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08/10/2018 | BELGIQUE | N°S.14.0044.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 08 octobre 2018, S.14.0044.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° S.14.0044.N
BIOMET BELGIUM, sprl,
Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
contre
W. D. S.
Me Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2013 par la cour du travail d'Anvers.
Le conseiller Koen Mestdagh a fait rapport.
L'avocat général Henri Vanderlinden a conclu.


II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée

conforme, le demandeur présente deux moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à ...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° S.14.0044.N
BIOMET BELGIUM, sprl,
Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
contre
W. D. S.
Me Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2013 par la cour du travail d'Anvers.
Le conseiller Koen Mestdagh a fait rapport.
L'avocat général Henri Vanderlinden a conclu.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente deux moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la première branche :

1. L'article 2, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 19 mars 1991 portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, ainsi que pour les candidats délégués du personnel, dispose que les délégués du personnel et les candidats délégués du personnel ne peuvent être licenciés que pour un motif grave préalablement admis par la juridiction du travail ou pour des raisons d'ordre économique ou technique préalablement reconnues par l'organe paritaire compétent.
L'article 2, § 1er, alinéa 2, de la même loi précise qu'est considéré comme licenciement pour l'application dudit article :
1° toute rupture du contrat de travail par l'employeur, avec ou sans indemnité, avec ou sans respect d'un préavis, notifiée pendant la période visée aux paragraphes 2 ou 3 ;
2° toute rupture du contrat de travail par le travailleur en raison de faits qui constituent un motif imputable à l'employeur ;
3° le non-respect par l'employeur de l'ordonnance du président du tribunal du travail prise en application de l'article 5, § 3, décidant de la poursuite de l'exécution du contrat de travail pendant la procédure en cours devant les juridictions du travail.
L'article 2, § 6, dispose qu'aucun autre mode de cessation du contrat de travail que ceux visés au paragraphe 1er ne peut être invoqué, à l'exception :
- de l'expiration du terme ;
- de l'achèvement du travail en vue duquel le contrat a été conclu ;
- de la rupture unilatérale de ce contrat par le travailleur ;
- du décès du travailleur ;
- de la force majeure ;
- de l'accord entre l'employeur et le travailleur.
2. Ainsi qu'il ressort également de leur genèse, il résulte de l'ensemble des dispositions légales précitées visant la protection des délégués du personnel que la loi du 19 mars 1991 exclut la résolution judiciaire à la demande de l'employeur en tant que mode de cessation du contrat de travail d'un délégué du personnel ou d'un candidat délégué du personnel, mais qu'elle n'empêche pas la résolution judiciaire d'un tel contrat de travail à la demande du délégué du personnel ou du candidat délégué du personnel lui-même.
Le moyen, qui, en cette branche, repose entièrement sur un soutènement contraire, manque en droit.
(...)
Sur le second moyen :

Quant à la première branche :

4. L'article 1184, alinéa 1er, du Code civil dispose que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
L'alinéa 2 du même article précise que, dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit et que la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.
Aux termes de l'article 1184, alinéa 3, du Code civil, la résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.
Le juge ne peut faire droit à la demande de résolution du contrat aux torts de l'une des parties que s'il constate que les manquements contractuels reprochés à celle-ci sont suffisamment graves pour lui permettre de prononcer la résolution.
5. L'article 2, § 1er, alinéa 2, 2°, de la loi du 19 mars 1991, selon lequel toute rupture du contrat de travail par le travailleur en raison de faits qui constituent un motif imputable à l'employeur est considérée comme un licenciement pour l'application dudit article, n'a pas exclusivement trait à la démission remise par le travailleur en application de l'article 35 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, en raison de faits qui constituent un motif grave dans le chef de l'employeur.
Cette disposition concerne également la résolution judiciaire du contrat à la demande d'un délégué du personnel, prononcée en raison d'un manquement contractuel grave de la part de l'employeur, d'une nature telle que le délégué du personnel aurait pu constater légalement, sur la base de ces faits, la rupture irrégulière du contrat de travail par l'employeur visée à l'article 2, § 1er, alinéa 1er, 1°, de la loi du 19 mars 1991.
6. L'arrêt constate tout d'abord que, le 9 mai 2012, le défendeur a été élu représentant effectif des travailleurs au sein du Comité pour la prévention et la protection au travail.
Après avoir constaté que la demanderesse a vidé de sa substance la fonction du défendeur et manqué à son obligation d'employer le défendeur de la manière convenue, en d'autres termes qu'elle a modifié unilatéralement et de manière substantielle un élément essentiel du contrat de travail du défendeur, l'arrêt considère que ce manquement contractuel grave justifie de prononcer la résolution judiciaire du contrat de travail aux torts de la demanderesse. Par ce motif, il déclare le contrat de travail entre les parties résolu par voie judiciaire aux torts de la demanderesse, en date du 17 novembre 2012.
7. Par ce motif, l'arrêt a pu considérer légalement que la résolution judiciaire du contrat de travail prononcée en l'espèce correspond à la définition de la rupture du contrat de travail par le travailleur en raison de faits qui constituent un motif imputable à l'employeur, visée à l'article 2, § 1er, alinéa 2, 2°, de la loi du 19 mars 1991, et que le défendeur peut donc prétendre au paiement des indemnités visées à l'article 16 de ladite loi.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
8. Contrairement à ce que suppose le moyen, en cette branche, l'arrêt ne considère pas que la résolution judiciaire du contrat de travail prononcée en l'espèce peut être assimilée à une rupture du contrat de travail par le travailleur à la suite de faits qui constituent un motif grave dans le chef de l'employeur, visée à l'article 18 de la loi du 19 mars 1991.
Dans la mesure où il invoque une violation de cet article 18, le moyen, en cette branche, repose sur une lecture erronée de l'arrêt et manque en fait.
9. La violation prétendue des autres dispositions légales invoquées est entièrement déduite de celle, vainement alléguée, des articles 1184 du Code civil et 2, § 1er, alinéa 2, 2°, de la loi du 19 mars 1991.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est irrecevable.

Quant à la troisième branche :
(...)
14. L'article 16 de la loi du 19 mars 1991 dispose :
« Lorsque le travailleur ou l'organisation qui a présenté sa candidature n'a pas demandé sa réintégration dans les délais fixés à l'article 14, l'employeur est tenu de lui payer, sauf dans le cas où la rupture a eu lieu avant le dépôt des candidatures sans préjudice du droit à une indemnité plus élevée due en vertu du contrat individuel, d'une convention collective de travail ou des usages et à tous autres dommages et intérêts pour préjudice matériel ou moral, une indemnité égale à la rémunération en cours correspondant à la durée de :
- deux ans lorsqu'il compte moins de dix années de service dans l'entreprise;
- trois ans lorsqu'il compte de dix à moins de vingt années de service dans l'entreprise;
- quatre ans lorsqu'il compte vingt années de service ou plus dans l'entreprise ».
Aux termes de l'article 17, § 1er, de la même loi, lorsque le travailleur ou l'organisation qui a présenté sa candidature a demandé sa réintégration et que celle-ci n'a pas été acceptée par l'employeur dans les trente jours qui suivent le jour où la demande lui a été envoyée, par lettre recommandée à la poste, cet employeur est tenu de payer au travailleur l'indemnité prévue à l'article 16 ainsi que la rémunération pour la période restant à courir jusqu'à la fin du mandat des membres représentant le personnel à l'élection desquels il a été candidat.
15. L'arrêt ne constate pas que le défendeur ou l'organisation qui a présenté sa candidature a demandé sa réintégration et que la demanderesse a refusé cette demande.
L'arrêt, qui considère que la demanderesse doit également s'acquitter de l'indemnité réclamée sur la base de l'article 17 de la loi du 19 mars 1991, au motif qu'elle ne présente aucun moyen de défense à cet égard sauf en ce qui concerne le calcul du montant réel de cette indemnité, ne justifie pas légalement sa décision.
Le moyen, en cette branche, est fondé.

Sur les autres griefs :

16. Les autres griefs ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il condamne la demanderesse à payer au défendeur, sur la base de l'article 17 de la loi du 19 mars 1991 portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, une indemnité de protection de 459.505,96 euros majorée des intérêts judicaires depuis le 17 novembre 2012, et qu'il statue sur les dépens ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour du travail de Gand.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Alain Smetryns, les conseillers Koen Mestdagh, Mireille Delange et Antoine Lievens, et prononcé en audience publique du huit octobre deux mille dix-huit par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Henri Vanderlinden, avec l'assistance du greffier Mike Van Beneden.

Traduction établie sous le contrôle du président de section Mireille Delange et transcrite avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.14.0044.N
Date de la décision : 08/10/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-10-08;s.14.0044.n ?

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