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21/09/2018 | BELGIQUE | N°F.17.0141.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 21 septembre 2018, F.17.0141.N


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° F.17.0141.N
RÉGION FLAMANDE, représentée par le Gouvernement flamand,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,
contre
GERMONPRE, sprl,

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 12 mai 2015 par la cour d'appel de Gand.
Le 24 mai 2018, l'avocat général délégué Johan Van der Fraenen a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Koenraad Moens a fait rapport.
L'avocat général délégué Johan Van der Fraenen a co

nclu.


II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certif...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° F.17.0141.N
RÉGION FLAMANDE, représentée par le Gouvernement flamand,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,
contre
GERMONPRE, sprl,

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 12 mai 2015 par la cour d'appel de Gand.
Le 24 mai 2018, l'avocat général délégué Johan Van der Fraenen a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Koenraad Moens a fait rapport.
L'avocat général délégué Johan Van der Fraenen a conclu.

II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.

III. La décision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la première branche :

1. L'article 13 de la loi du 27 décembre 1994 portant assentiment de l'Accord relatif à la perception d'un droit d'usage pour l'utilisation de certaines routes par des véhicules utilitaires lourds, signé à Bruxelles le 9 février 1994, entre les Gouvernements de la République fédérale d'Allemagne, du Royaume de Belgique, du Royaume du Danemark, du Grand-Duché de Luxembourg et du Royaume des Pays-Bas et instaurant une Eurovignette, conformément à la directive 93/89/CEE du Conseil des Communautés européennes du 25 octobre 1993, telle qu'applicable avant son abrogation par la loi du 26 décembre 2013 (ci-après : « loi relative à l'eurovignette »), prévoit qu'en cas d'infraction à ladite loi, le redevable est tenu d'acquitter le montant éludé de l'eurovignette, majoré d'une amende administrative.
Selon cette même disposition, le Gouvernement flamand détermine l'échelle de l'amende administrative, qui ne peut être supérieure au triple du montant de la taxe éludée, ni inférieure à 250 euros.
L'article 3 de l'arrêté du Gouvernement flamand du 18 mars 2011 fixant les échelles de l'amende administrative relative à l'eurovignette (ci-après : « arrêté du Gouvernement flamand relatif à l'eurovignette ») précise que, conformément à l'article 13 de la loi relative à l'eurovignette, l'échelle de l'amende administrative applicable aux infractions à la loi relative à l'eurovignette est reprise dans l'annexe jointe audit arrêté.
La rubrique A de l'annexe audit arrêté fixe le niveau de l'amende, lorsque l'eurovignette est échue depuis plus d'un mois, à une fois le montant non payé, avec un minimum de 250 euros et un maximum de 1.550 euros.
Cette disposition doit être comprise en ce sens que le montant de l'amende est toujours égal à une fois le montant impayé étant entendu que, lorsque le montant impayé est inférieur à 250 euros ou supérieur à 1.550 euros, l'amende s'élève, respectivement, à 250 euros et 1.550 euros.
2. Aux termes de l'article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.
La circonstance qu'une sanction fiscale ne peut être qualifiée de sanction pénale en droit interne n'exclut pas que cette mesure puisse être de nature pénale au sens de l'article 6, § 1er, de cette Convention. Tel est le cas lorsque la disposition violée s'adresse à tous les citoyens en leur qualité de contribuables et que la mesure ne vise pas à indemniser un dommage pécuniaire mais poursuit essentiellement un but préventif et répressif. La circonstance que la sanction fiscale soit légère n'a pas pour effet de soustraire celle-ci à l'application de l'article 6, § 1er, de la Convention précitée.
3. L'amende infligée lorsqu'une eurovignette est échue depuis plus d'un mois sanctionne une norme qui s'adresse à quiconque utilise certaines routes avec des véhicules utilitaires lourds et pas seulement à une catégorie déterminée de personnes ayant un statut particulier. Il ressort de la nature de l'amende et du mode de détermination de son importance qu'elle n'a pas une fonction indemnitaire, mais tend essentiellement à punir et à prévenir la répétition d'infractions.
Par conséquent, l'amende est de nature pénale au sens de l'article 6, § 1er, de la Convention. La circonstance qu'il ne s'agit pas d'une sanction sévère est sans incidence à cet égard.

Le moyen, qui, en cette branche, repose sur un autre soutènement, manque en droit.

Quant aux deuxième et quatrième branches :

4. Le juge appelé à contrôler une sanction administrative à caractère répressif au sens de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est tenu d'examiner la légalité de cette sanction et peut, plus spécialement, vérifier si elle est conciliable avec les exigences impératives des conventions internationales et du droit interne, y compris les principes généraux du droit.
Ce droit de contrôle permet plus particulièrement au juge d'examiner si la sanction n'est pas disproportionnée à l'infraction, de sorte que le juge peut examiner si l'administration pouvait raisonnablement infliger une sanction administrative de cette importance.
Lors de cette appréciation, le juge peut avoir plus spécialement égard à la gravité de l'infraction, au taux des sanctions déjà infligées, à la manière dont il a été statué dans des causes similaires et aux effets de la sanction sur la personne concernée, mais doit tenir compte de la mesure dans laquelle l'administration était liée par rapport à la sanction à infliger.
Ce droit de contrôle n'implique pas que, sur la base d'une appréciation subjective de ce qu'il juge raisonnable, le juge puisse supprimer ou réduire des amendes pour de simples motifs d'opportunité et à l'encontre des règles légales.
5. La cour d'appel a constaté et considéré que :
- il convient d'admettre en l'espèce que, comme elle le prétend, la défenderesse n'avait commis précédemment aucune infraction aux dispositions légales relatives à l'eurovignette ;
- il ressort de la preuve de paiement que la défenderesse est allée s'acquitter de l'eurovignette au guichet de l'administration fiscale flamande à Alost le 23 septembre 2011, soit à la date même de la constatation de l'infraction et avant qu'il fût question d'une quelconque amende, ce qui démontre qu'elle s'efforce de respecter ses obligations relatives à l'eurovignette et qu'en l'espèce, il est sans doute question d'un oubli de sa part.
6. Par ces motifs, qui permettent à la Cour d'exercer son contrôle de légalité, la cour d'appel a, en application du principe de proportionnalité, légalement justifié sa décision qu'une amende administrative de 100 % du montant dû est, dans les circonstances de l'espèce, disproportionnée au regard de l'infraction commise et qu'une amende de 250 euros doit être considérée comme suffisante pour inciter la défenderesse à veiller encore plus attentivement au respect des obligations qui sont les siennes en vertu de la législation relative à l'eurovignette et, notamment, à mieux contrôler si le paiement de l'eurovignette est intervenu dans les délais.
Le moyen, en ces branches, ne peut être accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, le président de section Beatrijs Deconinck, les conseillers Geert Jocqué, Filip Van Volsem et Koenraad Moens, et prononcé en audience publique du vingt et un septembre deux mille dix-huit par le président de section Eric Dirix, en présence de l'avocat général délégué Johan Van der Fraenen, avec l'assistance du greffier Vanessa Van de Sijpe.

Traduction établie sous le contrôle du conseiller Ariane Jacquemin et transcrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.17.0141.N
Date de la décision : 21/09/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2018-09-21;f.17.0141.n ?

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