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14/11/2018 | BELGIQUE | N°P.18.0827.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 14 novembre 2018, P.18.0827.F


N° P.18.0827.F
I. L'AUDITEUR DU TRAVAIL DU BRABANT WALLON,
demandeur en cassation,

contre

1. P. I.,
prévenu,
défendeur en cassation,
2. RS TRANSPORT LTD, société de droit bulgare,
civilement responsable,
défenderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Frederik Vanden Bogaerde, avocat au barreau de Flandre occidentale, dont le cabinet est établi à Roulers, Kolenkaai, 4, où il est fait élection de domicile,


II. RS TRANSPORT LTD, société de droit bulgare,
prévenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maî

tre Frederik Vanden Bogaerde, avocat au barreau de Flandre occidentale, dont le cabinet est établi à Roulers, Kolenk...

N° P.18.0827.F
I. L'AUDITEUR DU TRAVAIL DU BRABANT WALLON,
demandeur en cassation,

contre

1. P. I.,
prévenu,
défendeur en cassation,
2. RS TRANSPORT LTD, société de droit bulgare,
civilement responsable,
défenderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Frederik Vanden Bogaerde, avocat au barreau de Flandre occidentale, dont le cabinet est établi à Roulers, Kolenkaai, 4, où il est fait élection de domicile,

II. RS TRANSPORT LTD, société de droit bulgare,
prévenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Frederik Vanden Bogaerde, avocat au barreau de Flandre occidentale, dont le cabinet est établi à Roulers, Kolenkaai, 4, où il est fait élection de domicile.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Les pourvois sont dirigés contre un jugement rendu le 28 juin 2018 par le tribunal correctionnel du Brabant wallon, statuant en degré d'appel.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
La demanderesse invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 11 octobre 2018, l'avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions au greffe.
A l'audience du 17 octobre 2018, le conseiller Françoise Roggen a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

A. Sur le pourvoi du demandeur :

Sur le premier moyen :

Le moyen est pris de la violation de la notion légale de présomption de l'homme.

Le demandeur reproche au jugement attaqué d'acquitter le défendeur en raison de l'absence de preuve du fait que le comportement infractionnel s'est déroulé sur le territoire couvert par la règlementation européenne, alors que le tribunal ne disposait d'aucun élément permettant de supposer que le défendeur aurait roulé sur un territoire non couvert par cette règlementation et que les tickets « tachygraphes » qui auraient pu établir cette circonstance n'ont jamais été produits.

Le demandeur se borne à critiquer l'appréciation en fait des juges d'appel.

Le moyen est irrecevable.

Sur le second moyen :

Le moyen est pris de la violation de l'article 2 du Règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 relatif à l'harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route, modifiant les règlements (CEE) n° 3821/85 et (CE) n° 2135/98 du Conseil et abrogeant le règlement (CEE) n° 3820/85 du Conseil, et de l'article 46 de l'arrêté royal du 17 octobre 2016 relatif au tachygraphe et aux temps de conduite et de repos, qui a remplacé l'article 2 de l'arrêté royal du 9 avril 2007 portant exécution du règlement précité.

Le défendeur est poursuivi du chef de défaut de prise du temps de repos journalier minimum, du 24 au 25 février 2016 (prévention A), de non-respect des interruptions réglementaires de conduite, le 29 février 2016 (prévention B), et d'infraction en matière de contrôle technique, le 1er mars 2016 (prévention C).

Le moyen reproche au tribunal d'avoir acquitté le défendeur des deux premières préventions au motif que le demandeur ne rapportait pas la preuve que les comportements infractionnels s'étaient déroulés avec certitude sur le territoire couvert par la règlementation européenne, alors que les dispositions visées au moyen rendent ces comportements punissables indépendamment du lieu de la commission de l'infraction dès lors qu'ils sont constatés en Belgique.
L'article 2 du Règlement CE n° 561/2006 dispose :
« 1. Le présent règlement s'applique au transport routier :
a) de marchandises par des véhicules, y compris des véhicules à remorque ou à semi-remorque, dont la masse maximale autorisée dépasse 3,5 tonnes ; ou
b) de voyageurs par des véhicules qui sont construits ou aménagés de façon permanente pour pouvoir assurer le transport de plus de neuf personnes, conducteur compris, et qui sont destinés à cet usage.
2. Le présent règlement s'applique, quel que soit le pays d'immatriculation du véhicule, aux transports routiers effectués :
a) exclusivement dans la Communauté ; ou
b) entre la Communauté, la Suisse et les pays parties à l'accord sur l'Espace économique européen.
3. L'accord européen relatif au travail des équipages des véhicules effectuant des transports internationaux par route (en abrégé AETR) s'applique, à la place du présent règlement, aux opérations de transport international effectuées en partie en dehors des zones visées au paragraphe 2, pour : a) les véhicules immatriculés dans la Communauté ou dans des pays qui sont parties à l'AETR, pour l'ensemble du trajet ; b) les véhicules immatriculés dans un pays tiers qui n'est pas partie à l'AETR, seulement pour la partie du trajet située sur le territoire de l'Union européenne ou de pays qui sont parties à l'AETR.
Les dispositions de l'AETR devraient être alignées sur celles du présent règlement, de telle sorte que les dispositions principales du présent règlement s'appliquent, par le biais de l'AETR, à ces véhicules pour toute partie du trajet effectuée à l'intérieur de la Communauté ».

En application du paragraphe 3 précité :
- en ce qui concerne les transports par route effectués à l'intérieur de la Communauté par des véhicules immatriculés dans un Etat membre à destination ou en provenance de pays tiers qui sont parties à l'AETR, ou en transit par ces pays, les dispositions de l'AETR du 1er juillet 1970 sont applicables à l'ensemble du trajet ;

- en ce qui concerne les mêmes transports par route effectués à l'intérieur de la Communauté par des véhicules immatriculés dans un Etat membre à destination ou en provenance de pays tiers mais qui ne sont pas parties à l'AETR, les dispositions de cet accord sont applicables à la partie du trajet située sur le territoire de l'Union européenne ou dans les pays qui sont parties à l'AETR.

Le considérant 8 du Règlement (CE) n° 561/2006 énonce que « l'AETR devrait continuer de s'appliquer aux transports par route de marchandises ou de voyageurs effectués par des véhicules immatriculés dans un Etat membre ou dans un pays qui est partie contractante à l'AETR, pour l'ensemble du trajet, à savoir tant la partie située entre la Communauté et un pays tiers, autre que la Suisse et les pays parties contractantes à l'accord de l'Espace économique européen, que la partie traversant le territoire d'un tel pays. »

En tant qu'il soutient que le Règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 s'applique aux infractions constatées en Belgique quel que soit le lieu de l'infraction, alors qu'il ne s'applique pas aux trajets partiellement effectués sur le territoire de pays tiers autres que ceux visés à l'article 2, sub 2, a) et b), le moyen manque en droit.

L'article 1er, alinéa 1er, de la loi du 18 février 1969 relative aux mesures d'exécution des traités et actes internationaux en matière de transport par mer, par route, par chemin de fer ou par voie navigable, dispose que le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, prendre en matière de transport par mer, par route, par chemin de fer ou par voie navigable, toute mesure nécessaire pour assurer l'exécution des obligations résultant des traités internationaux et des actes internationaux pris en vertu de ceux-ci, ces mesures pouvant comprendre l'abrogation ou la modification de dispositions légales. Aux termes de l'article 2, § 1er, de la même loi, les infractions aux arrêtés pris en application de l'article 1er de la loi sont punies d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de cinquante à dix mille francs, ou d'une de ces peines seulement, sans préjudice des dommages et intérêts s'il y a lieu.

Pris en application de ces dispositions, l'arrêté royal du 9 avril 2007 portant exécution du Règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006, dont le moyen accuse la violation, dispose en son article 2 que « les infractions au règlement et au présent arrêté, constatées en Belgique ou dénoncées par l'autorité compétente d'un autre Etat membre ou d'un pays tiers constituent des infractions punies conformément aux articles 2 et 2bis de la loi du 18 février 1969 précitée, même si l'infraction a été commise sur le territoire d'un autre Etat membre ou d'un pays tiers ».

Cet arrêté royal, applicable au moment des faits de la cause, vise uniquement les infractions au Règlement (CE) n° 561/2006 et audit arrêté et non celles à l'AETR.

Procédant d'une prémisse juridique différente, le moyen manque, dans cette mesure, en droit.

L'article 46 de l'arrêté royal du 17 octobre 2016 relatif au tachygraphe et aux temps de conduite et de repos a remplacé cette disposition et prévoit dorénavant que « les infractions au Règlement n° 561/2006, au Règlement n° 165/2014, à l'AETR et au présent arrêté, constatées en Belgique ou dénoncées par l'autorité compétente d'un autre Etat membre ou d'un pays tiers, sont punies sur la base des articles 2 et 2bis de la loi du 18 février 1969 relative aux mesures d'exécution des traités et actes internationaux en matière de transport par mer, par route, par chemin de fer ou par voie navigable ou des articles 4 et 4bis de la loi du 21 juin 1985 relative aux conditions techniques auxquelles doivent répondre tout véhicule de transport par terre, ses éléments ainsi que les accessoires de sécurité, même si l'infraction a été commise sur le territoire d'un autre Etat membre ou d'un pays tiers, selon qu'elles ont trait aux modalités d'utilisation du tachygraphe ou à ses caractéristiques techniques ».

Cet arrêté royal est entré en vigueur le 24 octobre 2016.

Avant cette date, aucune disposition légale ou réglementaire ne réprimait les infractions à l'AETR pour les trajets effectués en partie sur le territoire d'un pays tiers autre que ceux visés à l'article 2, sub 2, a) et b), du Règlement (CE) n° 561/2006.

En application du principe de la non-rétroactivité de la loi pénale, l'article 46 de l'arrêté royal du 17 octobre 2016 précité, entré en vigueur après les faits, ne leur est pas applicable.

A cet égard, soutenant le contraire, le moyen manque également en droit.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été respectées et la décision est conforme à la loi.

B. Sur le pourvoi de la demanderesse :

La demanderesse reproche au jugement de la condamner du chef de défaut de production des certificats de conformité technique du tracteur immatriculé en Bulgarie et de la semi-remorque immatriculée en Belgique.

La demanderesse invoque d'abord la violation de la foi due au procès-verbal n° NI.90.OI.402332/2016. Selon elle, les juges d'appel n'ont pas pu affirmer, sur le fondement de cette pièce, que le conducteur n'a pu produire aucun certificat de visite dès lors que ce procès-verbal ne mentionne pas cette constatation.

En annexe audit procès-verbal figure le constat de la police fédérale indiquant de manière manuscrite dans la case « Description de l'infraction » la mention « Impossible de présenter un contrôle technique valable ».

Il s'ensuit que, par la considération critiquée, le jugement ne donne pas de cet acte une interprétation inconciliable avec ses termes.

A cet égard, le moyen manque en fait.

La demanderesse fait ensuite grief aux juges d'appel de ne pas avoir répondu à ses conclusions qui invoquaient, d'une part, que le dossier ne contenait pas d'informations suffisantes pour déterminer quel était le véhicule visé par la prévention et, d'autre part, que les poursuites engagées par l'auditeur du travail du chef de l'infraction précitée étaient irrecevables à défaut de connexité avec les deux premières préventions.

A la première affirmation, les juges d'appel ont opposé que le défendeur conduisait un véhicule immatriculé en Bulgarie et une remorque immatriculée en Belgique que les deux véhicules devaient être munis d'un certificat de conformité technique lorsqu'ils circulent en Belgique et que le défendeur n'a pu produire aucun certificat de visite.

A la seconde, le tribunal a répondu que l'ensemble des faits avaient été constatés lors d'un même contrôle concernant les mêmes prévenus, dans le cadre d'une seule et même activité de transport routier, de sorte qu'il existe entre eux un lien de connexité justifiant, en vue d'une bonne administration de la justice, de les juger ensemble.

Les juges d'appel ont ainsi régulièrement motivé leur décision.

Dans cette mesure, le moyen manque également en fait.

Par ailleurs, la demanderesse invoque la violation de l'article 2, §§ 1er et 4, de l'arrêté royal du 15 mars 1968 portant règlement général sur les conditions techniques auxquelles doivent répondre les véhicules automobiles et leurs remorques, leurs éléments ainsi que les accessoires de sécurité.

L'article 2, § 1er, dispose : « Sont soumis aux prescriptions du présent règlement général, les véhicules automobiles circulant sous couvert d'une plaque d'immatriculation belge, ainsi que les remorques belges tirées par eux ».

L'article 2, § 4, dispose : « Les véhicules à moteur immatriculés à l'étranger doivent, pour être admis à la circulation sur la voie publique en Belgique, répondre aux conditions reprises dans la Convention internationale sur la circulation routière. Il en est de même pour les remorques étrangères tirées par eux, ou tirées par un véhicule à moteur immatriculé en Belgique ».

Dès lors que le tracteur conduit par le préposé de la demanderesse était immatriculé en Bulgarie et que la semi-remorque l'était en Belgique, les juges d'appel ont légalement justifié leur décision en considérant que les deux véhicules précités devaient, pour circuler légalement sur le territoire belge, justifier d'un certificat de conformité technique.

A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

La demanderesse reproche enfin au jugement de ne pas être régulièrement motivé dès lors qu'il ne se réfère pas aux dispositions de la Convention internationale sur la circulation routière.

En matière répressive, pour être motivée conformément aux dispositions de l'article 149 de la Constitution et des articles 163 et 195 du Code d'instruction criminelle, la décision de condamnation doit indiquer les dispositions légales qui érigent en infraction le fait mis à charge du prévenu et celles qui édictent la peine.

La convention précitée ne contenant pas d'incrimination et n'édictant pas de peine, les juges d'appel n'étaient pas tenus d'en mentionner les dispositions dans leur décision.

Dans cette mesure, le moyen manque en droit.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette les pourvois ;
Laisse les frais du pourvoi du demandeur à charge de l'Etat ;
Condamne la demanderesse aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de quatre-vingt-sept euros cinquante centimes dont I) sur le pourvoi de l'auditeur du travail du Brabant wallon : vingt-quatre euros cinquante centimes dus et II) sur le pourvoi de la société de droit bulgare RS Transport LTD : soixante-trois euros dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du quatorze novembre deux mille dix-huit par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.
F. Gobert F. Stévenart Meeûs F. Lugentz
T. Konsek F. Roggen B. Dejemeppe


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.18.0827.F
Date de la décision : 14/11/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-11-14;p.18.0827.f ?

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