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24/10/2018 | BELGIQUE | N°P.18.0270.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 24 octobre 2018, P.18.0270.F


N° P.18.0270.F
COMMUNE D'EVERE, représentée par son collège des bourgmestre et échevins, dont les bureaux sont établis à Evere, square Hoedemaekers, 10,
partie civile,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseils Maîtres David Ribant et Marc Uyttendaele, avocats au barreau de Bruxelles,

contre

C.L., T., inculpé,
défendeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Mathieu Velghe, avocat au barreau de Bruxelles.




I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR


Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 21 février 2018 par la

cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoi...

N° P.18.0270.F
COMMUNE D'EVERE, représentée par son collège des bourgmestre et échevins, dont les bureaux sont établis à Evere, square Hoedemaekers, 10,
partie civile,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseils Maîtres David Ribant et Marc Uyttendaele, avocats au barreau de Bruxelles,

contre

C.L., T., inculpé,
défendeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Mathieu Velghe, avocat au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 21 février 2018 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur la fin de non-recevoir opposée au pourvoi par le défendeur et déduite de la méconnaissance des articles 703 du Code judiciaire, 416 et 427 du Code d'instruction criminelle et 123, 8°, et 270 de l'arrêté royal du 24 juin 1988 portant codification de la loi communale sous l'intitulé « Nouvelle loi communale » :

L'article 123, 8°, de la nouvelle loi communale dispose que le collège des bourgmestre et échevins est chargé des actions judiciaires.

Conformément à l'article 270, alinéa 1er, de la loi précitée, le collège des bourgmestre et échevins répond en justice à toute action intentée à la commune, il intente les actions en référé et les actions possessoires et il fait tous actes conservatoires ou interruptifs de la prescription et des déchéances.

Il ressort des pièces déposées par la demanderesse dans le délai de deux mois prévu par l'article 429 du Code d'instruction criminelle que
- par délibération du 6 mars 2018, le collège des bourgmestre et échevins a décidé de proposer au conseil communal d'introduire un pourvoi en cassation et de désigner à cet effet un avocat ;
- par délibération du 29 mars 2018, le conseil communal a approuvé la décision précitée du collège et l'a autorisé à former un pourvoi.

La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.

Sur la fin de non-recevoir opposée au pourvoi et au mémoire par le défendeur et déduite de la méconnaissance des articles 427 et 429 du Code d'instruction criminelle :

Selon le défendeur, la demanderesse devait, à peine d'irrecevabilité, signifier son pourvoi au ministère public et lui communiquer son mémoire, dès lors que l'arrêt attaqué la condamne aux frais d'appel.

Le défendeur n'a pas d'intérêt à contester la légalité de la décision des juges d'appel de mettre lesdits frais à charge de la demanderesse.

La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.

Sur le premier moyen :

Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen par le défendeur et déduite de sa nouveauté et de son imprécision en tant qu'il est pris de la violation des articles 848, alinéas 1er et 3, du Code judiciaire, et 1998, alinéa 2, du Code civil :

Les autres dispositions dont la violation est invoquée au soutien du moyen suffisent pour l'examen de celui-ci.

La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.

Quant à la première branche :

Le moyen est pris de la violation des articles 123, 8°, et 270, alinéa 2, de la nouvelle loi communale, 703 et 848, alinéas 1er et 3, du Code judiciaire et 1998, alinéa 2, du Code civil.

La demanderesse reproche à l'arrêt de dire son action civile irrecevable aux motifs que, lors de la constitution de partie civile, la commune était représentée par son bourgmestre sans intervention du collège des bourgmestre et échevins, et qu'il ne ressort d'aucune pièce que le collège a pris, au préalable, une décision définitive quant à la constitution de partie civile de la commune contre le défendeur. Le moyen fait valoir que le collège a pris une première décision d'ester le 1er juillet 2014 et une seconde le 19 août 2014, que le collège a mis à l'ordre du jour de la réunion du conseil communal du 25 septembre 2014 le point relatif à l'autorisation de déposer cette plainte et que, après avoir reçu cette autorisation, le collège a une nouvelle fois, le 7 octobre 2014, confirmé son intention de déposer plainte. Le moyen ajoute qu'il est évident que le collège n'aurait pas mis ladite demande d'autorisation à l'ordre du jour de la réunion du conseil communal du 25 septembre 2014, s'il n'avait pas eu l'intention de déposer cette plainte, et que ce qui précède prouve de manière implicite mais certaine que le collège a valablement décidé d'agir, même si la terminologie de ses délibérations est maladroite.

Comme le relève le défendeur, il ne ressort pas du dossier de la procédure qu'une pièce décrite par la demanderesse comme étant une décision d'agir en justice contre lui, prise par le collège des bourgmestre et échevins le 1er juillet 2014, ait été soumise à la chambre des mises en accusation ou à la chambre du conseil. Il n'apparaît pas davantage que cette pièce, ainsi que la fixation à l'ordre du jour de la réunion du conseil communal du 25 septembre 2014 d'un point relatif à la décision d'autoriser le collège à se constituer partie civile contre le défendeur, aient été invoquées devant ces juridictions.

En tant qu'il se réfère à la décision que le collège des bourgmestre et échevins aurait prise le 1er juillet 2014, le moyen est soumis pour la première fois à la Cour. Dans cette mesure, exigeant pour son examen une vérification en fait qui n'est pas en son pouvoir, le moyen est irrecevable.

En vertu des articles 123, 8°, et 270, alinéa 2, de la nouvelle loi communale, le collège des bourgmestre et échevins est chargé des actions judiciaires de la commune soit en demandant, soit en défendant, et les actions dans lesquelles la commune intervient comme demanderesse ne peuvent être intentées par le collège qu'après autorisation du conseil communal.

Il résulte de ces dispositions que l'action de la commune est intentée par le collège des bourgmestre et échevins moyennant l'autorisation du conseil communal.

A cet égard, il faut, mais il suffit, que le collège ait manifesté de manière certaine sa volonté d'introduire l'action judiciaire considérée. L'interprétation utile des délibérations du conseil communal et du collège des bourgmestre et échevins requiert qu'elles soient confrontées aux dispositions de la loi dont elles se veulent l'application, la détermination de ce que l'un et l'autre de ces organes pouvaient faire étant une indication de ce qu'ils ont fait.

Dès lors qu'en vertu des dispositions précitées, il n'appartient pas au conseil communal de décider d'intenter l'action judiciaire, mais seulement de l'autoriser, l'autorisation donnée par le conseil au collège implique en principe, à moins qu'il existe des indications en sens contraire, que le collège a préalablement pris la décision d'intenter l'action et de soumettre cette décision à l'autorisation du conseil.

La juridiction d'instruction apprécie souverainement, en fait, si le collège a pris la décision d'intenter une action judiciaire, la Cour vérifiant si le juge ne déduit pas des faits qu'il a constatés des conséquences qui seraient sans lien avec eux ou qui ne seraient susceptibles, sur leur fondement, d'aucune justification.

L'arrêt constate que le conseil communal, le 25 septembre 2014, a autorisé le collège des bourgmestre et échevins à se constituer partie civile. Il constate également que ce dernier, lors de ses réunions des 19 août et 7 octobre 2014, a décidé de désigner un cabinet d'avocats « chargé de défendre les intérêts de la commune dans le cas d'une ‘éventuelle extension pénale de la procédure' menée contre [le défendeur] ».

Les juges d'appel ont considéré qu'il ne ressortait d'aucune pièce que le collège des bourgmestre et échevins avait pris, au préalable, une décision définitive quant à la constitution de partie civile de la commune contre le défendeur, que la décision du conseil communal du 25 septembre 2014 avait laissé le collège des bourgmestre et échevins libre d'entreprendre ou non l'acte qu'il était autorisé d'accomplir, et que l'éventualité mentionnée expressément dans les décisions du collège des 19 août et 7 octobre 2014 impliquait que lesdites décisions ne concernaient que les préparatifs d'une éventuelle constitution de partie civile, sans qu'une décision formelle ait déjà été prise à ce sujet.

Les juges d'appel n'ont pas considéré que le conseil communal avait accordé l'autorisation de sa propre initiative, sans qu'elle lui ait été préalablement demandée par le collège.

Après avoir constaté que le conseil avait autorisé le collège à se constituer partie civile et que ce dernier avait désigné un cabinet d'avocats, les juges d'appel n'ont pas pu légalement considérer qu'il ne ressortait d'aucune pièce que le collège avait pris, au préalable, une décision définitive quant à la constitution de partie civile de la commune contre le défendeur, ni que les décisions du collège des 19 août et 7 octobre 2014 ne concernaient que les préparatifs d'une éventuelle constitution de partie civile qui n'avait pas encore été décidée.

Dans cette mesure, le moyen est fondé.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les frais pour qu'il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause à la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation, autrement composée.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-quatre octobre deux mille dix-huit par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.
F. Gobert F. Lugentz T. Konsek
E. de Formanoir F. Roggen B. Dejemeppe


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.18.0270.F
Date de la décision : 24/10/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-10-24;p.18.0270.f ?

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