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07/11/2018 | BELGIQUE | N°P.18.0949.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 07 novembre 2018, P.18.0949.F


N° P.18.0949.F - N° P.18.0950.F
I. G. Y.
II. W. Ca.
condamnés,
demandeurs en réouverture de la procédure,
ayant pour conseil Maître Thibault Maudoux, avocat au barreau de Namur.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Par deux requêtes remises au greffe le 5 septembre 2018, signées par un avocat inscrit au barreau depuis plus de dix ans, l'une au nom du demandeur et l'autre au nom de la demanderesse, et annexées au présent arrêt, en copie certifiée conforme, les demandeurs sollicitent la réouverture de la procédure ayant fait l'objet de l&apo

s;arrêt de la Cour du 1er juin 2016.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a dép...

N° P.18.0949.F - N° P.18.0950.F
I. G. Y.
II. W. Ca.
condamnés,
demandeurs en réouverture de la procédure,
ayant pour conseil Maître Thibault Maudoux, avocat au barreau de Namur.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Par deux requêtes remises au greffe le 5 septembre 2018, signées par un avocat inscrit au barreau depuis plus de dix ans, l'une au nom du demandeur et l'autre au nom de la demanderesse, et annexées au présent arrêt, en copie certifiée conforme, les demandeurs sollicitent la réouverture de la procédure ayant fait l'objet de l'arrêt de la Cour du 1er juin 2016.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a déposé des conclusions reçues au greffe le 30 octobre 2018.
Le 6 novembre 2018, chacun des demandeurs a remis une note en réplique.
A l'audience du 7 novembre 2018, le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.

II. LES FAITS

Par un arrêt du 27 janvier 2016, la cour d'appel de Liège a déclaré les demandeurs coupables de faux en écritures, faux fiscaux, organisation criminelle, association de malfaiteurs, infractions au Code de la taxe sur la valeur ajoutée, au Code des impôts sur les revenus et au Code de droit économique, abus de confiance, escroquerie, blanchiment et organisation frauduleuse d'insolvabilité. Outre les déclarations de culpabilité, la cour d'appel de Liège a confisqué des sommes d'argent dans le chef de chacun des demandeurs.

Par un arrêt du 1er juin 2016, la Cour a déclaré irrecevables les pourvois formés par les demandeurs contre ces décisions, au motif qu'il n'apparaissait pas des pièces déposées dans le délai de deux mois prévu à l'article 429, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle que l'avocat ayant formé les pourvois était titulaire de l'attestation visée à l'article 425, § 1er, alinéa 2, du même code.

Il est demandé à la Cour de retirer cet arrêt et de statuer à nouveau sur les mérites des pourvois.

Les demandes de réouverture se fondent sur une décision rendue le 5 avril 2018 par la Cour européenne des droits de l'homme.

III. LA DÉCISION DE LA COUR

1. Les deux requêtes ayant un objet identique, il y a lieu de les joindre et de statuer sur celles-ci par un seul et même arrêt.

2. La décision du 5 avril 2018 de la Cour européenne s'est bornée à prendre acte de la déclaration du Gouvernement belge selon qui l'exigence de la mention d'avocat attesté dans les écrits de la procédure ne garantit pas le respect du droit d'accès à un tribunal, tel que prévu par l'article 6 de la Convention.

Compte tenu de cette reconnaissance d'une violation de la Convention et de l'engagement de l'Etat à verser huit mille euros à chacun des condamnés, la Cour européenne a décidé de rayer les requêtes du rôle en application de l'article 37, § 1er, c, de la Convention.

3. Le principe de la séparation des pouvoirs implique que le Pouvoir judiciaire n'est lié ni par l'interprétation que l'administration donne de la Convention ni par son affirmation suivant laquelle un juge aurait méconnu celle-ci.

4. La décision de radiation du 5 avril 2018 n'est pas revêtue de l'autorité de la chose interprétée. La Cour européenne ne décide pas que l'article 425, § 1er, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle méconnaît le droit d'accès à un tribunal. Elle n'interdit pas d'exiger que la preuve de l'attestation prévue par cet article soit fournie par une mention portée dans les écrits de procédures visés aux articles 423 et 429 dudit code et déposés dans les formes prescrites par ceux-ci.

5. Le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu. Il se prête à des limitations pourvu que celles-ci
- ne restreignent pas l'accès au juge à un point tel que le recours s'en trouve atteint dans sa substance même,
- tendent à un but légitime,
- respectent un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

6. La qualité d'avocat attesté est prouvée par la simple mention de sa possession dans les écrits auxquels la Cour peut avoir égard. Il s'ensuit qu'elle ne l'est pas lorsque cette mention est inexistante. Ce dispositif satisfait aux trois critères énoncés ci-dessus.

L'avocat doit indiquer, dans l'acte de pourvoi ou dans le mémoire, qu'il détient l'attestation lui permettant d'introduire cette procédure. La preuve de l'attestation est donc considérée comme étant rapportée par la seule affirmation de sa possession. Réduit à sa plus simple expression, pareil mode de preuve ne saurait être considéré comme portant atteinte au droit de se pourvoir en cassation : la recevabilité du recours n'est tributaire, en effet, que d'une manifestation de la volonté de celui qui l'introduit et de la traduction de cette volonté dans l'écrit.

Le but de ce formalisme minimal est légitime. Il s'agit d'éviter que la Cour ne soit encombrée par des pourvois irrecevables ou manifestement mal fondés, et de lui épargner également les recherches en fait qui la distrairaient du jugement des affaires régulièrement déférées à sa juridiction.

L'attestation de formation visée par l'article 425, § 1er, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle est une condition de recevabilité du pourvoi. Il n'est donc pas hors de proportion de permettre à la Cour la vérification, selon un mode simplifié, du respect de cette formalité. En jugeant que la preuve en est rapportée par la seule déclaration de l'auteur du pourvoi, la Cour accorde à celui-ci un crédit dont elle ne peut, nulle part ailleurs, trouver l'équivalent. L'identité des avocats attestés et la date de leurs certificats ne sont rapportées que dans des listes dont l'absence de tout caractère authentique ou officiel ne permet pas de garantir la fiabilité.

Il n'apparaît dès lors pas, de l'examen des demandes, que l'arrêt de la Cour du 1er juin 2016 soit contraire sur le fond à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni que cet arrêt soit entaché d'une violation résultant d'une erreur ou d'une défaillance graves.

Partant, une des conditions d'application de l'article 442quinquies, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle, fait défaut.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Joint les requêtes ;
Les déclare sans fondement et dit n'y avoir lieu d'ordonner la réouverture de la procédure ;
Condamne chacun des demandeurs aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de six euros onze centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, premier président, Filip Van Volsem, Erwin Francis, Eric de Formanoir et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du sept novembre deux mille dix-huit par le chevalier Jean de Codt, premier président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
T. Fenaux F. Stévenart Meeûs E. de Formanoir
E. Francis F. Van Volsem J. de Codt


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.18.0949.F
Date de la décision : 07/11/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-11-07;p.18.0949.f ?

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