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15/11/2018 | BELGIQUE | N°C.17.0492.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 15 novembre 2018, C.17.0492.F


N° C.17.0492.F
TOURING ASSURANCES, société anonyme, dont le siège social est établi à Bruxelles, avenue du Port, 86 C,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicile,
contre

M. D., agissant tant en nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale des biens et de la personne de sa fille mineure L. B.,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître François T'Kint, avocat à la

Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait ...

N° C.17.0492.F
TOURING ASSURANCES, société anonyme, dont le siège social est établi à Bruxelles, avenue du Port, 86 C,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicile,
contre

M. D., agissant tant en nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale des biens et de la personne de sa fille mineure L. B.,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 18 avril 2017 par le tribunal de première instance de Namur, statuant en degré d'appel.
Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la première branche :

Il est contradictoire, s'agissant du préjudice ménager, d'une part, de considérer que la quote-part d'entretien personnel de la victime peut être évaluée à 20 p.c. pour un ménage sans enfant, d'autre part, de déduire une perte d'entretien personnel du mari de 15 p.c. du montant journalier retenu pour le calcul du dommage subi pour la période à partir du 13 octobre 2033, date fixée par le jugement attaqué comme étant celle où l'enfant cessera de cohabiter avec la défenderesse.
Le moyen, en cette branche, est fondé.

Sur le second moyen :

Le préjudice qui résulte, pour les ayants droit de la victime d'un accident mortel, de la privation des revenus de celle-ci consiste en la privation de la partie de ces revenus dont ils tiraient ou auraient pu tirer un avantage personnel.
Il ressort des constatations du jugement attaqué que l'action exercée par la défenderesse en réparation du dommage résultant de la privation des revenus professionnels de la victime C. B. l'a été tant en nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale de la personne et des biens de sa fille mineure.
Il s'ensuit qu'il s'agit d'une action tendant à la réparation de deux préjudices distincts, d'une part, celui qu'a subi personnellement la défenderesse, d'autre part, celui qu'a subi personnellement sa fille mineure.
La circonstance que, pour déterminer si la défenderesse, dont il considère que, pour le calcul de l'indemnité lui revenant, il y a lieu de tenir compte de la rente qui lui est versée par le service des pensions du secteur public, a droit à une indemnité à charge de la demanderesse en réparation de son préjudice personnel, le jugement attaqué procède au calcul de l'indemnité destinée à réparer ce préjudice en tenant « compte de la charge financière qui résulte de la nécessité de supporter seule l'entretien et l'éducation de l'enfant mineure » et la circonstance qu'il n'alloue aucune somme de ce chef à la défenderesse au motif que le montant auquel ce calcul aboutit « reste inférieur à la rente perçue » n'excluent pas que l'enfant mineure puisse subir personnellement un préjudice résultant de la privation des revenus professionnels de son père décédé et n'impliquent pas que la rente versée à la mère survivante répare ce préjudice.
Le jugement attaqué, qui, par les motifs reproduits au moyen, reconnaît l'existence d'un dommage propre de l'enfant, décide légalement d'allouer une indemnité destinée à réparer ce dommage à la défenderesse agissant ès qualité.
Le moyen ne peut être accueilli.

Et il n'y a pas lieu d'examiner la seconde branche du premier moyen, qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse le jugement attaqué en tant qu'il statue sur l'indemnité destinée à réparer le dommage ménager subi par la défenderesse pour la période à partir du 13 octobre 2033 et qu'il statue sur les dépens ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ;
Condamne la demanderesse à la moitié des dépens ; en réserve l'autre moitié pour qu'il soit statué sur celle-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant le tribunal de première instance du Hainaut, siégeant en degré d'appel.
Les dépens taxés à la somme de mille quatre cent sept euros quatre-vingt-sept centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du Fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Françoise Roggen, Michel Lemal et Marie-Claire Ernotte, et prononcé en audience publique du quinze novembre deux mille dix-huit par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont M.-Cl. Ernotte M. Lemal
Fr. Roggen D. Batselé Chr. Storck

Requête
POURVOI EN CASSATION

POUR : La société anonyme Touring Assurances, dont le siège social est établi à 1000 Bruxelles, avenue du Port, 86C bte 117, inscrite à la BCE sous le numéro 0456.511.494,

Demanderesse en cassation, assistée et représentée par Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de Cassation soussignée, ayant son cabinet à 1000 Bruxelles, rue des Quatre-Bras, 6, chez qui il est fait élection de domicile,

CONTRE : Madame M. D., agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administratrice légale des biens et la personne de sa fille mineure L. B.,

Défenderesse en cassation,

* * *

A Messieurs les Premier Président et Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers, composant la Cour de Cassation,

Messieurs,
Mesdames,

La demanderesse a l'honneur de déférer à la censure de Votre Cour le jugement, rendu le 18 avril 2017 par la huitième chambre, affaires civiles, du Tribunal de première instance de Namur, division de Dinant (RG : 16/294 et 16/895/A).

FAITS ET RETROACTES

Feu monsieur C. B. avait souscrit auprès de la demanderesse une assurance « Multirisque Véhicules Automoteurs ». Conformément au Titre III des conditions générales dudit contrat la demanderesse indemniserait les ayants-droits lorsque l'assuré décèderait à la suite d'un accident de la circulation.

Monsieur C. B. est décédé le ... à la suite d'un accident de la circulation.

Sa veuve, madame M. D., agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administratrice légale des biens et de la personne de sa fille L., née le 13 octobre 2012, a assigné le 3 novembre 2014 la demanderesse devant le tribunal de police de Namur, division Dinant. Sa demande tendait à l'indemnisation du dommage patrimonial et extrapatrimonial subi.

Par jugement du 8 février 2014 le Tribunal de police de Namur, division Dinant, a dit la demande formulée par la défenderesse en son nom personnel recevable et partiellement fondée et a condamné la défenderesse au paiement de la somme de 181.661,53 euro , à majorer des intérêts compensatoires, puis judiciaires, a dit la demande formulée par la défenderesse agissant en sa qualité d'administratrice légale de la personne et des biens de sa fille mineure, L. B., recevable mais non fondée, et a condamné la demanderesse aux dépens.

La demanderesse a interjeté appel de cette décision. La défenderesse, agissant en sa qualité d'administratrice légale de la personne et des biens de sa fille mineure, a formé un appel incident et un appel principal.

Par jugement du 18 avril 2017 le Tribunal de première instance de Namur, division de Dinant, a joint pour connexité les deux causes, a dit l'appel principal de la demanderesse recevable et partiellement fondé, a dit l'appel incident de la défenderesse agissant en sa qualité d'administratrice légale des biens et de la personne de sa fille mineure irrecevable, a dit l'appel principal de la défenderesse agissant en sa qualité d'administratrice légale des biens et de la personne de sa fille mineure recevable et partiellement fondé, a mis à néant le jugement dont appel sauf en ce que le premier juge a reçu la demande, formulée par la défenderesse en son nom personnel, statuant par voie de dispositions nouvelles, a condamné la demanderesse à payer à la défenderesse agissant en son nom personnel la somme de 64.757,55 euro , à majorer des intérêts, a condamné la demanderesse à payer à la défenderesse agissant en sa qualité d'administratrice légale des biens et de la personne de sa fille mineure la somme de 66.691,64 euro , à majorer des intérêts et l'a condamnée aux dépens de la défenderesse.

La demanderesse estime pouvoir présenter les moyens développés ci-après contre ce jugement.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Dispositions violées

-article 149 de la Constitution coordonnée du 17 février 1994,
-articles 1134, 1382 et 1383 du Code civil,
-articles 1, A, 1, G et 1, I, 22, 39 et 51, ces trois derniers articles abrogés par la loi du 4 avril 2014, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre.

Décision attaquée

Par le jugement entrepris du 18 avril 2017 le Tribunal de première instance de Namur, division de Dinant, a dit l'appel principal de la demanderesse recevable et partiellement fondé, a mis à néant le jugement dont appel sauf en ce que le premier juge a reçu la demande, formulée par la défenderesse en son nom personnel, et, statuant par voie de dispositions nouvelles, a condamné la demanderesse à payer à la défenderesse agissant en son nom personnel la somme de 64.757,55 euro , à majorer des intérêts, et l'a condamnée aux dépens de la défenderesse. Cette décision repose sur les considérations suivantes :

« La (demanderesse) est l'assureur « Multirisque véhicule automoteurs » de C. B..

Conformément au Titre III des conditions énumérées du contrat d'assurances, (la demanderesse) indemnise les ayants-droits lorsque l'assuré décède à la suite d'un accident de la circulation.

(...)

2.3. Perte de soutien économique

En ce qui concerne l'étendue de la garantie, la police d'assurance multirisque prévoit dans ses conditions générales - titre III.2 - Objet de l'assurance :
« L'indemnisation du dommage patrimonial des bénéficiaires lorsque l'assuré décède (...)
L'indemnité est calculée, indépendamment des responsabilités encourues, selon le droit commun, après déduction des prestations des tiers payeurs. »

(...)

2.4. Préjudice ménager

Contrairement à ce qu'indique (la défenderesse), il y a lieu de prendre en considération la quote-part d'entretien personnel de la victime.

En l'absence d'éléments d'appréciation concrets, elle peut être évaluée à 15 % pour un ménage avec enfant et à 20 % pour un ménage sans enfant.

Il y a lieu de différencier 3 périodes pour ce préjudice : la période passée, la période future dans un ménage avec enfant (on peut évaluer forfaitairement que L. cohabitera avec sa maman jusqu'à ses 21 ans) et la période future pour un ménage sans enfant.

• Période du 13-12-2013, jour du décès, au 18-04-2017, date du jugement

Le préjudice ménager subi par le partenaire survivant peut être calculée sur base de la quote-part de la valeur ménagère assumée jusqu'alors par le défunt, soit une somme de 27 euro par jour pour un ménage avec un enfant avec une quote-part de 65% pour la femme et de 35% pour l'homme.

- Perte de la part ménagère forfaitaire de 35%, ou 35 % de 27,00 euro = 9,45 euro
- Perte d'entretien personnel du mari : 15% de 27,00 euro = 4,05 euro

→ dommage : 9,45 - 4,05 = 5,40 x 1.223 jours = 6.604,20 euro

• Période du 18-04-2017 au 13-10-2033 (date à laquelle L. aura 21 ans)

La valeur journalière du dommage reprise ci-avant peut être retenue.

Il n'y a pas lieu d'utiliser les tables d'annuités certaines retenues par (la défenderesse).
(...)

Le coefficient de capitalisation à appliquer est de 14,789925 (Tables JAUMAIN - capitalisation sur 2 têtes - 1%)

→ dommage : 5,40 x 365 jours x 14,789925 = 29.150,94 euro

• Période à partir du 13-10-2033 jusqu'au 18-04-2067

Le préjudice ménager subi par le partenaire survivant peut être calculé sur base de la quote-part de la valeur ménagère assumée jusqu'alors par le défunt, soit une somme de 20 euro par jour pour un ménage sans enfant avec une quote-part de 65% pour la femme et de 35% pour l'homme.

- Perte de la part ménagère forfaitaire de 35%, ou 35 % de 20,00 euro = 7,00 euro
- Perte d'entretien personnel du mari : 15% de 20,00 euro = 3,00 euro

Le coefficient de capitalisation à appliquer est de 19,544117 (Tables JAUMAIN - capitalisation sur 2 têtes - 1%)

→ dommage : 7,00 euro - 3,00 = 4,00 euro x 365 jours x 19,544117 = 28.534,41 euro ».

Griefs

Première branche

Conformément à l'article 149 de la Constitution toute décision doit être régulièrement motivée.

La contradiction dans les motifs équivaut à une absence de motifs.

Examinant le préjudice ménager, le jugement entrepris constate d'abord à la page 11 qu' « en l'absence d'éléments d'appréciation concrets, elle [à savoir, la quote-part d'entretien personnel de la victime] peut être évaluée à 15 % pour un ménage avec enfant et à 20 % pour un ménage sans enfant ».

Le jugement entrepris constate dès lors explicitement que la quote-part d'entretien personnel s'évalue à 20 % pour un ménage sans enfant.

Examinant ensuite ce poste de dommage relativement à la période « du 13-10-2033 jusqu'au 18-04-2067 », soit la période où, selon les constatations du jugement entrepris, les époux auraient formé un ménage sans enfant, le tribunal retient à titre de quote-part du mari défunt un pourcentage de 15% (page 12).

De la sorte la décision est entachée d'une contradiction dans ses motifs, le jugement retenant pour la même situation, à savoir celle du ménage sans enfant, deux quotes-parts différentes.

Partant, le jugement entrepris, qui contient les motifs précités contradictoires, n'est pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution coordonnée du 17 février 1994).

Deuxième branche

Aux termes de l'article 1, A, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre le contrat d'assurance est un contrat en vertu duquel, moyennant le paiement d'une prime fixe ou variable, une partie, l'assureur, s'engage envers une autre partie, le preneur d'assurance, à fournir une prestation stipulée dans le contrat au cas où surviendrait un événement incertain que, selon le cas, l'assuré ou le bénéficiaire, a intérêt à ne pas voir se réaliser.

Aux termes de l'article 1, G, de la loi précitée l'assurance de dommages est celle dans laquelle la prestation d'assurance dépend d'un événement incertain qui cause un dommage au patrimoine d'une personne. L'article 1, I, de ladite loi dispose que l'assurance à caractère indemnitaire est celle dans laquelle l'assureur s'engage à fournir la prestation nécessaire pour réparer tout ou partie d'un dommage subi par l'assuré ou dont celui-ci est responsable.

L'article 22, abrogé par la loi du 4 avril 2014, de la loi du 25 juin 1992 dispose que les parties peuvent convenir à tout moment qu'un tiers peut prétendre au bénéfice de l'assurance aux conditions qu'elles déterminent.

Aux termes de l''article 39, abrogé par la loi du 4 avril 2014, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, la prestation due par l'assureur est limitée au préjudice subi par l'assuré.

L'article 51, abrogé par la loi du 4 avril 2014, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre dispose que toute assurance de dommages a un caractère indemnitaire.

Il ressort de l'ensemble de ces dispositions que l'assureur ne peut être tenu d'indemniser plus que le dommage subi, et ce dans les limites précisées dans la police d'assurance.

Conformément au Titre III des conditions générales du contrat d'assurances, la demanderesse indemnise les ayants-droits lorsque l'assuré décède à la suite d'un accident de la circulation.

L'indemnité est calculée, indépendamment des responsabilités encourues, selon le droit commun, après déduction des prestations des tiers payeurs.

En vertu des articles 1382 et 1383 du Code civil, constituant le droit commun en matière de réparation, la victime a droit à la réparation intégrale de son dommage, ce qui implique que le préjudicié soit replacé dans la situation dans laquelle il serait resté si la faute dont il se plaint n'avait pas été commise.

Il s'ensuit que la défenderesse avait droit à être replacée dans la situation dans laquelle elle serait restée si l'accident de la circulation, entraînant le décès de son époux, ne s'était pas produit.

Toutefois, la victime d'un dommage n'a droit qu'à la réparation du préjudice qu'elle a réellement et personnellement subi.

Le préjudice ménager, subi par le conjoint survivant en raison du décès de son conjoint, consiste dans la perte du profit que le conjoint survivant tirait personnellement de l'activité ménagère de la victime ; sous peine d'indemniser un dommage non subi, il y a lieu de tenir compte de la quote-part d'entretien personnel de la victime dont le ménage fait l'économie.

En l'occurrence, le juge d'appel constate à la page 11 du jugement entrepris qu'en l'absence d'éléments d'appréciation concrets, la quote-part d'entretien personnel de la victime peut être évaluée à 15 % pour un ménage avec enfant et à 20 % pour un ménage sans enfant.

Ensuite, le tribunal distingue trois périodes dans la vie du couple, à savoir deux périodes où l'enfant mineure aurait formé un ménage avec ses parents et une troisième période, à partir du 13 octobre 2033, où elle aurait quitté le domicile parental et où, partant, les époux auraient formé un ménage sans enfant.

Toutefois, bien que le tribunal a précisé à titre préliminaire que la quote-part d'entretien personnel de la victime peut être évaluée à 15 % pour un ménage avec enfant et à 20 % pour un ménage sans enfant, il applique à titre de quote-part d'entretien personnel de l'époux défunt à la période où le couple aurait formé un ménage sans enfant, à savoir la période du 13 octobre 2033 jusqu'au 18 avril 2067, date fixée en tenant compte de l'espérance de vie de la défenderesse, le pourcentage de 15 %, appliqué aux périodes précédentes, où les époux auraient formé un ménage avec enfant.

De la sorte, le tribunal accorde à la défenderesse pour la période du 13 octobre 2033 jusqu'au 18 avril 2067 une indemnité du chef du préjudice ménager, qui excède le dommage réellement subi par la défenderesse.

Partant, en accordant à la défenderesse pour la période du 13 octobre 2033 jusqu'au 18 avril 2067 une indemnité de 28.534,41 euro , à augmenter des intérêts au taux légal à dater du 19 avril 2017, et jusqu'à complet paiement, cette somme ayant été fixée en tenant compte d'une quote-part d'entretien personnel de la victime, évaluée à 15 % pour la période concernée pendant laquelle le couple aurait formé un ménage sans enfant, alors que le tribunal a lui-même précisé la quote-part de 15 % valait pour un ménage avec enfant et qu'elle était de 20 % pour un ménage sans enfant, le tribunal a accordé à la défenderesse du chef du préjudice ménager une indemnité qui excède le dommage subi que l'assureur était tenu d'indemniser (violation des articles 1382 et 1383 du Code civil, et 1, A, 1, G et 1, I, 22, 39 et 51, ces trois derniers articles abrogés par la loi du 4 avril 2014, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre) et, ce faisant, a violé la force obligatoire du contrat d'assurance (violation de l'article 1134 du Code civil).

DEVELOPPEMENTS

1. Le jugement entrepris est entaché de contradiction, en ce qu'il retient pour la même situation, à savoir celle d'un ménage sans enfant, deux quotes-parts différentes, à savoir d'une part 20 %, d'autre part 15 %.

2. Si la victime d'un accident ou ses ayants-droits ont droit à la réparation de leur dommage, celle-ci ne peut toutefois pas excéder le dommage réellement subi (cf. Cass. 6 janvier 2010, Pas. 2010, n° 5).

Le tribunal ayant constaté explicitement qu' « en l'absence d'éléments d'appréciation concrets, elle [à savoir, la quote-part d'entretien personnel de la victime] peut être évaluée à 15 % pour un ménage avec enfant et à 20 % pour un ménage sans enfant », il s'ensuit qu'en fixant l'indemnité du chef du préjudice ménager pour la période, où le couple aurait formé un ménage sans enfant, en tenant compte d'une quote-part de l'époux défunt dans la valeur ménagère de 15 %, alors que le tribunal a d'abord précisé que cette quote-part s'élève à 20 % pour un ménage sans enfant, le jugement entrepris a accordé à la défenderesse du chef du préjudice ménager une indemnité qui excède le dommage réellement subi.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Dispositions violées

-article 149 de la Constitution coordonnée du 17 février 1994,
-articles 1134, 1382 et 1383 du Code civil,
-articles 1, A, 1, G et 1, I, 22, 39 et 51, ces trois derniers articles abrogés par la loi du 4 avril 2014, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre.

Décision attaquée

Par le jugement entrepris du 18 avril 2017 le Tribunal de première instance de Namur, division de Dinant, a dit l'appel principal de la demanderesse partiellement fondé, a dit l'appel principal de la défenderesse agissant en sa qualité d'administratrice légale des biens et de la personne de sa fille mineure recevable et partiellement fondé, a mis à néant le jugement dont appel sauf en ce que le premier juge a reçu la demande formulée par la défenderesse en son nom personnel, statuant par voie de dispositions nouvelles, a condamné la demanderesse à payer à la défenderesse agissant en son nom personnel la somme de 64.757,55 euro , à majorer des intérêts, a condamné la demanderesse à payer à la défenderesse agissant en sa qualité d'administratrice légale des biens et de la personne de sa fille mineure la somme de 66.691,64 euro , à majorer des intérêts, et l'a condamnée aux dépens de la défenderesse. Cette décision repose sur les considérations suivantes :

« La (demanderesse) est l'assureur « Multirisque véhicule automoteurs » de C. B..

Conformément au Titre III des conditions énumérées du contrat d'assurances, (la demanderesse) indemnise les ayants-droits lorsque l'assuré décède à la suite d'un accident de la circulation.

(...)

2. Réclamation de (la défenderesse) agissant en son nom personnel :

(...)

2.3. Perte de soutien économique

En ce qui concerne l'étendue de la garantie, la police d'assurance multirisque prévoit dans ses conditions générales - titre III.2 - Objet de l'assurance :
« L'indemnisation du dommage patrimonial des bénéficiaires lorsque l'assuré décède (...)
L'indemnité est calculée, indépendamment des responsabilités encourues, selon le droit commun, après déduction des prestations des tiers payeurs. »

(...)

Les « tiers payeurs » sont désignés sous le titre III.1. En font notamment partie, les organismes de sécurité sociale.

(La demanderesse) soutient que dans la mesure où (la défenderesse) bénéficie d'une rente du Service des pensions du secteur public, il doit en être tenu compte pour le calcul de l'indemnité.

(La défenderesse) estime qu'il n'a pas lieu de tenir compte de la rente que ce service lui verse (...)

Les dispositions contractuelles sont cependant claires. Elles ne font aucune distinction selon la cause des prestations du tiers payeur et définissent sans restriction les organismes de sécurités sociales comme des tiers payeurs.

(...)

La rente perçue doit dès lors être prise en compte.

(La défenderesse) fixe son préjudicie annuel à 7.107,27 euro , soit 592,27 euro /mois. Ce montant est inférieur à la rente perçue qui s'élève à 893,36 euro .

- Si l'on tient compte de la charge financière qui résulte de la nécessité de supporter seule l'entretien et l'éducation de l'enfant mineure.

Sur base des revenus de l'année 2011, exercice d'imposition 2012, les revenus annuels du ménage s'établissent comme suit :
- revenus professionnels annuels nets de feu C. B. : 23.034,73 euro (revenu imposable globalement) - 5.959,16 euro (impôt à répartir) - 524,41 (taxe communale) - 253,48 (cotisation spéciale sécurité sociale ) = 16.297,69 euro ;
- revenus professionnels annuels nets de (la défenderesse) : 12.346,99 euro (traitements et salaires) + 3241,52 euro (chômage) - 2.138,06 euro (charges professionnelles) - 1.744,83 (impôt état) - 153,55 euro (cotisation spéciale sécurité sociale ) = 11.552,07 euro

→ revenus professionnels annuels nets du ménage : 27.849,76 EUR (16.297,69 + 11.552,07)

La quote-part d'entretien personnel, vu la présence de l'enfant, doit être fixée à 25%. La perte annuelle s'élève ainsi à la somme de :
• Entretien personnel de 25% de 27.849,76 euro : 6.962,44 euro
• Préjudice annuel : 16.297,69 - 6.962,44 euro = 9.335,25 euro
→ le préjudice est alors de 777,94 euro /mois.

Ce montant reste inférieur à la rente perçue de 893,36 euro . Il ne peut dès lors être alloué d'indemnité complémentaire pour ce poste.

(...)

3. Réclamation de (la défenderesse) en agissant en sa qualité d'administratrice légale des biens et de la personne de sa fille mineure.

(...)

3.2. Dommage matériel

(La demanderesse), suivie par le premier juge, considère que la demande de (la défenderesse) agissant qualitate qua non fondée. Elle considère que « la nécessité pour un conjoint survivant de supporter seul, désormais, la charge financière résultant de l'entretien et de l'éducation de son enfant constitue dans son chef un dommage propre. »

Elle estime que reconnaître un droit d'indemnisation pour l'enfant reviendrait à indemniser deux fois le même dommage.

Le tribunal ne peut admettre cette thèse.

Après avoir été déboutée par la Cour d'appel de Bruxelles, devant la Cour de cassation, une veuve agissant qualitate qua au nom de ses enfants mineurs relativement à une question de principe identique à celle qui se pose en l'espèce, faisait valoir les arguments suivants :

« En vertu des articles 1382 et 1383 du Code civil et donc du droit commun, le dommage touche celui qui le subit et aucune règle légale ne prescrit que la perte de revenus résultant du décès du père est entièrement supportée par la veuve, à l'exclusion des orphelins. Au contraire, le dommage matériel strictement personnel des orphelins est subi pas les orphelins eux-mêmes dans le chef desquels le dommage est subi, et il n'y est pas dérogé par le fait qu'en vertu de son obligation d'entretien légale qui lui est propre déduite des articles 203 et suivants du Code civil, la veuve puise dans l'indemnité qui lui a été allouée en raison de la perte de revenus qu'elle a subi pour pourvoir à l'entretien des orphelin. Cette obligation légale d'un tiers a en effet une cause juridique différente et en cas d'imputation sur les dommage de l'orphelin laisse ses prétentions à l'égard du tiers responsable insatisfaits ».

Ceux-ci résument parfaitement la position du tribunal dans le cas présent.

Dans sa décision, la Cour considère :

« Attendu que les enfants mineurs de la victime d'un accident du travail mortel peuvent subir personnellement un dommage matériel du chef de la perte des revenus que leur parent décédé consacrait à leur entretien personnel et à leur éducation;
(...) ;
Attendu que l'indemnité de droit commun à laquelle la veuve de la victime d'un accident du travail mortel a droit en son nom propre en raison du dommage matériel qu'elle a subi suite au décès, ne répare pas le même dommage que la rente d'accident du travail allouée aux enfants ou que le capital représentant cette rente, même si lors de la détermination du montant de cette indemnité de droit commun à laquelle la veuve a droit en son nom propre pour ce dommage matériel, il est tenu compte de la composition de la famille de la victime ; »

- (La demanderesse) qui contestait le principe de l'indemnisation de (la défenderesse) agissant qualitate qua ne conteste pas l'évaluation du dommage opérée par celle-ci.

La contribution du défunt aux frais d'entretien et d'éducation de L. B. fixée à la somme mensuelle de 250,00 euro apparaît adéquate et raisonnable.

• Période du 13-12-2013 au 18-04-2017

40 mois x 250,00 euro /mois =10.000,00 euro

• Période du 18-04-2017 au 13-10-2033 (date à laquelle L. aura 21 ans)

Perte annuelle de la contribution du défunt : 250 euro x 12 x 125 % = 3.750 euro
Coefficient de capitalisation : 15,117770 (Tables JAUMAIN - 1%)

→ dommage : 3.750,00 x 15,117770 = 56.691,64 euro
Les intérêts sur ces montants seront alloués comme indiqué infra, titre 2.5 ».

Grief

Aux termes de l'article 1, A de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre le contrat d'assurance est un contrat en vertu duquel, moyennant le paiement d'une prime fixe ou variable, une partie, l'assureur, s'engage envers une autre partie, le preneur d'assurance, à fournir une prestation stipulée dans le contrat au cas où surviendrait un événement incertain que, selon le cas, l'assuré ou le bénéficiaire, a intérêt à ne pas voir se réaliser.

Aux termes de l'article 1, G, de la loi précitée l'assurance de dommages est celle dans laquelle la prestation d'assurance dépend d'un événement incertain qui cause un dommage au patrimoine d'une personne. L'article 1, I de ladite loi dispose que l'assurance à caractère indemnitaire est celle dans laquelle l'assureur s'engage à fournir la prestation nécessaire pour réparer tout ou partie d'un dommage subi par l'assuré ou dont celui-ci est responsable.

L'article 22, abrogé par la loi du 4 avril 2014, de la loi du 25 juin 1992 dispose que les parties peuvent convenir à tout moment qu'un tiers peut prétendre au bénéfice de l'assurance aux conditions qu'elles déterminent.

Aux termes de l''article 39, abrogé par la loi du 4 avril 2014, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, la prestation due par l'assureur est limitée au préjudice subi par l'assuré.

L'article 51, abrogé par la loi du 4 avril 2014, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre dispose que toute assurance de dommages a un caractère indemnitaire.

Il ressort de l'ensemble de ces dispositions que l'assureur ne peut être tenu d'indemniser plus que le dommage subi, et ce dans les limites précisées dans la police d'assurance.

Conformément au Titre III des conditions générales du contrat d'assurances, la demanderesse indemnise les ayants-droits lorsque l'assuré décède à la suite d'un accident de la circulation.

Le jugement entrepris constate explicitement à la page 10 qu'aux termes des conditions générales - titre III.2 - Objet de l'assurance, l'indemnité est calculée, indépendamment des responsabilités encourues, selon le droit commun, après déduction des prestations des tiers payeurs.

En vertu des articles 1382 et 1383 du Code civil, constituant le droit commun en matière de réparation, la victime a droit à la réparation intégrale de son dommage, ce qui implique que le préjudicié soit replacé dans la situation dans laquelle il serait resté si l'accident ne s'était pas produit.

Toutefois, la victime d'un dommage n'a droit qu'à la réparation du préjudice qu'elle a réellement et personnellement subi.

Ce dommage est déterminé au jour du prononcé de la décision.

En l'occurrence, il ressort des motifs de la décision entreprise qu'en déterminant le dommage, subi par la défenderesse en son nom personnel en raison de la perte de soutien économique, le tribunal a déclaré explicitement tenir compte « de la charge financière qui résulte de la nécessité de supporter seule l'entretien et l'éducation de l'enfant mineure » (page 10).

Le préjudice propre du parent survivant peut en effet inclure la nécessité pour lui de supporter seul, désormais, la charge financière résultant de l'entretien et de l'éducation de l'enfant mineur qu'il a retenu de son union avec le parent décédé.

Il s'ensuit que l'indemnisation, que réclame la victime en raison du dommage, subi à la suite de la perte des revenus de son conjoint décédé, peut inclure la partie des revenus que celui-ci consacrait à l'entretien et à l'éducation des enfants mineurs, que le conjoint survivant continuera à assurer.

Le tribunal constate également que la défenderesse bénéficie d'une rente du Service des pensions du secteur public, dont il doit être tenu compte pour le calcul de l'indemnité du préjudice en raison de la perte de soutien économique, que la rente perçue mensuellement par la défenderesse s'élève à 893,36 euro , et que, si l'on tient compte de la charge financière qui résulte de la nécessité de supporter seule l'entretien et l'éducation de l'enfant mineure, la contribution du père défunt étant fixée par le tribunal à la page 15 du jugement entrepris à la somme de 250 euro par mois, la perte annuelle s'élève à la somme de 777,94 euro /mois, montant qui reste inférieur à la rente perçue de 893,36 euro .

Il ressort également des considérations du jugement entrepris que le tribunal a fixé la perte annuelle à 75 % des revenus du défunt, soit 9.335,25 euro , les 25 % restant correspondant à son entretien personnel.

Ce montant englobe dès lors également les revenus que le défunt consacrait et aurait consacré à l'entretien et à l'éducation de son enfant mineur.

Le tribunal conclut qu'il ne peut dès lors pas être alloué à la défenderesse en son nom personnel une indemnité complémentaire pour ce poste.

Il s'ensuit que le tribunal a considéré que la rente perçue par la défenderesse compensait la perte de revenus de son époux défunt, en ce compris la part desdits revenus que le défunt aurait pu consacrer à l'entretien et à l'éducation de sa fille mineure et que le conjoint survivant continuera à assurer.

Dès lors que la rente, dont bénéficie la défenderesse en raison du décès de son époux, compensait déjà entièrement la perte des revenus de l'époux défunt et justifiait le rejet de toute indemnité complémentaire pour ce poste dans le chef de la mère devant assurer dorénavant seule l'entretien et l'éducation de l'enfant mineur, l'enfant mineur ne pouvait pas davantage faire valoir de droit, à l'égard de la demanderesse, à une indemnité du chef de la perte des revenus que son père décédé consacrait à son entretien personnel et à son éducation, puisque ceux-ci étaient déjà compensés par la rente, dont bénéficiait sa mère, qui continuera seule à assurer l'entretien et l'éducation de sa fille mineure, et qui, selon les constatations de l'arrêt entrepris, était supérieure à la perte des revenus du père décédé.

Partant, en fixant le dommage matériel dans le chef de l'enfant en raison de la perte des revenus, que son père décédé consacrait à son entretien personnel et à son éducation, à la somme de 66.691,64 euro , à majorer des intérêts, alors qu'il ressort des constatations du jugement entrepris que la mère de l'enfant bénéficie d'une rente du Service des pensions du secteur public qui compense entièrement la perte desdits revenus, et ce même si l'on tient compte de la charge financière qui résulte de la nécessité de supporter seule l'entretien et l'éducation de l'enfant mineure, le tribunal accorde à l'enfant une indemnité pour un dommage qui n'existe pas en son chef (violation des articles 1382 et 1383 du Code civil), à tout le moins accorde à l'enfant une indemnité pour un dommage, déjà couvert par la rente accordée à sa mère, dont, aux termes de dispositions contractuelles, il devait être tenu compte pour le calcul des indemnités, dues par la demanderesse en vertu du contrat d'assurance (violation des articles 1134, 1382 et 1383 du Code civil, et 1, A, 1, G et 1, I, 22, 39 et 51, ces trois derniers articles abrogés par la loi du 4 avril 2014, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre), et, ce faisant, a violé la force obligatoire du contrat d'assurance (violation de l'article 1134 du Code civil).

DEVELOPPEMENTS

Si la victime d'un accident ou ses ayants-droits ont droit à la réparation de leur dommage, celle-ci ne peut toutefois pas excéder le dommage réellement subi (cf. Cass. 6 janvier 2010, Pas. 2010, n° 5).

Dans le passé Votre Cour a effectivement décidé, en un cas particulier, que les enfants mineurs de la victime d'un accident du travail mortel peuvent subir personnellement un dommage matériel du chef de la perte des revenus, que leur parent décédé consacrait à leur entretien personnel et à leur éducation. Le responsable de l'accident du travail est tenu d'indemniser ce dommage (Cass. 6 mai 2002, Pas. 2002, n° 270).

Dans cet arrêt il fut plus particulièrement décidé que l'indemnité de droit commun, à laquelle la veuve de la victime d'un accident du travail mortel a droit en son nom propre en raison du dommage matériel qu'elle a subi suite au décès, ne répare pas le même dommage que la rente d'accident du travail allouée aux enfants ou que le capital représentant cette rente, même si, lors de la détermination du montant de cette indemnité de droit commun, à laquelle la veuve a droit en son nom propre pour ce dommage matériel, il est tenu compte de la composition de la famille de la victime (Cass. 6 mai 2002, Pas. 2002, n° 270).

En l'occurrence, se posait toutefois la question, à savoir, si, après avoir déterminé le dommage de la mère du chef de la perte de soutien économique selon les règles de droit commun, celle-ci pouvait encore réclamer au nom de sa fille une indemnité pour la perte de ces mêmes revenus que le père décédé consacrait à l'entretien personnel et à l'éducation de la fille, alors que dans le cadre de l'examen de la demande de la défenderesse en son nom personnel il a déjà été tenu compte de la charge financière, résultant de la nécessité de supporter seule l'entretien et l'éducation de l'enfant mineure et qu'il a été constaté que la perte de revenus, eu égard à cette charge supplémentaire, était compensée par la rente du Service des pensions du service public.

A cet égard Votre Cour a déjà décidé que le préjudice propre du parent survivant peut inclure la nécessité pour lui de supporter seul, désormais, la charge financière résultant de l'entretien et de l'éducation de l'enfant mineur qu'il a retenu de son union avec le parent décédé (Cass. 23 mars 2005, Pas. 2005, n° 183 ; Cass. 31 octobre 2012, Pas. 2012, n° 580).

Il s'ensuit que l'indemnisation que réclame la victime à la personne responsable en raison du dommage subi à la suite de la perte des revenus de son conjoint décédé, peut inclure la partie des revenus que le conjoint décédé consacrait à l'entretien et à l'éducation des enfants mineurs que le conjoint survivant continuera à assurer, de sorte que l'indemnisation en droit commun attribuée au conjoint d'une victime d'un accident du travail pour le dommage matériel subi à la suite de son décès, peut concerner le même dommage que celui couvert par la rente allouée ensuite d'un accident du travail aux enfants mineurs (Cass. 25 septembre 2012, Pas. 2012, n° 484).

Si tel est le cas, les juges d'appel peuvent décider légalement que la rente que l'assureur-loi a versée aux enfants, doit être portée en diminution de l'indemnisation que la demanderesse réclame en raison du dommage matériel de la perte de revenus (Cass. 25 septembre 2012, Pas. 2012, n° 484).

En l'occurrence, la situation inverse se présente.

En effet, le tribunal, examinant la demande de la mère, a constaté que celle-ci bénéficiait d'une rente, qui compensait déjà la perte des revenus du conjoint, et dont, aux termes de la convention, il devait être tenu compte dans le cadre de la détermination des droits de la mère à l'égard de la demanderesse. Or, le tribunal a constaté que cette rente était supérieure à la perte des revenus du conjoint décédé. Il ressort également des constatations du jugement entrepris que celui-ci tient compte de la charge financière qui résulte de la nécessité de supporter seule l'entretien et l'éducation de l'enfant mineure, fixée à 250 euro par mois.

Partant, ayant déjà constaté que cette rente était supérieure à la perte des revenus du conjoint décidé, de sorte que la demanderesse ne pouvait faire valoir en son nom personnel de droit à une indemnité complémentaire pour ce poste, elle ne le pouvait pas davantage en sa qualité d'administratrice de son enfant mineur, dès lors que la rente comppensait déjà les revenus que le défunt aurait pu consacrer à l'entretien et à l'éducation de sa fille.

PAR CES CONSIDERATIONS

Conclut pour la demanderesse l'avocat à la Cour de Cassation soussignée, qu'il Vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser le jugement entrepris, renvoyer la cause et les parties à un autre tribunal de première instance ; dépens comme de droit.

Bruxelles, le 13 septembre 2017.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.17.0492.F
Date de la décision : 15/11/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-11-15;c.17.0492.f ?

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