 de la Constitution garantissent à quiconque, dont le demandeur, un traitement égal à celui des autres justiciables, en cas de découverte de faits nouveaux pouvant affecter le bien-fondé d'une décision empêchant l'exercice d'un droit civil, et, dès lors, l'accès à un procès en révision devant un juge, la sentence attaquée viole, partant, les articles 14 C.E.D.H et 26 P.I.D.C.P. ainsi que les articles 10 et 11 de la Constitution.

Second rameau

Au cas où Votre Cour estimerait qu'une procédure en révision « extra legem » constituerait un droit d'accès au juge au sens des articles 6, §1 C.E.D.H. et 14, §1 P.I.D.C.P., le demandeur avance ce qui suit :

L'absence de base légale en vue de la révision lui infligeant une sanction disciplinaire affectant son droit civil d'exercer sa profession d'avocat, est discriminatoire par rapport à la situation comparable d'un magistrat, qui, lui, peut se baser sur un article précis, étant l'article 422 du Code judiciaire, pour savoir à quels conditions et critères légaux il doit répondre pour faire réviser sa peine disciplinaire:

« Celui qui a été sanctionné par une peine disciplinaire peut adresser une demande en révision au tribunal disciplinaire, pour autant qu'il justifie d'un élément nouveau.

La personne concernée joint à sa demande un rapport complet concernant les motifs et preuves qu'elle peut faire valoir pour obtenir une révision du jugement ou de l'arrêt. Le tribunal disciplinaire peut déclarer la demande de la personne concernée irrecevable pour manque de motifs ou de preuves sans audition préalable de la personne concernée.

En cas de révocation, le tribunal disciplinaire transmet un avis au Roi. »

Ces deux situations, à savoir celle de l'avocat et du magistrat qui sont pourtant comparables, lorsque l'un ou l'autre découvre des faits nouveaux pouvant affecter le bien fondé d'une décision leur infligeant une sanction affectant leur droit d'exercer une activité professionnelle qui était la leur avant la décision, objet de la demande en révision, ne sont pas traitées de la même façon, alors que la loi doit traiter des situations similaires de la même façon, et des situations non similaires de façon différente.

La différence de traitement n'est, toutefois, pas justifiable lorsque l'autorité introduit des distinctions entre des situations analogues ou comparables, sans que ces distinctions se fondent sur une justification objective et raisonnable.

Or, l'avocat victime d'une sanction disciplinaire, ne dispose pas de l'équivalent de l'article 422 du Code judiciaire.

Or, le fait que demandeur, dont les droits civils sont affectés par une décision disciplinaire, ne peut introduire une requête pour une révision en cas de découverte de faits nouveaux pouvant affecter le bien-fondé de cette décision, alors qu'une telle révision est possible pour les magistrats lorsque leurs droits civils sont affectés par une décision judiciaire, constitue une discrimination contraire aux articles 14 C.E.D.H et 26 P.I.D.C.P. ainsi qu'aux articles 10 et 11 de la Constitution.

La circonstance qu'un avocat radié n'a pas d'article à sa disposition pour faire réviser la sanction disciplinaire qui lui fut infligée, avec comme effet qu'il doit faire appel à une procédure « extra legem » ce qui implique que la recevabilité et le bien-fondé de sa demande dépendent du pouvoir discrétionnaire du juge alors que d'autres catégories de professionnels actifs au sein du Pouvoir Judiciaire, tels les magistrats, disposent d'une base légale pour introduire leur recours en révision n'a ni but légitime, ni nécessaire, ni proportionnel.

S'il est vrai que l'avocat est un auxiliaire de justice, et est, pour cette raison soumis, à un statut particulier, dont un code déontologique qui en trace les contours, cette particularité ne justifie pas que la découverte de faits nouveaux, affectant le bien-fondé d'une sentence disciplinaire l'empêchant d'exercer la profession d'avocat, ne puisse être soumise à une procédure de révision devant un juge sur pied d'une procédure en révision ayant une base légale.

La sentence attaquée constate que « l'article 422 du Code judiciaire n'est applicable, en tant que source d'une possible demande en révision, qu'aux sanctions disciplinaires infligées aux membres de la magistrature » que le « [demandeur] ne se trouve pas dans cette situation »(sentence attaquée, p. 4) et conclut qu' « il y a dès lors lieu de constater que la procédure introduite par [le demandeur] doit être déclarée irrecevable ». (sentence attaquée, p. 5)

En constatant que « l'article 422 du Code judiciaire n'est applicable, en tant que source d'une possible demande en révision, qu'aux sanctions disciplinaires infligées aux membres de la magistrature » que « [le demandeur] ne se trouve pas dans cette situation » et qu'« il y a dès lors lieu de constater que la procédure introduite par [le demandeur] doit être déclarée irrecevable », alors que les articles 14 C.E.D.H. et 26 P.I.D.C.P. et 10 et 11 de la Constitution garantissent à quiconque, dont le demandeur, un traitement égal à celui des autres justiciables, et alors que d'autres catégories de professionnels, tels les magistrats, disposent d'une base légale, afin de fonder un recours en révision devant un juge, la sentence attaquée viole, partant, les articles 14 C.E.D.H et 26 du P.I.D.C.P. ainsi que les articles 10 et 11 de la Constitution.

Troisième branche

L'article 149 de la Constitution énonce que :

« Tout jugement est motivé. Il est prononcé en audience publique. »

L'exigence de motivation formulée dans l'article 149 de la Constitution, requiert du jugement qu'il exprime les raisons qui ont fait basculer la conviction des juges.

L'obligation de motivation ainsi proclamée est une garantie essentielle pour les parties contre l'arbitraire du juge, si bien qu'elle est inséparable de la mission de juger une contestation et du respect des droits de la défense.

Dans ses conclusions de synthèse le demandeur avait développé le moyen qui défendait la position que l'absence d'une procédure en révision ayant une base légale constituait une lacune en droit belge portant atteinte aux droits de la défense ainsi qu'à l'égalité entre les justiciables :

« 6. La révision disciplinaire est une procédure sui generis qui n'est soumise à aucune forme particulière.

7. On peut dire qu'elle est inspirée de la procédure en révision prévue en matière disciplinaire pour les magistrats (art. 422 C.J.), par le code de procédure pénale (art. 443 C.P.P.), sans pour autant être soumise aux conditions particulières de ces autres procédures.

8. Ce n'est pas parce que le législateur a oublié ou négligé de codifier cette procédure qu'elle n'existerait pas pour les avocats, ce qui constitue une lacune en droit.

9. D'ailleurs, la pratique judiciaire s'est développée devant le Conseil de Discipline de réviser des sentences qui sont manifestement illégales, violent les formes substantielles, violent les droits de la défense, violent la présomption d'innocence, plus généralement qui sont inéquitables au vu des circonstances particulières, soit créent un dommage important, ou dont les effets et conséquences vont bien au-delà de ce qui pouvait être imaginé à l'époque (rebus sic stantibus).

10.En fait, cette lacune dans la loi Belge est une faute qui porte atteinte à l'égalité entre les citoyens, justiciables et, en particulier entre les auxiliaires de la justice comme les avocats, qui seraient moins bien traités que les autres justiciables qui peuvent invoquer une procédure en révision prévue au Code de Procédure Pénale, dans le Code Judiciaire ou dans la Loi, selon le cas.

11. Il serait exorbitant d'appliquer à la révision les formalités, par exemple, de l'article 1132 C.J., puisqu'il ne s'agit nullement d'une procédure de requête civile, mais bien d'une procédure en révision (application par analogie de l'article 422 C.J.). La requête civile est un recours extraordinaire, faisant partie du Livre III du Code Judiciaire sur les voies de recours. La révision n'est pas un recours ordinaire ou extraordinaire. Il est évident que l'article 1132 ne s'applique pas aux procédures disciplinaires, mais uniquement aux « décisions rendues par les juridictions civiles ou répressives », alors que le conseil de discipline n'est pas une juridiction civile de droit commun, et que la procédure disciplinaire est une procédure autonome qui s'inspire de ces autres procédures, sans coïncider avec celles-ci. D'ailleurs le [demandeur] ne pouvait douter que la révision était la bonne marche à suivre dès-lors qu'un conseil avait confirmé que cette procédure était particulièrement indiquée lors de la survenance d'un élément nouveau et la présentait comme telle [PIÈCE 11, Farde III, lettre du Bâtonnier P. Vanderveeren].

12. Vu la situation insupportable dans laquelle le [demandeur] a été placé par la sentence du 16.03.2010 où, d'un côté, il a bénéficié d'un non-lieu et d'un acquittement par le jugement du tribunal correctionnel du 12.01.2017, mais, de l'autre côté fait toujours l'objet d'une condamnation disciplinaire infamante insinuant qu'il se serait rendu coupable d'une infraction pénale et d'une violation du secret professionnel, le [demandeur] doit disposer d'un recours effectif pour faire cesser cette violation permanente de sa présomption d'innocence au niveau disciplinaire, peu-importe le nom qu'on donne à ce recours, révision ou autre. Les formes ou conditions posées à ce recours ne peuvent pas rendre ce recours ineffectif ou tellement compliqué qu'il ne peut pratiquement pas être mis en œuvre (Articles 13 CEDH et 2.3(a) Pacte International sur les Droits civils). » (conclusions de synthèse, p. 3).

La sentence attaquée constate que « [c]oncernant la discipline applicable aux avocats, il n'est pas contesté par [le demandeur] qu'aucune disposition légale n'organise, directement ou par renvoi à des dispositions telles que les 443 à 447bis du Code d'instruction criminelle ou l'article 422 du Code judiciaire, une procédure en révision visant les sentences disciplinaires rendues par les Conseils de discipline ou les Conseils de discipline d'appel ; » que « l'article 422 du Code judiciaire n'est applicable, en tant que source d'une possible demande en révision, qu'aux sanctions disciplinaires infligées aux membres de la magistrature » et que « [le demandeur] ne se trouve pas dans cette situation ; » (sentence attaquée, p. 4)

Après avoir constaté que le demandeur « ne se trouve pas dans cette situation », la sentence attaquée estime que, « [c]oncernant le jugement rendu au pénal en date du 12 janvier 2017, il ne justifie pas davantage, selon le Conseil de discipline d'appel, l'ouverture d'une procédure de révision « extra legem » (sentence attaquée, p. 4)

La sentence attaquée décide ensuite, qu'« [i]l y a dès lors lieu de constater que la procédure introduite par [demandeur] doit être déclarée irrecevable » (sentence attaquée, p. 5)

En se bornant à constater que « [c]oncernant la discipline applicable aux avocats, il n'est pas contesté par [le demandeur] qu'aucune disposition légale n'organise, directement ou par renvoi à des dispositions telles que les 443 à 447bis du Code d'instruction criminelle ou l'article 422 du Code judiciaire, une procédure en révision visant les sentences disciplinaires rendues par les Conseils de discipline ou les Conseils de discipline d'appel ; » que « l'article 422 du Code judiciaire n'est applicable, en tant que source d'une possible demande en révision, qu'aux sanctions disciplinaires infligées aux membres de la magistrature », que « [le demandeur] ne se trouve pas dans cette situation » ainsi qu'« il ne justifie pas davantage, selon le Conseil de discipline d'appel, l'ouverture d'une procédure de révision « extra legem » et qu'« [i]l y a dès lors lieu de constater que la procédure introduite par [demandeur] doit être déclarée irrecevable », il ne répond pas au moyen avancé par le demandeur faisant valoir que l'absence de codification en droit belge d'une procédure en révision pour les avocats à qui des sanctions disciplinaires ont été infligées, constitue une faute en ce qu'il viole les droits de la défense ainsi que l'égalité entre les justiciables, la sentence attaquée n'est pas régulièrement motivée et viole, partant, l'article 149 de la Constitution.

Développements

Le moyen est divisé en trois branches.

La première branche est divisée en deux rameaux.

Le premier rameau de la première branche du premier moyen avance que l'accès à un tribunal a été refusé au demandeur.

Les articles 6 de la C.E.D.H. et 14, §1 P.I.D.C.P. offrent une garantie d'accès à un juge destinée à renforcer les mécanismes de sauvegarde des droits fondamentaux dont la C.E.D.H. et le P.I.D.C.P. se veulent les garants.

L'on ne saurait sous-estimer l'importance de l'article 6 de la C.E.D.H. qui est un « texte capital », consacrant, à travers le droit à un procès équitable, « le principe fondamental de la prééminence du Droit » .

L'une des garanties découlant de l'article 6 § 1 de la C.E.D.H., ayant un effet direct en Belgique, est le droit d'accès à un tribunal indépendant et impartial qui relève de l'ordre public.

L'applicabilité de l'article 6 de la C.E.D.H. en matière disciplinaire découle de plusieurs arrêts de la Cour Européenne des Droits de l'Homme :

« Il ressort de la jurisprudence constante de la Cour qu'un contentieux disciplinaire dont l'enjeu, comme en l'espèce, est le droit de continuer à pratiquer la médecine à titre libéral, donne lieu à des "contestations sur des droits (...) de caractère civil" au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) (voir notamment les arrêts König c. Allemagne du 28 juin 1978, série A n° 27, pp. 29-32, para. 87-95, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique du 23 juin 1981, série A n° 43, pp. 19-23, para. 41-51, et Albert et Le Compte c. Belgique du 10 février 1983, série A n° 58, pp. 14-16, para. 25-29). L'applicabilité de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) aux circonstances de la cause, débattue devant la Commission mais non contestée devant la Cour, ne fait donc pas de doute. »

La Cour a confirmé l'applicabilité de ce principe dans le cadre d'une procédure concernant la réinscription au tableau de l'Ordre des avocats après radiation pour cause de manquement disciplinaire et a conclu que le droit revendiqué avait un caractère privé.

« Ayant ainsi examiné les divers aspects de la profession d'avocat en Belgique, la Cour constate qu'ils confèrent au droit revendiqué un caractère civil au sens de l'article 6§1er, lequel trouvait donc à s'appliquer. »

Suite à cela la Cour a aussi confirmé que le conseil de discipline de l'Ordre constituait bien un « tribunal indépendant et impartial » au sens de l'article 6, §1 .

La Cour a déjà estimé que l'imprécision de la notion légale de « circonstances exceptionnelles » est critiquable.

Cela, en conjonction avec le fait qu'il n'existe pas de possibilité de révision pour un avocat rayé du barreau, confirme la violation des articles 6, §1 C.E.D.H. et 14, §1 P.I.D.C.P..

Il n'y a, en effet, pas de véritable accès à un tribunal, lorsque le tribunal n'est pas nanti d'une compétence de pleine juridiction lui permettant d'examiner la cause au fond, aussi bien quant aux points de fait que quant aux points de droit, en ce compris la proportionnalité de la sanction.

Ceci reste une jurisprudence constante de la Cour comme il ressort de l'arrêt du 23 juin 1994, De Moor c. Belgique.

Certes, il est vrai que la Cour Européenne des Droits de l'homme a jugé que l'article 6 de la Convention n'est pas applicable à une procédure d'examen d'une demande tendant à la révision d'un procès, puisque les États contractants n'ont pas l'obligation d'accorder aux individus la faculté de se pourvoir en révision contre les sentences passées en force de chose jugée :

« A titre liminaire, la Cour rappelle sa jurisprudence, selon laquelle l'article 6 de la Convention est inapplicable à une procédure d'examen d'une demande tendant à la révision d'un procès [...].
En l'espèce, la procédure par laquelle la requérante a sollicité la révision de l'arrêt de la cour d'appel ne saurait donc être prise en compte dans le calcul du « délai raisonnable » au sens de l'article 6, §1 de la Convention »

La violation de l'article 6, §1 dans le cas présent, trouve, contrairement aux cas jugé par la Cour Européenne des Droits de l'homme, toutefois, sa cause en ce que la sentence reconnaît qu'il existe la possibilité d'ouvrir une procédure de révision « extra legem » mais sans que le demandeur ne puisse, à défaut d'une procédure ayant une base légale, identifier ou même à comprendre les critères légaux qui justifieraient l'ouverture d'une procédure de révision.

Le premier rameau ne conteste pas l'absence d'une procédure de révision d'une peine mais bien l'absence de base légale en Belgique pour une telle procédure.

En l'espèce le droit du demandeur d'accès à un juge a été atteint dans sa substance même, puisque l'accès au conseil de discipline d'appel sur pied d'un recours en révision ayant une base légale, lui est refusé.

Le second rameau de la première branche du premier moyen soutient que la sentence attaquée ne permet pas à Votre Cour d'exercer son contrôle légal.

L'article 149 de la Constitution qui contient l'obligation de motivation est une « garantie essentielle pour les parties contre l'arbitraire du juge et (...) inséparable de la mission de juger » et est, à ce titre, constitutif d'un principe général de droit.

La portée d'une telle obligation a été déterminée par la jurisprudence de Votre Cour : tant l'absence de motifs, que l'imprécision, la contrariété ou l'ambiguïté des motifs, ainsi que le défaut de réponse aux conclusions sont des cas dans lesquels Votre Cour a retenu la violation de l'article 149. Cette jurisprudence a comme commun dénominateur que « dans chacun de ces cas, la Cour s'est trouvée dans l'impossibilité de constater et de vérifier la légalité - ou l'illégalité - de la décision entreprise ».

En effet, « même si l'obligation de motiver les jugements constitue une condition de forme, indépendamment de la valeur de la motivation que le juge doit apporter à sa décision, la motivation doit néanmoins permettre la Cour d'effectuer la mission de contrôle légal prescrit par l'article 149 de la Constitution » .

La légalité de la décision n'intervient donc que dans un second temps, « il ne peut en effet être question de légalité ou d'illégalité que si la décision entreprise permet régulièrement de le constater », et à défaut de pouvoir le faire, « c'est seulement l'article 149 de la Constitution qui est violé, sans qu'on puisse dire que le juge a ou n'a pas violé la règle de droit qui constitue le soutènement de sa décision ».

Ces deux arrêts ont été l'occasion de rappeler la jurisprudence traditionnelle de Votre Cour, qualifiée par le président émérite Albert MEEÛS d' « ancienne et constante (et) approuvée par une doctrine unanime ».

En ne mentionnant pas quels sont les critères légaux qui donnent accès à la procédure de révision aux avocats radié, il est impossible pour Votre Cour d'effectuer son contrôle légal de sorte que l'article 149 de la Constitution est violé. La sentence néglige, en effet, de fournir les éléments nécessaires à l'appréciation de la légalité de la sentence attaquée par rapport à la recevabilité du recours « extra legem », avec pour conséquence que Votre Cour n'est pas à même d'en vérifier la légalité avec une violation de l'article 149 de la Constitution pour résultat.

La deuxième branche du premier moyen, est divisée en deux rameaux et soutient que le demandeur est victime de deux discriminations distinctes.

L'importance des articles 14 C.E.D.H. et 26 P.I.D.C.P. et des articles 10 et 11 de la Constitution ne peut être mise en doute.

De plus l'on ne peut contester que l'article 14 de la C.E.D.H. soit conçu de manière suffisamment précise et complète pour déployer des effets directs dans l'ordre juridique belge.

Une différence de traitement n'est pas justifiable lorsque le législateur introduit des distinctions entre des situations analogues ou comparables, sans que ces distinctions se fondent sur une justification objective ni raisonnable. Simultanément il est vrai que des exceptions au principe d'égalité sont permises, mais uniquement si:

- la mesure poursuit un but légitime
- la mesure est nécessaire
- de plus un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens et le but ainsi visé est présent.

Ou, en citant la Cour Constitutionnelle :

« Les règles constitutionnelles de l'égalité des Belges et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie selon certaines catégories de personnes pour autant que le critère de différenciation soit susceptible de justification objective et raisonnable. L'existence d'une telle justification doit s'apprécier par rapport au but et aux effets de la norme considérée; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. »

Le premier rameau de la deuxième branche du premier moyen soutient que le demandeur, dont le droit civil d'exercice de sa profession est affecté par une décision disciplinaire et qui ne peut introduire une requête en révision en cas de découverte de nouveaux faits affectant le bien-fondé de cette décision, alors qu'une telle révision est possible pour tous les justiciables, en droit commun, lorsque leur droit civil d'exercice de leur profession, métier, mandat ou fonction est affecté par une décision judiciaire, constitue une discrimination contraire aux articles 14 C.E.D.H et 26 P.I.D.C.P. ainsi qu'aux articles 10 et 11 de la Constitution Belge.

Prenons l'exemple d'un conseiller fiscal ou d'un agent d'affaires, que le juge correctionnel peut condamner sur base de l'article 73ter, §1 du Code du 3 juillet 1969 de la taxe sur la valeur ajoutée, à ne pas exercer, pour une certaine durée, les professions mentionnées dans cette article. Cette article énonce que :
« § 1. En condamnant le titulaire d'une des professions suivantes:
1° conseiller fiscal;
2° agent d'affaires;
...
Le juge pourra, en outre, en motivant sa décision sur ce point, ordonner la fermeture pour une durée de trois mois à cinq ans, des établissements de la société, association, groupement ou entreprise dont le condamné est dirigeant, membre ou employé.»

Ces situations particulières sont susceptibles d'être révisées, sur pied des articles 443, 444 et 445 du Code d'instruction criminelle alors que tel n'est pas le cas pour un avocat à qui une sanction disciplinaire - de surcroît à vie - fut infligée.

Le second rameau de la deuxième branche du premier moyen avance, quant à lui que, la circonstance qu'un avocat radié ne peut avoir recours à une procédure de révision ayant une base légale en vue de faire réviser la sanction disciplinaire qui lui fut infligée, avec comme effet qu'il doit faire appel à une procédure « extra legem » ce qui implique que la recevabilité et le bien-fondé de sa demande dépendent du pouvoir discrétionnaire du juge alors que d'autres catégories de professionnels actifs au sein du Pouvoir Judiciaire, tels les magistrats, disposent d'une base légale pour ce faire constitue une discrimination incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution ainsi qu'avec l'article 14 C.E.D.H.

Ces situations pourtant comparables, ne sont pas traitées de la même façon, alors que la loi doit traiter des situations similaires de la même façon, et des situations non similaires doivent être traité d'une façon différente.

La troisième branche du premier moyen soutient que la sentence ne répond pas aux conclusions du demandeur et n'appelle pas d'autres développements.

SECOND MOYEN

Dispositions légales violées

- Article 15.1 du Pacte International du 19 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques adopté par l'Assemblée Générale des Nations-Unies le 16 décembre 1966, fait à New York le 19 décembre 1966 (tel qu'approuvé par la Loi du 15 mai 1981 (M.B., 6 juillet 1983), par le Décr. Cons. Comm. fr. du 8 juin 1982 (M.B., 15 octobre 1982) et par le Décr. Cons. fl. du 25 janvier 1983 (M.B., 26 février 1983) (ci-après le "PIDCP") ;

Article 3 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, signée à Rome, le 4 novembre 1950 (tel qu'approuvée par la Loi du 13 mai 1955 portant approbation de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, signée à Rome, le 4 novembre 1950 et du Protocole additionnel à cette Convention, signé à Paris, le 20 mars 1952) (ci-après la « C.E.D.H. ») ;

- le principe général du la rétroactivité de la loi la plus clémente, comme confirmé par l'article 15.1 du PIDCP ainsi que par l'article 2, second alinéa du Code pénal ;

- pour autant que de besoin, les articles 443 (tel que remplacé par l'article unique de la loi du 18 juin 1894 (M.B., 24 juin 1894) et tel que modifié par l'article 1er, 169° de la L. du 10 juillet 1967 (M.B., 6 septembre 1967), 444 , 1° (tel que remplacé par l'article unique de la loi du 18 juin 1894 (M.B., 24 juin 1894)) et 445 (tel que remplacé par l'article unique de la loi du 18 juin 1894 (M.B., 24 juin 1894) du Code du 17 novembre 1808 d'instruction criminelle.

Décision attaquée

La sentence attaquée décide que le jugement du 12 janvier 2017 rendu par le tribunal néerlandophone correctionnel de Bruxelles n'est pas de nature à fonder une remise en cause de la sentence disciplinaire du 16 mars 2010, sur pied des motifs suivants:

[Le demandeur] avait été renvoyé devant le Conseil de discipline des barreaux francophones du ressort de la Cour d'appel de Bruxelles, en mai 2008, du chef de trente (30) griefs différents, ayant trait à six (6) dossiers distincts, dont un dossier N° ... concernant Madame M. B. et Monsieur L. V. H., anciens clients [du demandeur], et qui étaient [furent] précisément à l'origine de la procédure pénale ayant donné lieu au jugement susvisé du 12 janvier 2017 ;

Par sa sentence du 16 mars 2010, le Conseil de discipline d'appel avait, confirmant en cela le dispositif de la sentence du 18 juin 2009 rendue en premier degré de juridiction disciplinaire, sous réserve de deux (2) griefs non retenus en degré d'appel, dit pour droit que vingt-trois (23) des trente (30) griefs étaient établis, et qu'ils justifiaient, par leur nombre et leur gravité, la sanction de la radiation ;

Dans son arrêt déjà cité du 9 juin 2011, rendu suite au pourvoi formé pas [le demandeur], la Cour de cassation a, pour rejeter le pourvoi formé par [le demandeur], expressément visé ledit dossier N°..., en ayant soin de replacer ce dossier dans le contexte de l'ensemble des poursuites visant [le demandeur]:

« Par appropriation des motifs de la sentence dont appel rendue sur opposition le 18 juin 2009 par le conseil de discipline du ressort de la cour d'appel de Bruxelles, la sentence attaquée considère que tous les griefs retenus à charge du demandeur par la décision dont opposition sont établis, sauf les griefs 5.2 et 7.1., que le demandeur «a violé de manière caractérisée et à deux reprises son secret professionnel dans des conditions d'autant plus graves que l'intention qui l'animait trouvait son origine exclusive dans la poursuite de son intérêt personnel », que le demandeur « manifeste un total mépris à l'égard des autorités de l'Ordre et de ses confrères en général, n'hésitant pas à user à leur égard de l'injure et la menace, au mépris de toute dignité et de toute revenue », que « ses écrits et ses agissements témoignent de l'absence de toute volonté d'amendement dans son chef », que le demandeur n'a manifestement aucune conscience de l'extrême gravité de certains faits qui lui sont reprochés et qui fondent notamment les griefs 2.3, 2.4, 2.6, 2.8, 2.10, 3.1, 3.2, 3.3, 3.4, 3.5, 4.2, 4.3, et 4.4 » et que « sa méconnaissance et son mépris des règles légales et déontologique qui sont la base de la profession d'avocat ne semble pas connaître de limites ».

La sentence attaquée ne fonde pas ainsi la peine de radiation sur les seuls griefs issus du dossier ... afférents aux violations du secret professionnel, qui portent tous le numéro 2, et permet à la Cour d'apprécier si la décision attaquée respecte le principe de la proportionnalité de la peine consacré par l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ».

Le jugement du 12 janvier 2017 n'est donc pas de nature à fonder une remise en cause de la sentence disciplinaire du 16 mars 2010, laquelle est coulée en force jugée ;

Il y a dès lors lieu de constater que la procédure introduite par [le demandeur] doit être déclarée irrecevable. »

Griefs

Première branche

Des articles 15.1 du PIDCP et l'article 2, deuxième alinéa, du Code pénal il découle que si une peine unique est prononcée pour plusieurs infractions, la peine reste justifiée dès lors qu'une seule infraction échappe à toute critique légale.

Ce principe n'est, toutefois, pas d'application en cas de recours en révision: lorsqu'une seule peine a été prononcée pour deux infractions, une demande en révision régulièrement présentée, et qui est fondée sur l'allégation d'un fait que le condamné n'a pas été à même d'établir lors du procès et d'où pourrait résulter, et résulte selon le requérant, la preuve de son innocence relativement à l'une des infractions, est recevable quant à celle-ci, alors même que la peine reste légalement justifiée par l'autre infraction.

Dans la mesure où les articles 443, 444 et 445 du Code d'instruction criminelle constitueraient le droit commun des recours en révision, la violation de ceux-ci est invoquée.

La sentence constate que le demandeur « avait été renvoyé devant le Conseil de discipline des barreaux francophones du ressort de la Cour d'appel de Bruxelles, en mai 2008, du chef de trente (30) griefs différents, ayant trait à six (6) dossiers distincts, dont un dossier N° ... concernant Madame M. B. et Monsieur L. V. H., anciens clients [du demandeur], et qui étaient [furent] précisément à l'origine de la procédure pénale ayant donné lieu au jugement susvisé du 12 janvier 2017 ; » (sentence attaquée, p. 4)

Ensuite la sentence constate que « [p]ar sa sentence du 16 mars 2010, le Conseil de discipline d'appel avait, confirmant en cela le dispositif de la sentence du 18 juin 2009 rendue en premier degré de juridiction disciplinaire, sous réserve de deux (2) griefs non retenus en degré d'appel, dit pour droit que vingt-trois (23) des trente (30) griefs étaient établis, et qu'ils justifiaient, par leur nombre et leur gravité, la sanction de la radiation ; » (sentence attaquée, p. 4)

De plus la sentence cite un arrêt de Votre Cour décidant que « [l]a sentence attaquée ne fonde pas ainsi la peine de radiation sur les seuls griefs issus du dossier ... afférents aux violations du secret professionnel, qui portent tous le numéro 2, et permet à la Cour d'apprécier si la décision attaquée respecte le principe de la proportionnalité de la peine consacré par l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » et après elle décide que « [l]e jugement du 12 janvier 2017 n'est donc pas de nature à fonder une remise en cause de la sentence disciplinaire du 16 mars 2010, laquelle est coulée en force jugée ». (sentence attaquée, p. 5)

En constatant que le demandeur « avait été renvoyé devant le Conseil de discipline des barreaux francophones du ressort de la Cour d'appel de Bruxelles, en mai 2008, du chef de trente (30) griefs différents, ayant trait à six (6) dossiers distincts, dont un dossier N° ... concernant Madame M. B. et Monsieur L. V. H., anciens clients [du demandeur], et qui étaient [furent] précisément à l'origine de la procédure pénale ayant donné lieu au jugement susvisé du 12 janvier 2017 ; » et que « « [p]ar sa sentence du 16 mars 2010, le Conseil de discipline d'appel avait, confirmant en cela le dispositif de la sentence du 18 juin 2009 rendue en premier degré de juridiction disciplinaire, sous réserve de deux (2) griefs non retenus en degré d'appel, dit pour droit que vingt-trois (23) des trente (30) griefs étaient établis, et qu'ils justifiaient, par leur nombre et leur gravité, la sanction de la radiation ; » et que « [l]a sentence attaquée ne fonde pas ainsi la peine de radiation sur les seuls griefs issus du dossier ... afférents aux violations du secret professionnel, qui portent tous le numéro 2, et permet à la Cour d'apprécier si la décision attaquée respecte le principe de la proportionnalité de la peine consacré par l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » et qu'elle conclut que « [l]e jugement du 12 janvier 2017 n'est donc pas de nature à fonder une remise en cause de la sentence disciplinaire du 16 mars 2010, laquelle est coulée en force jugée », alors que le principe de la peine légalement justifiée n'est pas d'application en cas de recours en révision lorsqu'une seule peine a été prononcée pour deux infractions et qu'une demande en révision régulièrement présentée est fondée sur l'allégation d'un fait que le condamné n'a pas été à même d'établir lors du procès et d'où pourrait résulter, et dont résulte, selon le demandeur, la preuve de son innocence relativement à l'une des infractions, avec pour conséquence que la demande en révision est recevable, alors même que la peine reste légalement justifiée par l'autre infraction, la sentence attaquée viole, partant, l'article 15.1 du PIDCP, l'article 2, deuxième alinéa du Code pénale ainsi que, pour autant que nécessaire, les articles 443, 444 et 445 du Code d'instruction criminelle.

Seconde branche

L'article 3 de la C.E.D.H., un article ayant un effet direct en droit belge, dispose que :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

Une peine qui est manifestement disproportionnée viole l'article 3 de la C.E.D.H..

Le demandeur ayant été condamné à une peine de radiation, avec pour conséquence l'impossibilité d'exercer sa profession d'avocat à vie, nécessite que cette peine prononcée soit proportionnelle aux faits commis.

La circonstance que le demandeur ait été acquitté par le tribunal Néerlandophone de première instance de Bruxelles par jugement du 12 janvier 2017 et qu'en conséquence le dossier n° ... afférents aux violations du secret professionnel ne puisse plus constituer un grief sur lequel la peine de radiation se fonde, rend, dans le cadre d'un recours en révision, l'appréciation possible que la peine de radiation infligée au demandeur soit disproportionnée comparée aux faits dont il reste accusé.

La sentence constate que le demandeur « avait été renvoyé devant le Conseil de discipline des barreaux francophones du ressort de la Cour d'appel de Bruxelles, en mai 2008, du chef de trente (30) griefs différents, ayant trait à six (6) dossiers distincts, dont un dossier N° ... concernant Madame M. B. et Monsieur L. V. H., anciens clients [du demandeur], et qui étaient [furent] précisément à l'origine de la procédure pénale ayant donné lieu au jugement susvisé du 12 janvier 2017 ; » (sentence attaquée, p. 4)

Ensuite la sentence constate que « [p]ar sa sentence du 16 mars 2010, le Conseil de discipline d'appel avait, confirmant en cela le dispositif de la sentence du 18 juin 2009 rendue en premier degré de juridiction disciplinaire, sous réserve de deux (2) griefs non retenus en degré d'appel, dit pour droit que vingt-trois (23) des trente (30) griefs étaient établis, et qu'ils justifiaient, par leur nombre et leur gravité, la sanction de la radiation ; » (sentence attaquée, p. 4)

De plus la sentence cite un arrêt de Votre Cour décidant que « [l]a sentence attaquée ne fonde pas ainsi la peine de radiation sur les seuls griefs issus du dossier ... afférents aux violations du secret professionnel, qui portent tous le numéro 2, et permet à la Cour d'apprécier si la décision attaquée respecte le principe de la proportionnalité de la peine consacré par l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » et après elle décide que « [l]e jugement du 12 janvier 2017 n'est donc pas de nature à fonder une remise en cause de la sentence disciplinaire du 16 mars 2010, laquelle est coulée en force jugée ». (sentence attaquée, p. 5)

En décidant que le demandeur « avait été renvoyé devant le Conseil de discipline des barreaux francophones du ressort de la Cour d'appel de Bruxelles, en mai 2008, du chef de trente (30) griefs différents, ayant trait à six (6) dossiers distincts, dont un dossier N° ... concernant Madame M. B. et Monsieur L. V. H., anciens clients [du demandeur], et qui étaient [furent] précisément à l'origine de la procédure pénale ayant donné lieu au jugement susvisé du 12 janvier 2017 ; » et que « « [p]ar sa sentence du 16 mars 2010, le Conseil de discipline d'appel avait, confirmant en cela le dispositif de la sentence du 18 juin 2009 rendue en premier degré de juridiction disciplinaire, sous réserve de deux (2) griefs non retenus en degré d'appel, dit pour droit que vingt-trois (23) des trente (30) griefs étaient établis, et qu'ils justifiaient, par leur nombre et leur gravité, la sanction de la radiation ; » et que « [l]a sentence attaquée ne fonde pas ainsi la peine de radiation sur les seuls griefs issus du dossier ... afférents aux violations du secret professionnel, qui portent tous le numéro 2, et permet à la Cour d'apprécier si la décision attaquée respecte le principe de la proportionnalité de la peine consacré par l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » et qu'elle conclut que « [l]e jugement du 12 janvier 2017 n'est donc pas de nature à fonder une remise en cause de la sentence disciplinaire du 16 mars 2010, laquelle est coulée en force jugée », la sentence attaquée refuse d'examiner si la peine de la radiation est proportionnée eu égard aux seuls griefs que la sentence attaquée invoque en vue de déclarer le recours en révision « extra legem » irrecevable, alors qu'une peine qui est manifestement disproportionnée viole l'article 3 de la C.E.D.H. et alors qu'une des accusations ayant généré tous les dossiers disciplinaires sous le n° 2, objet du dossier n° ..., a été remise en question par le jugement du 12 janvier 2017 rendu par le tribunal Néerlandophone de première instance de Bruxelles avec pour conséquence que le dossier n° ..., afférent aux violations du secret professionnel, pourrait ne plus constituer un grief sur lequel la peine de radiation se fonde avec pour conséquence que les autres griefs, étranger au dossier n° ..., pourraient, eux, ne plus justifier sans violer le principe de la proportionnalité des peines, la sentence attaquée viole, partant, l'article 3 C.E.D.H..

Développements

En vertu de la théorie de la peine légalement justifiée, Votre Cour déclare non recevable le moyen de cassation qui estime que la déclaration de culpabilité est illégale, due à un défaut d'intérêt, dès lors qu'une seule infraction échappe à toute critique légale.

La première branche du second moyen avance, toutefois, qu'il existe une exception - très importante dans le cas présent - à ce principe: lorsqu'une seule peine a été prononcée pour deux infractions, une demande en révision régulièrement présentée, et qui est fondée sur l'allégation d'un fait que le condamné n'a pas été à même d'établir lors du procès et d'où pourrait résulter, et résulte selon le requérant, la preuve de son innocence, relativement à l'une des infractions, est recevable quant à celle-ci, alors même que la peine est légalement justifiée par l'autre infraction.

En utilisant les termes de Votre Cour :

« Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen par le défendeur et déduite de son défaut d'intérêt, la sanction prononcée demeurant justifiée par les préventions 4 et 5 :
Il ressort de la motivation de la sanction que celle-ci est justifiée par le nombre de préventions retenues à charge du demandeur et la gravité de toutes les fautes qu'il a commises.
La sanction prononcée ne demeure dès lors pas justifiée par la déclaration de culpabilité relative aux seules préventions 4 et 5.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie. »

Ce même principe s'applique aussi en matière disciplinaire :

« Attendu que la décision attaquée décide que « le conseil de discipline était à juste titre d'avis qu'il y avait unité d'intention et que les préventions établies relèvent d'un même cadre, de sorte qu'une seule peine doit être prononcée » ;
Attendu qu'il n'est ainsi pas établi que les fautes non visées par le moyen auraient entraîné la peine disciplinaire prononcée ;
...
Que le moyen est fondé »

La sentence attaquée méconnaît cette jurisprudence.

Le Conseil de discipline d'appel a, en effet, pris en considération tous les griefs reprochés au demandeur en vue de déclarer la demande en révision irrecevable sur pied de la théorie de la peine restant légalement justifiée.

La seconde branche du second moyen avance que la sentence attaquée viole l'article 3 de la C.E.D.H., dont découle le principe de la proportionnalité de la peine.

Votre Cour a, en effet, décidé qu'elle peut « examiner s'il ne ressort pas des constatations et considérations de la décision attaquée que la décision a été prise en violation de l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ».

Qu'il soit à cet égard souligné que le demandeur n'a pas commis de vol ou de détournements de fonds au préjudice de ses clients mais, qu'au contraire, c'est le demandeur qui, à l'origine, était la victime des agissements frauduleux de ses clients.

Le conseil de discipline dans sa sentence du 16 mars 2010 s'appropriant les motifs de la sentence du 18 juin 2009, a prononcé une peine unique de radiation pour plusieurs griefs. Il n'est donc pas aisé de déterminer quel poids le conseil de discipline a attribué à chacun des griefs. Le texte des sentences nous aide, toutefois, à déterminer le poids respectif.
Selon le conseil de discipline d'appel, les poursuites et griefs seraient le résultat de trois plaintes distinctes, par (1) les consorts V. H.-B. et leurs conseils, (2) par Me E. C., (3) par le procureur général près la cour d'appel de Bruxelles.

« Attendu, de sûrcroit, que l'appelant fait grand cas des plaintes déposées par les consorts V. H.-B. alos qu'ils ne sont pas seuls à l'origine des poursuites disciplinaires à l'encontre de l'appelant...

Qu'en l'espèce, le bâtonnier a été saisi non seulement par les consorts V. H.-B., mais aussi par leurs conseils et par d'autres personnes, dont Me E. C. ainsi que par le procureur général de la cour d'appel de Bruxelles, le 3 avril 2007 » (sentence du conseil de discipline d'appel du 16 mars 2010, Attendu, p. 4)

Cependant, force est de constater que le conseil de discipline d'appel n'accorde pas grande importance et poids aux plaintes de Me E. C. et du procureur général puisqu'il ne fait que les citer, tandis qu'il mentionne le dossier V. H.-B. au total 14 fois dans le texte de la sentence (p. 2, 2fois ; p. 3, 2fois ; p. 4, 4fois ; p. 7, 3fois ; p. 8, 3fois).

Le poids des griefs pèse donc incontestablement sur l'affaire V. H.-B. qui concernait la violation du secret professionnel dans le cadre d'une récupération de créance d'honoraires par le demandeur, rendue impossible par l'organisation frauduleuse d'insolvabilité de ses ex-Clients.

Mais à y regarder de plus près, les plaintes de Me E. C. et du procureur général concernent la même affaire V. H.-B. et sont en marge de celle-ci puisque E. C. agissait à l'époque des faits en tant que chef de cabinet du Bâtonnier J. B. qui était désigné en tant qu'enquêteur dans l'affaire disciplinaire. La plainte du procureur général concernait la même affaire V. H.-B. puisqu'elle concernait une prétendue violation du secret professionnel et l'exercice illégal de la profession d'avocat, accusations qui firent l'objet du jugement du tribunal correctionnel du 12 janvier 2017.

En vérité, il n'y a eu qu'une seule affaire disciplinaire contre le demandeur et c'est l'affaire V. H.-B.. Les autres griefs sont venus nourrir cette même affaire et sont tous issus de cette même affaire.

Que l'affaire V. H.-B. soit la seule affaire disciplinaire contre le demandeur et que la sentence du 16 mars 2010 accorde tout le poids à cette seule affaire et que la radiation soit prononcée en fonction de cette seule affaire, est confirmé par la sentence du 18 juin 2009, dont la sentence du 16 mars2010 s'approprie les motifs.

La sentence du 18 juin 2009 met aussi tout le poids sur l'affaire V. H.-B. auquelle elle accorde un poids « spécial » dans un encart dédié avec l'intitulé suivant « Spécialement en ce qui concerne le litige opposant ou ayant opposé Monsieur G. V. M. à ses anciens clients L. V. H. et M. B. ».
En fait, la sentence du 18 juin 2009 - duquel la sentence du 16 mars 2010 s'approprie les motifs - consacre non moins de 12 pages sur 13 (les pages 14 et 15 de la sentence étant consacrées à la peine et dispositif et signatures) à la seule affaire V. H.-B. et la violation du secret professionnel. En d'autres mots, la sentence du 18 juin 2009 est entièrement consacrée à la seule affaire V. H.-B..

Le seul grief ne concernant pas l'affaire V. H.-B. retenu à charge du demandeur concerne la mise à disposition du public dans la salle d'attente de son cabinet d'un « folder publicitaire» décrivant son cabinet et services, paraît anecdotique et ne peut sûrement pas « à lui seul » justifier la peine majeure de la radiation à vie.

D'autre part, la sentence du 18 juin 2009 reproche au demandeur de se défendre lui-même dans certaines procédures judiciaires, de prendre certaines actions pour protéger ses droits et intérêts, ou lui reproche ses défenses et argumentations vis-à-vis le Bâtonnier, ce qui revient à sanctionner le droit de défense du demandeur, violant ainsi l'article 6 C.E.D.H. et l'Article 14 du P.I.D.C.P.. Ainsi les défenses du demandeur contre des attaques disciplinaires constituent de nouveaux griefs disciplinaires, ce qui revient à l'anéantissement complet du droit de la défense.

Dès lors que la sentence du 16 mars 2010 ne traite que de l'affaire V. H.-B., sur laquelle la sentence met tout le poids de sa motivation, la sanction de la radiation ne peut avoir été imposée qu'à la suite de cette seule affaire.

Ceci est, par ailleurs, confirmé par un attendu de la sentence du 16 mars 2010.

« Attendu que les violations au secret professionnel, les manquements commis par l'appelant, aux devoirs de dignité et de délicatesse, à l'éthique élémentaire, qui sont à la base de la profession d'avocat, suffisent à justifier, à eux seuls, la mesure de radiation décidée par la sentence dont d'appel » (sentence du 16 mars 2010, p. 9)

De cet attendu et du poids écrasant que cette sentence accorde à l'affaire V. H.-B. et aux prétendues violations du secret professionnel - que la sentence désigne comme « à eux seuls » - il est évident que le demandeur a été radié pour les « seuls » manquements dans l'affaire V. H.-B., c'est-à-dire pour les violations du secret professionnel.

Dès l'instant où les infractions principales « violation du secret professionnel » peuvent être remises en question, la peine de la radiation à vie, ne peut plus être maintenue sur pied des « autres griefs » qui « à eux seuls » ne suffisent à justifier la radiation et rendent la sanction de la radiation disproportionnée par rapport aux autres griefs et plaintes qui se situent en marge et sont accessoires à l'affaire V. H.-B. d'où ils découlent. Lorsque la clef de voûte du système tombe, l'édifice chute.

On peut difficilement admettre que la mise à disposition d'un folder publicitaire dans la salle d'attente du cabinet (fusse-t-il même pas communiqué au Bâtonnier), et la défense par le demandeur de ses propres affaires judiciaires ou sa défense contre des attaques disciplinaires, puissent « à eux seuls » justifier la peine majeure de la radiation à vie, la peine de radiation étant réservé pour les cas les plus graves de récidive dans des affaires de fraude, blanchiment, détournement de fonds, évasion fiscale, utilisation de faux, vol. En outre, il est extrêmement rare qu'un conseil de discipline prononce la radiation à vie d'un avocat sans sa condamnation préalable pour de lourdes infractions pénales. Rien de tel pour le demandeur qui dispose d'un casier judiciaire vierge et n'a jamais été condamné à aucune peine pénale.

Les griefs anecdotiques retenus par la sentence du 16 mars 2010 s'appropriant les motifs de la sentence du 18 juin 2009 ne peuvent pas légalement justifier - « à eux seuls » - la radiation à vie, surtout que parmi ces griefs se trouvent des critiques du droit de la défense consacré par l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et critiques du droit de sa propre défense.

PAR CES CONSIDÉRATIONS,

L'avocat à la Cour de cassation soussigné conclut, qu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, de casser et annuler la sentence attaquée, ordonner que mention en soit faite en marge de la décision annulée, renvoyer la cause et les parties devant le Conseil de discipline d'appel autrement composé et statuer comme de droit sur les dépens de la présente instance.

Bruxelles, le 17 novembre 2017

Pour le demandeur,
Son conseil,

Paul LEFEBVRE

Annexe :

L'original de l'exploit d'huissier constatant sa signification aux défendeurs sera joint à l'original du présent pourvoi.


Synthèse
Numéro d'arrêt : D.17.0017.F
Date de la décision : 15/11/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-11-15;d.17.0017.f ?

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