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25/10/2018 | BELGIQUE | N°C.17.0391.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 25 octobre 2018, C.17.0391.F


N° C.17.0391.F
COMMUNE D'OUPEYE, représentée par son collège communal, dont les bureaux sont établis à Oupeye (Haccourt), rue des Écoles, 4,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicile,

contre

SYREG, société privée à responsabilité limitée, dont le siège social est établi à Soumagne, avenue de la Résistance, 188,
défenderesse en cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le

pourvoi en cassation est dirigé contre les arrêts rendus les 16 juin 2015 et 12 janvier 2016 par la cour d&...

N° C.17.0391.F
COMMUNE D'OUPEYE, représentée par son collège communal, dont les bureaux sont établis à Oupeye (Haccourt), rue des Écoles, 4,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicile,

contre

SYREG, société privée à responsabilité limitée, dont le siège social est établi à Soumagne, avenue de la Résistance, 188,
défenderesse en cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre les arrêts rendus les 16 juin 2015 et 12 janvier 2016 par la cour d'appel de Liège.
Le 27 septembre 2018, l'avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Didier Batselé a fait rapport et l'avocat général Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.

III. La décision de la Cour

Sur la recevabilité du mémoire en réponse :

En vertu de l'article 1092, alinéa 1er, du Code judiciaire, sans préjudice des règles particulières en matière fiscale, le mémoire en réponse est signé par un avocat à la Cour de cassation.
Le mémoire en réponse, qui n'est pas signé par un avocat à la Cour de cassation, est irrecevable.
Sur le premier moyen :

L'arrêt attaqué du 16 juin 2015, qui statue, ensuite de l'annulation du marché attribué par la demanderesse à la défenderesse, sur la restitution des prestations réciproques des parties, confirme la décision du premier juge d'écarter la restitution en nature des ouvrages placés, qui « causerait à [la défenderesse] un dommage sans commune mesure avec le bénéfice qu'en tirerait [la demanderesse] », et décide que la demande d'enlèvement, « ainsi que son corollaire visant au remboursement des sommes que [la demanderesse] a versées, ne peuvent être admis ».
Evaluant les sommes dues par la demanderesse à la défenderesse en contrepartie des travaux que la demanderesse conserve, l'arrêt décide que « c'est à bon droit que la décision entreprise a soldé le compte de restitution par une créance de 5.561,10 euros en faveur de [la défenderesse] ».
Il ressort du jugement entrepris auquel l'arrêt se réfère que ce montant est le résultat de la différence entre la valeur des ouvrages conservés par la demanderesse, soit 302.135,67 euros, et les sommes reçues par la défenderesse, soit 296.574,57 euros.
En procédant à la compensation des sommes dues par les parties et en n'allouant pas à la demanderesse des intérêts sur le montant dû par la défenderesse, l'arrêt ne dispense pas la défenderesse de son obligation de restitution des paiements effectués par la demanderesse et rejette la demande de celle-ci tendant au paiement, par la défenderesse, d'intérêts sur ces derniers.
Dans la mesure où il soutient le contraire, le moyen manque en fait.
Pour le surplus, lorsque, ensuite de l'annulation d'une convention, les parties sont tenues de restituer des prestations réciproques dont chacune d'elles a joui, l'obligation de restitution ne s'étend pas aux intérêts ou aux fruits.
Dans cette mesure, le moyen, qui repose sur le soutènement contraire, manque en droit.

Sur le second moyen :

Quant à la première branche :

Aux termes de l'article 794, alinéa 1er, du Code judiciaire, dans sa rédaction applicable au litige, les erreurs et omissions matérielles qui affectent une décision, même passée en force de chose jugée, peuvent toujours être rectifiées par la juridiction qui l'a rendue ou par celle à laquelle elle est déférée sans, cependant, que puissent être étendus, restreints ou modifiés les droits que cette décision a consacrés.
Tranchant une contestation entre les parties, l'arrêt du 16 juin 2015 considère que « doit être remboursée à [la défenderesse] la valeur objective de la prestation fournie [...], à savoir la valeur des travaux que conserve la [demanderesse], déduction faite des malfaçons et inachèvements », qu'« au vu du procès-verbal de réception provisoire, le jugement entrepris a correctement estimé les malfaçons et inachèvements à cinq pour cent des montants facturés » et « a également correctement apprécié la valeur des travaux que conserve la [demanderesse] », et que « c'est à bon droit que la décision entreprise a soldé le compte de restitution par une créance de 5.561,10 euros en faveur de [la défenderesse] ».
Au vu de ces énonciations, qui traduisent une appréciation du juge qui a rendu l'arrêt du 16 juin 2015, l'arrêt attaqué n'a pu, sans violer l'article 794, alinéa 1er, du Code judiciaire, considérer que la fixation du « chiffre de 5.561,10 euros est le résultat arithmétique de la différence entre, d'une part, la créance de restitution en faveur de la [défenderesse], savoir 302.135,57 euros, et, d'autre part, le chiffre de 296.574,57 euros attribué aux paiements effectués par la [demanderesse] à la [défenderesse] » mais qu'« il ressort des pièces auxquelles tant le premier juge que la cour [d'appel] ont eu égard [...] que le total de ces paiements s'élevait en réalité à 269.574,57 euros », qu'il s'ensuit que le chiffre de 296.574,57 euros [...] résulte d'une erreur matérielle » et que, sans étendre, restreindre ou modifier les droits consacrés par l'arrêt du 16 juin 2015, cette erreur peut être rectifiée en portant le solde dû à la défenderesse à 32.561,10 euros.
Le moyen est fondé.

Sur les autres griefs :

Il n'y a pas lieu d'examiner la seconde branche du second moyen, qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue.

Par ces motifs,

La Cour,

sans avoir égard au mémoire en réponse,

Casse l'arrêt attaqué du 12 janvier 2016, sauf en tant qu'il déclare recevable l'action en rectification ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Mons.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Mireille Delange, Michel Lemal et Marie-Claire Ernotte, et prononcé en audience publique du vingt-cinq octobre deux mille dix-huit par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

P. De Wadripont M.-Cl. Ernotte M. Lemal
M. Delange D. Batselé Chr. Storck

Requête
POURVOI EN CASSATION

POUR : La commune d'Oupeye, représentée par son Collège communal, dont les bureaux sont établis à 4684 Haccourt, rue des Ecoles, 4,

Demanderesse en cassation, assistée et représentée par Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de Cassation soussignée, ayant son cabinet à 1000 Bruxelles, rue des Quatre-Bras, 6, chez qui il est fait élection de domicile,

CONTRE : La société privée à responsabilité limitée unique Syreg, dont le siège social est établi à 4630 Soumagne, rue des Genêts, 1, ins¬crite à la banque-Carrefour des Entreprises sous le numéro 0464.556.259,

Défenderesse en cassation,

* * *

A Messieurs les Premier Président et Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers, membres de la Cour de Cassation,

Messieurs,
Mesdames,

La demanderesse en cassation a l'honneur de déférer à la cen¬sure de Votre Cour les arrêts, rendus les 16 juin 2015 (Rôle 2014/RG/739) et 12 janvier 2016 (Rôle 2015/RG/1262) par la douzième chambre civile de la Cour d'appel de Liège (R.G. : 2015/RG/1262).

FAITS ET RETROACTES

En 2008 la commune d'Oupeye a lancé une procédure d'attribution de marché public pour le placement d'un système de télégestion du chauffage à distance dans 13 bâtiments ainsi que pour la gestion pendant trois ans.

Le 14 avril 2009 elle a notifié à la défenderesse sa décision de lui attribuer le marché au montant de 285.422 euro HTVA, de réduire la durée du contrat de 36 à 12 mois et de lui passer un marché par procédure négociée pour les frais liés à la télégestion centralisée pour une durée de 12 mois au montant de 12.240 euro HTCA.

Les travaux ont débuté en juillet 2009 et ont été réceptionnés pro-visoirement le 7 décembre 2011.

La défenderesse a mis fin à la télégestion au mois de janvier 2012 au motif que ses factures demeuraient impayées.

Les parties ont comparu volontairement devant le Tribunal de première instance de Liège à l'audience du 4 mai 2012. La défenderesse solli¬citait la condamnation de la commune d'Oupeye au paiement en principal de 103.692,28 euro , des intérêts et de la somme de 30.000 euro à titre de dommages et intérêts provisionnels pour atteinte à sa réputation ainsi que la libération de la moitié du cautionnement.

La commune d'Oupeye introduisait une demande reconvention-nelle par laquelle elle postulait à titre principal l'annulation du contrat et la con¬damnation de la défenderesse à lui restituer les sommes versées ainsi que les intérêts légaux sur ces montants, à reprendre le matériel mis en œuvre et à remettre en état les lieux, à titre subsidiaire la condamnation de la défende¬resse à lui payer des amendes de retard pour un montant de 14.883,10 euro et la somme provisionnelle de 13.500 euro à titre de pénalité, à titre infiniment subsi-diaire la désignation d'un expert et la condamnation de la défenderesse à lui payer la moitié des frais exposés par la commande d'une étude au bureau F..

Par jugement du 8 novembre 2013 le Tribunal de première ins-tance de Liège dit les demandes recevables, prononça la nullité du contrat conclu entre les parties suite à l'attribution du marché, condamna la commune d'Oupeye à payer à la défenderesse la somme de 5.561,10 euro , à majorer des intérêts judiciaires depuis la date du présent jugement jusqu'au complet paie¬ment, ordonna la libération du cautionnement, débouté les parties du surplus de leurs demandes et, chacun des parties succombant partiellement dans sa demande, compensa les dépens.

La commune d'Oupeye interjeta appel de cette décision.

Par arrêt du 16 juin 2015 la Cour d'appel de Liège reçut les ap-pels, confirma le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, et condam¬na la commune d'Oupeye aux dépens d'appel.

Par l'arrêt du 12 janvier 2016 la cour d'appel déclarait l'action en rectification de l'arrêt du 16 juin 2015 recevable et fondée, déclarait qu'il fallait lire, au dispositif dudit arrêt, « confirme le jugement sous la seule émendation que le chiffre de 5.561,10 euro est remplacé par celui de 32.561,10 euro » et non « confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions », invite le gref¬fier à procéder à la mention du dispositif du présent arrêt en marge de l'arrêt du 16 juin 2015 comme il est dit à l'article 800 du Code judiciaire, constate qu'il n'y a pas lieu à indemnité de procédure au profit des parties, met les frais et dépens de la procédure à charge de l'Etat et ordonne la restitution à la dé-fenderesse du montant des frais et dépens qu'elle a consignés au greffe, sa¬voir 400,00 euro selon son état.

La demanderesse considère pouvoir présenter les moyens déve-loppés ci-après à l'encontre de ces décisions.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Dispositions légales violées

- articles 6, 547, 1108, 1109, 1131, 1133, 1134, 1234, 1304 et 1378 du Code civil,
- article 1138, 3° du Code judiciaire

Décision attaquée

Par l'arrêt entrepris du 16 juin 2015, la Cour d'appel de Liège con¬firme le jugement entrepris, lequel avait prononcé la nullité du contrat conclu entre les parties à la suite de l'attribution du marché, condamné la demande¬resse à payer à la défenderesse la somme de 5.561,10 euro , à majorer des inté¬rêts judiciaires depuis la date du présent jugement jusqu'au complet paiement, ordonna la libération du cautionnement, débouté les parties du surplus de leurs demandes et, chacun des parties succombant partiellement dans sa de¬mande, compensé les dépens, dans toutes ses dispositions, et condamne la commune d'Oupeye aux dépens d'appel, le dispositif de cet arrêt étant rectifié par l'arrêt du 12 janvier 2016 en ce qu'il faut lire, au dispositif dudit arrêt, « confirme le jugement sous la seule émendation que le chiffre de 5.561,10 euro est remplacé par celui de 32.561,10 euro » et non « confirme le jugement entre¬pris dans toutes ses dispositions ». Cette décision repose notamment sur les motifs suivants :

3. Sur les restitutions

Le marché résolu ne peut constituer, pour les parties une source de droits et d'obligations. Toutefois, l'effet de l'annulation du marché est limité à ses seules conséquences juridiques. Lorsque, comme en l'espèce, le marché an¬nulé a été, peu importe que ce soit partiellement ou totalement, exécuté, les actes matériels accomplis par les parties ne se trouvent pas directement at¬teints par les dispositions prononçant l'annulation (T. Starosselets, « Effets de la nullité », in La nullité des contrats, C.U.P. 2006, vol. 988, p. 236 et réfé¬rences).

Partant, c'est à tort que SYREG réclame le paiement de ce qui lui aurait été dû en exécution du marché, l'acte annulé ne pouvant avoir aucun effet en droit, sans préjudice de ce que les services de télégestion facturés n'ont pas été prestés. Par identité de motifs, c'est vainement qu'elle réclame que les intérêts sur les sommes qui lui reviendraient soient calculés selon le mode applicable aux marchés publics.

Le marché étant annulé, il y a lieu à compte de restitution entre parties, la de¬mande en restitution étant par ailleurs virtuellement comprise dans la de¬mande en annulation.

Si la restitution en nature doit en règle être privilégiée, la restitution par équiva¬lent doit lui être préférée lorsque, en demandant l'exécution en nature, le créancier exerce son droit d'une manière qui excède manifestement le com¬portement qu'adopterait un créancier normalement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances. Il en va de même lorsque l'exécution en na¬ture n'est pas possible, comme lorsqu'il s'agit de restituer un service fourni par une partie, ce qui est le cas en l'espèce, le marché étant un marché de tra¬vaux, ayant consisté en la fourniture à la fois de biens et de services comme le précise l'article I.1 du cahier des charges relatif à l'objet du marché.

L'installation qui faisait l'objet du marché a été quasi complètement réalisée, tant le procès-verbal de réception provisoire (...) que la note technique rédigée par le Bureau F. le 20 octobre 2011 (...) qui l'avait précédé, ne faisant état que de manquements mineurs eu égard à l'ampleur des travaux faisant l'objet du marché. La réception provisoire a en tout état de cause été prononcée, ce qui implique la reconnaissance que les travaux avaient été réalisés confor¬mément aux conditions du marché, et leur acceptation par la commune, sans préjudice des obligations prises par SYREG en matière de garantie ou de ré¬fection des remarques reprises dans le procès-verbal du 7 décembre 2011 (...). »

Les ouvrages litigieux ayant de surcroît été majoritairement immobilisés à per¬pétuelle demeure dans les immeubles de la Commune d'Oupeye, l'exécution de leur enlèvement, qu'elle postule, causerait à SYREG un dommage sans commune mesure avec le bénéfice qu'en tirerait la commune.

Il en ressort que ce chef de demande, ainsi que son corollaire visant au rem¬boursement des sommes qu'elle a versées ne peuvent être admis.

Dans ces circonstances, la Cour estime que doit être remboursée à SYREG la valeur objective de la prestation fournie (T. Starosselets, op.cit., p.269 et réf.), savoir la valeur des travaux que conserve la Commune d'Oupeye, déduction faite des malfaçons et inachèvements.

Au vu du procès-verbal de réception provisoire, le jugement entrepris a correc¬tement estimé, les malfaçons et inachèvement à 5% des montants facturés. Il a également correctement apprécié la valeur des travaux que conserve la Commune d'Oupeye sur la base d'une marge bénéficiaire estimée à 10% pour SYREG. Il ne s'agit néanmoins pas d'une retenue à titre de sanction, mais d'un mode de valorisation des travaux conservés par la commune dans le cadre du compte de restitution corollaire à l'annulation du marché.

Etant constaté que les factures des 15 avril 2001 et 6 mai 2011 correspondent à des suppléments réclamés par la Commune d'Oupeye, c'est à bon droit que la décision entreprise a soldé le compte de restitution par une créance de 5.561,10 euro en faveur de SYREG. »

Grief

Il se déduit des articles 6, 1108, 1109, 1131, 1133, 1134, 1234 et 1304 du Code civil que la décision prononçant la nullité d'un contrat entraîne, en règle, la naissance d'obligations nouvelles de restitution afin que les parties soient remises dans l'état qui aurait été le leur si elles n'avaient pas contracté.

Il s'ensuit qu'en règle chacune des parties devra restituer les pres¬tations reçues en vertu du contrat annulé.

Cette obligation de restitution repose sur chacune des parties. Elle porte également sur les fruits ou intérêts de ce qui a été reçu en exécution du contrat annulé et qui en vertu de l'article 547 du Code civil appartiennent à leur propriétaire.

La restitution se fait en principe en nature, à moins que la restitu-tion en nature ne soit pas possible, par exemple lorsqu'il s'agit d'une obligation de faire, ou constituerait un abus de droit dans le chef du créancier.

En ce cas, il sera procédé à une restitution par équivalent des choses ou des services qui, ensuite du contrat, ont été consommés ou dont une des parties a bénéficié.

Cette obligation de restitution par équivalent ne libère nullement la partie cocontractante de sa propre obligation de restitution de ce qu'elle a elle-même reçu en exécution du contrat annulé, ce sous peine que celle-ci s'enrichisse au détriment de l'autre partie.

Le cas échéant, il sera procédé à un décompte entre les obliga-tions de restitutions réciproques.

En l'occurrence, la demanderesse demande à la cour d'appel à titre principal de prononcer la nullité de la convention née entre parties suite à l'attribution du marché public en raison d'un vice de consentement, soit en l'espèce, le dol, de condamner la défenderesse à lui restituer les sommes qui lui furent versées par la commune ainsi qu'à payer des intérêts légaux sur ces montants depuis la date du paiement jusqu'à leur restitution et à reprendre le matériel mis en œuvre avec remise en état des lieux.

La cour d'appel a considéré qu'il n'y avait pas lieu à restitution en nature par la demanderesse, étant donnée que l'installation qui faisait l'objet du marché était quasi complètement réalisée, qu'il n'était fait état que de man¬quements mineurs « eu égard à l'ampleur des travaux faisant l'objet du mar¬ché », et que « les ouvrages ayant de surcroît été majoritairement immobilisés à perpétuelle demeure dans les immeubles de la Commune d'Oupeye, l'exécution de leur enlèvement qu'elle postule, causerait à SYREG un dom¬mage sans commune mesure avec le bénéfice qu'en tirerait la commune. »

La cour d'appel en déduit « que doit être remboursée [par la de-manderesse] à SYREG la valeur objective de la prestation fournie (T. Staros¬selets, op.cit., p.269 et réf.), savoir la valeur des travaux que conserve la Commune d'Oupeye, déduction faite des malfaçons et inachèvements ».

Toutefois, que la cour d'appel ait jugé qu'il n'y avait pas lieu à res¬titution en nature dans le chef de la demanderesse de ce qu'elle avait reçu, n'implique aucunement que l'entrepreneur quant à lui n'était pas tenu à resti¬tuer ce qu'il avait reçu de la commune, à savoir les sommes que celles-ci lui avait payées, et ce augmentées des intérêts que ces sommes ont porté à compter du paiement.

La cour d'appel procède d'ailleurs elle-même à un décompte entre la valeur objective des travaux et les sommes payées par la commune.

Par contre, elle omet de tenir compte des intérêts, dus sur les sommes reçus par la défenderesse en exécution du contrat annulé».

Partant, dans la mesure où la cour d'appel décide « que ce chef de demande », à savoir la restitution en nature de l'installation, « ainsi que son corollaire visant au remboursement des sommes qu'elle [à savoir, la deman¬deresse] a versées ne peuvent être admis » et considère, partant, que la dé¬fenderesse n'était pas tenue à rembourser à la demanderesse les sommes qu'elle avait elle-même reçues de la demanderesse, la décision n'est pas lé¬galement motivée (violation des articles 6, 1108, 1109, 1131, 1133, 1134, 1234 et 1304 du Code civil). Par ailleurs, dans la mesure où elle procède néanmoins à un décompte entre, d'une part, la valeur objective des travaux, à restituer par la commune, et, d'autre part, les sommes payées par la com¬mune, soit les sommes reçues et à restituer par la défenderesse à la deman-deresse, sans toutefois tenir compte des intérêts que ces sommes ont porté depuis leur paiement, la cour d'appel n'a pas davantage légalement motivé sa décision (violation des articles 6, 547, 1108, 1109, 1131, 1133, 1134, 1234, 1304 et 1378 du Code civil). A tout le moins, elle a omis de faire droit sur un point de la demande, à savoir le paiement d'intérêts légaux à partir du paie¬ment des différentes sommes, et, partant, n'a pas légalement rendu sa déci¬sion (violation de l'article 1138, 3° du Code judiciaire).

DEVELOPPEMENTS

L'annulation d'un contrat, qui produit ses effets ex tunc, oblige en règle chacune des parties à restituer les prestations reçues en vertu du contrat annulé (Cass. 21 mai 2004, Pas. 2004, n° 274 ; Cass. 10 mai 2012, Pas. 2012, n° 291. voir T. Starosselets, Effets de la dissolution ex tunc, in La fin du contrat, CUP, vol. 51, 2001, 201, n° 2).

La nullité de la convention implique que les parties sont, si pos-sible, placées dans une situation identique à celle qui aurait été la leur si elles n'avaient pas conclu de convention (G. Fruy et N. Vandenberghe, Les effets de la nullité du contrat, in C. Delforge et J. Van Meerbeeck (dir.), Les nullités en droit privé, Limal, Anthemis, 2017, 272, n° 5 ; Cass. 10 mai 2012, Pas. 2012, n° 291 ; cf. en matière de résolution d'un contrat synallagmatique : Cass. 8 février 2010, Pas. 2010, n° 88 ; Cass. 19 mai 2011, Pas. 2011, n° 326).

Cela signifie que les parties devront restituer ce qu'elles ont déjà reçu. Cette restitution se fait en principe en nature (S.J. Nudelhole, Les inci¬dences de la théorie des risques sur les restitutions consécutives à l'annulation d'un contrat, RCJB 1988, 228, n° 8).

Il en résulte l'obligation pour les parties de restituer toutes les prestations, dont elles auraient déjà bénéficié en vertu du contrat résolu (cf. P. Van Ommeslaghe, Les obligations, vol. 1. Introduction. Sources des obliga¬tions (première partie), in De Page Traité de droit civil belge, tome II, Bruxelles, Bruylant, 2013, 922, n° 592 ; G. Fruy et N. Vandenberghe, o.c., 287, n° 20 ; Cass. 21 mai 2004, Pas. 2004, n° 274 ; Cass. 5 janvier 2012, Pas. 2012, n° 9).

Il se peut toutefois qu'une restitution en nature n'est pas possible ou constituerait un abus de droit dans le chef du créancier. Dans ce cas, il se¬ra procédé à une restitution par équivalent des choses ou des services qui, ensuite du contrat, ont été consommés ou dont une des parties a bénéficié alors que l'autre partie n'en a pas eu la contrepartie (Cass. 8 février 2010, JT 2010, 350 ; S.J. Nudelhole, o.c., 229, n° 9; Fr. Glansdorff, Les obligations de restitution, in J.-Fr. Germain, (dir.), Questions spéciales en droit des contrats, Bruxelles, Larcier, 2010, 100, n° 35 ; D. de Sart, Les difficultés liées aux obli-gations de restitution après annulation, in Fr. Glansdorff et E. Van den Haute (dir.), Les obligations contractuelles entre parties. Questions choisies, Limal, Anthemis, 2013, 157).

Ainsi, on enseigne que le maître de l'ouvrage devra restituer la valeur objective des travaux, ce qui a souvent pour effet de priver l'entrepreneur de sa marge bénéficiaire ainsi que de toute autre indemnité à laquelle il aurait pu prétendre en vertu du contrat (A. Leleux et S. Vanvrekom, La nullité du contrat d'entreprise et l'accès à la profession de l'entrepreneur, in C. Delforge et J. Van Meerbeeck (coörd.), Les nullités en droit privé. Etat des lieux et perspectives, Limal, Anthemis, 2017, 116, n° 26 ; T. Starosselets, o.c., 237, n° 38).

Toutefois, l'obligation de restitution par équivalent ne libère nul-lement la partie cocontractante de son obligation de restitution de ce qu'elle a reçu. Celle-ci devra restituer ce qu'elle a reçu, augmenté des fruits et intérêts.

En l'occurrence, la demanderesse avait réclamé des intérêts sur les sommes payées et à restituer.

Or, dans le compte de restitution il n'en est nullement tenu compte.

Partant, la décision n'est pas légalement motivée.

La décision est par ailleurs critiquable dans la mesure où elle dit que la demande « visant au remboursement des sommes qu'elle [à savoir, la demanderesse] a versées ne peu(t) être admis ».

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Dispositions légales violées

- articles 19, 20, 21, 28, 608, 792, 794, 795, 797 et 1073 du Code judiciaire.

Décision attaquée

Par l'arrêt entrepris du 12 janvier 2016 la Cour d'appel de Liège déclarait l'action en rectification de l'arrêt du 16 juin 2015 recevable et fondée, déclarait qu'il fallait lire, au dispositif dudit arrêt, « confirme le jugement sous la seule émendation que le chiffre de 5.561,10 euro est remplacé par celui de 32.561,10 euro » et non « confirme le jugement entrepris dans toutes ses disposi¬tions », invite le greffier à procéder à la mention du dispositif du présent arrêt en marge de l'arrêt du 16 juin 2015 comme il est dit à l'article 800 du Code ju¬diciaire, constate qu'il n'y a pas lieu à indemnité de procédure au profit des parties, met les frais et dépens de la procédure à charge de l'Etat et ordonne la restitution à la défenderesse du montant des frais et dépens qu'elle a consi¬gnés au greffe, savoir 400,00 euro selon son état. Cette décision repose notam¬ment sur les motifs suivants :

« Par confirmation du jugement entrepris, l'arrêt du 16 juin 2015 a prononcé la nullité du marché public, notifié le 14 avril 2009 par la Commune d'Oupeye à la (défenderesse) et dressé le compte de restitution corollaire.

Ce compte de restitution se fonde sur les motifs suivants :

L'installation qui faisait l'objet du marché a été quasi complètement réa¬lisée, tant le procès-verbal de réception provisoire (...) que la note tech¬nique rédigée par le Bureau F. le 20 octobre 2011 (...) qui l'avait précédé, ne faisant état que de manquements mineurs eu égard à l'ampleur des travaux faisant l'objet du marché. La réception provisoire a en tout état de cause été prononcée, ce qui implique la reconnaissance que les travaux avaient été réalisés conformément aux conditions du marché, et leur acceptation par la commune, sans préjudice des obliga¬tions prises par (la défenderesse) en matière de garantie ou de réfection des remarques reprises dans le procès-verbal du 7 décembre 2011 (...).

Les ouvrages litigieux ayant de surcroît été majoritairement immobilisés à perpétuelle demeure dans les immeubles de la Commune d'Oupeye, l'exécution de leur enlèvement, qu'elle postule, causerait à (la défende¬resse) un dommage sans commune mesure avec le bénéfice qu'en tire¬rait la commune.

[...]

Dans ces circonstances, la cour estime que doit être remboursée à (la défenderesse), la valeur objective de la prestation fournie, (...), savoir la valeur des travaux que conserve la Commune d'Oupeye, déduction faite des malfaçons et inachèvements.

Au vu du procès-verbal de réception provisoire, le jugement entrepris a correctement estimé, les malfaçons et inachèvements à 5% des mon¬tants facturés. Il a également correctement apprécie la valeur des tra¬vaux que conserve la Commune d'Oupeye sur la base d'une marge bé¬néficiaire estimée à 10% pour (la défenderesse). Il ne s'agit néanmoins pas d'une retenue à titre de sanction mais d'un mode de valorisation des travaux conservés par la commune dans le cadre du compte de restitu¬tion corollaire à l'annulation du marché.

Etant constaté que les factures du 15 avril 2001 et 6 mai 2011 corres¬pondaient à des suppléments réclamés par la Commune d'Oupeye, c'est à bon droit que la décision entreprise a soldé le compte de restitu¬tion par une créance de 5.561,10 euro en faveur de (la défenderesse).

Ce chiffre de 5.561,10 euro est le résultat arithmétique de la différence entre, d'une part la créance de restitution en faveur de la (défenderesse), savoir 302.135,67 euro et, d'autre part le chiffre de 296.574,57 euro attribué aux paiements effectués par la Commune d'Oupeye à la (défenderesse).

Il ressort toutefois des pièces auxquelles tant le premier juge que la Cour ont eu égard, en particulier, du procès-verbal de réception provisoire, que le total de ces paiements s'élevait en réalité à 269.574,57 euro (souligné par la Cour), montant que n'a jamais fait l'objet de contestation. Il s'ensuit que le chiffre de 296.574,57 euro , pris en considération par le jugement entrepris et que s'est ap¬proprié l'arrêt confirmatif du 15 juin 2015, résulte d'une erreur matérielle, en l'occurrence l'inversion des chiffres « 6 » et « 9 » lors de la retranscription des paiements imputables sur la créance de la (défenderesse).

Contrairement à ce que soutient la Commune d'Oupeye, l'action en rectifica¬tion n'a pas pour effet d'étendre, de restreindre ou de modifier les droits con¬sacrés par l'arrêt du 16 juin 2015.

Par motifs propres et appropriés, cet arrêt a reproduit le raisonnement du premier juge qui consistait en l'espèce à opérer une simple compensation entre la créance de restitution adjugée à la (défenderesse) et les paiements constatés, paiements dont les pièces montraient qu'ils totalisaient 269.574,57 euro et qui ne faisaient l'objet d'aucune contestation.

Partant, l'étendue des droits consacrés par l'arrêt du 16 juin 2015, savoir le droit pour la (défenderesse) de se voir octroyer une créance de restitution de 302.135,67 euro , mais déduction faite des paiements qu'elle avait antérieurement reçus, n'est pas modifiée par la rectification postulée.

Il résulte des considérations qui précèdent que le solde restant dû en vertu de l'arrêt du 16 juin 2015, s'élève à (302.135,67 euro - 269.574,57 euro ) = 32.561,10 euro et non 5.561,10 euro , comme indiqué dans la décision confirmée ».

Grief

Première branche

Aux termes de l'article 794, premier alinéa, du Code judiciaire les erreurs et omissions matérielles qui affectent une décision, même passée en force de chose jugée, peuvent toujours être rectifiées par la juridiction qui l'a rendue ou par celle à laquelle elle est déférée sans, cependant, que puissent être étendus, restreints ou modifiés les droits que cette décision a consacrés.

Aux termes de l'article 795 du Code judiciaire les demandes d'interprétation, de rectification ou de réparation de l'omission d'un chef de demande sont portées devant le juge qui a rendu la décision à interpréter, à rectifier ou à réparer, ou devant la juridiction à laquelle la décision est déférée. L'article 797 du Code judiciaire dispose que l'interprétation et la rectification peuvent être décidées d'office.

L'erreur ou l'omission matérielle est l'erreur ou l'omission com-mise par le juge et qui consiste en une erreur de plume. Elle est indépendante de toute appréciation juridictionnelle.

L'erreur de calcul est celle qui porte sur le résultat d'une opération d'arithmétique. Elle peut justifier la rectification de la décision, si elle provient d'une erreur matérielle, révélée par les éléments intrinsèques de la décision judiciaire.

Par ailleurs, si le juge peut rectifier les erreurs matérielles ou de calcul qui seraient contenues dans une décision par lui rendue, il n'y est toute¬fois autorisé qu'à la condition que ne soient pas étendus, restreints ou modi¬fiés les droits que cette décision a consacrés.

En l'occurrence, le premier juge avait par décision du 8 novembre 2013 condamné la commune d'Oupeye à payer à la défenderesse la somme de 5.561,10 euro , à majorer des intérêts judiciaires depuis la date du présent ju¬gement jusqu'au complet paiement, soit la différence entre le montant dû de 302.135,67 euro et les montants payés de 296.574,57 euro .

Par l'arrêt du 16 juin 2015 la Cour d'appel de Liège a confirmé le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, en ce compris la condamna¬tion de la commune d'Oupeye à payer à la défenderesse la somme de 5.561,10 euro , à majorer des intérêts judiciaires depuis la date du présent juge¬ment jusqu'au complet paiement, ce après avoir considéré que « la valeur ob¬jective de la prestation fournie, (...), savoir la valeur des travaux que conserve la Commune d'Oupeye, déduction faite des malfaçons et inachèvements » de¬vait être remboursée à la défenderesse, que le jugement entrepris avait cor-rectement estimé les malfaçons et inachèvements à 5% des montants facturés et qu'il avait également correctement apprécié la valeur des travaux que con¬serve la Commune d'Oupeye sur la base d'une marge bénéficiaire estimée à 10% pour la défenderesse, concluant qu' « étant constaté que les factures du 15 avril 2001 et 6 mai 2011 correspondaient à des suppléments réclamés par la Commune d'Oupeye, c'est à bon droit que la décision entreprise a soldé le compte de restitution par une créance de 5.561,10 euro en faveur de (la défende¬resse). »

L'arrêt du 16 juin 2015 ne cite aucun autre chiffre que celui du solde retenu à charge de la commune.

L'arrêt entrepris constate quant à lui que « ce chiffre de 5.561,10 euro est le résultat arithmétique de la différence entre, d'une part la créance de restitution en faveur de la (défenderesse), savoir 302.135,67 euro et, d'autre part le chiffre de 296.574,57 euro attribué aux paiements effectués par la Commune d'Oupeye à la (défenderesse). »

Cette opération arithmétique ne contient aucune erreur.

Par ailleurs, aucun élément intrinsèque de l'arrêt du 16 juin 2015 ne permet de conclure qu'une des deux composantes de cette opération arithmétique était entachée d'une erreur de plume.

En fait, l'arrêt entrepris n'a conclu à cette soi-disant erreur maté-rielle qu'après un nouvel examen des pièces du dossier, ainsi qu'il ressort clai¬rement du renvoi dans la décision critiquée aux pièces qui furent soumises au premier juge et au juge d'appel.

Par ailleurs, en décidant qu'il faut lire au dispositif de l'arrêt du 16 juin 2015 « confirme le jugement sous la seule émendation que le chiffre de 5.561,10 euro est remplacé par celui de 32.561,10 euro » et non « confirme le juge¬ment entrepris dans toutes ses dispositions », et ce en raison d'une erreur ma¬térielle, la cour d'appel a étendu les droits que cette décision a consacrés en faveur de la défenderesse, en condamnant la demanderesse à payer à la dé¬fenderesse la somme de 32.561,10 euro au lieu de la somme de 5.561,10 euro , à laquelle elle avait été condamnée, tant par le premier juge que par l'arrêt du 16 juin 2015, qui avait confirmé la décision du premier juge en toutes ses dis-positions.

Partant, en déclarant qu'il fallait lire au dispositif de l'arrêt du 16 juin 2015 « confirme le jugement sous la seule émendation que le chiffre de 5.561,10 euro est remplacé par celui de 32.561,10 euro » et non « confirme le juge¬ment entrepris dans toutes ses dispositions », et ce eu égard aux pièces aux¬quelles tant le premier juge que la cour d'appel ont eu égard, en particulier, au procès-verbal de réception provisoire, et, partant, en ayant égard à d'autres éléments que les éléments intrinsèques de l'arrêt, qui faisait l'objet de l'action en rectification, la cour d'appel n'a pas pu relever légalement l'existence d'une erreur matérielle qu'elle était en droit de rectifier (violation des articles 794, 795 et 797 du Code judiciaire). Elle n'a pas davantage pu décider légalement que le dispositif de l'arrêt du 16 juin 2015 devait être lu dans le sens précité, sans étendre ainsi les droits de la défenderesse, tels qu'ils furent fixés définiti¬vement par l'arrêt du 16 juin 2015, au détriment de la demanderesse, multi¬pliant ainsi par six le montant de la condamnation initialement prononcée par l'arrêt du 16 juin 2015, et, partant, n'a pas légalement motivé sa décision (vio¬lation de l'article 794 du Code judiciaire).

Seconde branche

Aux termes de l'article 19 du Code judiciaire le jugement est défi-nitif dans la mesure où il épuise la juridiction du juge sur une question liti¬gieuse, sauf les recours prévus par la loi. Le juge qui a épuisé sa juridiction sur une question litigieuse ne peut plus en être saisi sauf exceptions prévues par le présent Code.

L'article 20 du Code judiciaire dispose que les jugements ne peu-vent être anéantis que sur les recours prévus par la loi.

Aux termes de l'article 21 du Code judiciaire les recours ordinaires sont l'opposition et l'appel. Il existe en outre, selon les cas, des voies de re¬cours extraordinaires: le pourvoi en cassation, la tierce opposition, la requête civile et la prise à partie.

L'article 28 du Code judiciaire dispose que toute décision passe en force de chose jugée dès qu'elle n'est plus susceptible d'opposition ou d'appel, sauf les exceptions prévues par la loi et sans préjudice des effets des recours extraordinaires. En toutes matières, l'appel peut être formé dès la pro¬nonciation du jugement, même si celui-ci a été rendu par défaut.

Aux termes de l'article 608 du Code judiciaire la Cour de Cassa-tion connaît des décisions rendues en dernier ressort qui lui sont déférées pour contravention à la loi ou pour violation des formes, soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité.

L'article 1073 du Code judiciaire dispose que, hormis les cas où la loi établit un délai plus court, le délai pour introduire le pourvoi en cassation est de trois mois à partir du jour de la signification de la décision attaquée ou de la notification de celle-ci faite conformément à l'article 792, alinéa 2 et 3.

Aux termes de l'article 794, premier alinéa, du Code judiciaire les erreurs et omissions matérielles qui affectent une décision, même passée en force de chose jugée, peuvent toujours être rectifiées par la juridiction qui l'a rendue ou par celle à laquelle elle est déférée sans, cependant, que puissent être étendus, restreints ou modifiés les droits que cette décision a consacrés. L'article 795 du Code judiciaire dispose que les demandes d'interprétation, de rectification ou de réparation de l'omission d'un chef de demande sont portées devant le juge qui a rendu la décision à interpréter, à rectifier ou à réparer, ou devant la juridiction à laquelle la décision est déférée.

Il ressort de l'ensemble de ces dispositions que le juge d'appel qui a épuisé sa juridiction en faisant droit sur une question litigieuse, n'est plus en droit d'étendre ou de modifier les droits qu'il a consacrés.

En l'occurrence, il apparaît de la lecture de l'arrêt du 16 juin 2015 que la cour d'appel avait confirmé la décision du 8 novembre 2013, laquelle avait condamné la commune d'Oupeye à payer à la défenderesse la somme de 5.561,10 euro , à majorer des intérêts judiciaires depuis la date du présent ju¬gement jusqu'au complet paiement, soit la différence entre le montant dû de 302.135,67 euro et les montants payés de 296.574,57 euro , dans toutes ses disposi¬tions, concluant qu' « étant constaté que les factures du 15 avril 2001 et 6 mai 2011 correspondaient à des suppléments réclamés par la Commune d'Oupeye, c'est à bon droit que la décision entreprise a soldé le compte de restitution par une créance de 5.561,10 euro en faveur de (la défenderesse). »

Partant, en décidant qu'il faut lire au dispositif de l'arrêt du 16 juin 2015 « confirme le jugement sous la seule émendation que le chiffre de 5.561,10 euro est remplacé par celui de 32.561,10 euro » et non « confirme le juge¬ment entrepris dans toutes ses dispositions », multipliant ainsi par six le mon¬tant de la condamnation initialement prononcée par l'arrêt du 16 juin 2015, la cour d'appel a, en fait, revu la décision, par laquelle elle avait déjà épuisé sa juridiction sur la question, à savoir le montant à restituer, s'arrogeant ainsi un pouvoir qui ne lui revenait pas (violation des articles 19, 20, 21, 28, 608, 792, 794, 795, 797 et 1073 du Code judiciaire).

DEVELOPPEMENTS

1. Aux termes de l'article de l'article 794, premier alinéa, du Code judiciaire les erreurs et omissions matérielles qui affectent une décision, même passée en force de chose jugée, peuvent toujours être rectifiées par la juridic¬tion qui l'a rendue ou par celle à laquelle elle est déférée sans, cependant, que puissent être étendus, restreints ou modifiés les droits que cette décision a consacrés.

L'erreur ou l'omission matérielle est l'erreur ou l'omission com-mise par le juge et qui consiste en une erreur de plume. Elle est indépendante de toute appréciation juridictionnelle (G. de Leval, e.a., Droit judiciaire, tome 2, Manuel de la procédure civile, Bruxelles, Larcier, 2015, 673).

L'erreur de calcul est celle qui porte sur le résultat d'une opération d'arithmétique et qui est révélée par les éléments intrinsèques de la décision judiciaire (Cass. 14 septembre 1983, Pas. 1984, I, 34 ; Cass. 12 avril 1984, Pas. 1984, I, 1009 ; Cass. 9 octobre 1992, Pas. 1992, I, n° 658 ; 7 juin 2000, Pas. 2000, n° 347 ; Cass. 20 février 2002, Pas. 2002, 528 ; Cass. 25 février 2002, Pas. 2002, 538).

Il n'y a pas lieu à rectification lorsque le juge a mal lu le montant figurant dans un document qui lui est soumis à titre de preuve (Cass. 14 sep¬tembre 1983, Pas. 1984, I, 34).

Par ailleurs, si le juge peut rectifier les erreurs matérielles ou de calcul qui seraient contenues dans une décision par lui rendue, il n'y est toute¬fois autorisé qu'à la condition que ne soient pas étendus, restreints ou modi¬fiés les droits que cette décision a consacrés.

En l'occurrence, la cour d'appel constate en l'arrêt entrepris que « ce chiffre de 5.561,10 euro est le résultat arithmétique de la différence entre, d'une part la créance de restitution en faveur de la (défenderesse), savoir 302.135,67 euro et, d'autre part le chiffre de 296.574,57 euro attribué aux paiements effectués par la Commune d'Oupeye à la (défenderesse). »

Cette opération est correcte.

Il ne ressort par ailleurs d'aucun élément intrinsèque de l'arrêt du 16 juin 2015 que le juge d'appel aurait commis une erreur de plume. Le seul chiffre qui y figure est le chiffre de 5.561,10 euro .

L'arrêt entrepris se réfère, en fait, aux pièces auxquelles tant le premier juge que la cour d'appel ont eu égard, lorsqu'ils ont rendu leur déci¬sion, pour conclure à cette « erreur matérielle ». Autrement dit, la cour d'appel a dû réexaminer les pièces du dossier pour revoir le dispositif de l'arrêt du 16 juin 2015.

Partant, elle n'a pas pu décider légalement à l'existence d'une er-reur matérielle.

Par ailleurs, en décidant qu'il faut lire au dispositif de l'arrêt du 16 juin 2016 « confirme le jugement sous la seule émendation que le chiffre de 5.561,10 euro est remplacé par celui de 32.561,10 euro » et non « confirme le juge¬ment entrepris dans toutes ses dispositions », la cour d'appel a étendu les droits, que cette décision a consacrés en faveur de la défenderesse, condam¬nant la demanderesse à payer à la défenderesse la somme de 32.561,10 euro au lieu de la somme de 5.561,10 euro , à laquelle la demanderesse avait été con¬damnée, tant par le premier juge que par l'arrêt du 16 juin 2015, qui avait con¬firmé la décision du premier juge en toutes ses dispositions.

Or, l'action en rectification ne permet pas d'étendre les droits d'une partie au détriment de l'autre partie.

2. D'ailleurs, en décidant qu'il faut lire au dispositif de l'arrêt du 16 juin 2016 « confirme le jugement sous la seule émendation que le chiffre de 5.561,10 euro est remplacé par celui de 32.561,10 euro » et non « confirme le juge¬ment entrepris dans toutes ses dispositions », multipliant ainsi par six le mon¬tant de la condamnation initialement prononcée par l'arrêt du 16 juin 2015, la cour d'appel s'est, en fait, arrogé un pouvoir qui ne lui revenait pas, à savoir celui de revoir une décision, par laquelle le juge a déjà épuisé sa juridiction sur la question.

Or, en application des articles 19, 20, 21, 28, 608 et 1073 du Code judiciaire, une décision rendue en appel ne peut être anéantie que sur un recours en cassation.

Partant, la décision entreprise n'a pas été légalement rendue.

PAR CES CONSIDERATIONS

Conclut pour la demanderesse en cassation, l'avocat à la Cour de cassation soussignée, Messieurs, Mesdames, qu'il vous plaise, casser les ar¬rêts entrepris et renvoyer la cause et les parties devant une autre cour d'appel ; dépens comme de droit.

Bruxelles, le 19 juin 2017


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.17.0391.F
Date de la décision : 25/10/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-10-25;c.17.0391.f ?

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