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27/09/2018 | BELGIQUE | N°C.17.0669.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 27 septembre 2018, C.17.0669.F


N° C.17.0669.F
1. J.-M. V. D. P. et
2. I. D. Q.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,

contre

CUBE INTERIORS, société privée à responsabilité limitée, dont le siège social est établi à Uccle, chaussée d'Alsemberg, 1027 B/1,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Lo

uise, 106, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassat...

N° C.17.0669.F
1. J.-M. V. D. P. et
2. I. D. Q.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,

contre

CUBE INTERIORS, société privée à responsabilité limitée, dont le siège social est établi à Uccle, chaussée d'Alsemberg, 1027 B/1,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 106, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 28 avril 2017 par
la cour d'appel de Bruxelles sous le numéro 2016/AR/1922 du rôle général.
Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent un moyen.

III. La décision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la première branche :

L'article 6 du Code civil dispose que l'on ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs.
La licéité d'une convention doit être appréciée au moment de sa conclusion.

Aux termes de l'article 5, § 1er, de la loi-programme du 10 février 1998 pour la promotion de l'entreprise indépendante, toute P.M.E., personne physique ou personne morale, qui exerce une activité professionnelle pour laquelle la compétence professionnelle est fixée, doit prouver qu'elle dispose de cette compétence professionnelle.
En vertu de l'article 1er de l'arrêté royal du 29 janvier 2007 relatif à la capacité professionnelle pour l'exercice des activités indépendantes dans les métiers de la construction et de l'électrotechnique, ainsi que de l'entreprise générale, cet arrêté est applicable aux activités professionnelles, exercées en tant qu'indépendant à titre principal ou à titre complémentaire pour compte de tiers, entre autres de la menuiserie et de la vitrerie, de la finition, notamment des travaux de peinture, de tapisserie et de placement au sol des couvertures souples, et de l'entreprise générale.
Suivant l'article 3 de cet arrêté, toute personne désireuse d'exercer une des activités professionnelles visées à l'article 1er doit prouver disposer de la compétence professionnelle fixée par ledit arrêté.
L'article 31 du même arrêté dispose qu'exerce les activités de l'entreprise générale, celui qui construit, rénove, fait construire ou rénover un bâtiment, en exécution d'un contrat d'entreprise de travaux jusqu'à l'achèvement, et fait appel pour cela à plusieurs sous-traitants, et l'article 32 détermine les compétences professionnelles exigées pour l'exercice de telles activités.
La conclusion d'un contrat ayant pour objet les activités visées à l'arrêté royal du 29 janvier 2007 relève de l'exercice de ces activités.
Il s'ensuit qu'est nul le contrat relatif à l'exécution de travaux relevant des activités professionnelles précitées conclu par un entrepreneur qui ne prouve pas que, à la date de la conclusion du contrat, il disposait des compétences professionnelles requises pour leur exercice.

L'arrêt constate que le devis du 24 juillet 2014 concernant les travaux litigieux a été « accepté par les [demandeurs] le 25 juillet 2014 », que les travaux « comprenaient : la démolition et le démontage des anciens châssis, de la cuisine existante et des sanitaires, des carrelages dans la cuisine et les salles de bain, le percement d'un mur », « de la maçonnerie », « la fourniture et la pose de nouveaux revêtements de sols (planchers ou carrelages) dans toutes les pièces », « l'enduisage et la mise en couleur des murs et plafonds », « du plafonnage », « de la menuiserie intérieure », « la menuiserie extérieure », « la fourniture et la pose d'une cuisine équipée, de deux W.C. et de deux salles de bain neufs », « des travaux d'électricité » et « la fourniture et la pose de mobiliers » et que le devis « mentionne expressément que les travaux seront réalisés par un sous-traitant ».
Il constate également que la défenderesse, qui « a été constituée en 2008 », « dispose de l'accès à la profession d'entrepreneur général et de l'accès à la profession pour les activités de finition depuis le 6 octobre 2014, soit après la conclusion du contrat d'entreprise litigieux », et que les travaux ont débuté en février 2015.
Il considère qu'« à propos de la compétence d'entrepreneur général, il faut rappeler que le devis du 24 juillet 2014 accepté par les [demandeurs] mentionne que le chantier sera réalisé par un sous-traitant de [la défenderesse] ».
L'arrêt, qui considère que « le contrat d'entreprise, dans la mesure où il a pour objet des travaux à réaliser en sous-traitance et des travaux de finition, n'a pas été conclu en violation de l'ordre public » aux motifs que « c'est au moment de l'édification de l'ouvrage qu'il importe que l'entrepreneur soit titulaire de l'accès à la profession légalement requis » et que la défenderesse a obtenu « la reconnaissance de ses compétences professionnelles dans le domaine de l'entreprise générale et des travaux de finition » « bien avant l'exécution des travaux », viole les dispositions légales visées au moyen, en cette branche.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Et il n'y a pas lieu d'examiner la seconde branche du moyen, qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué, sauf en tant qu'il reçoit l'appel ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Liège.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Mireille Delange, Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du vingt-sept septembre deux mille dix-huit par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont A. Jacquemin M.-Cl. Ernotte
M. Lemal M. Delange Chr. Storck

1er feuillet

00170447
REQUÊTE EN CASSATION
POUR : 1) Monsieur J.M. V. D. P. et
2) Madame I. D. Q.,

demandeurs en cassation,
assistés et représentés par Me Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation soussigné, dont le cabinet est établi à 1050 Bruxelles, avenue Louise, 149 (Bte 20), où il est fait élection de domicile.

CONTRE : La SPRL CUBE INTERIORS, dont le siège social est établi à 1180 Bruxelles, Chaussée d'Alsemberg, 1027 B/1 et inscrite à la BCE sous le numéro 807.042.176,
défenderesse en cassation.
* *
*
À Messieurs les Premier Président et Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers composant la Cour de cassation de Belgique,
Messieurs,
Mesdames,
Les demandeurs en cassation ont l'honneur de déférer à votre censure l'arrêt rendu contradictoirement entre parties le 28 avril 2017 par la cour d'appel de Bruxelles (2e chambre affaires civiles - R.G. : 2016/AR/1922). 2ème feuillet

1. Les faits de la cause et les antécédents de la procédure sont résumés aux pages 2 à 5 de l'arrêt attaqué.

Il suffira de rappeler les éléments suivants.
2. Le litige concerne des travaux de rénovation complète d'un bien sis à K., confiés à la défenderesse par les demandeurs en cassation.

Il s'inscrit dans le cadre de projets de rénovation plus larges. En effet, la défenderesse effectua également des travaux dans un autre bien appartenant aux demandeurs, sis à E. Ces travaux, entachés de malfaçons, donnèrent lieu à un autre litige, tranché par la cour d'appel de Bruxelles par un second arrêt du 28 avril 2017 (R.G. : 2016/AR/1921), également attaqué par un pouvoir séparé.
3. Un devis relatif à la réalisation des travaux contestés dans la présente procédure fut accepté le 25 juillet 2014.

Les travaux, s'élevant au prix de 135.271,35 EUR, comprenaient différents postes, notamment parmi beaucoup d'autres la pose d'un plancher.
Le devis mentionnait expressément que les travaux seraient réalisés par un sous-traitant.
4. À la suite des problèmes de décollement du plancher apparus en mars 2015 dans le bien E. (R.G. : 2016/AR/1921), les demandeurs demandèrent à la défenderesse de supprimer ce poste pour le chantier de K., afin de pouvoir confier ces travaux à un spécialiste dans le domaine du parquet.

Les parties ne purent trouver d'accord sur l'origine des problèmes survenus dans le bien sis à E. et sur les remèdes appropriés de telle sorte que leur relation se détériora.
5. Le 11 août 2015, la défenderesse émit une facture pour le chantier de K., que les demandeurs contestèrent.

Les parties ne purent mettre un terme amiable à leur différend et les travaux ne reprirent pas. 3ème feuillet

6. La procédure que les demandeurs entamèrent mena en première instance à un jugement du 31 mai 2016 par lequel le juge de fond prononça la nullité du contrat d'entreprise. Ce jugement désigna un expert en vue d'évaluer les travaux réalisés en tenant compte des éventuels manquements aux règles de l'art ainsi que des inachèvements et de proposer un décompte entre les parties.

La défenderesse fit appel de cette décision, contestant la nullité du contrat d'entreprise.
7. Aux termes de l'arrêt attaqué, la cour d'appel réforma le jugement a quo en tant qu'il avait prononcé la nullité du contrat d'entreprise mais ledit résolu aux torts de la défenderesse et avant-dire-droit quant aux fond, en ce qui concerne les malfaçons dénoncées par les demandeurs, désigna l'expert déjà désigné par le premier juge.

Au soutien du pourvoi qu'ils forment contre l'arrêt attaqué, les demandeurs en cassation ont l'honneur d'invoquer le moyen suivant.
MOYEN UNIQUE DE CASSATION
Dispositions légales violées
- Articles 6, 1108, 1131, 1134, 1338 et 1339 du Code civil ;
- Articles 5, spécialement §1er et 9 de la Loi-programme du 10 février 1998 pour la promotion de l'entreprise indépendante ;
- Articles 1, 3, 20, 31 et 32 de l'arrêté royal du 29 janvier 2007 relatif à la capacité professionnelle pour l'exercice des activités indépendantes dans les métiers de la construction et de l'électrotechnique, ainsi que de l'entreprise générale ;
- Principe général du droit relatif au respect des droits de la défense.

Décisions et motifs critiqués
1. Déclarant l'appel recevable et partiellement fondé, l'arrêt attaqué réforme le jugement qui était entrepris en ce qu'il prononce la nullité du contrat d'entreprise pour défaut d'accès à la profession de l'entrepreneur (voy. dispositif de l'arrêt, p. 11 et p. 10 des motifs).

2. Après avoir rappelé que les demandeurs avaient confié le 25 juillet 2014 à la défenderesse différents travaux de rénovation relevant essentiellement
4ème feuillet

de la menuiserie et de la finition et que ceux-ci devaient être réalisés par un sous-traitant (p. 3), l'arrêt fonde cette décision sur les motifs repris sous le point « Discussion » (pp. 5-10), intitulé « Demande en nullité du contrat pour défaut d'accès à la profession de l'entrepreneur » (pp. 5-10), tenus ici pour intégralement reproduits. En particulier, dans sa partie relative à l'« Application » (pp. 8-10) des « Principes » (pp. 5-7) selon lui applicables, l'arrêt énonce notamment que :

« 10.
L'appelante a été constituée en 2008.
Elle dispose de l'accès à la profession d'entrepreneur général et de l'accès à la profession pour les activités de finition depuis le 6 octobre 2014, soit après la conclusion du contrat d'entreprise litigieux (le 25 juillet 2014) mais avant la réalisation des travaux, qui n'ont débuté qu'en février 2015.
A propos de la compétence d'entrepreneur général, il faut rappeler que le devis du 25 juillet 2014 accepté par les intimés mentionne que le chantier sera réalisé par un sous-traitant de [la défenderesse].
La validité d'un contrat s'apprécie en principe au moment de sa conclusion. Il convient de vérifier si la conclusion de la convention a violé l'ordre public.
La loi sanctionne l'exercice d'une profession par un entrepreneur qui ne dispose pas de l'accès à la profession légalement requis. La sanction de la nullité absolue est généralement justifiée par le souci de ne pas laisser des personnes incompétentes édifier des constructions qui risquent ultérieurement de mettre en danger la vie ou la santé des habitants ou des personnes s'approchant de ces ouvrages [...]. Compte tenu de cette préoccupation, c'est au moment de l'édification de l'ouvrage qu'il importe que l'entrepreneur soit titulaire de l'accès à la profession légalement requis.
En l'espèce, au moment de la conclusion du contrat d'entreprise, le 25 juillet 2014, l'exécution des travaux ne pouvait pas avoir lieu puisqu'elle supposait l'achèvement des travaux à E., et l'emménagement des maîtres de l'ouvrage dans cette commune, ce qui ne fut acquis qu'en janvier 2015. Concomitamment à la conclusion du contrat d'entreprise, la [défenderesse] a, dès le 14 juillet 2014, entrepris des démarches auprès du guichet d'entreprises Partena en vue d'obtenir la reconnaissance de ses compétences professionnelles dans le domaine de l'entreprise générale et des travaux de finition [...], 5ème feuillet

reconnaissance qu'elle a obtenue le 14 octobre 2014, bien avant l'exécution des travaux.
Compte tenu de ces éléments, le contrat d'entreprise, dans la mesure où il a pour objet des travaux à réaliser en sous-traitance et des travaux de finition, n'a pas été conclu en violation de l'ordre public.
Surabondamment, il pourrait être soutenu qu'une demande en nullité formulée dans un tel contexte (alors que l'entrepreneur disposait de l'accès à la profession au moment de l'exécution des travaux) relève de l'abus de de [sic] droit [...].
11.
Comme le soulignent les [demandeurs], l'accès à la profession d'entrepreneur général permet à la [défenderesse] de faire exécuter les travaux en recourant à des sous-traitants mais non de les exécuter elle-même si elle ne dispose pas des accès spécifiques requis.
[La défenderesse] établit avoir fait appel aux sous-traitant suivants :
- la SA H. pour les travaux suivants : démolition et placement d'une poutre suivant permis, modification de la plomberie et des canalisations, placement des sanitaires, modification du réseau électrique, placement des faïences et carrelages, divers postes de petites finitions [...] ; [les demandeurs] ne peuvent valablement contester l'intervention de la SA H. puisqu'ils y faisaient eux-mêmes référence dans un e-mail adressé à l'architecte K. et à [la défenderesse] le 26 mars 2015 [...] ;
- la SA Lunalux pour la fourniture et la pose des châssis [...] ;
- la SA Portes Sesame, pour la fourniture et pose de la porte de garage sectionnelle motorisée [...].

La majorité des postes du chantier sont couverts par l'intervention de ces sous-traitants.
La SA H. dispose de l'accès à la profession requis pour les travaux de gros oeuvre, pour les activités de placement/réparation en menuiserie et vitrerie, de plafonnage cimentage et pose de chape, de menuiserie générale, les activités de finition, les activités électrotechniques depuis le 13 octobre 2009 [...].
Les autres sous-traitants qui sont intervenus sur le chantier sont régulièrement inscrits à la BCE pour les activités qu'ils ont exécutées sur le chantier en sorte 6ème feuillet

qu'ils bénéficient de la présomption prévue par l'article 9 de la loi du 10 février 2008 [lire : 1998].
En application du principe de l'autonomie des conventions, le défaut d'accès à la profession du sous-traitant SA H. pour toutes les prestations visées dans le contrat d'entreprise générale serait éventuellement constitutif d'une faute civile dans le chef de la [défenderesse] mais n'affecterait pas la validité du contrat d'entreprise générale [...].
En effet, comme indiqué ci-dessus, celle-ci s'apprécie au moment de la conclusion dudit contrat et le recours illicite à un sous-traitant ne disposant pas de l'accès à la profession requis est postérieur à celle-ci.
Au surplus, [la défenderesse] dépose une facture adressée par un sieur D D à la SA H le 29 décembre 2015 pour les travaux qu'il aurait réalisés en sous-traitante sur le chantier sis à K. rue [...] (Electricité, placement de faiënces [sic] et carrelages, divers poses et finitions), activités pour lesquelles cet entrepreneur dispose d'un accès à la profession depuis le 1er janvier 2013, [...]. A moins de considérer que cette facture soit un faux établi pour les besoins de la cause, elle prouve que les travaux ont été effectués par un sous-traitant de la SA H disposant de l'accès à la profession requis.
Pour tous ces motifs, il n'y a pas lieu de prononcer la nullité du contrat d'entreprise » (pp. 9-10 de l'arrêt attaqué).
Griefs
Première branche
1. D'une part, la validité d'une convention s'apprécie, en règle, à la date de sa formation (articles 1108 et 1134 du Code civil).

D'autre part, les conventions contraires à l'ordre public sont frappées de nullité absolue (articles 6 et 1131 du Code civil).
Il s'ensuit que la convention conclue dans des conditions qui heurtent une disposition d'ordre public est nulle et de nul effet sans que la disparition ultérieure de la cause de nullité puisse, à elle seule, la purger du vice qui l'affectait à sa formation. Tout au plus pareille convention pourrait-elle être refaite (articles 6, 1108, 1131, 1134, 1138 et 1139 du Code civil). 7ème feuillet

2. Aux termes de l'article 5, spécialement §1er de la loi-programme du 10 février 1998 pour la promotion de l'entreprise indépendante « [t]oute P.M.E., personne physique ou personne morale, qui exerce une activité professionnelle pour laquelle la compétence professionnelle est fixée, doit prouver qu'elle dispose de cette compétence professionnelle ».

L'article 9 de la même loi dispose, quant à lui, que « [l]'inscription dans la Banque-Carrefour des Entreprises en tant qu'entreprise commerciale ou artisanale constitue la preuve qu'il a été satisfait aux exigences en matière de capacité entrepreneuriales [en ce compris les compétences professionnelles], sauf preuve du contraire ».
L'article 3 de l'arrêté royal du 29 janvier 1997 relatif à la capacité professionnelle pour l'exercice des activités indépendantes dans les métiers de la construction et de l'électrotechnique, ainsi que de l'entreprise générale dispose que « [t]oute personne désireuse d'exercer une des activités professionnelles, visées à l'article 1er, doit prouver disposer de la compétence professionnelle fixée par le présent arrêté ».
Il résulte de l'article 1er de cet arrêté qu'il est applicable aux « activités de l'entreprise générale » (article 1er, 3°), aux « activités de la menuiserie et de la vitrerie » (art. 1er, 1°, c) et aux « activités de la finition » (art. 1er, 1°, f).
Aux termes de l'article 31 du même arrêté « exerce les activités de l'entreprise générale », celui qui, comme en l'espèce la défenderesse, « construit, rénove, fait construire, ou rénover un bâtiment, en exécution d'un contrat d'entreprise de travaux jusqu'à l'achèvement et fait appel pour cela à plusieurs sous-traitants ».
L'article 32 du même arrêté royal détermine les compétences professionnelles exigées par les « activités de l'entreprise générale » telles que définies par l'article 31, tandis que l'article 23 définit les compétences professionnelles nécessaires à l'exercice des « activités de la finition » au sens de l'article 22.
Il résulte tant des dispositions précitées de la loi programme du 10 février 1998 que de celles de l'arrêté royal du 29 janvier 1997 que la conclusion d'un contrat ayant pour objet les activités visées relève de l'exercice de celles-ci.
3. Il découle ainsi des principes énoncés ci-dessus sub. 1 et 2 que pour valablement conclure un contrat d'entreprise générale ou de finition au sens de l'arrêté royal du 29 janvier 2007, l'entrepreneur doit être inscrit pour ces activités
8ème feuillet

à la Banque Carrefour des Entreprises à la date à laquelle le contrat est conclu et qu'à défaut, la circonstance que pareille inscription interviendrait ultérieurement, fût-ce avant le début des travaux n'est pas de nature à régulariser cette convention qui est frappée de nullité absolue.

4. En considérant dès lors que le contrat d'entreprise litigieux « n'a pas été conclu en violation de l'ordre public » et n'était dès lors pas frappé de nullité absolue au motif que cette sanction est « justifiée par le souci de ne pas laisser des personnes incompétentes édifier des constructions qui risquent ultérieurement de mettre en danger la vie ou la santé des habitants ou des personnes s'approchant de ces ouvrages » et qu'il suffisait donc que la défenderesse ait disposé des accès à la profession qui étaient légalement requis avant le début des travaux, l'arrêt attaqué ne justifie pas légalement sa décision (violation de toutes les dispositions légales visées au moyen à l'exception du principe général du droit relatif aux droits de la défense).

Seconde branche
5. Si le juge est tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et s'il est tenu d'examiner la nature des faits et actes allégués par les parties et peut, quelle que soit la qualification donnée par les parties, compléter d'office les motifs qu'elles ont invoqués à la condition qu'il ne soulève pas de contestation dont les parties ont exclu l'existence dans leurs conclusions, qu'il se fonde exclusivement sur les éléments qui lui ont été régulièrement soumis et qu'il ne modifie pas l'objet de la demande, c'est à la condition qu'il ne viole pas les droits de la défense.

Le juge doit ainsi ordonner la réouverture des débats aux fins de permettre aux parties de s'expliquer sur le motif complété d'office, à tout le moins, chaque fois qu'elles ne pouvaient pas raisonnablement s'attendre en fonction du déroulement des débats que le juge fonde sa décision sur celui-ci.
6. S'il doit s'interpréter comme ayant entendu décider que la demande de nullité de la convention litigieuse devait être rejetée en raison de son caractère abusif, quod non, l'arrêt attaqué viole le droit de défense des demandeurs en cassation en fondant sa décision sur un abus de droit qui n'avait pas été invoqué devant lui, alors que les demandeurs ne pouvaient raisonnablement s'attendre à ce que la cour d'appel comprenne ce motif dans sa décision (violation du principe général du droit visé au moyen).
9ème feuillet

*
* *
*
PAR CES CONSIDÉRATIONS,
l'avocat à la Cour de cassation soussigné, pour les demandeurs en cassation, conclut, Messieurs, Mesdames, qu'il vous plaise, casser l'arrêt attaqué, ordonner que mention de votre arrêt soit faite en marge de l'arrêt cassé, renvoyer la cause devant une autre cour d'appel et statuer sur les dépens comme de droit.
Bruxelles, le 22 novembre 2017
Pour les demandeurs en cassation,
leur conseil,
Paul Alain Foriers
Pièce jointe :
Il sera joint à la présente requête, lors de son dépôt au greffe de la Cour, l'original de l'exploit constatant sa signification à la défenderesse en cassation.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.17.0669.F
Date de la décision : 27/09/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-09-27;c.17.0669.f ?

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