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23/10/2018 | BELGIQUE | N°P.18.0983.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 23 octobre 2018, P.18.0983.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.18.0983.N
M. V. Z.,
interné,
demandeur en cassation,
Me Peter Verpoorten, avocat au barreau d'Anvers.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre une décision rendue le 26 septembre 2018 par le tribunal de l'application des peines d'Anvers, chambre de protection sociale.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
L'avocat général Marc Timperman a conclu.
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II. LA DÉCISION DE LA COUR
(...)
Sur le premier moyen :

3. Le moyen est pris de la violation des art...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.18.0983.N
M. V. Z.,
interné,
demandeur en cassation,
Me Peter Verpoorten, avocat au barreau d'Anvers.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre une décision rendue le 26 septembre 2018 par le tribunal de l'application des peines d'Anvers, chambre de protection sociale.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
L'avocat général Marc Timperman a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR
(...)
Sur le premier moyen :

3. Le moyen est pris de la violation des articles 3, 5, § 1er, e, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et 2 de la loi du 5 mai 2014 relative à l'internement : en rejetant les demandes de mise en liberté du demandeur, ce dernier reste détenu en prison, laquelle n'est pas un établissement adéquat pour le demandeur et, partant, le directeur est tenu de rendre un nouvel avis au plus tard le 26 septembre 2019 et le jugement attaqué méconnaît le droit du demandeur à bénéficier de soins dans un délai raisonnable.

4. L'article 3 de la Convention dispose : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ».

Aux termes de l'article 5, § 1er, de la Convention : « Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : (...) e) s'il s'agit de la détention régulière (...) d'un aliéné (...) ».

L'article 5, § 4, de la Convention dispose : « Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale ».

Aux termes de l'article 2 de la loi du 5 mai 2014 : « L'internement, tel que visé à l'article 9 de la présente loi, de personnes atteintes d'un trouble mental est une mesure de sûreté destinée à la fois à protéger la société et à faire en sorte que soient dispensés à la personne internée les soins requis par son état en vue de sa réinsertion dans la société.
Compte tenu du risque pour la sécurité et de l'état de santé de la personne internée, celle-ci se verra proposer les soins dont elle a besoin pour mener une vie conforme à la dignité humaine. Ces soins doivent permettre à la personne internée de se réinsérer le mieux possible dans la société et sont dispensés - lorsque cela est indiqué et réalisable - par le biais d'un trajet de soins de manière à être adaptés à la personne internée ».

5. Il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme que :
- la « régularité » d'une privation de liberté concerne non seulement la détention en tant que telle mais aussi son exécution ultérieure ;
- la détention doit être conforme non seulement au droit interne mais aussi aux motifs énumérés limitativement par l'article 5, § 1er, de la Convention, afin de prévenir toute forme d'arbitraire, et un lien doit exister entre, d'une part, ces motifs et, d'autre part, le lieu et le régime de détention ;
- la détention fondée sur l'article 5, § 1er, e, de la Convention vise tant la protection du malade mental que celle de la société et ne sera régulière que si elle se déroule dans un hôpital, une clinique ou un autre établissement adapté.

6. Si l'internement en tant que tel d'un malade mental doit être nécessaire et proportionné, l'irrégularité commise lors de l'exécution de la mesure d'internement doit aussi être sanctionnée de manière proportionnée : des soins inappropriés peuvent constituer une irrégularité au sens des articles 3, 5, § 1er, e, et 5, § 4, de la Convention et de l'article 2 de la loi du 5 mai 2014, sans pour autant pouvoir justifier la mise en liberté d'un malade mental si celle-ci présente un danger pour la société.

Le fait que la mise en liberté d'un interné puisse présenter un danger pour la société peut constituer un motif distinct sur la base duquel la commission de protection sociale peut décider de maintenir la détention dudit interné, pour autant qu'elle mette en balance l'intérêt de la société qu'il y a lieu de défendre et l'éventuelle irrégularité de la privation de liberté de l'interné, qui requiert une mise en liberté. Ainsi, la chambre de protection sociale est appelée à statuer sur le caractère proportionnel du maintien en détention de l'interné.

7. Le jugement considère que :
- dans son rapport, le Service psychosocial estime que le risque de récidive et de commission de nouveaux faits dans le chef du demandeur est très élevé ;
- le Dr De Laender, psychiatre dans ce service, fait référence au score élevé sur l'échelle de psychopathie qui a été établie en 2010 au moyen d'un test PCL-R, peu de changements ayant été observés depuis lors quant à la problématique-clé propre au demandeur ;
- il est fait référence aux traits de personnalité antisociaux et narcissiques, au degré élevé d'intelligence, au comportement manipulateur, à des comportements d'évitement et à l'incapacité de tenir ses engagements ;
- l'évaluation des risques effectuée encore récemment, le 31 mars 2017, par le criminologue du centre psychiatrique universitaire Sint-Kamillus à la demande du Dr Vanwezer, confirme avant tout ces constatations ;
- il est clairement fait mention de la présence de troubles de la personnalité antisociaux et narcissiques ainsi que d'un manque de prise de conscience et, par conséquent, de l'absence de propension à se soumettre à un accompagnement ou à un traitement, ce qui entraîne la persistance du risque de récidive ;
- certes, l'accent est principalement mis sur la récidive de faits de vol ou d'évasion et l'existence d'une attitude propice à la violence n'est pas invoquée ;
- d'autre part, il est fait référence à la recrudescence des tensions et de la colère en tant que facteurs déclencheurs importants, y compris au moment où le rapport a été établi ;
- le tribunal constate qu'il n'y a pas d'élément objectif permettant de mettre en doute ces assertions étayées ;
- les seuls arguments de l'âge avançant du demandeur, de l'absence de nouveaux faits infractionnels depuis les faits ayant justifié son internement alors qu'il s'est surtout trouvé en détention depuis lors, et du constat qu'il ne semble pas avoir commis de faits infractionnels connus au cours de sa récente évasion, peuvent difficilement affecter ces constatations ;
- le demandeur ne rend pas admissible que dorénavant il ne représente plus aucun danger pour la société et il n'y a donc aucune obligation d'ordonner sa mise en liberté.

Par ces motifs, la chambre de protection sociale, après avoir mis en balance les intérêts de la société et l'irrégularité éventuelle de la privation de liberté du demandeur, apprécie la proportionnalité de la mise en liberté immédiate demandée par rapport aux intérêts de la société, pour aboutir à la conclusion que lesdits intérêts exigent que le demandeur ne soit pas libéré. Cette décision est légalement justifiée.

Le moyen ne peut être accueilli.
(...)
PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Paul Maffei, président, Filip Van Volsem, Alain Bloch, Antoine Lievens et Erwin Francis, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-trois octobre deux mille dix-huit par le président Paul Maffei, en présence de l'avocat général Henri Vanderlinden, avec l'assistance du greffier délégué Véronique Kosynsky.

Traduction établie sous le contrôle du conseiller Michel Lemal et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.18.0983.N
Date de la décision : 23/10/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-10-23;p.18.0983.n ?

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