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26/09/2018 | BELGIQUE | N°P.18.0269.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 26 septembre 2018, P.18.0269.F


N° P.18.0269.F
1. M. T., A.,
2. M.G., A.,
3. M. A., N.,
4. SAG STAR, anciennement Malik Entreprises, société privée à responsabilité limitée, représentée par Maître Laila Jalajel, avocat au barreau d'Eupen, agissant en qualité de mandataire ad hoc, dont le cabinet est établi à Eupen, Simarstrasse, 87,
prévenus,
demandeurs en cassation,
ayant pour conseil Maître Patrick Thevissen, avocat au barreau d'Eupen.






I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Rédigés en allemand, les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu

dans cette langue le 15 février 2018 par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle.
Par ordonnance du...

N° P.18.0269.F
1. M. T., A.,
2. M.G., A.,
3. M. A., N.,
4. SAG STAR, anciennement Malik Entreprises, société privée à responsabilité limitée, représentée par Maître Laila Jalajel, avocat au barreau d'Eupen, agissant en qualité de mandataire ad hoc, dont le cabinet est établi à Eupen, Simarstrasse, 87,
prévenus,
demandeurs en cassation,
ayant pour conseil Maître Patrick Thevissen, avocat au barreau d'Eupen.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Rédigés en allemand, les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu dans cette langue le 15 février 2018 par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle.
Par ordonnance du 12 mars 2018, le premier président de la Cour a décidé que la procédure sera faite en français à partir de l'audience.
Les demandeurs invoquent deux moyens dans un mémoire commun annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

Quant à la première branche :

Pris de la violation de l'article 433quinquies, § 1er, 3°, du Code pénal, le moyen reproche à l'arrêt de dire établie la prévention de traite des êtres humains par exploitation économique dans des conditions contraires à la dignité humaine, en retenant les conditions d'accueil et d'hébergement des travailleurs, soit des éléments de fait étrangers aux circonstances de travail.

Cet article prévoit que constitue l'infraction de traite des êtres humains le fait de recruter, de transporter, de transférer, d'héberger, d'accueillir une personne, de prendre ou de transférer le contrôle exercé sur elle, à des fins de travail ou de services, dans des circonstances contraires à la dignité humaine.

Pour apprécier l'existence de cette prévention, le juge peut avoir égard aux circonstances accompagnant les prestations de travail, dans la mesure où elles leur sont indissociables.

Dans la mesure où il soutient le contraire, le moyen manque en droit.

Par adoption des motifs du premier juge et par motifs propres, l'arrêt énonce que les trois premiers demandeurs ont mis au travail, comme ouvriers forestiers, des jeunes Pakistanais en séjour illégal dont ils ont également organisé le logement, la restauration et le transport. Il précise que ces travailleurs sont restés sous la surveillance constante de ces demandeurs. L'arrêt ajoute que ces derniers ont accueilli et hébergé les jeunes étrangers dans le but de les faire travailler et qu'ils les ont logés dans un immeuble non achevé, partiellement dépourvu de toit et en tous points pauvrement équipé, les obligeant de s'y reposer ensemble dans un espace restreint, où ils venaient les chercher le matin et les reconduire le soir.

Par ces considérations, dont il ressort que les conditions d'accueil et d'hébergement jugées contraires à la dignité humaine étaient directement liées aux conditions de travail des étrangers en situation illégale en Belgique, l'arrêt justifie légalement sa décision.

A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Quant à la seconde branche :

Pris de la méconnaissance de la notion légale de présomption de l'homme, le moyen soutient que les juges d'appel ne pouvaient déduire de la circonstance que des personnes ont quitté leur logement vers 5 heures 30 du matin pour y revenir vers 17 heures, que les conditions de travail auxquelles elles étaient soumises sont contraires à la dignité humaine, et ceci d'autant que cet horaire comprenait les temps de déplacement. Ainsi, la cour d'appel n'aurait pas davantage régulièrement motivé sa décision au regard de l'article 149 de la Constitution.

Les juges d'appel ayant légalement justifié leur décision par les motifs vainement critiqués dans la première branche, le moyen est dirigé contre une considération surabondante de l'arrêt.

Le moyen est irrecevable à défaut d'intérêt.

Sur le second moyen :

Le moyen invoque la violation des articles 149 de la Constitution et 77bis de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers.

Selon le moyen, les juges d'appel ne pouvaient conclure à l'existence d'un avantage patrimonial au motif que l'occupation des étrangers était illégale, en l'absence de toute donnée d'ordre financier.

L'article 77bis précité dispose que constitue l'infraction de trafic des êtres humains, le fait de contribuer, de quelque manière que ce soit, soit directement, soit par un intermédiaire, à permettre le transit ou le séjour d'une personne non ressortissante d'un Etat membre de l'Union européenne sur ou par le territoire d'un tel Etat ou d'un Etat partie à une convention internationale relative au franchissement des frontières extérieures et liant la Belgique, en violation de la législation de cet Etat, en vue d'obtenir, directement ou indirectement, un avantage.

Le juge apprécie souverainement si le prévenu a tiré un avantage patrimonial du transit ou du séjour de l'étranger en situation illégale sur le territoire belge. Il incombe toutefois à la Cour de vérifier si, des faits qu'il a constatés, le juge a pu légalement déduire l'existence d'un tel avantage.

L'arrêt ne considère pas sur le fondement du seul motif que les victimes ont été occupées illégalement, que les demandeurs ont contribué au séjour des victimes en vue d'obtenir, directement ou indirectement, un avantage patrimonial.

Il relève en outre que les demandeurs ont abusé de la situation précaire de ces personnes pour leur procurer un travail d'ouvrier forestier à bas prix dont ils ont tiré profit, ce qui ressort des déclarations de deux négociants en bois et d'une comptable de la société.

De ces considérations, l'arrêt a pu légalement déduire l'existence d'un avantage patrimonial dans le chef des demandeurs.

Le moyen ne peut être accueilli.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et les décisions sont conformes à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette les pourvois ;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxés à la somme de cent cinquante euros vingt et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-six septembre deux mille dix-huit par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.

F. Gobert F. Lugentz T. Konsek
E. de Formanoir F. Roggen B. Dejemeppe


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.18.0269.F
Date de la décision : 26/09/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-09-26;p.18.0269.f ?

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