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25/10/2018 | BELGIQUE | N°C.17.0294.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 25 octobre 2018, C.17.0294.F


N° C.17.0294.F
1. J. M. et
2. A. M.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,

contre

1. A. C. et
2. C. G.,
3. R. C. et
4. L. A.,
5. D. D. B. et
6. S. G.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.

I. La procÃ

©dure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 7 décembre 2016 par la cour d&ap...

N° C.17.0294.F
1. J. M. et
2. A. M.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,

contre

1. A. C. et
2. C. G.,
3. R. C. et
4. L. A.,
5. D. D. B. et
6. S. G.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 7 décembre 2016 par la cour d'appel de Mons.
Le 27 septembre 2018, l'avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Christian Storck a fait rapport et l'avocat général Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent trois moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

L'arrêt constate qu'à la suite du compromis de vente du 20 août 2007, les demandeurs ont été autorisés, dès le 1er septembre 2007, à occuper gratuitement l'appartement qu'ils venaient d'acquérir, nonobstant quelques travaux qui restaient à effectuer, et qu'ils ont fait « procéder à des travaux d'aménagement des lieux sans justifier avoir informé les vendeurs ni a fortiori avoir obtenu leur autorisation ».
Il observe que si, par lettre du 5 décembre 2007, les demandeurs « évoquent différents problèmes et sollicitent, dans un délai maximum de quatre jours, des éclaircissements faute de quoi ils seront contraints de solliciter la résiliation de la vente, [...] ils sont tenus au courant, par plusieurs lettres du notaire devant instrumenter, des démarches entreprises par les défendeurs quant aux problèmes évoqués » et que, concomitamment à la mise en demeure qu'ils font adresser aux défendeurs le 29 janvier 2008 « de passer l'acte authentique de vente dans les quinze jours pour autant que tous ceux-ci soient réglés », ils déclarent à la police ne plus vouloir acheter le bien et avoir l'intention de quitter les lieux ».
Il relève que les défendeurs, après avoir rappelé, le 4 février 2008, l'occupation gratuite des lieux et fait « appel à la bonne foi et à la bonne volonté de chacun pour éviter une procédure et passer l'acte à bref délai », ont mis les demandeurs en demeure le 7 mars 2008 « d'autoriser le placement des détecteurs d'incendie dans l'appartement afin d'obtenir le certificat de conformité des pompiers qu'ils sollicitaient, le surplus des travaux ayant été réalisé en février 2008 », que, le 14 juillet 2008, les pompiers ont émis un avis favorable à l'exploitation du bâtiment, les travaux ayant été réalisés quatre jours après le départ des demandeurs, que le permis de régularisation a été accordé le 22 janvier 2009 et que les défendeurs « ont confirmé à l'audience qu'ils étaient prêts à laisser les demandeurs occuper gratuitement l'appartement jusqu'à l'obtention de [celui-ci] et même jusqu'à la passation de l'acte authentique ».
Sur la base de ces énonciations, dont il résulte qu'aux yeux de la cour d'appel, ce n'est qu'après avoir décidé de renoncer à l'achat de l'appartement qu'ils occupaient gratuitement depuis plusieurs mois que les demandeurs ont invoqué le retard mis à passer l'acte authentique de vente pour se prévaloir de la clause résolutoire expresse, ce « retard des défendeurs relatif à la régularisation de la situation notamment urbanistique du bien permettant la passation de l'acte authentique n'ayant pour seul effet que de leur bénéficier », l'arrêt a pu légalement décider que les demandeurs abusaient de leur droit d'invoquer ce retard pour solliciter l'application de la clause résolutoire expresse et la condamnation des défendeurs à l'indemnité conventionnelle de 10 p.c. prévue par cette clause.
Le moyen ne peut être accueilli.

Sur le deuxième moyen :

L'examen de la contradiction dénoncée par le moyen suppose l'interprétation de l'article 1184 du Code civil, dont l'arrêt fait application.
Pareil grief est étranger à l'article 149 de la Constitution.
Le moyen est irrecevable.

Sur le troisième moyen :

Quant à la première branche :

En vertu de l'article 555 in fine du Code civil, si les constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé, qui n'aurait pas été condamné à la restitution des fruits, attendu sa bonne foi, le propriétaire ne pourra demander la suppression desdits ouvrages et constructions mais il aura le choix, ou de rembourser la valeur des matériaux et du prix de la main-d'œuvre, ou de rembourser une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur.
Le tiers évincé, qui n'aurait pas été condamné à la restitution des fruits, attendu sa bonne foi, est celui qui, aux termes des articles 549 et 550 du même code, possède comme propriétaire, en vertu d'un titre translatif de propriété dont il ignore les vices.
La résolution d'un tel titre translatif n'a, en application des articles 1183 ou 1184 du Code civil, pas pour effet que le titre serait vicié dès sa formation.
Elle se situe dès lors en dehors du champ d'application des articles 549 et 550 de ce code et, partant, de l'article 555 in fine.
Le moyen, qui, en cette branche, repose tout entier sur le soutènement contraire, manque en droit.

Quant à la seconde branche :

En condamnant les demandeurs, sur la base de l'article 555, alinéa 2, du Code civil, à indemniser les défendeurs du préjudice résultant de la suppression des aménagements qu'ils ont apportés à l'immeuble, l'arrêt statue, en la rejetant, sur leur demande contraire d'être indemnisés par les défendeurs du chef de ceux-ci et répond à leurs conclusions sur ce point.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.
Pour le surplus, d'une part, le moyen, qui, en cette branche, ne précise pas la règle de l'article 555 du Code civil à laquelle se rapporte son grief, est, dans cette mesure, irrecevable.
D'autre part, le principe général du droit de l'interdiction de l'enrichissement sans cause n'est pas applicable en présence d'une disposition légale qui justifie l'appauvrissement.
Dans la mesure où il repose sur le soutènement contraire, le moyen, en cette branche, manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de deux mille cent nonante euros trente-six centimes envers les parties demanderesses, y compris la somme de quarante euros au profit du Fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Mireille Delange, Michel Lemal et Marie-Claire Ernotte, et prononcé en audience publique du vingt-cinq octobre deux mille dix-huit par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

P. De Wadripont M.-Cl. Ernotte M. Lemal
M. Delange D. Batselé Chr. Storck

Requête
POURVOI EN CASSATION

POUR

M. J. et M. A.,

demandeurs en cassation,

assistés et représentés par Me François T'KINT, avocat à la Cour de cassation soussigné, dont le cabinet est établi à 6000 Charleroi, rue de l'Athénée, 9, chez qui il est fait élection de domicile.

CONTRE

C. A. et G. C.,

C. R. et A. L.,

D. B. D. et G. S.,

défendeurs en cassation.

***

A Messieurs les premier président et président, Mesdames et Messieurs les Conseillers composant la Cour de cassation de Belgique,

Mesdames,
Messieurs,

Les demandeurs ont l'honneur de soumettre à votre censure l'arrêt contradictoirement rendu, entre parties, par la vingt-et-unième chambre de la cour d'appel de Mons, en date du 7 décembre 2016 (2015 RG 881).

***

Les faits de la cause et antécédents de la procédure, auxquels votre Cour peut avoir égard, peuvent être résumés comme suit.

1.
L'affaire soumise à votre censure concerne la vente d'un appartement situé rue C. à ..., par les consorts C. et D. B. (et leurs épouses), ici défendeurs, à Monsieur et Madame M.-M., ici demandeurs, pour un prix de 140.000 euros.

2.
Une promesse de vente avait été signée en date du 20 août 2007.

L'acte authentique de vente devait être reçu le 30 octobre 2007 au plus tard.

La promesse de vente prévoyait aussi que « si une des parties reste en défaut de remplir ses obligations et après une mise en demeure adressée par lettre recommandée à la poste ou exploit d'huissier, restée sans suite pendant quinze jours, la vente sera résolue de plein droit ».

La même clause précisait encore que « dans ce cas une somme forfaitaire de dix (10) pour cent sera due par la partie en défaut, à titre de dommages et intérêts, sous réserve des dispositions fixées par l'article 1231 paragraphe 1 et suivants du Code civil, dont les parties reconnaissent avoir connaissance ».

Les demandeurs ont été autorisés à occuper l'appartement litigieux gratuitement, dès le 1er septembre 2007, dans la mesure où ils étaient sans logement à la suite de la vente de leur immeuble.

3.
Toutefois, l'acte authentique n'a pu être passé dans le délai imparti, pour des questions de liberté hypothécaire, de régularisation urbanistique et de travaux encore à effectuer en matière de prévention des incendies.

Par courrier recommandé du 29 janvier 2008, les demandeurs, à l'intermédiaire de leur conseil, ont mis les vendeurs en demeure d'avoir à participer à la réception de l'acte authentique de vente, dans un délai de quinze jours au maximum.

Ce courrier du 29 janvier 2008 précisait aussi ce qui suit : « Je vous prie de noter, par ailleurs que, si malheureusement, l'acte authentique n'est pas reçu dans le délai de quinzaine, après qu'une solution ait été trouvée à l'ensemble des problèmes évoqués ci-avant, mes clients seront alors amenés à postuler non seulement le paiement de l'indemnité conventionnelle, mais la restitution de l'acompte qu'ils ont versé, ainsi que l'obtention d'une indemnité couvrant l'ensemble des travaux réalisés par leurs soins (...) ».

Par courrier du 4 février 2008, le conseil des défendeurs a réagi à la mise en demeure des demandeurs, en rappelant l'occupation gratuite des lieux depuis le 1er septembre 2007, en faisant appel à la bonne foi et à la bonne volonté de chacun pour éviter une procédure et passer l'acte à bref délai, et en rappelant que le compromis ne mentionnait nullement le paiement d'un acompte.

Par courrier du 7 mars 2008, le conseil des défendeurs a mis les demandeurs en demeure d'autoriser le placement des détecteurs d'incendie dans l'appartement, afin d'obtenir le certificat de conformité des pompiers qu'ils sollicitaient, le surplus des travaux ayant été réalisés en février 2008.

4.
En date du 11 mars 2008, les demandeurs ont cité les défendeurs devant le tribunal de première instance de Charleroi, en vue d'obtenir la « résiliation (de la vente) aux torts et griefs des vendeurs ».

Entretemps, une demande de régularisation du permis d'urbanisme sera introduite par les défendeurs, le 13 mars 2008, et les demandeurs quitteront les lieux, dont ils restitueront les clés, le 19 mai 2008.

L'expert C. sera désigné, de commun accord par les parties, pour procéder à l'examen des lieux après le départ des demandeurs.

Le 14 juillet 2008, les pompiers émettront un avis favorable à l'exploitation du bâtiment en tant que logement collectif, les travaux ayant été réalisés quatre jours après le départ des demandeurs, et le permis de régularisation sera finalement accordé le 22 janvier 2009.

5.
Suivant leurs dernières conclusions en première instance, les demandeurs ont sollicité, du tribunal de première instance de Charleroi, la résolution de la vente litigieuse aux torts et griefs des défendeurs et la condamnation solidaire de ceux-ci à leur payer les sommes de 14.000 euros, à titre d'indemnité conventionnelle, de 6.741, 67 euros à titre d'impenses et de 25.000 euros, à titre de remboursement d'un acompte qui aurait été payé par eux, outre les intérêts sur ces sommes.

Cette demande a été contestée, notamment quant au paiement de l'acompte et, à titre reconventionnel, les défendeurs ont sollicité la résolution de la vente aux torts des demandeurs et leur condamnation à leur payer la somme principale de 34.371, 95 euros, représentant le coût des travaux de remise en état de l'appartement que les demandeurs avaient quitté en mai 2008, sa moins-value, le chômage immobilier, des dommages et intérêts ainsi que les honoraires versés à l'agent immobilier qui avait reçu l'offre d'achat.

Les demandeurs ont également formé une demande incidente, en vérification d'écriture du document produit par eux, relatif au paiement et à la réception d'un acompte de 25.000 euros, perçu en deux temps, document dont les prétendus signataires, Messieurs A. et R. C., contestaient la signature.

6.
Un premier jugement a été rendu en date du 25 février 2010 par le tribunal de première instance de Charleroi.

Avec ce jugement, le tribunal a ordonné la mise en œuvre de la procédure de vérification des écritures et a ordonné la comparution personnelle des parties, avec documents et pièces de comparaison.

Cette comparution personnelle a eu lieu en date du 16 décembre 2010 et un procès-verbal en vérification d'écritures a été dressé.

S'estimant toutefois insuffisamment éclairé, le tribunal a, par jugement du 13 janvier 2011, désigné, en qualité d'expert, M. D., afin de déterminer si l'écrit litigieux avait été écrit de la main d'une des parties à la cause ou de la main d'un tiers.

L'expert judiciaire a déposé son rapport en date du 5 janvier 2012.

Il a conclu que les deux signatures, au nom de MM. R. et A. C., n'étaient pas de leur main ni de celle de Mme C. G.

Les demandeurs ont, de leur côté, fait établir un contre rapport unilatéral, par Monsieur D., qui a conclu, le 21 décembre 2011, que « chacune des deux signatures est plus que probablement de la même main, d'une part Mr C. A. et d'autre part Mr C. R., et tracées par leurs auteurs avec la volonté de la contrefaire de façon à pouvoir la contester ultérieurement ».

Un second rapport, du même sieur D., sera établi le 31 janvier 2012, concluant que « l'on peut donc affirmer sans crainte d'erreur que nous avons devant nous trois textes tracés par un seul et même scripteur, à savoir Madame C. G. ».

7.
Par jugement du 23 avril 2015, le tribunal de première instance de Charleroi a dit la demande reconventionnelle des défendeurs non fondée.

Quant à la demande principale des demandeurs, il l'a déclarée partiellement fondée et, en conséquence:

- il a condamné les défendeurs, solidairement, à leur payer le montant total et définitif de 20.747, 96 euros, majoré des intérêts compensatoires, à dater du 11 mars 2008, et des intérêts judiciaires, jusqu'à complet paiement; ce montant comprenait l'indemnité conventionnelle de 10 % du prix de vente, soit 14.000 euros, ainsi que l'indemnisation des acheteurs pour les travaux et aménagements qu'ils avaient effectués légitimement et qui avaient profité à l'immeuble, indemnisation évaluée à la somme de 6.747, 96 euros.

- il a débouté les demandeurs du surplus de leurs demandes ;

- il a délaissé aux défendeurs leurs frais et dépens et les a condamnés, solidairement, aux frais et dépens des demandeurs, liquidés et réduits à la somme totale de 6.448, 22 euros.

8.
Les défendeurs ont interjeté appel de ce jugement.

En substance, ils poursuivaient la réformation du jugement entrepris, sauf en ce qu'il avait dit non fondée la demande de restitution d'un acompte de 25.000 euros et réitéraient leur demande de résolution de la vente, aux torts des demandeurs e, et de condamnation à leur payer la somme de 34.371, 95 euros et les indemnités de procédure des deux instances, outre la moitié de l'état de frais et honoraires de l'expert C., mandaté de commun accord après la libération des lieux, pour déterminer « le coût des travaux de remise en état suite aux éventuelles modifications et transformations, la moins-value éventuelle et l'éventuel chomâge immobilier ».

Les demandeurs ont, également, introduit un appel incident.

Ils réitéraient leur demande initiale, en principal et intérêts, et sollicitaient, à titre subsidiaire, un complément d'expertise graphologique et, à titre plus subsidiaire encore, la production, par l'agence chargée de la vente, des documents relatifs au prix cible de l'appartement et que le serment soit déféré aux parties.

9.

Par arrêt du 7 décembre 2016, la vingt-et-unième chambre de la cour d'appel de Mons a reçu les appels, principal et incident, et a dit seul et partiellement fondé l'appel principal des défendeurs.

En conséquence, la cour d'appel a mis à néant le jugement entrepris et, statuant par voie de dispositions nouvelles, a dit la demande principale des demandeurs non fondée et la demande reconventionnelle des défendeurs partiellement fondée.

Partant, la cour d'appel a prononcé la résolution de la vente avenue le 20 août 2007 aux torts des demandeurs et les a condamnés à payer, aux défendeurs, la somme de 7.824, 06 euros, majorée des intérêts judiciaires et des dépens, liquidés aux indemnités de procédures des deux instances taxées à la somme de 7.000 euros, le surplus étant réservé.

Les frais et honoraires de l'expert D. étaient également délaissés aux demandeurs.

A l'encontre de cet arrêt, les demandeurs croient pouvoir formuler les moyens de cassation ci-après libellés.

***

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Dispositions légales violées

Articles 1134, 1184, 1226, 1229 et 1231 du Code civil ;

principal général de droit déduit de l'interdiction de l'abus de droit.

Décision attaquée et motifs critiqués

Pour prononcer la résolution de la vente avenue le 20 août 2007 aux torts des demandeurs, mettre à néant le jugement entrepris et, statuant par voie de dispositions nouvelles, dire la demande principale non fondée et la demande reconventionnelle partiellement fondée, condamner les demandeurs à payer, aux défendeurs, la somme de 7.824, 06 euros, majorée des intérêts judiciaires et des dépens, liquidés aux indemnités de procédure des deux instances taxées à la somme de 7.000 euros, le surplus étant réservé,

l'arrêt attaqué rappelle :

« L'offre ferme d'achat de l'appartement litigieux au prix de 140.000 euro signée par (les demandeurs) le 31 juillet 2017 après la visite des lieux en compagnie du préposé de l'agence mandatée par les (défendeurs) pour la vente du loft à l'état neuf, hormis le grenier et à l'exception des peintures, ne comporte que la seule précision d'un paiement comptant sans condition d'obtention d'un prêt.

Le compromis de vente signé le 20 août 2007 prévoit la signature de l'acte authentique à la date extrême du 30 octobre 2007 à l'intervention du seul notaire T. F., les acquéreurs reconnaissant avoir été invités à contacter eux-mêmes les services de la commune et toutes autorités publiques afin de s'assurer que le bien vendu pourrait recevoir la destination qu'ils envisageaient de lui donner.

Aucun de ces écrits ne mentionne le paiement d'un acompte.

Le compromis contient une clause résolutoire expresse dans l'hypothèse où l'une des parties resterait en défaut de remplir ses obligations après une mise en demeure adressée par lettre recommandée ou exploit d'huissier restée sans suite durant quinze jours stipulant une clause pénale forfaitaire de 10 % à sa charge outre les frais exposés pour aboutir à la résolution judiciaire ou à l'exécution.

(les demandeurs) ont été autorisés à occuper gratuitement l'appartement litigieux dès le 1er septembre 2007 étant sans logement suite à la vente de leur immeuble, alors que quelques travaux d'aménagement restaient à effectuer notamment pour satisfaire aux exigences des pompiers.

Ils signent à une date non précisée le plan de répartition des parcelles de jardin à l'arrière de l'immeuble et des emplacements de parking à l'avant et font procéder à des travaux d'aménagement des lieux sans justifier avoir informé les vendeurs ni a fortiori avoir obtenu leur autorisation (....)

Par courrier du 5 décembre 2007 adressé au (défendeur) R. C., ils évoquent différents problèmes et sollicitent, dans un délai maximum de quatre jours, des éclaircissements, faute de quoi ils seront contraints de solliciter la résiliation de la vente.

Par plusieurs courriers du notaire devant instrumenter, ils sont tenus au courant des démarches entreprises par les (défendeurs) quant aux problèmes évoqués et font adresser à ceux-ci par leur conseil le 29 janvier 2008 une mise en demeure de passer l'acte authentique de vente dans les quinze jours pour autant que tous ceux-ci soient réglés.

A défaut de solution, ils annoncent la réclamation de l'indemnité conventionnelle et de l'acompte payé.

Concomitamment, ils avaient déposé plainte contre les (défendeurs) les 20 et 21 décembre 2017 et 12 et 19 février 2008 pour violation de domicile, (le demandeur en cassation) déclarant à cette dernière date ne plus vouloir acheter l'appartement, avoir l'intention de quitter les lieux pour s'établir chez leur fils (qui avait été victime d'un grave accident dont il décèdera) tout en n'étant pas désireux d'établir son domicile et celui de son épouse ailleurs qu'à la rue C. ‘beaucoup d'argent étant en jeu actuellement'.

Par courrier du 4 février 2008, le conseil des (défendeurs) réagit à leur mise en demeure du 29 janvier précédent quant au délai de 15 jours y évoqué, rappelant l'occupation gratuite des lieux par les (demandeurs) depuis le 1er septembre 2007, faisant appel à la bonne foi et à la bonne volonté de chacun pour éviter une procédure et passer l'acte à bref délai rappelant que le compromis ne mentionne nullement le paiement d'un acompte.

Par courrier officiel du 7 mars 2008, il mettait en demeure les acquéreurs d'autoriser le placement des détecteurs d'incendie dans l'appartement afin d'obtenir le certificat de conformité des pompiers qu'ils sollicitaient, le surplus des travaux ayant été réalisé en février 2008.

Citation en "résiliation aux torts et griefs des vendeurs" est alors signifiée le 11 mars 2008 sur la base de la non passation de l'acte authentique dans le délai convenu et condamnation de ceux-ci à payer l'indemnité conventionnelle de 10 % et l'acompte de 25.000 euro .

La demande de régularisation de permis d'urbanisme sera introduite par les (défendeurs) le 13 mars 2008 et le 21 mai 2008, l'expert C. chargé de commun accord par les parties de procéder à l'examen des lieux avec la mission rappelée ci-dessus, les clés ayant été restituées le 19 mai 2008.

Le 14 juillet 2008, les pompiers émettent un avis favorable à l'exploitation du bâtiment en tant que logement collectif, les travaux ayant été réalisés quatre jours après le départ des (demandeurs) et le permis de régularisation est accordé le 22 janvier 2009.

A l'audience du 2 novembre 2016, les consorts C. et D. D. B. ont confirmé qu'ils étaient prêts à laisser les (demandeurs) occuper gratuitement l'appartement jusqu'à l'obtention du permis de régularisation et même jusqu'à la passation de l'acte authentique »,

et décide, en ce qui concerne la résolution de la vente, qu' « à juste titre, elle a été prononcée par le premier juge, chacune des parties la sollicitant et l'exécution forcée du contrat de vente étant devenue impossible, le bien ayant été vendu à un tiers »,

et, en ce qui concerne l'application de la clause résolutoire expresse, que « les (défendeurs) estiment à juste titre que les (demandeurs) abusent de leur droit de solliciter l'application de la clause résolutoire expresse convenue, à défaut de l'exécution par l'une des parties de ses obligations en invoquant le défaut de passation de l'acte authentique à la date fixée alors que, avant la signification de la citation introductive d'instance en ce sens, ils avaient décidé de ne plus acheter l'appartement (voir leur déclaration à la police le 19 février 2008 [...]) »,

aux motifs que :

« Le pacte commissoire expres(..) n'implique en effet nullement l'attribution d'un droit discrétionnaire aux parties, le juge pouvant contrôler sa mise en œuvre au regard de la théorie de l'abus de droit (J.F. GERMAIN, Le contrôle de la gravité du manquement en présence d'une clause résolutoire expresse, RGDC, 2010, note n°7 sous Cass., 9 mars 2009, RGDC, 2010, p. 130).

Compte tenu de toutes les circonstances de l'espèce telles que rappelées ci-dessus et surtout, de leur décision en février 2008 de renoncer à l'achat de l'appartement litigieux qu'ils ont occupé gratuitement, (les demandeurs) exercent leur droit d'invoquer le retard de passation de l'acte authentique d'une manière excédant manifestement les limites de l'exercice de celui-ci par une personne prudente et diligente.

La sanction de cet abus consistera en la privation pour eux du droit de se prévaloir de cette clause entraînant l'application de l'article 1184 du Code civil (Cass., 8 février 2001, Pas., 2001, p. 244, n° 78) ».

Griefs

Selon l'article 1134 du Code civil, les conventions régulièrement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Par ailleurs, le principe de l'exécution de bonne foi des conventions, consacré par l'article 1134, alinéa 3, du Code civil, interdit à une partie à un contrat d'abuser des droits que lui confère celui-ci. L'abus de droit consiste à exercer un droit d'une manière qui excède manifestement les limites de l'exercice normal de ce droit par une personne prudente et diligente. Dans son examen d'un abus de droit éventuel, le juge est tenu d'examiner, in concreto, la proportion entre l'avantage recherché ou obtenu par le titulaire du droit et le dommage causé à l'autre partie. Dans l'appréciation des intérêts en présence, le juge doit tenir compte de toutes les circonstances de la cause.

Dans les conventions synallagmatiques, la condition résolutoire est toujours sous-entendue, pour le cas où l'une des parties ne satisfera point à son engagement (article 1184, alinéa 1er, du Code civil). En cas de manquement par une des parties à ses obligations contractuelles, l'article 1184, alinéa 2, du Code civil prévoit que l'autre partie a le choix d'opter soit pour l'exécution forcée de la convention, soit pour sa résolution judiciaire avec dommages et intérêts. En principe, la résolution doit être demandée en justice, étant entendu qu'un pacte commissoire exprès, inséré dans la convention, permet la résolution de plein droit de celle-ci, sans avoir à passer préalablement par le juge. Cela n'empêche toutefois pas le juge d'intervenir, a postériori, à l'initiative de l'une ou l'autre des parties, et de contrôler si les conditions mises à l'application du pacte commissoire exprès étaient ou non réunies dans l'espèce qui lui est soumise. De même, lorsque les parties ont convenu d'une clause pénale, comme les y autorisent les articles 1226 et 1229 du Code civil, en cas d'inexécution de la convention, le juge saisi pourra en réduire le montant, en faisant usage du pouvoir d'appréciation que lui confère l'article 1231 du Code civil, si la somme prévue est manifestement excessive par rapport au montant que les parties pouvaient fixer pour réparer le dommage résultant de l'inexécution de la convention.

En l'espèce, les juges d'appel ont conclu à l'existence d'un abus de droit dans le chef des demandeurs, « compte tenu de toutes les circonstances de l'espèce telles que rappelées ci-dessus et surtout, de leur décision en février 2008 de renoncer à l'achat de l'appartement litigieux qu'ils ont occupé gratuitement ». Ils ne précisent cependant pas en quoi ni comment les demandeurs auraient abusé de leur droit, en l'exerçant d'une manière qui aurait excédé manifestement les limites de l'exercice normal de ce droit par une personne normalement prudente et diligente. En particulier, les juges d'appel n'indiquent pas en quoi la renonciation par les demandeurs à la vente, dans les circonstances de la cause et après que les défendeurs sont restés en défaut de passer l'acte authentique dans le délai convenu, en raison, notamment, d'obstacles d'ordre urbanistique auxquels les demandeurs étaient étrangers et qui ne seront résolus que bien plus tard(le permis de régularisation ayant été finalement accordé le 22 janvier 2009) serait constitutif d'un abus de droit dans leur chef. L'arrêt attaqué n'indique pas davantage en quoi le fait pour les demandeurs d'avoir occupé gratuitement l'immeuble depuis septembre 2007, comme convenu entre parties, puis d'avoir, ensuite, renoncé à la vente et cité les défendeurs en résolution de la vente de l'immeuble qu'ils avaient cessé d'occuper, après avoir mis les défendeurs en demeure de passer l'acte authentique de vente alors que le délai convenu était déjà expiré, serait constitutif, dans les circonstances particulières de l'espèce, d'un abus de droit. De même, les constatations de l'arrêt ne permettent, en aucun cas, de déduire que le montant de la clause indemnitaire, fixée à 10 % du prix, serait excessif au regard des articles 1226, 1229 et 1231 du Code civil.

Il s'ensuit que la décision des juges d'appel, selon laquelle les demandeurs n'étaient pas en droit de se prévaloir de la clause indemnitaire de 10 % prévue au compromis, en cas de non-respect du délai dans lequel l'acte authentique de vente devait être passé, parce qu'ils auraient, ce faisant, abusé de leur droit, n'est pas légalement justifiée et viole les articles 1134, 1184,1226, 1229 et 1231 du Code civil, ainsi que le principe général de droit déduit de l'interdiction de l'abus de droit, dans la mesure où il ne ressort nullement des constatations de l'arrêt attaqué que les demandeurs auraient, dans les circonstances particulières de la cause, abusé de leur droit de mettre en œuvre la clause compromissoire expresse et de se prévaloir de la clause indemnitaire de 10 % du prix de vente.

Développements

Pour rappel, « le principe de l'exécution de bonne foi des conventions, consacré par l'article 1134, alinéa 3, du Code civil, interdit à une partie à un contrat d'abuser des droits que lui confère celui-ci.

L'abus de droit consiste à exercer un droit d'une manière qui excède manifestement les limites de l'exercice normal de ce droit par une personne prudente et diligente.

Le juge est tenu d'examiner la proportion entre l'avantage recherché ou obtenu par le titulaire du droit et le dommage causé à l'autre partie.

Dans l'appréciation des intérêts en présence, le juge doit tenir compte de toutes les circonstances de la cause » (Cass., 19 mars 2015, C.13.0218.F).

Votre Cour a eu l'occasion de préciser également qu'il peut y avoir abus de droit, même si le droit visé est d'ordre public ou impératif (Cass., 2 avril 2015, C.140281.F).

L'abus de droit n'est pas non plus exclu lorsque l'exercice d'un droit est fondé sur des dispositions légales dont la violation peut être sanctionnée pénalement (Cass., 10 juin 2004, C.020039.N).

En l'espèce, les juges d'appel ont conclu à l'existence d'un abus de droit dans le chef des demandeurs, "compte tenu de toutes les circonstances de l'espèce telles que rappelées ci-dessus et surtout, de leur décision en février 2008 de renoncer à l'achat de l'appartement litigieux qu'ils ont occupé gratuitement".

Or, cette décision n'est pas légalement justifiée, dans la mesure où les juges d'appel n'indiquent pas en quoi les demandeurs auraient abusé de leur droit, en l'exerçant d'une manière qui excèderait manifestement les limites de l'exercice normal de ce droit par une personne prudente et diligente.

En effet, les demandeurs n'ont rien fait d'autre que de solliciter la résolution - judiciaire - de la vente, en invoquant l'application de la clause pénale prévue dans la clause compromissoire expresse et il n'est pas contesté que cette clause pénale de 10 pourcent ne revêtait pas un caractère excessif en l'espèce.

Les demandeurs l'ont fait, de surcroît, après avoir patienté plusieurs mois - pour rappel, en effet, l'acte authentique devait être passé pour le 30 octobre 2007 au plus tard- et après avoir mis les vendeurs en demeure de passer l'acte authentique et de régulariser la situation en matière urbanistique et de prévention des incendies, notamment par courrier de leur conseil du 28 janvier 2008.

Certes, à l'appui de sa décision, la cour d'appel invoque un arrêt de Votre Cour du 9 mars 2009 (C.08.0331.F), qui concernait la vente de la nue-propriété de trois immeubles, moyennant le paiement de rentes viagères, aux termes d'actes stipulant un pacte commissoire exprès, en cas de défaut de paiement d'un arrérage de la vente, et reconnaissant au crédirentier, en cas d'application de ce pacte, le droit de conserver notamment, à titre d'indemnité, les arrérages perçus.

Dans cette affaire, votre Cour a jugé qu'"en n'examinant pas ainsi si A.J. et, après son décès, la défenderesse n'ont pas retiré de l'usage de leur droit de résolution un avantage sans proportion avec la charge corrélative des demandeurs, compte-tenu de ce que cet usage implique non seulement la conservation des arrérages perçus mais aussi le bénéfice de la restitution de l'objet des ventes, l'arrêt ne justifie pas légalement sa décision".

Toutefois, les circonstances de la présente espèce sont très différentes : en effet, personne n'a sollicité, ici, l'exécution forcée de la convention (l'appartement en question a d'ailleurs été revendu ultérieurement à un tiers), les deux parties sollicitaient la résolution de la convention et le seul point sur lequel elles divergeaient était de savoir aux torts de qui cette résolution devait être prononcée. Rien ne permet d'affirmer, en effet, qu'en la présente espèce, l'une des parties aurait retiré, de la résolution de la vente, un avantage sans proportion avec la charge corrélative que la résolution impliquait à charge de l'autre partie.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Dispositions légales violées

Article 149 de la Constitution.

Décision attaquée et motifs critiqués

Pour prononcer la résolution de la vente avenue le 20 août 2007 aux torts exclusifs des demandeurs, mettre à néant le jugement entrepris et, statuant par voie de dispositions nouvelles, dire la demande principale non fondée et la demande reconventionnelle partiellement fondée, condamner les demandeurs à payer, aux défendeurs, la somme de 7.824, 06 euros, majorée des intérêts judiciaires et des dépens, liquidés aux indemnités de procédure des deux instances taxées à la somme de 7.000 euros, le surplus étant réservé, l'arrêt attaqué décide, d'une part, que "compte tenu de toutes les circonstances de l'espèce telles que rappelées ci-dessus et surtout, de leur décision en février 2008 de renoncer à l'achat de l'appartement litigieux qu'ils ont occupé gratuitement, (les demandeurs) exercent leur droit d'invoquer le retard de passation de l'acte authentique d'une manière excédant manifestement les limites de l'exercice de celui-ci par une personne prudente et diligente.

La sanction de cet abus consistera en la privation pour eux du droit de se prévaloir de cette clause entraînant l'application de l'article 1184 du Code civil (...)" et, d'autre part, que "compte tenu des circonstances de fait énumérés ci-dessus, de la décision des (demandeurs) de renoncer à l'achat de l'appartement litigieux qu'ils pouvaient occuper gratuitement jusqu'à la passation de l'acte authentique, la résolution du contrat sera prononcée à leurs torts, le retard des (défendeurs) relatif à la régularisation de la situation notamment urbanistique du bien permettant la passation de l'acte authentique n'ayant pour seul effet que de leur bénéficier".

Griefs

La contradiction dans les motifs équivaut à une absence de motivation et à la violation de l'article 149 de la Constitution.

L'arrêt attaqué décide, d'abord, que les demandeurs ont abusé de leur droit de se prévaloir de la clause compromissoire expresse prévue au compromis et d'obtenir paiement de l'indemnité de 10 % du prix de vente, en cas de manquement de l'une des parties à ses obligations, en l'espèce l'absence de la passation de l'acte authentique dans le délai imparti, ce qui implique que les demandeurs exerçaient, certes abusivement aux yeux des juges d'appel, un droit dont ils étaient titulaires, qui trouvait son origine dans les manquements des défendeurs à leurs obligations contractuelles, essentiellement en ce qui concerne le délai dans lequel l'acte authentique devait intervenir et qui justifiait, en principe, la résolution de la convention aux torts des défendeurs et l'application du pacte commissoire expres et de l'indemnité de 10 % du prix de vente.

En décidant, ensuite, que la résolution du contrat sera prononcée aux torts exclusifs des demandeurs, le retard des défendeurs relatif à la régularisation de la situation, notamment urbanistique, du bien permettant la passation de l'acte authentique n'ayant pour seul effet que de bénéficier aux demandeurs, l'arrêt attaqué est entaché de contradiction dans les motifs et, partant, viole l'article 149 de la Constitution coordonnée, dans la mesure où il décide, d'une part, que les demandeurs abusent de leur droit de mettre en œuvre le pacte commissoire exprès prévu à la convention et de se prévaloir de la clause indemnitaire de 10 %, ce qui implique l'existence d'un manquement, dans le chef des défendeurs, justifiant en principe la résolution de la convention aux torts des défendeurs et, d'autre part, que la convention est résolue aux seuls torts des demandeurs, ce qui implique qu'aux yeux des juges d'appel, les défendeurs n'auraient commis aucun manquement susceptible d'entrainer la résolution de la convention à leurs torts, même partagés.

Développements

Le moyen n'appelle pas de développements particuliers.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Dispositions légales violées

Article 555 du Code civil ;

article 149 de la constitution ;

article 1138, spécialement 3° du Code judiciaire ;

principe général de droit déduit de l'interdiction de l'enrichissement sans cause.

Décision attaquée et motifs critiqués

Pour prononcer la résolution de la vente avenue le 20 août 2007 aux torts exclusifs des demandeurs, mettre à néant le jugement entrepris et, statuant par voie de dispositions nouvelles, dire la demande principale non fondée et la demande reconventionnelle partiellement fondée, condamner les demandeurs à payer, aux défendeurs, la somme de 7.824, 06 euros, majorée des intérêts judiciaires et des dépens, liquidés aux indemnités de procédure des deux instances taxées à la somme de 7.000 euros, le surplus étant réservé,

l'arrêt attaqué rappelle d'abord que:

« L'offre ferme d'achat de l'appartement litigieux au prix de 140.000 euro signée par (les demandeurs) le 31 juillet 2017 après la visite des lieux en compagnie du préposé de l'agence mandatée par les (défendeurs) pour la vente du loft à l'état neuf, hormis le grenier et à l'exception des peintures, ne comporte que la seule précision d'un paiement comptant sans condition d'obtention d'un prêt.

Le compromis de vente signé le 20 août 2007 prévoit la signature de l'acte authentique à la date extrême du 30 octobre 2007 à l'intervention du seul notaire T. F., les acquéreurs reconnaissant avoir été invités à contacter eux-mêmes les services de la commune et toutes autorités publiques afin de s'assurer que le bien vendu pourrait recevoir la destination qu'ils envisageaient de lui donner.

Aucun de ces écrits ne mentionne le paiement d'un acompte.

Le compromis contient une clause résolutoire expresse dans l'hypothèse où l'une des parties resterait en défaut de remplir ses obligations après une mise en demeure adressée par lettre recommandée ou exploit d'huissier restée sans suite durant quinze jours stipulant une clause pénale forfaitaire de 10 % à sa charge outre les frais exposés pour aboutir à la résolution judiciaire ou à l'exécution.

(les demandeurs) ont été autorisés à occuper gratuitement l'appartement litigieux dès le 1er septembre 2007 étant sans logement suite à la vente de leur immeuble, alors que quelques travaux d'aménagements restaient à effectuer notamment pour satisfaire aux exigences des pompiers.

Ils signent à une date non précisée le plan de répartition des parcelles de jardin à l'arrière de l'immeuble et des emplacements de parking à l'avant et font procéder à des travaux d'aménagement des lieux sans justifier avoir informé les vendeurs ni a fortiori avoir obtenu leur autorisation (....)

Par courrier du 5 décembre 2007 adressé au (défendeur en cassation) R. C., ils évoquent différents problèmes et sollicitent, dans un délai maximum de quatre jours, des éclaircissements, faute de quoi ils seront contraints de solliciter la résiliation de la vente.

Par plusieurs courriers du notaire devant instrumenter, ils sont tenus au courant des démarches entreprises par les (défendeurs) quant aux problèmes évoqués et font adresser à ceux-ci par leur conseil le 29 janvier 2008 une mise en demeure de passer l'acte authentique de vente dans les quinze jours pour autant que tous ceux-ci soient réglés.

A défaut de solution, ils annoncent la réclamation de l'indemnité conventionnelle et de l'acompte payé.

Concomitamment, ils avaient déposé plainte contre les (défendeurs) les 20 et 21 décembre 2017 et 12 et 19 février 2008 pour violation de domicile, (le demandeur en cassation) déclarant à cette dernière date ne plus vouloir acheter l'appartement, avoir l'intention de quitter les lieux pour s'établir chez leur fils (qui avait été victime d'un grave accident dont il décèdera) tout en n'étant pas désireux d'établir son domicile et celui de son épouse ailleurs qu'à la rue C. ‘beaucoup d'argent étant en jeu actuellement'.

Par courrier du 4 février 2008, le conseil des (défendeurs) réagit à leur mise en demeure du 29 janvier précédent quant au délai de 15 jours y évoqué, rappelant l'occupation gratuite des lieux par les (demandeurs) depuis le 1er septembre 2007, faisant appel à la bonne foi et à la bonne volonté de chacun pour éviter une procédure et passer l'acte à bref délai rappelant que le compromis ne mentionne nullement le paiement d'un acompte.

Par courrier officiel du 7 mars 2008, il mettait en demeure les acquéreurs d'autoriser le placement des détecteurs d'incendie dans l'appartement afin d'obtenir le certificat de conformité des pompiers qu'ils sollicitaient, le surplus des travaux ayant été réalisé en février 2008.

Citation en "résiliation aux torts et griefs des vendeurs" est alors signifiée le 11 mars 2008 sur la base de la non passation de l'acte authentique dans le délai convenu et condamnation de ceux-ci à payer l'indemnité conventionnelle de 10 % et l'acompte de 25.000 euro .

La demande de régularisation de permis d'urbanisme sera introduite par les (défendeurs) le 13 mars 2008 et le 21 mai 2008, l'expert C. chargé de commun accord par les parties de procéder à l'examen des lieux avec la mission rappelée ci-dessus, les clés ayant été restituées le 19 mai 2008.

Le 14 juillet 2008, les pompiers émettent un avis favorable à l'exploitation du bâtiment en tant que logement collectif, les travaux ayant été réalisés quatre jours après le départ des (demandeurs) et le permis de régularisation est accordé le 22 janvier 2009.

A l'audience du 2 novembre 2016, les consorts C. et D. D. B. ont confirmé qu'ils étaient prêts à laisser les (demandeurs) occuper gratuitement l'appartement jusqu'à l'obtention du permis de régularisation et même jusqu'à la passation de l'acte authentique ».

Il énonce ensuite, page 8, que « Les parties sollicitent toutes deux la résolution de la vente aux torts de l'autre et la condamnation de celui-ci au paiement de l'indemnité de 10 % prévue par la clause compromissoire expresse.

Il leur appartient de rapporter la preuve de manquements de leur cocontractant à ses obligations suffisamment graves pour justifier la sanction de la résolution de la vente à ses torts, chacun contestant cette demande »,

et décide que « compte tenu des circonstances de fait énumérés ci-dessus, de la décision des (demandeurs) de renoncer à l'achat de l'appartement litigieux qu'ils pouvaient occuper gratuitement jusqu'à la passation de l'acte authentique, la résolution du contrat sera prononcée à leurs torts, le retard des (défendeurs) relatif à la régularisation de la situation notamment urbanistique du bien permettant la passation de l'acte authentique n'ayant pour seul effet que de leur bénéficier", de sorte qu'"ils sont en conséquence tenus de réparer le dommage causé en exécution de l'article 1184 du Code civil, les choses étant pour le surplus remises en leur pristin état. (...)

(...) s'agissant de remettre les choses en pristin état suite à la résolution du contrat, ils (lire: les défendeurs) sont justifiés à obtenir sur la base de l'article 555 alinéa 2 du Code civil l'indemnisation du préjudice résultant de la suppression des aménagements auxquels les (demandeurs) avaient procédés évalués par l'expert mandaté à cette fin aux sommes non contestées de 6.994, 45 euro et 240 euro .

(...)
Les frais et honoraires de l'expert mandaté de commun accord à frais partagés qui ne sont pas des dépens mais un élément de leur dommage incombent également aux (demandeurs) (1.179, 21 euro / 2 = 589, 61 euro ) ».

Griefs

Suivant l'article 555 du Code civil, lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec ses matériaux, le propriétaire du fonds a droit ou de les retenir, ou d'obliger ce tiers à les enlever.

Si le propriétaire du fonds demande la suppression des plantations et constructions, elle est faite aux frais de celui qui les a faites, sans aucune indemnité pour lui; il peut même être condamné à des dommages et intérêts, s'il y a lieu, pour le préjudice que peut avoir éprouvé le propriétaire du fonds.

Si le propriétaire préfère conserver ces plantations et constructions, il doit le remboursement de la valeur des matériaux et du prix de la main d'œuvre, sans égard à la plus ou moins grande augmentation de valeur que le fonds a pu recevoir.

Première branche

Toutefois, conformément à l'article 555 in fine du Code civil, si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé, qui n'aurait pas été condamné à la restitution des fruits, attendu sa bonne foi, le propriétaire ne pourra demander la suppression des dits ouvrages, plantations et constructions, mais il aura le choix, ou de rembourser la valeur des matériaux et du prix de la main d'œuvre, ou de rembourser une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur.

Il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que les demandeurs avaient été autorisés, aux termes du compromis de vente, à occuper gratuitement les lieux, dans l'attente de la passation de l'acte authentique.

Il s'ensuit dès lors qu'ils doivent être considérés comme « tiers évincés, de bonne foi » au sens de l'article 555, in fine du Code civil, de sorte que le propriétaire du fonds n'est pas en droit de solliciter la suppression des améliorations qu'ils ont apportées au bien et la remise des lieux en leur pristin état.

Partant, l'arrêt attaqué qui décide, "(...) s'agissant de remettre les choses en pristin état suite à la résolution du contrat, (que) (les défendeurs) sont justifiés à obtenir sur la base de l'article 555 alinéa 2 du Code civil l'indemnisation du préjudice résultant de la suppression des aménagements auxquels les (demandeurs)avaient procédé évalués par l'expert mandaté à cette fin aux sommes non contestées de 6.994, 45 euro et 240 euro », ne justifie pas légalement sa décision et viole l'article 555 du Code civil.

Seconde branche

Dans son jugement du 23 avril 2015, le premier juge avait décidé que les défendeurs redevables, envers les demandeurs, d'une indemnité en application de la théorie des impenses et/ou de dommages et intérêts, à la suite du fait qu'ils ont dû quitter les lieux en laissant derrière eux des investissements qu'ils avaient fait dans le bien, en vue d'arranger celui-ci, de le rendre confortable et habitable.

Le premier juge avait estimé que l'indemnité due aux demandeurs sera comptabilisée et évaluée en fonction des achats que ceux-ci ont effectués pour améliorer le bien, par exemple, en posant du parquet, en effectuant la peinture des murs, en achetant les accessoires de la salle de bain, etc.., tenant compte de ce que les demandeurs sont repartis avec la cuisine qu'ils avaient installée.

Un total de 6.747, 96 euros avait dès lors été octroyé par le premier juge, aux demandeurs, à titre de dommages et intérêts et sur base de la théorie des impenses (article 555 du Code civil).

Or, les juges d'appel ne se prononcent pas sur cette question, alors pourtant que les demandeurs avaient maintenu cette demande en degré d'appel (voyez la page 33 de leurs conclusions d'appel), demande qu'ils fondaient certes sur la disposition contractuelle contenue dans le compromis de vente sous le verbo « exécution », mais aussi sur la théorie des impenses (article 555 du Code civil), et, à titre subsidiaire, sur la théorie de l'enrichissement sans cause, ces deux derniers fondements étant indépendants de toute notion de manquement contractuel lié à la résolution de la convention.

Il s'ensuit que les juges d'appel, qui omettent de se prononcer sur ce chef de demande des demandeurs ou le rejettent de manière implicite, violent l'article 149 de la Constitution en ne répondant pas aux conclusions des demandeurs sur ce point, à tout le moins, violent l'article 1138, 3° du Code judiciaire en omettant de se prononcer sur ce chef de demande.

En tout état de cause, à supposer que les juges d'appel aient rejeté, serait-ce de manière implicite, ce chef de demande des demandeurs, au motif que la résolution de la convention aurait été prononcée à leurs torts, ils violent l'article 555 du Code civil ainsi que le principe général de droit de l'interdiction de l'enrichissement sans cause, dans la mesure où les demandeurs étaient en droit, sur la base de ces deux fondements, d'obtenir une indemnisation pour les travaux effectués et qui profitaient aux propriétaires du fonds après leur départ et la résolution de la vente, indépendamment de toute imputabilité d'une quelconque faute contractuelle dans leur chef.

Développements

Le moyen n'appelle pas de développements particuliers.

***

PAR CES MOTIFS,

L'avocat à la Cour de cassation soussigné conclut, pour les demandeurs, qu'il vous plaise, Mesdames, Messieurs, casser l'arrêt attaqué, ordonner que mention de votre décision soit faite en marge de la décision annulée, renvoyer la cause et les parties devant une autre cour d'appel et statuer comme de droit quant aux droit.

Charleroi, le 7 november 2018

Annexe :

1. Déclaration pro fisco conforme à l'arrêté royal du 12 mai 2015


François T'KINT
Avocat à la Cour de cassation


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.17.0294.F
Date de la décision : 25/10/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-10-25;c.17.0294.f ?

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