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05/10/2018 | BELGIQUE | N°C.17.0594.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 05 octobre 2018, C.17.0594.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.17.0594.N
1. G. H.,
2. M. E.,
3. E. H.,
Me Martin Lebbe, avocat à la Cour de cassation,

contre

BANK NAGELMACKERS, s.a.




I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 29 juin 2017 par la cour d'appel d'Anvers.
Le conseiller Koenraad Moens a fait rapport.
L'avocat général Ria Mortier a conclu.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les

demandeurs présentent deux moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la troisième branche :

1...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.17.0594.N
1. G. H.,
2. M. E.,
3. E. H.,
Me Martin Lebbe, avocat à la Cour de cassation,

contre

BANK NAGELMACKERS, s.a.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 29 juin 2017 par la cour d'appel d'Anvers.
Le conseiller Koenraad Moens a fait rapport.
L'avocat général Ria Mortier a conclu.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent deux moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la troisième branche :

1. En vertu de l'article 88 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur, tel qu'applicable au litige, les ventes au consommateur conclues en dehors de l'entreprise du vendeur doivent, sous peine de nullité, faire l'objet d'un contrat écrit, rédigé en autant d'exemplaires qu'il y a de parties contractantes ayant un intérêt distinct et ce contrat doit, sous peine de nullité, comporter la clause de renonciation suivante, rédigée en caractères gras dans un cadre distinct du texte au recto de la première page : « Dans les sept jours ouvrables à dater du lendemain du jour de la signature du présent contrat, le consommateur a le droit de renoncer sans frais à son achat à condition d'en prévenir le vendeur par lettre recommandée à la poste. Toute clause par laquelle le consommateur renoncerait à ce droit est nulle ».

2. La disposition précitée transpose en droit belge les articles 4 et 5 de la directive 85/577/CEE du Conseil du 20 décembre 1985 concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux.
Selon l'article 4 de cette directive, le commerçant est tenu d'informer par écrit le consommateur de son droit de résilier le contrat au cours des délais définis à l'article 5 ainsi que des nom et adresse d'une personne à l'égard de laquelle il peut exercer ce droit. Les États membres veillent à ce que leur législation nationale prévoie des mesures appropriées destinées à protéger le consommateur lorsque l'information visée à cet article n'est pas fournie.
L'article 5 de ladite directive prévoit que le consommateur a le droit de renoncer aux effets de son engagement en adressant une notification dans un délai d'au moins sept jours à compter du moment où le consommateur a reçu l'information visée à l'article 4 et conformément aux modalités et conditions prescrites par la législation nationale.
3. Dans son arrêt rendu le 17 décembre 2009 dans l'affaire Martín Martín, C-227/08, la Cour de justice de l'Union européenne a considéré que les articles 4 et 5 précités de la directive 85/577/CEE ont pour objet « la protection du consommateur contre les risques découlant des circonstances propres à la conclusion des contrats en dehors des établissements commerciaux, ces contrats se caractérisant par le fait que l'initiative des négociations émane normalement du commerçant et que le consommateur ne s'est, en aucune façon, préparé à un tel démarchage en comparant notamment le prix et la qualité des différentes offres disponibles » (point 22) et que « c'est en considération d'un tel déséquilibre que la directive assure la protection du consommateur en instaurant, tout d'abord, à son bénéfice un droit de résiliation (de sept jours au moins) (...) et exige (...) à son article 4 que le commerçant informe par écrit le consommateur de son droit de résilier le contrat ainsi que des conditions et des modalités d'exercice auxquelles est soumis un tel droit » (points 23 et 24).

Dans l'arrêt précité, la Cour de justice de l'Union européenne a estimé que l'article 4 de la directive 85/577/CEE requiert qu'« une juridiction nationale déclare d'office la nullité d'un contrat relevant du champ d'application de cette directive au motif que le consommateur n'a pas été informé de son droit de résiliation, alors même que cette nullité n'a à aucun moment été invoquée par le consommateur devant les juridictions nationales compétentes » (point 36), mais que « la juridiction nationale saisie pourrait également devoir tenir compte, dans certaines circonstances, de la volonté du consommateur (après avoir été informé par le juge) à ne pas voir annuler le contrat en cause (voir, par analogie, arrêt du 4 juin 2009, Pannon GSM, C‑243/08, point 33) » (point 35).
4. Il suit manifestement de cette jurisprudence que l'article 88 de la loi du 14 juillet 1991, qui transpose en droit belge les articles 4 et 5 de la directive 85/577/CEE et qu'il convient d'interpréter, autant que faire se peut, à l'aune des termes utilisés dans cette directive et au regard de sa finalité, est une disposition impérative en faveur du consommateur. Par conséquent, le consommateur peut, après la naissance d'un litige, renoncer de manière expresse ou tacite et en connaissance de cause à son droit d'invoquer la nullité d'un contrat conclu en dehors des établissements commerciaux au motif qu'il n'a pas été informé de son droit de renonciation dans les termes légaux.
5. En vertu de l'article 1338, alinéa 1er, du Code civil, l'acte de confirmation ou ratification d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité ou en rescision n'est valable que lorsque celui qui confirme ou ratifie l'obligation en connaissait la nullité.
L'alinéa 2 de cet article dispose qu'à défaut d'acte de confirmation ou de ratification, il suffit que l'obligation soit exécutée volontairement après l'époque à laquelle elle pouvait être valablement confirmée ou ratifiée.
Conformément à l'alinéa 3, la confirmation, la ratification ou l'exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminées par la loi emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers.

6. Il suit ainsi des articles 88 de la loi du 14 juillet 1991 et 1338 du Code civil que le consommateur ne peut renoncer au droit d'invoquer la nullité d'un contrat conclu en dehors des établissements commerciaux du fait de l'absence de mention d'un droit de renonciation dans les termes légaux que lorsqu'il a été constaté qu'au moment de la renonciation, le consommateur connaissait la cause de nullité du contrat.
7. Les juges d'appel ont constaté et considéré que :
- le 31 juillet 2007, les parties ont conclu un contrat de gestion discrétionnaire de fortune en dehors des locaux de l'entreprise de la défenderesse ;
- l'absence d'une clause de renonciation dans ce contrat entraîne une nullité relative qui est cependant largement couverte par la participation active du premier demandeur après la conclusion du contrat de gestion discrétionnaire de fortune ;
- il ressort, entre autres, de l'avenant au contrat du 26 septembre 2007 signé par les deux parties que le premier demandeur ne souhaitait pas renoncer au contrat mais que, deux mois après la conclusion de celui-ci, il désirait, plus que jamais, continuer à confier la gestion de sa fortune à la défenderesse et qu'il y participait activement ;
- ce constat se vérifie d'autant plus que le contrat prévoyait expressément en son article 12, conformément à l'arrêté royal du 5 août 1991 relatif à la gestion de fortune et au conseil en placements, tel qu'il était alors en vigueur, la faculté pour le premier demandeur de « mettre fin au contrat à tout moment par lettre recommandée à la poste ou avec accusé de réception » ;
- compte tenu de ces dispositions figurant expressément au contrat, le premier demandeur ne peut prétendre qu'il ignorait son droit de révoquer le contrat de gestion de fortune et il ne peut qu'être déduit de son comportement qu'il n'a jamais voulu faire usage de cette faculté.

8. Les juges d'appel n'ont pu légalement déduire de ces faits que le premier demandeur a renoncé à son droit d'invoquer la nullité du contrat de gestion discrétionnaire de fortune sans constater que le premier demandeur avait connaissance de la nullité de ce contrat du fait de l'absence de mention d'un droit de renonciation dans les termes de l'article 88 de la loi du 14 juillet 1991. Ainsi, les juges d'appel n'ont pas légalement justifié leur décision.
Le moyen, en cette branche, est fondé.

Sur l'étendue la cassation :

9. La cassation sur le premier moyen, en sa troisième branche, s'étend, vu le lien étroit qui les unit, à l'absence de décision sur la demande de reddition de comptes concernant la gestion.

Sur les autres griefs :

10. Les autres griefs ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué en tant que les juges d'appel statuent sur la nullité du contrat de gestion de fortune et sur les dépens et en tant qu'ils ne se prononcent pas sur la demande formulée par les demandeurs de voir condamner la défenderesse à produire une reddition de comptes complète concernant la gestion des comptes à vue du premier demandeur et la gestion de sa fortune ;

Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Alain Smetryns, président, et les conseillers Koen Mestdagh, Geert Jocqué, Bart Wylleman et Koenraad Moens, et prononcé en audience publique du cinq octobre deux mille dix-huit par le président de section Alain Smetryns, en présence de l'avocat général Ria Mortier, avec l'assistance du greffier Vanessa Van de Sijpe.

Traduction établie sous le contrôle du conseiller Ariane Jacquemin et transcrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.17.0594.N
Date de la décision : 05/10/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-10-05;c.17.0594.n ?

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