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06/11/2018 | BELGIQUE | N°P.18.0551.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 novembre 2018, P.18.0551.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.18.0551.N
1. J. D.,
2. L. D.,
prévenus,
demandeurs en cassation,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 4 mai 2018 par la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle, statuant en tant que juridiction de renvoi ensuite de l'arrêt de la Cour du 28 février 2017.
Les demandeurs invoquent trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van

Volsem a fait rapport.
L'avocat général délégué Alain Winants a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA ...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.18.0551.N
1. J. D.,
2. L. D.,
prévenus,
demandeurs en cassation,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 4 mai 2018 par la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle, statuant en tant que juridiction de renvoi ensuite de l'arrêt de la Cour du 28 février 2017.
Les demandeurs invoquent trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L'avocat général délégué Alain Winants a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

1. Le moyen est pris de la violation des articles 434, 435 du Code d'instruction criminelle, 1082, alinéa 1er, 1095 et 1110 du Code judiciaire : en ordonnant, à charge des demandeurs, la confiscation spéciale facultative d'avantages patrimoniaux tirés respectivement des infractions de blanchiment B1-B3 et B2-B4, les juges d'appel ont outrepassé leur pouvoir juridictionnel en tant que juridiction de renvoi ; les juges d'appel statuant sur renvoi n'ont pas tenu compte du fait que la Cour n'annule pas de montants, raisons, motifs ou fondements juridiques, mais seulement des décisions judiciaires ; en cas de cassation partielle avec renvoi, la juridiction du juge de renvoi est limitée aux dispositions cassées, y compris les décisions indissociables et les décisions qui en découlent, l'étendue de la cassation étant limitée, en règle, à la portée du moyen qui la fonde ; la cassation place le juge de renvoi dans la même situation que le juge dont la décision a été annulée au moment où la décision annulée a été prise, mais dans les limites de la cassation ; la Cour n'a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Gand du 3 février 2016 qu'en tant qu'il prononce, à charge des demandeurs, la confiscation spéciale obligatoire, respectivement d'un montant total de 22.371.092,60 euros en tant qu'objet des infractions de blanchiment B1-B3 et d'un montant total de 26.363.002,50 euros en tant qu'objet des infractions de blanchiment B2-B4 ; la cour d'appel de Gand n'avait pas prononcé la confiscation spéciale des avantages patrimoniaux tirés des infractions de base C (en matière d'impôt des personnes physiques), E (abus de biens sociaux) et F (abus de confiance), mais uniquement la confiscation spéciale légalement obligatoire en relation avec les infractions de blanchiment ; l'arrêt de cassation se borne à considérer que la cour d'appel de Gand a interprété erronément l'objet de la confiscation spéciale légalement obligatoire, et n'a donc pas estimé que la cour d'appel n'était pas tenue de confisquer l'objet de ces infractions ; par conséquent, la juridiction de renvoi était tenue d'apprécier à nouveau la confiscation spéciale de l'objet des infractions de blanchiment et n'avait pas le pouvoir juridictionnel pour statuer sur une nouvelle demande de confiscation spéciale des avantages patrimoniaux provenant des infractions de blanchiment ; la circonstance que ces avantages patrimoniaux auraient pu, le cas échéant, être confisqués en application d'un autre fondement juridique, est sans incidence à cet égard ; la cour d'appel a dès lors méconnu la distinction que la loi établit entre la confiscation spéciale obligatoire de l'objet du blanchiment et la confiscation spéciale facultative des avantages patrimoniaux tirés du blanchiment.

2. L'article 435, alinéas 1 et 2, du Code d'instruction criminelle prévoit qu'en cas de cassation, la Cour de cassation renvoie la cause, s'il y a lieu, et que la juridiction devant laquelle l'affaire est renvoyée se conforme à l'arrêt de la Cour de cassation sur le point de droit jugé par cette Cour.

3. Le juge de renvoi ne peut exercer sa juridiction que dans les limites de la cassation et du renvoi. Il lui appartient de déterminer, sous le contrôle de la Cour, les limites de sa saisine et, par conséquent, d'établir quelles sont les décisions cassées de la décision judiciaire attaquée sur lesquelles il doit à nouveau statuer. En effet, seules les décisions cassées de la décision judiciaire attaquée, en ce compris les décisions indissociables et les décisions qui en découlent, déterminent l'étendue de la cassation et du renvoi et, par voie de conséquence, tel n'est pas le cas du ou des motifs sous-jacents ayant donné lieu à cassation.

4. La cassation avec renvoi remet les parties, dans les limites de la cassation et du renvoi, dans la situation dans laquelle elles se seraient trouvées devant le juge dont la décision a été cassée. En ce qui concerne ce point, les parties peuvent donc introduire toute demande souhaitée et faire valoir toute défense.

5. Il s'ensuit que, si la Cour a annulé une confiscation spéciale ordonnée sur la base d'une infraction de blanchiment parce que les avantages patrimoniaux générés par cette infraction avaient été confisqués à titre d'objet de cette infraction, le juge de renvoi dispose du pouvoir juridictionnel pour ordonner la confiscation spéciale, soit de l'objet de cette infraction de blanchiment, soit des avantages patrimoniaux tirés de cette infraction de blanchiment, soit éventuellement des deux, pour autant que les conditions légales de ces confiscations spéciales soient réunies.

Le moyen, qui est déduit d'une autre prémisse juridique, manque en droit.

Sur le deuxième moyen :

6. Le moyen est pris de la violation de l'article 211bis du Code d'instruction criminelle : en prononçant, à charge des demandeurs, une confiscation spéciale, respectivement de 22.371.093,60 euros et de 26.363.002,50 euros en avantages patrimoniaux tirés des faits visés aux préventions B1-B3 et B2-B4, à diminuer à chaque fois des recettes de ventes ou de l'estimation de certaines choses, l'arrêt prononce une aggravation de la peine sans constater que cette décision a été prise à l'unanimité ; le jugement dont appel avait prononcé, à charge des demandeurs, une confiscation spéciale d'avantages patrimoniaux, respectivement de 9.440.335,34 euros et 748.750 dollars américains et de 9.520.677,78 euros et 748.750 dollars américains, à diminuer à chaque fois des biens et valeurs saisis, de même qu'une confiscation spéciale, à titre d'objet du blanchiment, des sicav transférées en Belgique, respectivement pour 348 sicav (prévention B3) ainsi qu'un certain nombre de biens (préventions B5 et B6) et pour 557 sicav (prévention B4) ; le premier juge avait également décidé que la somme des confiscations spéciales obligatoires de l'objet du blanchiment devait être portée en déduction des confiscations spéciales ordonnées à titre facultatif ; il résulte des règles selon lesquelles le pouvoir juridictionnel du juge de renvoi est limité aux dispositions annulées, le juge de renvoi ne connaît d'un litige que dans les limites du renvoi et de la cassation et la cassation avec renvoi place le juge de renvoi dans la même situation que le juge dont la décision a été annulée et ce, au moment où la décision annulée a été prise, que le juge de renvoi est tenu d'observer l'article 211bis du Code d'instruction criminelle si la situation du prévenu est aggravée de quelque façon que ce soit ; en cas d'augmentation de la peine complémentaire de la confiscation spéciale, qui ne distingue pas l'objet de l'infraction des avantages patrimoniaux, et donc d'aggravation de la peine, comme en l'espèce, cette aggravation doit être constatée à l'unanimité.
7. En vertu de l'article 211bis, deuxième phrase, du Code d'instruction criminelle, l'unanimité est nécessaire pour que la juridiction d'appel puisse aggraver les peines prononcées contre l'inculpé. Cette obligation s'impose également aux juges d'appel statuant sur renvoi.

8. L'aggravation de la peine en degré d'appel s'apprécie en comparant la peine infligée par le premier juge et celle prononcée par la juridiction d'appel, le cas échéant, après renvoi.

9. Cette comparaison prend pour base l'ensemble des peines prononcées à chaque fois, étant entendu que si le premier juge et les juges d'appel ont infligé à la fois une peine principale d'emprisonnement, une amende et des confiscations spéciales, seules les peines principales d'emprisonnement sont prises en considération pour déterminer la sévérité de la sanction, aucune importance n'étant accordée au degré des autres peines.

10. Cette règle vaut également lorsque la sanction infligée par les juges d'appel a été partiellement cassée, notamment en ce qui concerne la peine complémentaire de la confiscation spéciale lorsque les juges d'appel statuant sur renvoi prennent une nouvelle décision de confiscation spéciale.

11. Il s'ensuit que, lorsque les juges d'appel ont prononcé à l'unanimité une peine principale d'emprisonnement plus forte que celle infligée par le premier juge, les juges d'appel sur renvoi appelés à statuer uniquement sur les peines complémentaires de la confiscation spéciale, s'ils prononcent une confiscation spéciale plus sévère que celle prononcée par le premier juge, ne sont pas tenus de constater que cette décision a été prise à l'unanimité.

12. Dans la mesure où il procède d'autres prémisses juridiques, le moyen manque en droit.

13. Le jugement dont appel condamne chacun des demandeurs à une peine d'emprisonnement de trente mois et à une amende de 100.000,00 euros, majorée de 50 décimes additionnels ou 600.000,00 euros ou à une peine d'emprisonnement subsidiaire de trois mois, la peine principale d'emprisonnement étant assortie d'un sursis partiel à son exécution pour vingt-quatre mois pendant une période de cinq ans. En outre, il ordonne à leur charge un certain nombre de confiscations spéciales.

Par arrêt rendu à l'unanimité le 3 février 2016, la cour d'appel de Gand a condamné les demandeurs à une peine d'emprisonnement de trente mois et à une amende de 100.000,00 euros, majorée de 50 décimes additionnels ou 600.000,00 euros ou à une peine d'emprisonnement subsidiaire de trois mois, la peine principale d'emprisonnement étant assortie d'un sursis partiel à son exécution pour dix-huit mois pendant une période de cinq ans. Il ordonne à leur charge un certain nombre de confiscations spéciales.

Dans son arrêt du 28 février 2017, la Cour annule seulement les confiscations prononcées à charge des demandeurs sur la base des faits visés aux préventions B1-B3 et B2-B4.

L'arrêt attaqué ordonne, sur la base des faits des préventions B1-B3 et B2-B4, une nouvelle confiscation spéciale à charge des demandeurs.

14. Par arrêt rendu à l'unanimité le 3 février 2016, les juges d'appel ont aggravé les peines principales d'emprisonnement infligées aux demandeurs en réduisant la partie pour laquelle le sursis à l'exécution avait été accordé. Cette décision n'a pas été cassée par l'arrêt de la Cour du 28 février 2017. Les confiscations spéciales que les juges d'appel statuant sur renvoi ont prononcées par l'arrêt attaqué sont dès lors sans importance pour déterminer la sévérité de la sanction imposée aux demandeurs en degré d'appel, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de constater que l'arrêt attaqué a été rendu à l'unanimité.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

Sur le troisième moyen :

15. Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 42, 1° et 3°, 43bis et 505 (tel qu'il était applicable avant sa modification par la loi du 10 mai 2007) du Code pénal : en considérant qu'il ne résulte d'aucune disposition légale ni règle du droit qu'il convient toujours d'accorder la priorité à la confiscation obligatoire, l'arrêt ne répond pas à la défense exposée par les demandeurs selon laquelle cette priorité résulte du caractère légalement obligatoire de la confiscation spéciale de l'objet de l'infraction de blanchiment, telle qu'elle est prévue par l'article 505 du Code pénal ; en outre, il viole ainsi les articles cités du Code pénal.

16. Si une infraction de blanchiment consiste en la conversion d'un bien en un autre bien, le bien converti forme l'objet de cette infraction de blanchiment au sens de l'article 505, alinéa 3, du Code pénal, applicable en l'espèce (dans sa version antérieure à la modification apportée par la loi du 10 mai 2007), et le bien après conversion constitue un avantage patrimonial tiré de cette infraction de blanchiment au sens de l'article 42, 3°, du Code pénal.

Les articles 42, 1°, et 505, alinéa 3 (dans son ancienne version) du Code pénal prévoient qu'une confiscation spéciale obligatoire doit être prononcée à charge de l'auteur de l'infraction de blanchiment du bien converti à titre d'objet de cette infraction, qui ne peut être ordonnée par équivalent.

Les articles 42, 3°, et 43bis du Code pénal prévoient qu'une confiscation spéciale facultative peut être prononcée à charge de l'auteur de l'infraction de blanchiment du bien après conversion, à titre d'avantage patrimonial tiré de l'infraction de blanchiment, le cas échéant par équivalent, dans la mesure où elle est requise par écrit par le ministère public.

17. Le juge ne peut prononcer qu'une seule fois la confiscation d'un bien ou d'un bien qui y a été substitué, à charge d'un même auteur du chef d'une même infraction de blanchiment.
18. Il ne ressort pas des travaux préparatoires des dispositions précitées que le législateur aurait estimé qu'en cas de déclaration de culpabilité du chef de blanchiment à charge d'un même auteur, le juge est tenu de confisquer, à charge d'un même auteur, prioritairement le bien converti à titre d'objet de cette infraction sur la base des articles 42, 1°, et 505, alinéa 3 (dans son ancienne version), du Code pénal et ne peut ordonner la confiscation spéciale facultative du bien, après conversion à titre d'avantage patrimonial tiré de l'infraction de blanchiment, que si cette confiscation spéciale obligatoire s'avère légalement impossible. Par les confiscations spéciales susceptibles d'être ordonnées sur la base de l'infraction de blanchiment, le législateur entend, au contraire, une privation effective de l'avantage dont jouit l'auteur de l'infraction de blanchiment. Le fait que la première confiscation spéciale revête un caractère obligatoire et la seconde un caractère facultatif est sans incidence à cet égard.

19. Il suit de ce qui précède que rien ne s'oppose à ce que le juge n'ordonne pas, à charge de l'auteur d'une infraction de blanchiment, la confiscation spéciale obligatoire du bien converti à titre d'objet de l'infraction de blanchiment, mais bien la confiscation spéciale facultative du bien après conversion, à titre d'avantages patrimoniaux provenant de l'infraction de blanchiment.

Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.

20. Par les motifs qu'il énonce (p. ...), l'arrêt répond à la défense visée au moyen.

Dans cette mesure, le moyen manque en fait.

Le contrôle d'office

21. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et les décisions sont conformes à la loi.
PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette les pourvois ;
Condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Antoine Lievens, Sidney Berneman et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du six novembre deux mille dix-huit par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général délégué Alain Winants, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.

Traduction établie sous le contrôle du président de section Benoît Dejemeppe et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.18.0551.N
Date de la décision : 06/11/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-11-06;p.18.0551.n ?

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