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12/10/2018 | BELGIQUE | N°C.17.0053.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 octobre 2018, C.17.0053.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.17.0053.N
COMMUNAUTÉ FLAMANDE, représentée par le Gouvernement flamand,
Me Paul Lefèbvre, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. VRIJE UNIVERSITEIT BRUSSEL (VUB),
Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
2. M. G.,
3. W. W.,
4. W. Q.,
5. A. S.,
6. M. S.,
Me Beatrix Vanlerberghe, avocat à la Cour de cassation,
en présence de

1. C. P., en sa qualité de recteur de la Vrije Universiteit Brussel,
2. PATRIMOINE PROPRE DE LA VRIJE UNIVERSITEIT BRUSSEL,
3. ÉTAT BE

LGE, représenté par le secrétaire d'État à la Lutte contre la pauvreté, à l'Égalité des chances, aux Personne...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.17.0053.N
COMMUNAUTÉ FLAMANDE, représentée par le Gouvernement flamand,
Me Paul Lefèbvre, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. VRIJE UNIVERSITEIT BRUSSEL (VUB),
Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
2. M. G.,
3. W. W.,
4. W. Q.,
5. A. S.,
6. M. S.,
Me Beatrix Vanlerberghe, avocat à la Cour de cassation,
en présence de

1. C. P., en sa qualité de recteur de la Vrije Universiteit Brussel,
2. PATRIMOINE PROPRE DE LA VRIJE UNIVERSITEIT BRUSSEL,
3. ÉTAT BELGE, représenté par le secrétaire d'État à la Lutte contre la pauvreté, à l'Égalité des chances, aux Personnes handicapées et à la Politique scientifique.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 7 octobre 2015 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le 1er février 2018, l'avocat général André Van Ingelgem a déposé des conclusions écrites au greffe.
Le président de section Beatrijs Deconinck a fait rapport.
L'avocat général André Van Ingelgem a conclu.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente trois moyens.
III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la première branche :

Quant au troisième rameau :

1. En vertu de l'article 1er, alinéa 1er, a), de la loi du 6 février 1970 relative à la prescription des créances à charge ou au profit de l'État et des provinces, qui correspond à l'article 100, alinéa 1er, 1°, de l'arrêté royal du 17 juillet 1991 portant coordination des lois sur la comptabilité de l'État, sont prescrites et définitivement éteintes au profit de l'État, sans préjudice des déchéances prononcées par d'autres dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles sur la matière : les créances qui, devant être produites selon les modalités fixées par la loi ou le règlement, ne l'ont pas été dans le délai de cinq ans à partir du premier janvier de l'année budgétaire au cours de laquelle elles sont nées.
2. Le droit à la répétition de l'indu naissant, en règle, le jour du paiement, le délai de prescription prend cours à cette date.
Cette règle ne s'applique pas lorsque l'obligation du débiteur a subi, au moment du paiement, des modifications à la suite d'un événement ultérieur faisant naître à son profit des droits pour la période pour laquelle le paiement a été effectué. En pareille occurrence, le délai de prescription commence à courir, en principe, à partir de cet événement.
3. Lorsque le juge de l'Union interprète une norme en réponse à une question préjudicielle, il éclaire et précise la signification et la portée que cette norme a ou aurait dû avoir à compter de son entrée en vigueur. Étant de nature déclarative, une telle décision ne fait pas naître de droits.
4. Dans son arrêt Blaizot, affaire n° 24/86, rendu le 2 février 1988, la Cour de justice de l'Union européenne a réglé les effets dans le temps de sa décision en limitant le recouvrement des droits d'inscription complémentaires indûment payés aux droits payés postérieurement à la date de l'arrêt et aux droits payés antérieurement à celle-ci, à la condition qu'une action en justice ait été introduite avant la date de l'arrêt.
Cette limitation de l'effet dans le temps n'affecte pas le caractère déclaratif de l'arrêt, mais tend uniquement à en restreindre les conséquences financières.
5. Il suit de ce qui précède que les droits d'inscription payés avant la date de l'arrêt cité ne peuvent être répétés lorsque l'action en justice était déjà prescrite au moment de son introduction.
6. Les juges d'appel ont considéré que :
- dans la mesure où l'action se fonde sur un indu, le moment où naît le droit d'agir en justice doit, en règle, se situer au moment où le paiement indu a été effectué ;
- la Cour a précisé cette conception dans son arrêt du 24 janvier 2000, en indiquant que cette règle ne vaut que dans la mesure où les obligations du redevable des cotisations n'ont subi, au moment du paiement, aucune modification en raison d'un événement ultérieur qui a fait naître à son profit des droits pour la période pour laquelle le paiement a été effectué ;
- il convient d'en déduire que le point de départ du délai de prescription doit être reporté au moment où intervient un « événement » normatif qui remplit cumulativement deux conditions : d'une part, l'événement doit être de nature déclarative en ce sens qu'il doit constater que la situation du solvens au moment du paiement était de nature telle que le paiement ne reposait sur aucun fondement juridique et, d'autre part, la décision intervenue doit s'appuyer sur un pouvoir discrétionnaire dont jouit l'organe de décision ;
- force est de constater en l'espèce que l'arrêt Blaizot, rendu le 2 février 1988 par la Cour de justice dans l'affaire n° 24/86, remplit ces conditions, dès lors qu'il s'agit d'une décision dont il ressort que les paiements des droits d'inscription complémentaires effectués par les deuxième au sixième défendeurs ne reposaient sur aucun fondement juridique et que cette décision dépendait de la question de savoir si des études universitaires constituent une forme de « formation professionnelle » au sens de l'article 128 du Traité instituant la Communauté économique européenne (ci-après Traité CEE) ;
- la Cour de justice de l'Union européenne disposait du pouvoir discrétionnaire l'autorisant à interpréter cette notion.
7. En considérant que l'arrêt précité de la Cour de justice de l'Union européenne a fait naître, en faveur des deuxième au sixième défendeurs, le droit de répéter les droits d'inscription complémentaires acquittés, de sorte que la prescription de leur action dirigée contre la demanderesse, de même que la prescription de l'action en garantie formée par la première défenderesse contre la demanderesse, n'ont commencé à courir que le 1er janvier de l'année budgétaire au cours de laquelle cet arrêt a été prononcé, soit le 1er janvier 1988, les juges d'appel n'ont pas légalement justifié leur décision.
Le moyen, en ce rameau de cette branche, est fondé.

Quant à la seconde branche :

8. En vertu de l'article 1er, alinéa 1er, a), de la loi du 6 février 1970 relative à la prescription des créances à charge ou au profit de l'État et des provinces, qui correspond à l'article 100, alinéa 1er, 1°, de l'arrêté royal du 17 juillet 1991 portant coordination des lois sur la comptabilité de l'État, sont prescrites et définitivement éteintes au profit de l'État, sans préjudice des déchéances prononcées par d'autres dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles sur la matière : les créances qui, devant être produites selon les modalités fixées par la loi ou le règlement, ne l'ont pas été dans le délai de cinq ans à partir du premier janvier de l'année budgétaire au cours de laquelle elles sont nées.
Conformément à cette disposition, ce délai de prescription particulier des créances à charge de l'État prend cours le 1er janvier de l'année budgétaire au cours de laquelle la créance est née.
Sauf dispositions légales contraires, le délai de prescription de cinq ans s'applique, en règle, à toutes les créances à charge de l'État.
9. Il ressort de la genèse légale que, selon le législateur, le moment de la naissance de la créance est celui où la créance devient exigible, c'est-à-dire le moment où naît le droit du créancier d'agir en justice.
10. En cas d'acte administratif illégal, la créance naît ainsi au moment où sont réunis tous les éléments nécessaires à l'introduction d'une action en responsabilité, à savoir la faute ou l'événement générateur de responsabilité, le dommage et le lien de causalité qui les unit.
Pour que naisse la créance, il n'est pas requis que la faute soit incontestablement établie ou ait été constatée par un juge.
11. Les juges d'appel ont considéré que :
- une action extracontractuelle ne naît que lorsque ses trois éléments constitutifs sont réunis, à savoir la faute, le dommage et le lien de causalité qui les unit ;
- il convient aussi de constater dans ce contexte que ce n'est qu'à l'époque de l'arrêt Blaizot, rendu le 2 février 1988 par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'affaire n° 24/86, qu'il a été établi que l'enseignement universitaire ne s'entendait pas comme une formation professionnelle au sens de l'article 128 du Traité CEE ;
- ce n'est qu'à partir de ce moment qu'il apparaît que la pratique de l'État belge est fautive et que les deuxième à sixième défendeurs subissent un préjudice ;
- jusqu'alors, il n'était pas manifeste que la pratique de l'État belge était fautive.
12. En considérant que la créance générée par un acte administratif illégal ne naît et que le délai de prescription ne peut commencer à courir qu'à compter du moment où la faute est incontestablement établie ou a été constatée, les juges d'appel n'ont pas légalement justifié leur décision.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il se prononce sur les actions dirigées contre la demanderesse et statue sur les dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel d'Anvers.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, le président de section Beatrijs Deconinck et les conseillers Koen Mestdagh, Bart Wylleman en Koenraad Moens, et prononcé en audience publique du douze octobre deux mille dix-huit par le président de section Eric Dirix, en présence de l'avocat général André Van Ingelgem, avec l'assistance du greffier Vanessa Van de Sijpe.

Traduction établie sous le contrôle du conseiller Ariane Jacquemin et transcrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.17.0053.N
Date de la décision : 12/10/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-10-12;c.17.0053.n ?

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