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02/10/2018 | BELGIQUE | N°P.17.0854.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 02 octobre 2018, P.17.0854.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.17.0854.N
I. 1. C. D. R. D. O. D. M.,
2. J. D. R. D. O. D. M.,
3. T. D. R. D. O. D. M.,
4. M.-C. D. R. D. O. D. M.,
prévenus,
demandeurs en cassation,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. INSPECTEUR DU PATRIMOINE IMMOBILIER,
demandeur en réparation,
Me Veerle Tollenaere, avocat au barreau de Gand,
2. COMMUNE D'EDEGEM, représentée par son collège des bourgmestres et échevins,
partie civile,

3. KEMPENS LANDSCHAP, association sans but lucratif,
parti

e civile,
4. ONDERSTEUNEND CENTRUM VAN HET AGENTSCHAP NATUUR EN BOS,
partie civile,
5. T. L.,
partie civile,
Me Ru...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.17.0854.N
I. 1. C. D. R. D. O. D. M.,
2. J. D. R. D. O. D. M.,
3. T. D. R. D. O. D. M.,
4. M.-C. D. R. D. O. D. M.,
prévenus,
demandeurs en cassation,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. INSPECTEUR DU PATRIMOINE IMMOBILIER,
demandeur en réparation,
Me Veerle Tollenaere, avocat au barreau de Gand,
2. COMMUNE D'EDEGEM, représentée par son collège des bourgmestres et échevins,
partie civile,

3. KEMPENS LANDSCHAP, association sans but lucratif,
partie civile,
4. ONDERSTEUNEND CENTRUM VAN HET AGENTSCHAP NATUUR EN BOS,
partie civile,
5. T. L.,
partie civile,
Me Rudy Van Turnhout, avocat au barreau d'Anvers,
défendeurs en cassation,

II. INSPECTEUR DU PATRIMOINE IMMOBILIER,
demandeur en réparation,
demandeur en cassation,
Me Veerle Tollenaere, avocat au barreau de Gand,

contre

1. C. D. R. D. O. D. M., mieux qualifiée ci-dessus,
2. J. D. R. D. O. D. M., mieux qualifié ci-dessus,
3. T. D. R. D. O. D. M., mieux qualifié ci-dessus,
4. M.-C. D. R. D. O. D. M., mieux qualifiée ci-dessus,
les défendeurs II.1 à II.4 représentés par Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
5. J. D.C.,
prévenus,
défendeurs en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 28 juin 2017 par la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
Les demandeurs I invoquent un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le demandeur II invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L'avocat général Marc Timperman a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR
(...)
Sur le moyen des demandeurs I :

6. Le moyen est pris de la violation de l'article 71 du Code pénal et de la méconnaissance de la notion légale d'erreur invincible : l'arrêt ne peut rejeter, sur la base des constatations qu'il comporte, l'allégation des demandeurs selon laquelle ils ont commis une erreur invincible ; les demandeurs ont souligné les termes sans équivoque figurant dans le compromis du 23 décembre 2011 et dans l'acte notarié de vente du 1er mars 2012, qui stipulaient que la vente ne comprenait pas de biens meubles ni davantage les statues ornant le parc et le jardin, et renvoyé aux négociations menées entre les parties lors de la conclusion de ces conventions et de leur signature, ainsi qu'à l'attitude des notaires instrumentants des acquéreurs comme des vendeurs ; les acquéreurs, qui sont des institutions publiques, n'ont indiqué à quelque moment que ce soit que les biens meubles étaient protégés ; la circonstance que les demandeurs étaient partie contractante en qualité de vendeurs n'exclut pas la possibilité dont ils disposent de se prévaloir de l'erreur invincible sur la base des circonstances concomitantes ; les organes publics précités, en leur qualité d'acquéreurs, étaient présumés s'être concertés avec l'Agence du Patrimoine immobilier ; le manque de crédibilité des déclarations que les notaires instrumentants ont faites à la police et l'absence d'étude approfondie réalisée par ces notaires, qui n'ont formulé aucune remarque sur le statut de protection dont bénéficiaient les biens meubles ne peuvent être reprochés aux demandeurs, dès lors qu'ils n'avaient pas connaissance de ces éléments au moment des faits ; par conséquent, les demandeurs pouvaient raisonnablement supposer que les tableaux, les sculptures et les médaillons pouvaient être vendus séparément à titre de biens meubles sans violer le décret du 3 mars 1976 du Conseil flamand réglant la protection des monuments et des sites urbains et ruraux, actuellement décret du 12 juillet 2013 du Conseil flamand relatif au patrimoine immobilier.

7. Une erreur de droit sur le caractère répréhensible d'un acte n'est réputée invincible que lorsqu'il peut être déduit des éléments concrets de la cause que toute personne normale, prudente et raisonnable aurait également commis cette erreur dans les mêmes circonstances.
(...)
11. Lorsqu'il apprécie la question de savoir si l'attitude d'une autorité a conduit un prévenu à commettre une erreur invincible sur la portée d'une décision administrative, le juge peut tenir compte du fait que cette autorité n'est pas l'organe compétent en la matière.

Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.

12. Lorsqu'il apprécie la question de savoir si le conseil émis ou le silence observé par une personne réputée compétente, telle qu'un notaire, ont conduit le prévenu à commettre une erreur invincible, le juge peut prendre en considération la crédibilité des déclarations que cette personne compétente a faites à ce sujet a posteriori, de même que les circonstances ayant motivé ce conseil ou ce silence, dès lors qu'elles en éclairent la valeur.

Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
(...)
Sur le moyen du demandeur II :

14. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales 144, 145, 149 de la Constitution, 6.2.1, 6.4.1 à 6.4.3 inclus et 11.4.1 du décret du 12 juillet 2013 du Conseil flamand relatif au patrimoine immobilier et de l'arrêté ministériel du 6 novembre 1981 tendant à la protection du château Hof ter Linden en tant que monument et site rural, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif aux droits de la défense et du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs : en ce qui concerne les sculptures, l'arrêt dit, à tort, la demande de réparation manifestement déraisonnable ; il résulte de l'article 11.4.1 du décret du Conseil flamand du 12 juillet 2013 que le juge doit ordonner en premier ordre la réparation de fait dans l'état d'origine ; s'agissant des sculptures, l'arrêt n'établit pas qu'elle est impossible ; il fonde l'inexécutabilité et donc le caractère manifestement déraisonnable de la mesure de réparation sur l'impossibilité de divulguer l'identité des acquéreurs ; il refuse, sans aucune motivation, d'accéder à la requête du demandeur II de solliciter le ministère public afin d'obtenir le procès-verbal de la vente auprès du commissaire du gouvernement du Conseil des ventes volontaires ; l'invocation du secret professionnel auquel le commissaire-priseur est tenu est un motif arbitraire, vague et spéculatif ; c'est précisément l'existence du secret professionnel qui justifie la mesure d'instruction sollicitée ; le motif avancé selon lequel certaines statues pourraient déjà avoir été revendues ne suffit pas davantage ; les juges d'appel étaient tenus de constater, pour chacune des statues, que la réparation en fait dans l'état d'origine s'avère impossible ; la motivation avancée sur ce point n'est pas suffisante, à tout le moins, elle est contradictoire ; en outre, l'inexécutabilité ne revêt qu'un caractère temporaire ; par cette décision critiquée, l'arrêt modifie également l'arrêté de protection ; concernant les tableaux suspendus dans les niches voûtées du hall d'entrée principal, l'arrêt déclare également, à tort, que la demande de réparation est manifestement déraisonnable ; il ne résulte pas de la simple vente d'un tableau à un tiers de bonne foi que l'arrêté de protection ne lui est plus applicable ; l'acquéreur doit, lui aussi, respecter l'arrêté de protection ; le nouveau propriétaire qui, du reste, était associé à la procédure, est tenu de tolérer la mesure de réparation ; il doit également se conformer aux articles 6.4.1 à 6.4.3 du décret du Conseil flamand du 12 juillet 2013 ; par conséquent, l'arrêt modifie l'arrêté de protection.

15. Il résulte du texte et des travaux préparatoires de l'article 11.4.1 du décret du Conseil flamand du 12 juillet 2013 que le juge doit, en principe, toujours ordonner la réparation de fait dans un bon état d'origine et ne peut ordonner les autres formes de réparation que si cette réparation de fait dans un bon état d'origine s'avère impossible. Cette constatation doit porter sur tous les biens faisant l'objet de la demande de réparation.
(...)
18. Il ne suit pas de la seule circonstance que des biens, immeubles par destination, ont été vendus à un tiers de bonne foi que la réparation de fait de ces biens dans un bon état d'origine ne peut être ordonnée. Le tiers de bonne foi est également tenu de respecter l'arrêté de protection et ses conséquences.

19. L'arrêt, qui statue autrement quant aux deux tableaux suspendus dans les niches voûtées du hall d'entrée principal achetés par le défendeur I.5, n'est pas légalement justifié.

Dans cette mesure, le moyen est fondé.

Sur l'étendue de la cassation :

20. La cassation de la décision rendue sur la demande de réparation relative aux neuf statues et aux deux tableaux suspendus dans les niches voûtées du hall d'entrée principal entraîne celle des décisions rendues sur l'action civile du défendeur I.5 et des défendeurs I.2 à I.4 ayant trait aux deux tableaux, compte tenu du lien étroit unissant ces décisions.

Le contrôle d'office pour le surplus

21. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et les décisions sont conformes à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il :
- rejette comme étant manifestement déraisonnable la demande de réparation se rapportant aux neuf statues et aux deux tableaux suspendus dans les niches voûtées du hall d'entrée principal ;
- statue sur l'action civile dirigée par le défendeur I.5 contre les demandeurs I ;
- statue sur l'action civile dirigée par les défendeurs I.2 à I.4 contre les demandeurs I ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Condamne les demandeurs I aux frais du pourvoi I ;
Condamne la Région flamande à un tiers des frais du pourvoi II ;
Réserve le surplus des frais du pourvoi II afin qu'il soit statué sur celui-ci par le juge de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d'appel de Gand.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Alain Bloch, Peter Hoet, Sidney Berneman et Ilse Couwenberg, conseillers, et prononcé en audience publique du deux octobre deux mille dix-huit par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Marc Timperman, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.

Traduction établie sous le contrôle du président de section Benoît Dejemeppe et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.0854.N
Date de la décision : 02/10/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-10-02;p.17.0854.n ?

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