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04/10/2018 | BELGIQUE | N°C.17.0245.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 04 octobre 2018, C.17.0245.F


N° C.17.0245.F
LA MAISON DES PROMOTEURS, société privée à responsabilité limitée, en liquidation, dont le siège social est établi à Quaregnon, rue de Monsville, 223/8,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Anvers, Amerikalei, 187/302, où il est fait élection de domicile,

contre

1. M. T. et
2. N. F.,
3. S. C. et
4. E. L.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Patricia Vanlersberghe, avocat à la Cour de Cassation, dont le cabinet est

établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant ...

N° C.17.0245.F
LA MAISON DES PROMOTEURS, société privée à responsabilité limitée, en liquidation, dont le siège social est établi à Quaregnon, rue de Monsville, 223/8,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Anvers, Amerikalei, 187/302, où il est fait élection de domicile,

contre

1. M. T. et
2. N. F.,
3. S. C. et
4. E. L.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Patricia Vanlersberghe, avocat à la Cour de Cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre les arrêts rendus les 13 janvier et 18 novembre 2015 par la cour d'appel de Mons.
Le 11 septembre 2018, l'avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et l'avocat général Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

L'arrêt attaqué du 13 janvier 2015 ne déduit pas que les défendeurs avaient donné mandat à la demanderesse d'exécuter en leur nom et pour leur compte leurs obligations à l'égard du vendeur des appartements et donc de payer à celui-ci les montants dus par eux ainsi que l'acceptation par la demanderesse de ce mandat de la seule constatation du rôle d'intermédiaire de la demanderesse et du seul fait que, par courriers électroniques, le gérant de la demanderesse a demandé aux défendeurs d'effectuer un versement « au profit de [s]a société » sur le compte de celle-ci, ce qu'ils ont fait, mais également de la circonstance que la demanderesse avait adressé aux défendeurs des « courriels concernant l'organisation de visites du projet ou la recherche de solutions communes face à la carence du vendeur turc », de celle que la demande de paiement au profit de la demanderesse était motivée par le fait que son gérant devait payer lui-même « les frais d'avocat et de tapus (titre de propriété) », de celle « que la communication de versement sollicitée par ces courriels s'apparente à celle qui figure sur les contrats de vente des immeubles litigieux », du constat que la demanderesse « soutient [...] avoir transmis toutes ces sommes au vendeur ou à une personne habilitée à recevoir paiement pour le compte du vendeur, à la demande de cette personne » et de la considération que « le paiement d'une somme d'argent est un acte juridique ».
Le moyen, qui procède d'une lecture incomplète de cet arrêt, manque en fait.

Sur le second moyen :

Quant à la seconde branche :

Dans leurs conclusions d'appel avant réouverture des débats, les défendeurs faisaient valoir que la demanderesse « ne conteste pas faire le commerce de courtage », qu'« il sera démontré plus loin que [la demanderesse], outre le courtage, a assumé un mandat », qu'« il n'est pas rare de voir une société commerciale être à la fois courtier et mandataire », qu'« il est demandé à [la demanderesse] de se justifier sur le traitement et de fournir la reddition des comptes de son courtage et de son mandat », que la demanderesse « ne conteste pas devoir assumer les obligations d'un courtage », que « les lettres de monsieur M. D. C. écrites en sa qualité de gérant de la [demanderesse] démontrent, avec certitude, l'accomplissement d'actes juridiques, qui sont démonstratifs d'un mandat cumulé avec le courtage (le courtage n'implique que des actes matériels) » et « que [la demanderesse] ne démontre rien du tout et ne prouve pas avoir agi en bon père de famille en libérant l'argent confié seulement contre la remise des trois titres de propriété sollicités ».
Dans ses conclusions d'appel avant réouverture des débats, la demanderesse relevait que les défendeurs « précisent qu'il s'agissait pour eux d'acquérir, par le courtage et le mandat conféré à la [demanderesse], des appartements en Turquie » et qu'« aux termes de leurs conclusions d'appel, les [défendeurs] considèrent que la [demanderesse] ne conteste pas devoir assumer les obligations d'un courtage, ce qui ne semble pas tout à fait exact », faisait valoir qu'« en tout état de cause, [elle] s'oppose effectivement à ce que la relation ayant existé entre elle et les [défendeurs] soit examinée sous couvert d'un mandat », contestait l'existence du mandat allégué et soutenait que « les actes passés par [elle], tant en Turquie qu'en Belgique, l'avaient été pour son propre compte ».
Il suit de ce qui précède que l'intervention de la demanderesse en qualité d'agent immobilier lors des opérations litigieuses était dans le débat.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la première branche :

Les articles 1358 à 1369 du Code judiciaire sont étrangers au grief fait à l'arrêt attaqué du 18 novembre 2015 d'apprécier la responsabilité de la demanderesse relativement à l'exécution du mandat qui lui avait été donné en considération de sa qualité d'agent immobilier.
Pour le surplus, l'article 1992 du Code civil dispose que le mandataire répond, non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion et que, néanmoins, la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire.
La faute du mandataire professionnel susceptible d'engager sa responsabilité sur la base de cette disposition doit s'apprécier suivant le critère du mandataire normalement prudent et diligent, placé dans les mêmes conditions.
L'exécution par un agent immobilier d'un mandat qui lui a été donné en cette qualité constitue l'exécution d'un acte relatif à sa profession d'agent immobilier.
Partant, dès lors que, par les motifs vainement critiqués par la seconde branche du moyen, il considère que le mandat litigieux a été donné par les défendeurs à la demanderesse en sa qualité d'agent immobilier agissant dans le cadre de ses activités professionnelles, l'arrêt attaqué du 18 novembre 2015 décide légalement qu'« il convient de vérifier si [la demanderesse] a bien accompli sa mission sans faute, c'est-à-dire avec les soins que l'on peut raisonnablement attendre de tout agent immobilier normalement prudent et diligent ».
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de mille sept cent quarante euros vingt-six centimes envers la partie demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du quatre octobre deux mille dix-huit par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont A. Jacquemin S. Geubel
M.-Cl. Ernotte M. Lemal Chr. Storck

Requête
POURVOI EN CASSATION

POUR: la SPRL MAISON DES PROMOTEURS, dont le siège était anciennement sis à 7020 Nimy (Mons), route D'Ath 282, actuellement sis à 7390 Quaregnon, rue de Monsville 223/8,

demanderesse en cassation,

assistée et représentée par Me Johan Verbist, avocat à la Cour de Cassation, dont les bureaux sont établis Amerikalei 187/302 à 2000 Anvers chez qui il est fait élection de domicile,

CONTRE: 1. M. T. et
2. N. F.,

3. S. C. et
4. E. L.,

défendeurs en cassation,

*
* *

A Messieurs les Premier Président et Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers composant la Cour de cassation de Belgique,

Messieurs, Mesdames,

La demanderesse a l'honneur de déférer à votre censure les arrêts rendus contradictoirement entre parties les 13 janvier et 18 novembre 2015 par la 7ème chambre de la cour d'appel de Mons (RG 2015/RG/683).

FAITS DE LA CAUSE ET ANTECEDENTS DE LA PROCEDURE

Les faits de la cause et les antécédents de la procédure tels qu'ils ressortent des pièces de la procédure auxquelles votre Cour peut avoir égard peuvent succinctement être résumés comme suit :

1. Par citation du 19 septembre 2011, les défendeurs ont assigné la sprl Maximmobilier, Monsieur D. C. et la demanderesse devant le tribunal de première instance de Mons en vue de les entendre condamner in solidum à rendre compte de l'usage qui a été fait des sommes qu'ils ont reçues en vue de l'achat de trois appartements (deux pour les deux premiers défendeurs et un pour les troisième et quatrième défendeurs) dans la province d'Aydin en Turquie.

2. Par jugement du 15 mai 2013, le tribunal de première instance de Mons a considéré que la demande n'était fondée qu'à l'égard de la demanderesse et l'a condamnée à rendre compte de sa gestion des sommes versées par les défendeurs et ce, dans les deux mois de la signification du jugement. Il a réservé à statuer quant au surplus et aux dépens.

3. La demanderesse a interjeté appel contre cette décision, par requête déposée au greffe le 24 juillet 2013.

Elle demandait à titre principal que la demande originaire soit déclarée irrecevable, à titre subsidiaire que soit constatée l'absence de pouvoir de juridiction des cours et tribunaux belges, à défaut qu'il soit sursis à statuer sur la demande originaire dans l'attente de l'issue de l'action publique et tout à fait subsidiairement que la demande originaire soit déclarée non fondée ou seulement à concurrence d'1 euro provisionnel.

Les défendeurs demandaient à titre principal la confirmation du jugement dont appel et ont introduit à titre subsidiaire un appel incident visant à la condamnation de la demanderesse à leur rembourser respectivement les sommes de 184.559,29 euro et 85.058 euro .

4. Par le premier arrêt attaqué du 13 janvier 2015, la cour d'appel de Mons a dit l'appel principal recevable et partiellement fondé et l'appel incident sans objet.

Elle a confirmé le jugement dont appel sous la seule émendation que le compte et les pièces justificatives devront être déposés au greffe et communiqués aux intimés pour le 15 mars 2015.

L'arrêt a réservé à statuer quant aux dépens et renvoyé la cause au rôle.

Suite au dépôt du compte établi par la demanderesse, les défenderesses ont fait fixer la cause devant la cour d'appel.

La demanderesse, se fondant sur ses pièces justificatives, demandait à nouveau qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la clôture de l'instruction pénale, ou en tout état de cause, de réserver à statuer pour le surplus des différentes demandes.

Par le second arrêt attaqué du 18 novembre 2015, la cour d'appel de Mons constate qu'il subsiste un compte entre les parties relatif à l'indemnisation de la faute commise par la demanderesse dans le cadre de la gestion des fonds des défendeurs et ordonne, avant dire droit, la réouverture des débats à l'audience du 11 mai 2016 pour permettre aux parties de s'expliquer sur le compte relatif à l'indemnisation de la faute de gestion de la demanderesse. Elle invite à cet effet les parties à s'échanger leurs observations écrites selon un calendrier et réserve à statuer sur le surplus.

*
* *

A l'appui du pourvoi qu'elle forme contre l'arrêt attaqué du 13 janvier 2015, la demanderesse croit pouvoir invoquer le moyen unique de cassation ci-après libellé :

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Dispositions légales violées

 Article 1349 du Code civil.

Décision critiquée

L'arrêt attaqué décide que les défendeurs ont confié à la demanderesse un mandat dont ils exigent à juste titre qu'elle rende compte aux motifs que :

« Par application de l'article 25 du Code de commerce et s'agissant de faire la preuve d'un engagement commercial dans le chef de (la demanderesse), cette preuve peut être faite par toutes voies de droit (...).

Bien qu'elle s'en défende, il est patent que (la demanderesse) a joué un rôle d'intermédiaire entre les acheteurs et leur vendeur dans le cadre de l'opération immobilière litigieuse, ce qui ressort notamment de la transmission, par le gérant de cette société, d'instruction de paiement (pièce n° 1 du dossier des acheteurs) ou de courriels concernant l'organisation de visites du projet ou la recherche de solutions communes face à la carence du vendeur turc (pièces n° 13 et 14 du même dossier ; pièces n° 13 à 15 du dossier de la S.P.R.L.).

Dans ce contexte, par un courrier du 26 février 2009, le gérant de (la demanderesse), au départ d'une adresse électronique portant le nom de cette société, a sollicité de M. T. le paiement de 149.500,00 euros ‘au profit de ma société car je dois payer moi-même (sic) les frais d'avocat et de tapus (titre de propriété)' (pièce n° 7 du dossier des acheteurs), et cette somme a effectivement été versée sur le compte de la société (pièce n° 8 du même dossier).

Et par un courriel du même jour à la banque de M. C., ce même gérant a sollicité le paiement de 55.500,00 euros sur le compte de la (demanderesse), ce qui fut immédiatement fait par un versement bancaire accompagné d'un courriel du banquier signifiant que le paiement était fait pour M. C. (pièce n° 11 du même dossier), ce qu'aucune des parties au présent litige ne remet en question.

La communication de versement sollicitée par ces courriels s'apparente à celle qui figure sur les contrats de vente des immeubles litigieux.

Ces éléments suffisent à considérer que (la demanderesse) a accepté de se charger, au nom et pour le compte des acheteurs, du paiement entre les mains du vendeur, à titre de prix d'achat, des sommes que ces derniers lui ont remises.

Elle-même soutient d'ailleurs avoir transmis toutes ces sommes au vendeur ou à une personne habilitée à recevoir paiement pour le compte du vendeur, à la demande de cette personne.

Or, le paiement d'une somme d'argent est un acte juridique (...).

C'est donc bien un mandat que les acheteurs ont confié à la (demanderesse), de sorte que c'est à juste titre qu'ils exigent d'elle qu'elle rende compte de sa mission. »
(arrêt attaqué du 13 janvier 2015, pp. 6-7)

Griefs

Aux termes de l'article 1349 du Code civil les présomptions sont des conséquences que la loi ou le magistrat tire d'un fait connu à un fait inconnu.

Le mandat est le contrat par lequel une personne en charge une autre qui l'accepte d'accomplir un acte juridique en son nom et pour son compte, tel un paiement.

L'arrêt attaqué admet, d'une part, le rôle d'intermédiaire de la demanderesse et, par ailleurs, constate que, par courriers électroniques, le gérant de la demanderesse a demandé aux défendeurs d'effectuer un versement « au profit de ma société » sur le compte de celle-ci, ce qu'ils ont fait. De ces constatations dont il résulte que l'initiative du versement venait de la demanderesse, l'arrêt attaqué n'a pas pu légalement déduire que les défendeurs lui avaient donné mandat d'exécuter en leur nom et pour leur compte leurs obligations à l'égard du vendeur des appartements et donc de payer à celui-ci les montants dus par eux. L'arrêt attaqué n'a pas pu davantage en déduire que la demanderesse avait accepté un tel mandat. L'arrêt attaqué viole ainsi la notion légale de présomptions de l'homme (violation de l'article 1349 du Code civil).

*
* *

A l'appui du pourvoi qu'elle forme contre l'arrêt attaqué du 18 novembre 2015, la demanderesse croit pouvoir invoquer le moyen unique de cassation ci-après libellé.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Dispositions légales violées

 Principe général relatif au respect des droits de la défense
 Articles 1992, 1993, 1994 et 1996 du Code civil
 Articles 1358 - 1369 du Code judiciaire

Décision critiquée

L'arrêt attaqué décide que :

« 2. Quant au virement bancaire global de 126.250,00 euro

Pour examiner la validité du virement bancaire de 126.250,00 euro renseigné au titre des dépenses et remboursements faits par la (demanderesse) et déterminer, le cas échéant, l'existence d'une éventuelle faute de gestion dans le chef de cette dernière, il convient à nouveau de bien cerner l'étendue de son mandat. Dans cette perspective, il convient de tenir compte du principe selon lequel la responsabilité relative aux fautes de gestion du mandataire est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui a droit à un salaire (C. civ., art. 1992) mais aussi du fait que le mandataire professionnel voit apprécier plus sévèrement le sérieux et la diligence dont il doit faire preuve dans l'accomplissement de sa mission (...).

Certes, il ne ressort d'aucun des éléments soumis à l'appréciation de la Cour qu'une rémunération ait jamais été évoquée entre (les défendeurs) et (la demanderesse). (Les défendeurs) n'ont jamais prétendu avoir confié un mandat de prospection immobilière à (la demanderesse). Dans sa plainte du 7 septembre 2001 à la Police judiciaire Fédérale de Bruges, enregistrée sous le numéro de notice BG 20.F1.007351/2011, l'un des deux associés de (la demanderesse) dit bien que Mme D. V. lui avait promis un pourcentage sur une vente éventuelle une fois la livraison fait, de sorte qu'en sa qualité d'agent immobilier agissant dans le cadre de ses activités professionnelles, (la demanderesse) poursuivait avant tout les intérêts du vendeur, vis-à-vis duquel elle était tenue à un devoir de loyauté (...).

Même s'il a été soutenu qu'il existait une incapacité générale, pour toute personne qui a des intérêts opposés à ceux du mandant, à être son mandataire (...), il faut observer que ce sont moins l'agent immobilier et le tiers acquéreur qui ont des intérêts antagoniques, que les deux parties cocontractantes, à savoir le vendeur et l'acquéreur. Il peut donc s'imaginer, comme l'envisage du reste l'arrêt du 13 janvier 2015 susvisé, qu'un double mandat existe dans le chef du mandataire, à la fois chargé par le vendeur de présenter le bien à la vente et, éventuellement, de recevoir le paiement du prix de vente, et en même temps chargé par l'acquéreur d'acquitter le paiement du prix d'achat, s'il peut se prévaloir de l'assentiment préalable de ses commettants et/ou mandants (...).

Toutefois, même dans le contexte du mandat très spécial, limité au paiement, entre les mains du vendeur, des tranches du prix d'achat des appartements acquis par (les défendeurs), à l'aide des sommes que ceux-ci ont remises à cet effet, il convient de vérifier si (la demanderesse) a bien accompli sa mission sans faute, c'est-à-dire avec les soins que l'on peut raisonnablement attendre de tout agent immobilier normalement prudent et diligent.

Il est notamment utile de s'en référer à cet égard au Code de déontologie de l'Institut professionnel des agents immobiliers approuvé par l'Arrêté royal du 27 septembre 2006 qui prévoit notamment que l'agent immobilier ‘s'assurera de l'identité, de la qualité et des coordonnées précises de son commettant ou des représentants de ce dernier, ainsi que de l'adéquation des pouvoirs de ces personnes avec l'objet de sa mission » (art. 13). En mandatant (la demanderesse) pour payer, entre les mains du vendeur, le montant correspondant à la seconde tranche du prix d'achat des biens acquis grâce à son intermédiaire, (les défendeurs) pouvaient s'attendre à ce que cette agence immobilière vérifie le pouvoir de recevoir paiement du destinataire des fonds.

Or, il ressort des pièces produites que :

- les contrats de vente signés par (les défendeurs) contenant le plan de paiement litigieux ne portent pas la signature du vendeur ;

- le titre de propriété foncière désigne une Dame U. G. qui a consenti, le 21 juillet 2006, devant le premier notaire de Kusadasi (Turquie), U. E., une promesse de vente de bien immeuble et de construction en échange d'étage, à M. I. A., en tant que représentant de la société S. K. M. I. H. T. S. N. R. P. U. T. V. S. L. S., et en son nom, en tant que garant solidaire pour la société, alors que les contrats de vente signés par (les défendeurs) ne désignent aucune de ces personnes comme vendeur mais une société dénommée Globalsnestate ;

- aucune des pièces soumises à l'appréciation de la Cour ne justifie le pouvoir de recevoir paiement de Globalsunestae ni de l'avocat Ö. ;

- (la demanderesse) elle-même conclu un accord commercial portant sur un bien situé dans le même complexe immobilier mais cette convention reprend bien, contrairement aux documents signés par (les défendeurs), le nom de M. I. A. et celui de sa société, comme vendeur, et il y figure d'autres références bancaires pour le paiement ;

- les appartements visés sur les contrats de vente n'ont jamais été livrés (aux défendeurs) et le seul document, portant la date du 13 mai 2009, indiquant que M. I. s'engage à transférer les appartements acquis à la résidence B. par (les défendeurs) vers le bloc B de cette même résidence, sans plus de précision, qui n'est pas signé et qui n'a reçu aucune exécution, ne suffit pas à justifier l'affectation de la somme de 126.250,00 euro .

Il faut en conclure que, même si le paiement de la somme de 126.250,00 euro a bien été effectué par (la demanderesse) sur le compte bancaire de l'avocat Ö. F. n° ... conformément aux indications figurant sur le contrat de vente signé par chacun des intimés, ce paiement n'est pas valablement justifié au regard du mandat qui incombait à cette agence immobilière.

3. Quant au paiement de 78.750,00 euro fait en espèces à Mme D. V.

Pour justifier le transfert au vendeur de la somme de 149.500,00 euro + 55.500,00 euro = 205.000,00 euro que (les défendeurs) lui ont remise pour assurer le paiement de la seconde tranche du prix de vente des appartements litigieux, (la demanderesse) fait état, outre le virement bancaire de 126.250,00 euro évoqué ci-dessus, d'un reçu dactylographié de 78.750,00 euro portant la date du 6 avril 2009, signé par Mme D. V., agissant au profit de la société Casablendon Develoments.

Or, même si M. I. a consenti, le 28 mai 2009, devant le premier notaire de Kusadasi (Turquie), C. M. une promesse de vente d'immeuble à Mme D. V., comme le fait valoir (la demanderesse), il faut observer, d'abord, que cette convention est postérieure au paiement concerné, ensuite qu'elle porte sur dix parts indépendantes distinctes de celles visées dans les contrats de vent des intimés, et surtout qu'elle n'explique par l'intervention de Casablendon Developments.

Il faut en conclure, que, même si le paiement de la somme de 78.750,00 euro a fait l'objet d'un reçu attestant qu'il concernait les acquisitions (des défendeurs) pour les appartements du « B. Resort », ce paiement n'est pas valablement justifié au regard du devoir qui incombait à (la demanderesse) de vérifier le pouvoir de recevoir paiement de Mme D. V. et de la société Casablendon Developments en vue de l'acquisition immobilière litigieuse. »
(arrêt attaque du 18 novembre 2015, pp. 6-8)

Griefs

Première branche

L'action mue par les défendeurs est une action en reddition de compte au sens des articles 1358 et suivants du Code judiciaire fondée sur la qualité de mandataire que la demanderesse avait à leur égard.

La responsabilité de la demanderesse devait donc s'apprécier en cette qualité.

L'arrêt attaqué qui décide que cette responsabilité doit s'appliquer au regard des soins que l'on peut attendre de tout agent immobilier normalement prudent et diligent, n'est pas légalement justifié (violation des articles 1992, 1993, 1994 et 1996 du Code civil et pour autant que de besoin les articles 1358 - 1369 du Code judiciaire).

Deuxième branche

A aucun moment devant le premier juge ou devant le juge d'appel, les parties n'ont fait valoir que la demanderesse avait la qualité d'agent immobilier et qu'elle était intervenue, en cette qualité que ce soit à l'égard des vendeurs ou à l'égard des défendeurs, acquéreurs des biens ou à l'égard des uns et des autres.

En particulier, les défendeurs n'ont pas conclu après l'arrêt du 13 janvier 2015 confirmant la décision du premier juge de condammer la défenderesse à rendre compte de sa gestion des fonds versés par les demandeurs dans le cadre de l'opération d'achat de trois appartements situés en Turquie sous la seule émendation que le compte et les pièces justificatives devront être déposés au greffe de la Cour et que les suites éventuelles de la reddition de compte lui appartiendront.

Par ailleurs, le fait que dans sa plainte, un associé de la demanderesse ait indiqué qu'un pourcentage lui avait été promis en cas de vente éventuelle, une fois la livraison faite, n'est pas un fait spécialement invoqué par une des parties à l'appui de ses prétentions.

En soulevant d'office, pour fonder la condamnation de la demanderesse, le moyen déduit de ce que la responsabilité de celle-ci devait s'apprécier au regard du critère de l'agent immobilier normalement prudent et diligent, sans le soumettre à la contradiction des parties, les juges d'appel ont méconnu le droits de défense de la demanderesse

*
* *

Par ces moyens et considérations, l'avocat à la Cour de cassation soussigné conclut, pour la demanderesse, qu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arrêt attaqué, renvoyer la cause et les parties devant un autre cour d'appel et statuer sur les dépens comme de droit.

Anvers, le 30 mars 2017

Johan Verbist
Avocat à la Cour de cassation

Annexe :
1. déclaration pro fisco.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.17.0245.F
Date de la décision : 04/10/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-10-04;c.17.0245.f ?

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