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10/10/2018 | BELGIQUE | N°P.18.0184.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 10 octobre 2018, P.18.0184.F


N° P.18.0184.F
ETAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, poursuites et diligences de l'administrateur des douanes et accises et du directeur régional de Bruxelles de cette administration,
partie poursuivante,
demandeur en cassation,
représenté par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,

contre

1. E. M. S.,
2. S. I., société anonyme,
représentée par Maître Martin Lebbe, avocat à la Cour de cassation, dont le cabin

et est établi à Bruxelles, avenue Louise, 106, où il est fait élection de domicile,

3. ALPI BEL...

N° P.18.0184.F
ETAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, poursuites et diligences de l'administrateur des douanes et accises et du directeur régional de Bruxelles de cette administration,
partie poursuivante,
demandeur en cassation,
représenté par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,

contre

1. E. M. S.,
2. S. I., société anonyme,
représentée par Maître Martin Lebbe, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 106, où il est fait élection de domicile,

3. ALPI BELGIUM, société anonyme,
représentée par Maître Martin Lebbe, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 106, où il est fait élection de domicile,
4. AMORAY IMMO, société privée à responsabilité limitée,
prévenus,
défendeurs en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 24 janvier 2018 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président de section Benoît Dejemeppe a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur la recevabilité du mémoire en réponse déposé au nom de la société anonyme Sotiaux International en ce qui concerne la décision rendue sur l'action civile dirigée contre elle et celle rendue sur les indemnités de procédure :

En vertu de l'article 429, alinéa 4, du Code d'instruction criminelle, sauf l'exception visée à l'article 427, alinéa 1er, de ce code, le mémoire du demandeur est communiqué par courrier recommandé ou, dans les conditions fixées par le Roi, par voie électronique à la partie contre laquelle le pourvoi est dirigé et le défendeur lui communique de la même manière son mémoire en réponse. Cette disposition énonce également que la preuve de l'envoi est déposée au greffe dans les délais prévus aux alinéas 1er à 3 et que ces formalités sont prescrites à peine d'irrecevabilité.

Il ne ressort pas des pièces de la procédure que la défenderesse ait déposé au greffe la preuve de l'envoi par recommandé du mémoire en réponse au demandeur.

Dans les limites précisées ci-dessus, le mémoire en réponse est irrecevable.

A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui constate que la société anonyme Alpi Belgium a été citée par erreur devant la cour d'appel :

La défenderesse a été acquittée par le tribunal et il apparaît de la procédure qu'aucun appel n'a été formé contre cette décision.

Le pourvoi est irrecevable.

B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui, statuant sur l'action publique exercée à charge de la société anonyme Amoray Immo, constate l'extinction de l'action publique :

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

C. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui, statuant sur l'action publique exercée à charge de la société anonyme Sotiaux International du chef du fait II, constate que l'acquittement prononcé par le tribunal à son égard est définitif à défaut d'appel du demandeur et d'appel recevable du ministère public :

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

D. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui statue sur l'action publique exercée à charge de la société anonyme Sotiaux International du chef des faits I, III et IV :

Sur le second moyen :

Quant à la première branche :

Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen :

La défenderesse soutient que le moyen, en cette branche, n'est pas recevable parce qu'il ne précise pas en quoi l'arrêt aurait violé les articles 1382 et 1383 du Code civil, 281, 282 et 283 de la loi générale sur les douanes et accises du 18 juillet 1977.

En matière répressive, la circonstance que le demandeur identifierait de manière erronée la disposition légale dont l'arrêt est accusé de la violation, ne contrevient à aucune règle de forme susceptible d'entraîner l'irrecevabilité du moyen.

Invoquant la méconnaissance de la notion d'erreur invincible, le moyen, en cette branche, n'est pas davantage affecté d'une imprécision mettant la Cour dans l'impossibilité de distinguer l'illégalité alléguée.

La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.

Il est reproché à l'arrêt d'acquitter la défenderesse sur le fondement de l'erreur invincible.

L'erreur est une cause de justification si tout homme raisonnable et prudent aurait pu la commettre en étant placé dans les mêmes circonstances que celles où le prévenu s'est trouvé.

L'appréciation des faits constitutifs de l'erreur invincible appartient souverainement au juge. Il revient toutefois à la Cour de vérifier si, de ses constatations, le juge a pu déduire l'existence d'une telle erreur, sans méconnaître cette notion.

La défenderesse est poursuivie pour avoir mis à la consommation plusieurs tonnes de tabac manufacturé pour lesquelles les droits d'accise et les droits d'accise spéciaux n'ont été ni déclarés ni acquittés en Belgique.

Après avoir relevé que la défenderesse est une agence en douane, l'arrêt constate que les marchandises ont été déclarées sous le code tarifaire et la dénomination de tabac. Il énonce que l'employé de la défenderesse, qui a introduit les documents en douane, a déclaré avoir été induit en erreur par l'utilisation, rendue obligatoire par l'administration des douanes et accises, du logiciel de cette administration. A cet égard, l'arrêt considère que lorsqu'on introduit une demande pour le produit intitulé « tabac pour narguilé » sous le code tarifaire utilisé en l'espèce, le système informatique mentionne que seuls les droits d'entrée et de TVA sont dus, mais pas les droits d'accise, et que ce système ne génère aucun signalement d'erreur.

Par ces seuls motifs, les juges d'appel n'ont pas pu légalement décider que la défenderesse, dont ils ont constaté qu'elle était une professionnelle du dédouanement, avait commis une erreur invincible.

Le moyen est fondé.

E. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui statue sur l'action publique exercée à charge de M. S. E. :

Sur le moyen pris, d'office, de la violation de l'article 71 du Code pénal :

Pour des motifs similaires à ceux mentionnés sous le point D, l'arrêt ne justifie pas légalement sa décision d'acquitter le défendeur, sur le fondement de l'erreur invincible, de l'ensemble des préventions mises à sa charge.

F. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision par laquelle l'arrêt statue sur l'action en recouvrement des droits éludés exercée contre la société anonyme Sotiaux International quant aux faits I et IV et contre M.S.E. quant aux faits I, II, III et IV :

Le demandeur ne fait valoir aucun moyen.

G. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui statue sur l'action en recouvrement des droits éludés exercée contre la société anonyme Sotiaux International du chef du fait III :

Sur le second moyen :

Quant à la seconde branche :

Le moyen est pris de la violation des articles 7, § 1er, d) de la loi du 22 décembre 2009 relative au régime général d'accise et 266, § 1er, de la loi générale sur les douanes et accises du 18 juillet 1977. Le demandeur soutient que l'arrêt ne pouvait, à défaut de base légale, dire la défenderesse non redevable des droits éludés.

L'article 7, § 1er, d) de la loi du 22 décembre 2009 relative au régime général d'accise prévoit que la personne redevable des droits d'accise devenus exigibles est, en ce qui concerne l'importation de produits soumis à accise visée à l'article 6, § 2, d), « la personne qui déclare les produits soumis à accise ou pour le compte de laquelle ils sont déclarés au moment de l'importation, ou, en cas d'importation irrégulière, toute autre personne ayant participé à l'importation ».

En vertu de cette disposition, l'agence en douane qui déclare les produits soumis à accise ou son mandant sont susceptibles d'être tenus au paiement des droits éludés.

En décidant que la défenderesse qui a procédé à la déclaration d'importation, n'est pas redevable de ces droits au seul motif qu' « il ne ressort d'aucun texte légal que l'agent en douane qui déclare des produits soumis à accise serait personnellement tenu des droits d'accise », l'arrêt ne justifie pas légalement sa décision.

Dans cette mesure, le moyen est fondé.

H. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui condamne le demandeur à deux indemnités de procédure au bénéfice de la société anonyme Sotiaux International et de M. S. E. :

Sur le premier moyen :

Pris de la violation des articles 1022, alinéa 1er, du Code judiciaire, 162bis, 194, 211 et 351 du Code d'instruction criminelle, 281, 282 et 283 de la loi générale sur les douanes et accises du 18 juillet 1977, le moyen soutient que l'arrêt ne pouvait condamner le demandeur à des indemnités de procédure.

L'article 162bis, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle dispose que la partie civile qui aura lancé une citation directe et qui succombera sera condamnée envers le prévenu à l'indemnité visée à l'article 1022 du Code judiciaire.

L'article 1022, alinéa 1er, du Code judiciaire, prévoit que l'indemnité de procédure est une intervention forfaitaire dans les frais et honoraires d'avocat de la partie ayant obtenu gain de cause.

En vertu de l'article 283 de la loi générale sur les douanes et accises du 18 juillet 1977, lorsque les contraventions, fraudes, délits ou crimes dont il s'agit dans les articles 281 et 282 donnent lieu au paiement de droits ou accises, et par conséquent à une action civile, indépendamment de la poursuite d'une peine, le juge compétent connaît de l'affaire sous ce double rapport et juge l'une et l'autre cause.

L'action en recouvrement des droits éludés visés à l'article 283 de la loi du 18 juillet 1977, dirigée par l'administration des douanes et accises dans le cadre d'infractions visées aux articles 281 et 282 de ladite loi est une action civile connexe à l'action publique, qui ne résulte pas de l'infraction, mais qui trouve son fondement dans la loi qui impose le paiement de droits.

L'administration des douanes et accises ne peut davantage être considérée comme partie civile au sens de l'article 162bis, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle et, en cas de rejet de cette action civile, elle ne peut être condamnée au paiement d'une indemnité de procédure au prévenu.

Le moyen est fondé.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il acquitte la société anonyme Sotiaux International des faits I, III et IV et M.S. E. des faits I, II, III et IV, en tant qu'il statue sur l'action en recouvrement des droits éludés exercée contre la défenderesse précitée du chef du fait III et en tant qu'il alloue à ces défendeurs des indemnités de procédure à charge du demandeur ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Laisse un tiers des frais à l'Etat et réserve le surplus pour qu'il soit statué sur celui-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d'appel de Mons.
Lesdits frais taxés à la somme de cinq cent soixante-sept euros treize centimes dont deux cent quarante-huit euros vingt-deux centimes dus et trois cent dix-huit euros nonante et un centimes payés par ce demandeur.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du dix octobre deux mille dix-huit par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.
F. Gobert F. Lugentz T. Konsek
E. de Formanoir F. Roggen B. Dejemeppe


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.18.0184.F
Date de la décision : 10/10/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-10-10;p.18.0184.f ?

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