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17/10/2018 | BELGIQUE | N°P.18.0266.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 17 octobre 2018, P.18.0266.F


N° P.18.0266.F
M. M.
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Cédric Bernes, avocat au barreau de Namur,

contre

1. R. M.
2. M. J.
3. Maître Jean-Louis DAVID, avocat, agissant en qualité de curateur à la faillite de Monsieur L. M.
parties civiles,
défendeurs en cassation.



I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 15 février 2018 par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le demandeur fait valoir deux moyens dans un mémoire annexé au présent a

rrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L'avocat général Damien Vanderm...

N° P.18.0266.F
M. M.
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Cédric Bernes, avocat au barreau de Namur,

contre

1. R. M.
2. M. J.
3. Maître Jean-Louis DAVID, avocat, agissant en qualité de curateur à la faillite de Monsieur L. M.
parties civiles,
défendeurs en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 15 février 2018 par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le demandeur fait valoir deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision de condamnation rendue sur l'action publique :

Sur le premier moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 496 du Code pénal, ainsi que de la méconnaissance des règles relatives à la charge de la preuve en matière répressive.

Quant à la première branche :

Le demandeur reproche à la cour d'appel de ne pas avoir justifié légalement sa décision de le reconnaître coupable, en qualité de coauteur, d'une escroquerie au préjudice des deux premiers défendeurs. Il fait d'abord grief aux juges d'appel de s'être bornés à retenir l'existence de manœuvres qui ne sauraient être considérées comme frauduleuses dès lors que, selon l'arrêt, elles ont consisté en l'utilisation du numéro d'assujetissement à la TVA du demandeur, pour justifier la conclusion d'un contrat d'entreprise par son fils, qui ne disposait pas d'un tel enregistrement, et le versement d'acomptes par les défendeurs, qui étaient informés de cette situation. Selon le demandeur, les juges d'appel ont en outre fait dépendre l'existence des manœuvres frauduleuses de circonstances de fait postérieures à la remise des acomptes, soit la non-exécution du contrat. Enfin, selon le demandeur, eu égard aux éléments de fait relevés par les juges d'appel, il n'aurait pu y avoir dans son chef de manœuvres frauduleuses de nature à convaincre les défendeurs de verser ces acomptes.

La participation punissable visée à l'article 66 du Code pénal requiert que le co-auteur fournisse une forme de coopération légalement prévue à un crime ou à un délit, qu'il sache qu'il coopère à ce crime ou à ce délit et qu'il ait l'intention de coopérer à ce crime ou à ce délit.

L'arrêt ne se borne pas à considérer que les manœuvres frauduleuses auxquelles les prévenus ont eu recours ont consisté dans la circonstance, connue des défendeurs, que le demandeur prêtait à son fils son numéro d'enregistrement à la TVA. Accordant foi aux explications des défendeurs, les juges d'appel, aux pages 8 et 9 de leur décision, ont en outre constaté que les allégations des prévenus à ce sujet avaient été confortées, et les défendeurs mis en confiance, par l'intervention du demandeur, qui avait montré aux défendeurs son savoir-faire en commentant le devis, en discutant avec eux des différents postes de la commande de la cuisine et en leur remettant un plan, tandis qu'il avait confirmé qu'il superviserait l'exécution du contrat.

Par ailleurs, contrairement à ce que le moyen soutient, les juges d'appel ont décidé, aux termes d'une appréciation qui gît en fait, d'une part, que ces agissements avaient convaincu les parties civiles de procéder au versement des acomptes, matérialisant ainsi, conformément à l'article 496, alinéa 1er, du Code pénal, la remise des fonds, et d'autre part, que le demandeur n'ignorait pas, lorsqu'il posa ces actes, que son fils n'était pas en mesure d'exécuter le contrat d'entreprise.

Ainsi, les juges d'appel ont légalement décidé que le demandeur avait participé à l'escroquerie au préjudice des défendeurs.

Dans cette mesure, procédant d'une lecture incomplète de l'arrêt, le moyen manque en fait.

Pour le surplus, revenant à critiquer l'appréciation en fait des juges d'appel et exigeant, pour son examen, une vérification d'éléments de fait, qui n'est pas au pouvoir de la Cour, le moyen est irrecevable.

Quant à la seconde branche :

Selon le demandeur, les juges d'appel n'ont pas régulièrement motivé leur décision de le reconnaître coupable de participation à l'escroquerie, dès lors qu'ils n'ont pas exposé les motifs permettant de décider qu'il avait eu une connaissance préalable du but illicite poursuivi par son fils.

Dans la mesure où il se borne, sous le couvert d'une violation de l'article 149 de la Constitution, à réitérer le grief vainement allégué à la première branche, le moyen est irrecevable.

Pour le surplus, il n'est pas contradictoire de constater, d'une part, que le coprévenu avait sollicité une offre de prix d'un fournisseur puis passé commande de matériaux, commande ensuite annulée par ce dernier après un contact avec le demandeur, et, d'autre part, que le demandeur savait, dès le moment où il participa aux manœuvres frauduleuses, que le coprévenu ne pourrait exécuter le contrat.

A cet égard, le moyen manque en fait.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action civile exercée contre le demandeur par M.R. et J. M. :

Sur le second moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 149 de la Constitution, 203, § 4, du Code d'instruction criminelle et 1138, 2°, du Code judiciaire.

Quant à la première branche :

Le moyen reproche aux juges d'appel d'avoir admis l'appel incident des défendeurs, alors que l'écrit qu'ils avaient déposé ne pouvait être considéré comme des conclusions au sens de l'article 203, § 4, du Code d'instruction criminelle.

Sans préjudice de l'application, le cas échéant, de l'article 4 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, lorsque l'action civile est portée devant la juridiction d'appel, l'intimé peut, jusqu'à la clôture des débats sur l'appel, faire appel incident par conclusions prises à l'audience.

Il résulte des travaux préparatoires de l'article 203, § 4, du code précité, que, quant à la forme, l'appel incident peut être interjeté par de simples conclusions prises à l'audience, c'est-à-dire dans la forme prévue pour la constitution de partie civile. En l'absence de formalisme entourant cette dernière, l'appel incident peut, de même, être formé à l'audience par voie de conclusions écrites ou verbales et le juge du fond peut légalement déduire l'existence d'un appel incident de la circonstance que la partie civile demande un montant supérieur à celui accordé par le premier juge.

Il s'ensuit que, contrairement à ce que le moyen soutient, la partie qui forme un appel incident n'est pas tenue de le faire par le biais de conclusions écrites signées par elle.
Procédant d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.

Quant à la deuxième branche :

Le moyen reproche aux juges d'appel d'avoir statué ultra petita en accordant aux défendeurs des intérêts qui n'avaient pas été demandés.

Aux termes de la note déposée au greffe de la cour d'appel le 12 octobre 2017, les défendeurs postulaient le remboursement des sommes versées au titre d'acomptes, le paiement d'une indemnité en raison du préjudice moral qu'ils avaient subi et des démarches qu'ils avaient dû entreprendre, ainsi que « les intérêts payés auprès de [leur] banquier pour contracter un crédit afin de subvenir à [leurs] besoins au vu du non-remboursement de ce qui [leur] est dû ».

Ainsi, les juges d'appel ont pu considérer que les défendeurs sollicitaient la condamnation du demandeur à leur verser les intérêts sur les montants correspondant au dommage qu'ils avaient subi en raison de l'escroquerie dont ils avaient été les victimes.

Le moyen ne peut être accueilli.

Quant à la troisième branche :

Le demandeur reproche aux juges d'appel d'avoir écarté la condamnation solidaire des prévenus au profit du curateur David pour la remplacer par une condamnation du seul demandeur au bénéfice des défendeurs, en fondant leur décision sur des motifs qui n'avaient pas été débattus de manière contradictoire et en le privant ainsi du bénéfice de la répétition contre le coprévenu.

Lorsque la partie civile s'est constituée contre deux prévenus et que seul l'un de ceux-ci a interjeté appel contre elle, l'appel incident que cette dernière déclare faire contre le jugement attaqué ne saisit pas le juge d'appel de l'action civile qu'elle exerça, devant le premier juge, contre l'autre prévenu.

En statuant sur l'action civile exercée devant eux contre le demandeur, seul prévenu à la cause en instance d'appel, et, faisant droit à l'appel incident des défendeurs, en accordant pour la première fois à ces derniers un montant en réparation de leur préjudice matériel et un montant définitif en réparation de leur dommage moral, les juges d'appel ont légalement justifié leur décision de ne pas prévoir la solidarité avec un coprévenu, non appelant, qui n'avait pas été condamné par le premier juge à indemniser les défendeurs de ces chefs.

Pour le surplus, statuant sur l'action civile exercée par les défendeurs contre le demandeur, les juges d'appel fondent la condamnation de ce dernier en constatant que le dommage subi est en relation causale nécessaire avec les faits de la prévention d'escroquerie au préjudice des défendeurs. Dans la mesure où aucune nouvelle condamnation solidaire avec le coprévenu précité ne pouvait être prononcée, ce dernier n'étant pas à la cause, les juges d'appel n'avaient pas à inviter les parties à débattre contradictoirement sur ce point et ont régulièrement motivé leur décision de condamner le demandeur seul à indemniser les défendeurs.

Le moyen ne peut être accueilli.

C. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action civile exercée contre le demandeur par Maître Jean-Louis David, agissant en qualité de curateur à la faillite de L. M. :

L'arrêt réforme le jugement entrepris, par lequel le tribunal correctionnel de Namur avait condamné le demandeur, solidairement avec un coprévenu, à indemniser le défendeur en raison des faits de la prévention d'escroquerie et rapporte cette condamnation.

Pareille décision n'infligeant pas grief au demandeur, le pourvoi est irrecevable à défaut d'intérêt.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de trois cent trente-quatre euros quarante-quatre centimes dont nonante-quatre euros onze centimes dus et deux cent quarante euros trente-trois centimes payés par ce demandeur.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du dix-sept octobre deux mille dix-huit par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
T. Fenaux F. Stévenart Meeûs F. Lugentz
T. Konsek F. Roggen B. Dejemeppe


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.18.0266.F
Date de la décision : 17/10/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-10-17;p.18.0266.f ?

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