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16/10/2018 | BELGIQUE | N°P.18.0234.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 16 octobre 2018, P.18.0234.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.18.0234.N
ETAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,
partie poursuivante,
demandeur en cassation,
Me Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, et Stefan De Vleeschouwer, avocat au barreau de Bruxelles,

contre

1. VAD, société privée à responsabilité limitée,
2. J. V.A.,
prévenus,
défendeurs en cassation.





I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 12 février 2018 par la cour d'appel de Bruxelles, chambr

e correctionnelle, statuant en tant que juridiction de renvoi ensuite de l'arrêt de la Cour du 13 mai 2014.
Le demandeur i...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.18.0234.N
ETAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,
partie poursuivante,
demandeur en cassation,
Me Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, et Stefan De Vleeschouwer, avocat au barreau de Bruxelles,

contre

1. VAD, société privée à responsabilité limitée,
2. J. V.A.,
prévenus,
défendeurs en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 12 février 2018 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle, statuant en tant que juridiction de renvoi ensuite de l'arrêt de la Cour du 13 mai 2014.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L'avocat général délégué Alain Winants a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur la recevabilité du pourvoi :

1. Quant aux envois visés sous la prévention B, l'arrêt déclare l'action fiscale fondée et condamne les défendeurs solidairement au paiement au demandeur des droits d'importation, accises et cotisations d'emballage éludés, ainsi que des intérêts de retard.

Dans la mesure où il est dirigé contre cette décision, le pourvoi est irrecevable, à défaut d'intérêt.

Sur le moyen :

Quant à la première branche :

2. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 807 du Code judiciaire, 2244, § 1er, 2262bis, § 1er, alinéa 1er, du Code civil et 283 de la loi générale sur les douanes et accises du 18 juillet 1977 : l'arrêt conclut à la prescription de l'action du demandeur visant le paiement d'accises en raison de l'importation de marchandises certes déclarées sous une dénomination correcte, mais pour lesquelles il n'a pas été fait mention de leur teneur en alcool éthylique supérieure à 1,2 pour cent ; il justifie cette décision par le motif que cette action ne découle pas de la modification ou de l'extension de l'action initiale visant le paiement d'accises en raison de l'importation d'alcool de riz sous une dénomination erronée, telle que poursuivie sous la prévention A du chef de laquelle les défendeurs ont été acquittés, mais constitue bel et bien une nouvelle action introduite au-delà du délai de prescription de dix ans à compter de la date des déclarations ; l'action aujourd'hui pendante ne se greffe toutefois pas sur un fait ou un agissement mentionné dans la citation, à savoir l'importation irrégulière de saké ; l'allégation actuelle d'une autre irrégularité et la différence entre les accises réclamées et celles initialement réclamées n'y fait pas obstacle.

3. Aux termes de l'article 283 de la loi générale sur les douanes et accises, lorsque les contraventions, fraudes, délits ou crimes dont il s'agit dans les articles 281 et 282 donnent lieu au paiement de droits ou accises, et par conséquent à une action civile, indépendamment de la poursuite d'une peine, le juge compétent soit criminel, soit correctionnel, connaîtra de l'affaire sous ce double rapport et jugera d'une et l'autre cause.

4. L'action introduite par l'administration en recouvrement des droits éludés par une infraction relative aux douanes et accises visée à l'article 283 de la loi générale sur les douanes et accises est une action civile qui, certes, est exercée en même temps que l'action publique, mais qui en est détachée. En effet, cette action civile indépendante ne résulte pas de l'infraction, mais trouve directement son fondement dans la loi qui impose le paiement des droits.

5. La compétence du juge pénal pour statuer sur l'action civile en paiement des droits éludés suppose qu'au moment de sa saisine, les contraventions, fraudes, délits ou crimes visés aux articles 281 et 282 de la loi générale sur les douanes et accises ont été régulièrement portés à sa connaissance et que le contribuable est régulièrement impliqué dans le procès.

6. Aux termes de l'article 807 du Code judiciaire, la demande dont le juge est saisi peut être étendue ou modifiée, si les conclusions nouvelles, contradictoirement prises, sont fondées sur un fait ou un acte invoqué dans la citation, même si leur qualification juridique est différente.

Cet article permet au demandeur d'étendre ou de modifier l'objet de sa demande initiale, sous réserve de ne pas modifier totalement la cause de cette demande. Cela implique que le demandeur peut étendre ou modifier l'objet de sa demande initiale si le fait ou l'agissement ayant justifié sa demande initiale constitue toujours, à tout le moins partiellement, le fondement de sa demande étendue ou modifiée. Il n'est pas requis que le demandeur ait déjà précédemment déduit de ce fait ou de cet agissement une conséquence quant au bien-fondé de sa demande. Le juge peut prendre en considération de nouveaux faits ou agissements s'étant produits depuis la citation ou mis en lumière depuis lors et ayant une incidence sur le litige.

7. Il ressort, en substance, des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que :
- les défendeurs sont poursuivis, sous la prévention A, du chef d'avoir importé de Chine de l'alcool de riz entre le 29 juin 2005 et le 2 janvier 2007, qu'ils ont déclaré sous une dénomination erronée, de telle sorte que les droits d'importation, les accises, les cotisations d'emballage et la taxe sur la valeur ajoutée ont été éludés ;
- les marchandises importées ont, en effet, été déclarées sous la position tarifaire 2103 de la Nomenclature Combinée (ci-après : N.C.), à savoir en tant que préparations culinaires, alors que, selon le demandeur, elles auraient dû être déclarées en tant que boissons alcoolisées sous la position tarifaire N.C. 2206 ;
- par arrêt interlocutoire du 18 novembre 2016, les juges d'appel ont acquitté les défendeurs du chef de la prévention A parce qu'il n'est pas établi que les marchandises ont été déclarées sous une position tarifaire erronée, à la suite de quoi les juges d'appel ont ordonné la réouverture des débats afin de statuer plus avant sur l'action fiscale du demandeur ;
- le demandeur réclame actuellement aux défendeurs le paiement des accises dues parce que les marchandises importées, déclarées sous la position tarifaire correcte, contiennent plus de 1,2 pour cent d'alcool éthylique.

8. Il s'avère que la cause de l'action fiscale du demandeur, telle qu'elle figure dans la citation, consistait en la déclaration irrégulière des marchandises importées, à savoir leur déclaration sous une dénomination erronée. Par ce motif, le demandeur pouvait légalement modifier sa demande afin de réclamer le paiement des accises parce qu'il n'était pas fait mention dans la déclaration que ces marchandises présentaient un taux d'alcool éthylique supérieur à 1,2 pour cent, quand bien même elles n'auraient pas été déclarées sous une dénomination erronée. La nature différente de l'irrégularité invoquée et des accises réclamées n'y fait pas obstacle.

9. L'arrêt décide que :
- l'action du demandeur, en tant qu'elle se fonde sur la déclaration irrégulière faite par les demandeurs dès lors qu'ils ont certes correctement déclaré les marchandises, mais ont omis d'indiquer dans la déclaration que ces marchandises présentaient un taux d'alcool supérieur à 1,2 pour cent, ce qui les assujettissait, partant, à des accises dues pour l'alcool éthylique, représente une nouvelle action qui ne se greffe pas sur des faits ou un agissement figurant dans la citation qui ne faisait état que de l'importation irrégulière des marchandises sous une dénomination erronée ;
- le procès-verbal de constatations du 24 février 2010 ne mentionne pas davantage le fait que les marchandises ont été correctement déclarées, mais que des accises sont dues parce qu'elles présentent un taux d'alcool supérieur à 1,2 pour cent ;
- non seulement cela concerne un autre fait, mais les accises dues diffèrent également des accises initialement réclamées ;
- il y a lieu d'examiner si la nouvelle action du demandeur a été introduite en temps utile, à savoir dans le délai de prescription de dix ans à compter des déclarations ;
- le demandeur a introduit pour la première fois sa nouvelle action fondée sur une déclaration irrégulière en raison de l'absence d'indication du taux d'alcool, par conclusions déposées le 17 février 2017, de sorte que cette action est éteinte en raison de la prescription.

Ainsi, l'arrêt ne justifie pas légalement la décision.

Le moyen, en cette branche, est fondé.

Sur les autres griefs :

10. Il n'y pas lieu de répondre au moyen, en ses autres branches, qui ne peut entraîner une cassation plus étendue.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse l'arrêt attaqué dans la mesure où le pourvoi est recevable ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Condamne le demandeur à un quart des frais et réserve le surplus des frais afin qu'il soit statué sur celui-ci par le juge de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d'appel de Gand.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Paul Maffei, président, Peter Hoet, Antoine Lievens, Erwin Francis et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du seize octobre deux mille dix-huit par le président Paul Maffei, en présence de l'avocat général délégué Alain Winants, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.

Traduction établie sous le contrôle du conseiller Eric de Formanoir et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.18.0234.N
Date de la décision : 16/10/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-10-16;p.18.0234.n ?

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