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12/10/2018 | BELGIQUE | N°C.17.0699.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 octobre 2018, C.17.0699.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.17.0699.N
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Classes moyennes, des Indépendants, des PME, de l'Agriculture et de l'Intégration sociale,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

contre

LANTMÄNNEN UNIBAKE MOUSCRON, s.a.






I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 26 septembre 2017 par la cour d'appel d'Anvers, statuant comme juridiction de renvoi ensuite de l'arrêt de la Cour du 12 novembre 2

015.
Le 21 août 2018, l'avocat général André Van Ingelgem a déposé des conclusions au greffe.
Le présid...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.17.0699.N
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Classes moyennes, des Indépendants, des PME, de l'Agriculture et de l'Intégration sociale,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

contre

LANTMÄNNEN UNIBAKE MOUSCRON, s.a.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 26 septembre 2017 par la cour d'appel d'Anvers, statuant comme juridiction de renvoi ensuite de l'arrêt de la Cour du 12 novembre 2015.
Le 21 août 2018, l'avocat général André Van Ingelgem a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Eric Dirix a fait rapport.
L'avocat général André Van Ingelgem a conclu.

II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.

III. La décision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la première branche :

1. L'article 1er, § 1er, du règlement (CE) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes dispose qu'aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire.
Selon le deuxième paragraphe de cette disposition, est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue.
L'article 3, § 1er, du règlement précité dispose que le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité visée à l'article 1er, § 1er. Toutefois, les réglementations sectorielles peuvent prévoir un délai inférieur qui ne saurait aller en deçà de trois ans.
Le troisième paragraphe de cette disposition précise que les États membres conservent la possibilité d'appliquer un délai plus long que celui qui est prévu au paragraphe 1 et au paragraphe 2.
2. L'article 2262bis, § 1er, alinéa 1er, du Code civil, inséré par la loi du 10 juin 1998 modifiant certaines dispositions en matière de prescription et entré en vigueur le 27 juillet 1998, dispose que toutes les actions personnelles sont prescrites par dix ans.
3. Il suit de la lecture conjointe de ces dispositions et de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne dans ses arrêts du 29 janvier 2009, Hauptzollamt Hamburg-Jonas c/ Josef Vosding Schlacht-, Kühl- und Zerlegebetrieb, affaires jointes C-278/07 à C-280/07, et du 22 décembre 2010, Corman s.a. c/ Bureau d'intervention et de restitution belge, C-131/10, que, conformément à l'article 3, alinéa 3, du Règlement (CE) n° 2988/95, un délai de prescription plus long peut découler de la disposition de droit commun que constitue l'article 2262bis, § 1er, alinéa 1er, du Code civil.
4. Dans ses arrêts du 5 mai 2011, Ze Fu Fleischhandel et Vion Trading c/ Hauptzollamt Hamburg-Jonas, affaires jointes C-201/10 et C-202/10, et du 17 septembre 2014, Cruz & Companhia Lda c/ Instituto de Financiamento da Agricultura e Pescas IP, C-341/13, la Cour de justice de l'Union européenne a considéré que le principe de sécurité juridique ne s'oppose pas à ce que demeure applicable une disposition de droit commun existante dont résulte un délai de prescription plus long que celui qui est prévu à l'article 3, alinéa 3, du règlement (CE) n° 2988/95, à la condition que l'application de ce délai de prescription plus long découle d'une pratique jurisprudentielle suffisamment prévisible.
Ces arrêts ont trait à l'application d'un délai de prescription plus long tiré d'une disposition de droit commun antérieure à l'entrée en vigueur du règlement (CE) n° 2988/95.
5. Le délai de prescription décennal inscrit à l'article 2262bis, § 1er, alinéa 1er, du Code civil n'a été introduit qu'après l'entrée en vigueur de ce règlement.
6. Il ne suit pas de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que les États membres qui, après l'entrée en vigueur de ce règlement, introduisent une nouvelle disposition de droit commun dont résulte un délai de prescription plus long que celui qui est prévu à l'article 3, alinéa 3, du règlement ne peuvent l'appliquer qu'aux poursuites visées dans le règlement, à la condition que cette application découle d'une pratique jurisprudentielle. En effet, une telle pratique jurisprudentielle concernant un nouveau délai de prescription n'existe pas encore.
7. Les juges d'appel ont considéré qu'« il suit de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que la seule existence d'un délai de prescription plus long que celui de quatre ans qui est inscrit à l'article 3, alinéa 1er, du règlement n° 2988/95, en l'occurrence le délai de droit commun prévu à l'article 2262bis du Code civil, ne suffit pas pour le déclarer applicable, à l'exclusion de tout autre délai de prescription, aux recouvrements par le Bureau d'intervention et de restitution belge de l'aide communautaire octroyée pour le beurre d'intervention dans le cadre du règlement n° 2571/97. Pour ce faire, il est nécessaire de vérifier s'il est question ou non d'une pratique jurisprudentielle suffisamment prévisible dont résulte l'application du délai de prescription plus long. Cette appréciation appartient à la cour [d'appel] (...). La cour [d'appel] constate qu'en l'espèce, la confusion règne quant à la règle nationale de prescription applicable aux recouvrements d'aides communautaires dans le cadre du règlement n° 2571/97. S'il renvoie, en la matière, à l'article 2262bis du Code civil, [le demandeur] ne démontre cependant pas l'existence d'une pratique jurisprudentielle rendant suffisamment prévisible, pour la défenderesse, l'application de ce délai de prescription plus long, à l'exclusion de tout autre, à la créance contestée ».
8. En statuant de la sorte, les juges d'appel n'ont pas légalement justifié leur décision selon laquelle il y avait lieu d'écarter l'application de l'article 2262bis du Code civil.
Le moyen, en cette branche, est fondé.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, le président de section Beatrijs Deconinck et les conseillers Koen Mestdagh, Geert Jocqué et Koenraad Moens, et prononcé en audience publique du douze octobre deux mille dix-huit par le président de section Eric Dirix, en présence de l'avocat général André Van Ingelgem, avec l'assistance du greffier Vanessa Van de Sijpe.

Traduction établie sous le contrôle du président de section Christian Storck et transcrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.17.0699.N
Date de la décision : 12/10/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-10-12;c.17.0699.n ?

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