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16/10/2018 | BELGIQUE | N°P.18.0391.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 16 octobre 2018, P.18.0391.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.18.0391.N
REDWOOD, société anonyme,
personne qui revendique les choses confisquées,
demanderesse en cassation,
Me Luc Arnou, avocat au barreau de Flandre Occidentale.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 14 mars 2018 par la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle, statuant en tant que juridiction de renvoi ensuite de l'arrêt de la Cour du 13 décembre 2016.
La demanderesse invoque cinq moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie ce

rtifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L'avocat général délégué A...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.18.0391.N
REDWOOD, société anonyme,
personne qui revendique les choses confisquées,
demanderesse en cassation,
Me Luc Arnou, avocat au barreau de Flandre Occidentale.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 14 mars 2018 par la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle, statuant en tant que juridiction de renvoi ensuite de l'arrêt de la Cour du 13 décembre 2016.
La demanderesse invoque cinq moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L'avocat général délégué Alain Winants a conclu.

II. LES ANTÉCÉDENTS

Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard ce qui suit :
- la demanderesse et D. D. ont été poursuivis du chef d'infractions de blanchiment ayant pour objet quatre biens immeubles dont la demanderesse prétend être la propriétaire ;
- par jugement rendu le 8 juillet 2011, le tribunal correctionnel de Bruges a déclaré la demanderesse et D. D. coupables du chef de ces préventions de blanchiment et ordonné la confiscation des biens immeubles qui en constituaient l'objet, à charge de la demanderesse. La demanderesse, D. D. et le ministère public ont interjeté appel de cette décision ;
- par arrêt du 24 juin 2015, la cour d'appel de Gand a déclaré prescrite l'action publique exercée à charge de la demanderesse et a annulé le jugement dont appel, en tant qu'il déclarait la demanderesse coupable du chef des faits mis à sa charge et l'avait condamnée à une peine, à une contribution au Fonds spécial pour l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence et aux frais ;
- ledit arrêt a ensuite ordonné la confiscation de ces biens immeubles à charge de D. D. et a également annulé le jugement dont appel, en tant qu'il avait omis de le faire ;
- la Cour a rejeté le pourvoi en cassation formé par la demanderesse contre cet arrêt, par arrêt du 15 décembre 2015 en la cause P.15.1142.N ;
- la demanderesse a également formé opposition, en qualité de tierce partie préjudiciée, contre l'arrêt rendu le 24 juin 2015 par la cour d'appel de Gand ;
- par arrêt du 18 novembre 2015, la cour d'appel de Gand a déclaré cette opposition irrecevable ;
- par arrêt rendu le 13 décembre 2016 en la cause P.15.1646.N, la Cour a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Gand et a renvoyé la cause à la cour d'appel d'Anvers ;
- par l'arrêt attaqué en l'espèce, la cour d'appel d'Anvers a déclaré l'opposition de la demanderesse recevable, mais non fondée.

III. LA DÉCISION DE LA COUR
(...)
Sur le premier moyen :

Quant à la première branche :

2. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 6, § 1er, 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention, 505, alinéa 3, du Code pénal, tel qu'applicable avant sa modification par la loi du 10 mai 2007, et 505, alinéa 5, du Code pénal, tel qu'applicable actuellement (lire 505, alinéas 6 et 7, du Code pénal), ainsi que la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense : l'arrêt décide que les juges d'appel n'avaient pas le pouvoir juridictionnel de se prononcer sur la confiscation à laquelle une tierce personne a déjà été condamnée le cas échéant, mais pouvaient uniquement constater que les conditions d'une confiscation n'étaient, en tant que telles, pas réunies en raison des droits revendiqués par un tiers ayant-droit, de sorte qu'ils pouvaient apprécier le bien-fondé de la demande formulée par la demanderesse, intervenue en tant que tierce partie sur opposition uniquement dans cette mesure ; l'arrêt n'accueille pas la défense de la demanderesse selon laquelle les quatre biens immeubles qu'elle revendique ne constituent pas l'objet des infractions de blanchiment du chef desquelles D. D. a déjà été définitivement condamné ou, à tout le moins, n'ont été financés que partiellement par des avantages patrimoniaux illégaux ; cela signifie que la demanderesse ne peut critiquer la dimension pénale de la confiscation prononcée à charge de D. D. et qu'elle se voit, dès lors, privée de la possibilité de contester en droit la confiscation des biens immeubles dont elle est propriétaire, en invoquant la défense utile que D. D. aurait pu soulever en qualité de prévenu et qui peut mener au constat que la confiscation n'est pas légalement possible ou fondée ; le droit à un procès équitable, en ce compris le droit à l'égalité des armes, le droit d'accès au juge et le droit à la protection de la propriété requièrent toutefois que le tiers ayant-droit qui introduit un recours, puisse invoquer sans restriction tous les moyens de droit permettant d'annuler la confiscation de sa propriété ; ainsi, ce tiers ne peut être lié par un quelconque aspect juridique de la confiscation, même s'il a été établi par le juge pénal qui s'est prononcé sur la confiscation à l'égard du prévenu.

3. En vertu de l'article 505, alinéa 3, du Code pénal, tel qu'applicable en l'espèce, l'objet de l'infraction de blanchiment sera confisqué, même si la propriété n'en appartient pas au condamné, sans que cette confiscation puisse cependant porter préjudice aux droits des tiers sur les biens susceptibles de faire l'objet de la confiscation. L'article 505, alinéas 6 et 7, du Code pénal, tel qu'applicable actuellement, a la même portée. Ainsi, ces dispositions n'excluent pas que la propriété des choses confisquées appartienne à un tiers.

4. Le tiers qui prétend être propriétaire d'un bien dont la confiscation a été ordonnée à charge d'un prévenu et qui risque ainsi de devoir en subir les conséquences, devient de plein droit partie au procès dans la procédure pénale ensuite de la confiscation. En cette qualité, il peut contester cette peine en faisant usage de toute voie de recours ouverte généralement aux autres parties au procès.

5. Les droits de la défense, le droit d'accès au juge et le droit à la protection de la propriété requièrent que le tiers puisse faire valoir devant le juge, sur opposition ou en appel, toute défense visant à anéantir les effets de la confiscation à son égard. Ainsi, le tiers peut se défendre devant ce juge non seulement concernant l'existence de son droit civil de propriété ou de bonne foi, mais également sur le fondement en droit pénal de la confiscation ordonnée au détriment du prévenu. Le juge est tenu d'examiner cette défense, dans la mesure où il n'annule pas la confiscation ordonnée à charge de ce tiers pour un autre motif.

6. L'arrêt constate, d'une part, que la demanderesse est la propriétaire des biens dont l'arrêt du 24 juin 2015 de la cour d'appel de Gand a ordonné la confiscation en tant qu'objet des infractions de blanchiment déclarées établies à charge de D. D. Il décide, d'autre part, que la demanderesse ne peut légitimement faire valoir ses droits sur ces biens parce qu'il ne pouvait croire en la régularité de leur origine. En ces circonstances, l'arrêt décide illégalement que les juges d'appel, dans le cadre de l'opposition recevable formée par la demanderesse contre l'arrêt précité, ne sont pas tenus d'examiner si ces biens ne constituent pas l'objet des infractions de blanchiment ou n'ont été que partiellement financés par des avantages patrimoniaux illégaux.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fondé.

Sur les autres griefs :

7. Il n'y pas lieu de répondre aux griefs, eu égard à la cassation à prononcer ci-après.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse l'arrêt attaqué dans la mesure où le pourvoi est recevable ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Condamne la demanderesse à un cinquième des frais, réserve le surplus des frais afin qu'il soit statué sur celui-ci par le juge de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Paul Maffei, président, Peter Hoet, Antoine Lievens, Erwin Francis et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du seize octobre deux mille dix-huit par le président Paul Maffei, en présence de l'avocat général délégué Alain Winants, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.

Traduction établie sous le contrôle du conseiller Eric de Formanoir et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.18.0391.N
Date de la décision : 16/10/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-10-16;p.18.0391.n ?

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