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11/10/2018 | BELGIQUE | N°F.18.0007.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 11 octobre 2018, F.18.0007.F


N° F.18.0007.F
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
demandeur en cassation,
représenté par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,
contre

AVENIR TELECOM, société de droit français, dont le siège est établi à Marseille (France), boulevard de Plombières, 208,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,

dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicil...

N° F.18.0007.F
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
demandeur en cassation,
représenté par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,
contre

AVENIR TELECOM, société de droit français, dont le siège est établi à Marseille (France), boulevard de Plombières, 208,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 13 juillet 2017 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.
Le premier avocat général André Henkes a conclu.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente deux moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la première branche :

Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen, en cette branche, par la défenderesse et déduite de sa nouveauté :
Le moyen, en cette branche, critique la considération de l'arrêt que ce n'est « qu'à partir du jugement définitif du tribunal correctionnel du 11 mai 2011 et de l'ordonnance ordonnant la mainlevée de la consignation du même jour que, conformément au principe selon lequel ‘le pénal tient le civil en état', la prescription de l'action civile [de la défenderesse] a commencé à courir ».
N'est, en principe, pas nouveau le moyen, même étranger à une disposition d'ordre public ou impérative, qui critique un motif que le juge donne pour justifier sa décision.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.

Sur le fondement du moyen, en cette branche :

En vertu de l'article 100, alinéa 1er, 1°, de l'arrêté royal du 17 juillet 1991 portant coordination des lois sur la comptabilité de l'État, sont prescrites et définitivement éteintes au profit de l'État, sans préjudice des déchéances prononcées par d'autres dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles sur la matière, les créances qui, devant être produites selon les modalités fixées par la loi ou le règlement, ne l'ont pas été dans le délai de cinq ans à partir du premier janvier de l'année budgétaire au cours de laquelle elles sont nées.
Conformément à cette disposition, ce délai spécial de prescription des créances sur l'État prend cours le premier janvier de l'année budgétaire au cours de laquelle la créance est née.
Sauf dispositions légales contraires, ce délai de prescription de cinq ans vaut, en principe, pour toutes les créances à charge de l'État.
Dans le cas d'un acte illicite des autorités, la créance naît, en principe, au moment où le dommage survient ou au moment où sa réalisation future est raisonnablement établie.

Aux termes de l'article 4, alinéa 1er, du titre préliminaire du Code de procédure pénale, l'action civile peut être poursuivie en même temps et devant les mêmes juges que l'action publique. Elle peut aussi l'être séparément ; dans ce cas, l'exercice en est suspendu tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique, intentée avant ou pendant la poursuite de l'action civile.
Cette obligation légale de surséance à charge du juge saisi de l'action civile ne fait pas obstacle à ce que cette action soit intentée et n'a pas pour effet d'en suspendre la prescription jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'action publique.
L'arrêt constate que :
- en septembre 2000, la défenderesse a acquis 12.000 téléphones mobiles, qu'elle a revendus à sa filiale Avenir Telecom Pologne, cette vente étant assortie d'une clause de réserve de propriété subordonnant le transfert de propriété à son paiement intégral ;
- Avenir Telecom Pologne a revendu ces téléphones à une société belge All Euro Communications ;
- le 10 octobre 2000, les téléphones ont été saisis à la requête d'un juge d'instruction du tribunal de première instance de Namur dans le cadre d'une instruction sur des fraudes à la taxe sur la valeur ajoutée par des personnes physiques liées à All Euro Communications ;
- en exécution de la saisie, les 30 palettes de téléphones furent transportées le 26 octobre 2000 vers la consigne douanière à Zaventem ;
- le 5 février 2001, l'inspecteur principal en douane a constaté, avec un huissier de justice venu pratiquer une saisie conservatoire sur les marchandises, que cinq palettes manquaient et que, sur les vingt-cinq restantes, sept n'étaient plus intactes ;
- le 11 janvier 2001, Avenir Telecom Pologne et All Euro Communications ont comparu devant le tribunal de commerce de Namur aux fins de faire constater leur accord pour résoudre la vente avenue entre elles ;

- après la résolution de la vente, la chambre des mises en accusation a néanmoins décidé, le 19 février 2001, de maintenir la saisie sur les téléphones au motif que de nombreuses anomalies étaient constatées dans les factures de vente d'Avenir Telecom Pologne, que la réalité économique des transactions était particulièrement « peu crédible » et que la résolution de la vente paraissait « manifestement orchestrée pour les besoins de la cause » ;
- le 21 avril 2001, le juge d'instruction marqua cependant son accord pour lever la saisie des téléphones contre le versement, par la défenderesse, agissant pour le compte d'Avenir Telecom Pologne, d'une caution, qu'il fut précisé dans la lettre d'accord que, « suite au vol dans la consigne des douanes de Zaventem de 2465 téléphones mobiles saisis, il reste actuellement 9515 téléphones Nokia 6210 » et que, dès la constitution de la caution, les téléphones seraient remis au représentant légal d'Avenir Telecom Pologne ;
- en juin et juillet 2001, les 9515 téléphones récupérés ont été revendus par la défenderesse, demeurée propriétaire des appareils par l'effet de la clause de réserve de propriété, à une société de droit anglais ;
- le 27 septembre 2001, Avenir Telecom Pologne a cité le demandeur devant le tribunal de première instance de Bruxelles et, se prétendant propriétaire des téléphones litigieux, a demandé la condamnation du demandeur à lui payer une indemnité de 33.048.225 francs ;
- le 11 mai 2011, le tribunal correctionnel de Namur a prononcé des condamnations à charge des personnes liées à All Euro Communications et décidé que la vente conclue entre Avenir Telecom Pologne et All Euro Communications a été résolue par un accord qui ne peut être qualifié de faux ;
- le même jour, la chambre du conseil du tribunal correctionnel de Namur a ordonné la restitution de la caution à la défenderesse après avoir constaté que celle-ci était étrangère aux agissements illicites du dirigeant d'All Euro Communications et qu'elle produisait des factures de vente à Avenir Telecom Pologne assorties d'une clause de réserve de propriété ;

- par une requête déposée le 15 décembre 2011, la défenderesse est intervenue volontairement dans la procédure introduite par Avenir Telecom Pologne contre le demandeur devant le tribunal de première instance de Bruxelles et qu'invoquant son droit de propriété sur les téléphones disparus, elle a demandé la condamnation du demandeur à lui payer la somme de 732.795,20 euros.
L'arrêt, qui considère qu'« ainsi qu'il ressort de l'exposé des faits qui précède, ce n'est qu'à l'issue de la procédure pénale, menée notamment contre Avenir Telecom Pologne, au cours de laquelle était contestée notamment la licéité de la résolution de la vente avenue entre Avenir Telecom Pologne et All Euro Communications, que cette résolution a cessé d'être critiquable », qu'« or, [la défenderesse] devait attendre cette validation pour opposer [au demandeur], dans le cadre du présent litige, sa clause de réserve de propriété et sa qualité de propriétaire des téléphones mobiles volés » et que « ce n'est donc qu'à partir du jugement définitif du tribunal correctionnel du 11 mai 2011 et de l'ordonnance ordonnant la mainlevée de la consignation du même jour que, conformément au principe selon lequel ‘le pénal tient le civil en état', la prescription de l'action civile [de la défenderesse] a commencé à courir », ne justifie pas légalement sa décision de dire l'action de la défenderesse non prescrite.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Et il n'y a lieu d'examiner ni la seconde branche du moyen ni le second moyen, qui ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué, sauf en tant qu'il reçoit l'appel ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le conseiller faisant fonction de président Didier Batselé, les conseillers Mireille Delange, Michel Lemal, Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du onze octobre deux mille dix-huit par le conseiller faisant fonction de président Didier Batselé, en présence du premier avocat général André Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont A. Jacquemin S. Geubel
M. Lemal M. Delange D. Batselé


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.18.0007.F
Date de la décision : 11/10/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-10-11;f.18.0007.f ?

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